Y avait-il plus sot, dangereux et insouciant que de chercher à se jouer de l’Avatar ?
Jamais la pensée n’avait effleuré Angelo. Son être tout entier – physique et spirituel – appartenait à sa précieuse Déité. Et pourtant, certains rats se permettaient la fantaisie d’abandonner le Seul et Unique. Ces dissidents ne méritaient alors qu’une seule chose : la mort.
Avec le décès prématuré et soudain de la prêtresse de leur culte, les Yigas perdaient énormément en fidèles. Nombres d’entre eux avaient eu l’hérétique idée que leur Dieu les avait abandonnés, et ils avaient pris la fuite. Tout aussi nombreux furent-ils à chuter sous ses lames ou celles de ses congénères, cela dit, mais morts, ils étaient inutiles. Angelo ne pouvait même pas dire ressentir la satisfaction de leur avoir tranché la gorge ; pour lui, ce n’était que du gaspillage.

En plein cœur de ce chaos naissant, Angelo intercepta une missive. Celle-ci était anonyme, mais l’écriture délicate ne trahissait en aucun cas la main habituée d’une élégante femme. Intrigué, la Main du Roi prit le temps de lire la lettre qui dévoilait quelque chose de… déplaisant. Aerys Thorvald, supposé appartenir à leur clan, se détournait petit à petit de Sa voie. Il représentait pourtant un poids important pour avoir un œil sur la Citadelle d’Hyrule.
Voilà qui était fâcheux.
C’est lors de l’un de ses rares sessions d’hydratation physique que Angelo prit sa décision ; il irait lui-même rendre visite à ce misérable cancrelat. Chassant l’eau qui le laissait dégoûté, le zora enfila une tenue entièrement noire, propice à se faufiler dans l’ombre, et prit la route vers la Citadelle, non pas sans prévenir son bien-aimé Roi de ses intentions.

Le chemin fut long, mais le jeu en vaudrait la chandelle.

Encapuchonné, Angelo ne pouvait être reconnu. Les quelques personnes qui croisèrent son visage l’observaient avec intérêt. Ses traits rappelaient les sheikahs. D’où venait-il ? Qui était-il ? Personne ici ne pouvait donner nom ou identité sur son faciès. Il fallait dire que le masque noir qu’il portait, camouflant jusqu’à sous ses yeux, ne laissait deviner que peu de choses.
Ses yeux vipérins guettaient les fenêtres, jusqu’à finalement voir une silhouette familière. Une femme, enceinte, qui l’observait au-delà de fins rideaux.
Meira Thorvald.
Elle lui adressa un regard entendu, esquissant un semblant de sourire, avant de s’éloigner. L’instant d’après, Angelo remarqua que la lumière s’éteignait. L’heure du couché avait sonné. La fenêtre avait été laissé légèrement entrouverte…
Patient, Angelo s’effaça dans les ombres jusqu’au moment propice.

Sans alerter qui ou quoi que ce soit – même le chat qui dormait en bordure de ruelle ne l’entendit pas – il se hissa jusqu’à la fenêtre de la chambre et s’immisça dans la pièce. Il repéra deux silhouettes allongées sous la couverture. La femme se redressa, cherchant dans le noir à le deviner. Elle hocha de la tête.
L’instant d’après, un puissant cri d’horreur traversa la nuit, réveillant à coup sûr Aerys qui pourrait observer une scène digne de ses pires cauchemars ; tout près, un homme aux yeux vipérins tenait sa femme enceinte en joug avec des griffes tranchantes, prêtes à s’enfoncer dans son joli cou s’il faisait le moindre faux geste.

« Bonsoir, Aerys. » Fit Angelo, sa voix légèrement étouffée par son masque. « Nous avons à nous entretenir, toi et moi. » Il pressa ses griffes contre la mâchoire de Meira, insistant sur l’impossibilité qu’Aerys avait de refuser.

Cette journée avait été riche en nouvelle et pas des moindres. Aerys venait d'apprendre de la bouche de son frère qu'il allait lui aussi goûter à la joie de la paternité. S’il s'était senti satisfait d'apprendre l'état de la reine, il n'avait pas pu empêcher la contrariété de saisir légèrement son coeur. Etant donné les informations dont il avait eu connaissance, c'était peu de temps après que le cadet avait annoncé la grossesse de Meira, que le couple royal avait fauté. Comme par hasard. C'était à se demander encore une fois si son aîné ne le faisait pas exprès. Durant un instant, Aerys avait imaginé profité de cet enfant pour "faire la paix" avec leur paternel, ne se voyant pas priver sa descendance de son grand-père et aussi se venger en quelque sorte en montrant fièrement que malgré son corps faible il allait avoir un héritier. Un plan qui s'était vu tomber en ruine dès l'instant où le super Jacerys avait annoncé que lui aussi allait avoir un enfant. C'était à parier que celui-ci ne serait pas tout seul dans ce ventre, pour encore une fois piétiner le conseiller. Celui-ci ignorait que Meira portait des jumeaux, il était parti du principe qu’un seul enfant c'était déjà extraordinaire. Pas qu'il ait fait des tests pour savoir s'il était stérile ou non, mais il avait fait un lien tout seul avec son corps qui n'arrivait même pas à survivre à un hiver. Evidemment, le jeune hylien s'était bien gardé de manifester toutes ses pensées sombres et simplement se contenter de féliciter faussement son frère.

Il était ensuite rentré chez lui, un tracas en plus dans son esprit. Une semaine s'était écoulée depuis sa rencontre avec Aleksander mais sa paranoïa n'était pas pour autant partie. Il dormait assez mal et retournait dans la demeure qu'il partageait avec son épouse peu importe l'heure à laquelle il finissait son travail. Il ne pouvait pas laisser seul Meira même si cette dernière était capable de se défendre seule. Mais contre un groupe de yigas entier ? Autant ne pas tenter l'Avatar et s'assurer que tout allait bien. Il ne pourra pas faire grand-chose de son côté vu le micro don en sa possession et sa capacité à se battre. Meira avait bien évidemment vu son air tracassé mais n'avait pas posé de questions, elle avait aussi une affaire à régler de son côté. Elle espérait que son époux se montrerait coopératif lorsque le moment viendra. Même si tout ceci n'était qu'un mariage arrangé et manipulateur, elle s'était attachée au conseiller.

La nuit et l'heure du coucher était arrivé. Le couple était parti s'allonger dans leur lit, essayant de trouver le sommeil pour l'un et attendant quelqu'un pour l'autre. Plongé dans la somnolence, Aerys avait sursauté lorsque Meira s'était mise à crier. Récupérant la dague qui était caché sous son oreiller - paranoïa on avait dit - en direction de l'ombre qui se trouvait dans la chambre et tenait sa femme en otage. L'inconnu connaissait visiblement son nom et il ne fallait pas avoir fait de grandes études pour deviner qu'il s'agissait d'un yiga. Il n'était pas fou au point de venir seul et encore moins en pleine nuit sans être un élément important de ce clan du Mal.

- Aerys...

Meira posa un regard suppliant envers son mari - quelle comédienne - et ce dernier hésita une seconde avant de poser doucement son arme sur la table de nuit et de mettre un peu de lumière. Le regard vipérin qu'il croisa ensuite, lui arracha un léger frisson qu'il camoufla tant bien que mal.

- Relâchez-là...c'est avec moi que vous avez un problème.

Déclara t-il d'un ton calme. Malgré son état de fatigue, Aerys tentait de ne pas paniquer et de rester calme. Ça ne servait à rien de perdre son sang-froid. Meira était trop importante comme espionne pour l'éliminer ainsi. Les yigas avaient besoin de conserver les membres qui étaient proches de la couronne.

La situation était on ne peut plus houleuse pour Aerys. Le pauvre homme, en effet, venait de se réveiller en sursaut, faisant face à la terreur de sa tendre épouse, lourdement enceinte, menacée par des griffes si acérées qu’il était inutile de douter de la possibilité de ces lames à trancher sa belle peau blanche. Secoué, prêt, Aerys menaça temporairement l’individu d’une dague qu’il gardait camouflé sous son oreiller, mais les supplications de Meira suffirent à calmer les folles ardeurs courageuses de l’hylien. Après tout, un faux mouvement, et Angelo pourrait trancher la gorge de la belle comédienne.

Le conseiller de la reine d’Hyrule déclara que c’était avec lui qu’il avait un problème et, de ce fait, qu’il devait libérer son épouse. En voilà une drôle de chose à entendre ! Angelo n’était certainement pas enclin à répondre à sa demande. Sans avoir Meira comme otage, il était persuadé qu’il n’aurait pas lâché cette dague et qu’il serait déjà prêt à le frapper avec (non pas qu’il eut réussi, cela dit).
« Certes. » Répondit le zora, sans pour autant laisser partir l’hylienne qui couina entre ses griffes. « Mais tu n’es pas sans te douter que ta coopération sera plus honnête ainsi. » Angelo n’était pas sot ; si Aerys commençait à se détourner de la voie de l’Avatar, il y avait fort à parier pour qu’il tente quelque chose s’il en avait l’opportunité. Quoi de mieux pour prouver sa loyauté à la couronne qu’en tuant un Yiga ?

« J’ai eu vent de fâcheuses rumeurs, Aerys. » Siffla la Main du Roi en allant coller sa tempe contre celle de Meira dans un mouvement aussi menaçant que possessif, comme un serpent enserrant davantage sa proie, prêt à la dévorer à la première occasion. « Ta foi vacille. Tu te détournes de Sa voie. » Il n’était pas ici, cependant, pour lui demander le pourquoi du comment.

« Croyais-tu vraiment pouvoir Lui échapper ? Son œil est partout. Pensais-tu que te cacher derrière ton frère sauverait ta peau ? Dans ce cas, tu es plus sot que je ne me l’imaginais. »
Ce n’était pas forcément la vérité. Mais c’était facile de le supposer. Car oui ! Angelo n’était pas sans avoir bien des informations (et des informateurs) et ces petits oisillons murmuraient bien des choses à propos d’Hyrule et de sa citadelle.

Sans lâcher le cou de Meira de ses griffes, Angelo utilisa son autre main pour sortir l’un de ses nombreux couteaux de lancer, qu’il appuya sur le joli ventre bien arrondit de la dame. Il ignorait si elle était une somptueuse comédienne ou si elle craignait réellement pour la vie qu’elle portait, mais Meira émit un gémissement craintif plutôt convainquant.
« Dis-moi, Aerys. Où se trouve ta loyauté ? »
Perdre sa femme. Perdre son enfant. Tout perdre. Mentir. Être crédible.

Les prochaines paroles d’Aerys pèseraient lourd sur la balance. Autant bien les choisir.

Sans surprise, le yiga n'avait aucunement l'intention de relâcher son épouse. Aerys se sentait démuni face à cette situation, chaque mot ou geste de sa part pourrait conduire à une terrible tragédie et il ne voulait pas que Meira et leur enfant en subissent les conséquences. Il se doutait bien que sa façon d'agir remonterait un jour ou l'autre chez l'ennemi mais il n'était pas non plus totalement blanc. Sa foi était toujours en guerre contre la déesse Hylia mais il n'avait jamais réellement non plus prié pour l'Avatar du Néant. La seule chose envers laquelle il avait toujours eu foi, c'était lui-même. Suivant ses propres pas pour s'approcher du sommet en profitant de ce qui se dressait sur son passage ou non. Pas sûr toutefois que l'homme armé apprécierait une telle réponse. Les yigas n'étaient pas connus pour être des personnes raisonnables.

- Je doute que vous soyez venu pour me demander de coopérer

Souffla-t-il avant de sortir doucement de son lit, toisant du regard pendant une seconde l'étranger qui se trouvait dans sa demeure et qui n'y avait pas été invité. Yiga ou non, il y avait certaines choses qu'Aerys détestait et ce genre de comportement en faisait partie. Il avait haussé un sourcil lorsque son interlocuteur avait déclaré que sa foi vacillait. Un léger rictus était apparu sur les coins de ses lèvres en songeant à quel point ce type se fourvoyait sur son sujet. Il se demandait bien qui avait pu le rapporter de manière aussi grotesque à ce type. A l'entendre, on aurait dit que le conseiller était un enfant de cinq ans qui se cachait derrière son aîné alors que ce n'était pas du tout le cas. Certes, ils s'étaient réconciliés mais ce n'était pas non plus la même ambiance que lorsqu'ils étaient plus jeunes.

- Je serai bien sot en effet de faire ce genre de choses.

Mais il ne le faisait pas c'était bien là toute la subtilité de sa relation avec Jacerys. Le nouveau roi consort et bientôt père de ce qu'il avait appris tantôt. Son regard glissa entre la nouvelle lame et sa femme. Meira était devenue encore plus pâle, se demandant si c'était vraiment une bonne idée finalement de jouer les demoiselles en détresse car elle ne souhaitait nullement perdre ce bébé et encore moins mourir. Elle essayait de faire comprendre à travers ses yeux à son époux de montrer sa fidélité afin de pouvoir sortir de cette situation.

- Pas envers l'individu qui s'est infiltré chez moi et menace en plus ma femme enceinte.

Rétorqua-t-il, ignorant qui était la personne qui se trouvait en face de lui mais cela n'aurait pas changé son avis sur la question. Aerys n'avait jamais fait confiance aux yigas ni à personne d'autre d'ailleurs depuis de nombreuses années à présent.

- Toutefois si je ne l'étais plus envers le clan, pensez-vous que mon épouse se trouverait ici et non derrière des barreaux ? Avec d'autres membres. J'aurai pu tout balancer ce que je savais.

Le yiga ignorait que son silence n'avait été fait uniquement que pour protéger son futur enfant et lui permettre de grandir dans un endroit en sécurité. Meira n'était pas au courant non plus du plan que le conseiller avait fomenté dans son coin, quand bien même cela lui brisera certainement le cœur. Il ne voyait toutefois pas d'autre issue jusqu'à ce que la Lumière brille à nouveau sur Hyrule.

- Quant à ma relation avec mon frère, je suis surprise que vous ne connaissiez pas l'expression " être plus proche de ses amis mais encore plus de ses ennemis". Me rapprocher du roi consort me permettra d'obtenir des informations importantes sans nul doute. Jacerys n'a pas la tête pour diriger un royaume, il n'a toujours été qu'un homme mettant sa vie au service de la Couronne. Si je me place à ses côtés, je deviendrai son confident et n'est-ce pas un rôle important à jouer, yiga ?

Siffla-t-il entre ses dents, ignorant les signes que lui faisait Meira. Il ne laissera personne lui marcher sur les pieds, son père l'avait déjà bien trop fait.

Aerys n’était pas idiot. Il avait de la jugeote et Angelo le savait bien, même s’il ne connaissait pas personnellement le conseiller de la reine. Il se contentait de suivre ce qu’on lui indiquait ; et les rumeurs voulaient que l’hylien soit en train de s’éloigner du droit chemin ; le seul et véritable chemin ; celui de l’Avatar.

Pour autant, quittant le lit sans lâcher Angelo des yeux, l’homme aux cheveux blonds décida de lui répondre, affirmant haut et fort qu’il n’était pas sot et qu’il y avait erreur. Il était toujours fidèle aux yigas ; il se rapprochait du roi consort pour avoir des informations. Cela dit, il laissait glisser des mots, des phrases qui laissaient le Seigneur-Main sur le qui-vive, le doute. Il ne lui vouait aucune loyauté disait-il. Ne savait-il donc pas qui il était ?
Ils ne se connaissaient pas véritablement. Peut-être avait-il plus de familiarité avec Kaarbjorn. L’inclusion d’Aerys au sein des Yigas ne s’était pas faite avec Angelo dans les rangs, du moins, pas suffisamment près pour qu’il puisse y participer. Aussi, ce manque de formalité de la part de l’hylien n’était pas si étonnant— bien qu’agaçante pour Angelo.

Il se contenta de l’appeler yiga sur un ton presque méprisant. Il était hautain, le garçon, il avait des nerfs d’acier.
« Tu te méprends naïvement sur la personne à qui tu t’adresses, Aerys. » Il appuya volontairement sur la prononciation de son prénom, comme s’il l’imitait dans son mépris. Il était vrai que son visage était toujours masqué, mais il ne lui ferait certainement pas le plaisir de le découvrir. Les mots devraient suffirent. « Je doute que notre Roi apprécie que tu t’adresses de la sorte au Seigneur-Main de l’Avatar. »
Afin de punir l’hylien de son insubordination – qu’il soit fidèle ou non, sa manière de lui parler déplaisait énormément à Angelo – le serpent fit un mouvement vif, tranchant la peau de Meira au niveau de son abdomen. Rien qui endommagerait le bébé bien entendu ; ce n’était qu’en surface, mais assez pour que sa jolie tenue de nuit, jusqu’alors blanche, soit souillée de sang frais.
Meira était une yiga fidèle, mais Angelo n’avait cure d’elle. Elle n’était ni haut placé, ni importante aux yeux d’Angelo. Certes, elle jouait un rôle primaire dans l’infiltration des Yigas en Hyrule, mais elle n’était certainement pas irremplaçable.
Pas aux yeux du zora.

La panique qui semblait s’emparer de la yiga paraissait plus sincère que de la vulgaire comédie. Il fallait dire qu’elle ne s’était sûrement pas engagée à être blessée dans cette histoire. La missive expliquait bien qu’il ne s’agissait que d’un interrogatoire. Pour autant, Angelo n’était pas réputé pour tenir parole. Il était plutôt connu pour faire ce qu’il voulait, comme il le voulait.

« Si tu es si fidèle à notre cause, tu devras le prouver dans les lunes à venir. » La respiration courte et aigue de Meira venait pointiller la discussion d’une ambiance angoissante pour Aerys, mais jubilatoire pour Angelo, qui pourtant gardait les yeux rivés vers le conseiller, inébranlable dans sa technique. « Sa Voie le mènera inexorablement aux portes de la Citadelle d’Hyrule. Tu as six lunes pour préparer Son chemin. » C’était beaucoup de temps… ou l’était-ce réellement ?
Aerys allait devoir jouer de ses relations, de sa ruse et de ses connaissances pour réussir à permettre aux Yigas de pénétrer, d’une façon ou d’une autre, au sein du château d’Hyrule afin qu’ils puissent enfin mettre un terme au règne des Nohansen. Angelo n’entendait pas lui donner de conseils, ou de détails. Il devrait s’organiser.

Il laissa danser harmonieusement le bout de sa lame le long de la coupure précédemment faite sur le ventre de Meira.
« Et lorsque nous pénétrerons dans la salle du trône, je veux poser les yeux sur le corps sans vie du roi consort, tué de ta main. Me suis-je bien fais comprendre… Aerys ? » Ses yeux vipérins se plantèrent dans les siens avec menace, comme un cobra prêt à bondir sur sa proie d’un instant à l’autre.

Effectivement, Aerys ignorait l'identité de son interlocuteur et ce n'était pas vraiment le centre de sa préoccupation alors que sa femme était retenue en otage. Il essayait de son mieux de ne pas envenimer les choses et que le Yiga finisse par s'en aller. Lorsque l'autre homme avait décliné son identité, Aerys avait haussé légèrement un sourcil. N'était-il pas trop jeune pour être un seigneur main ? Le conseiller n'avait jamais eu affaire personnellement à l'ancien. Il savait juste que ce dernier avait été tué par Meira mais sans plus d'informations. Ni qu'il avait été remplacé. En vérité, il traitait rarement avec le clan directement depuis le début. C'était surtout sa femme qui lui avait communiqué des choses mais pas non plus totalement tout. Elle restait tout de même méfiante même envers son mari.

- Arrêtez ! J'ignorais qui vous étiez, personne ne m'a jamais communiquer l'identité du seigneur-main et il ne me serait pas venu à l'esprit qu'un rôle aussi important se déplacerait chez moi, uniquement parce qu'il y a des fausses rumeurs à mon sujet.

Il tentait de camoufler sa panique, à cause de la coupure qu'il venait de faire sur l'abdomen de sa femme. Cette dernière n'avait pas pensé que cette mise en scène prendrait une telle tournure. La peur qui brillait dans ses yeux n'était pas du tout de la comédie. Elle se demandait si envoyer un message à son clan avait été une si bonne idée que cela. Elle priait intérieurement l'Avatar de l'épargner, elle et son enfant. Elle lui était fidèle depuis toujours et trouverait cela injuste de mourir ainsi. De son côté, Aerys cherchait une solution pour calmer la situation. Il n'était surement pas assez rapide pour s'attaquer au yiga sans en subir les conséquences ou mettre en danger son épaule. Son don était aussi inutile que le reste. Vraiment, il devrait songer à s'endurcir pour gagner en puissance.

- Quoi ?

Ganondorf préparait une nouvelle attaque ? Cette nouvelle lui donnait envie de vomir mais son visage resta impassible passé la surprise de l'ordre donné par le seigneur main. Aerys se sentait déjà coupable de ce qui s'était passé lors de la fête du millénaire si en plus il contribuait à faciliter l'accès à la citadelle. Son esprit ne s'en remettrait surement pas. Il détestait la situation dans laquelle il se trouvait. Regrettant de n'avoir pas eu le courage de se livrer. Au moins aurait-il pu protéger Meira et leur enfant à venir.

- Je ne suis qu'un simple conseiller comment suis-je censé faire cela ?

Demanda-t-il en fronçant les sourcils. Plus pour lui-même qu'une réelle question envers le yiga. Ce qui était vrai. Il n'avait pas un pouvoir énorme dans la citadelle même si en écoutant la petite voix dans sa tête, il savait très bien qu'il y avait bien des moyens de faire de la place.

- Très bien. Cela sera fait et vous pourrez entrer tranquillement.

Il ne s'attendait cependant pas à ce qu'on lui suggère de tuer son propre frère. Son visage impassible, laissa passer la surprise pendant une seconde. Tuer Jacerys, il en avait rêvé pendant longtemps mais ce projet avait été abandonné depuis. Ils s'étaient réconciliés et c'était impossible pour lui de réaliser un tel acte. Le léger cri de détresse de Meira l'avait sorti de ses pensées alors qu'elle prononçait du bout des lèvres son prénom. Aerys s'inclina légèrement avant de se redresser.

- J'ai compris Seigneur Main. Comme je vous l'ai dit, ce n'était qu'une stratégie de me rapprocher de lui. C'est avec plaisir que je lui enfoncerai ma dague dans son cœur.

Déclara-t-il avec un léger sourire, ignorant le regard que lui lançait son épouse. Il ne le ferait évidemment pas. Un plan se dessinait dans son esprit petit à petit. Il n'était pas idiot, à la fin soit lui soit Jacerys devra mourir et il avait déjà désigné l'heureux élu.

- La seule personne à laquelle je tiens se tient entre vos mains. Je serai un idiot que de vous désobéir et mettre sa vie en danger. Je vous prie de bien vouloir la libérer afin que nous puissions tous deux continuer de servir l'Avatar.

Il ne connaissait pas son interlocuteur mais il avait tout de même compris que celui-ci était prêt à n'importe quoi pour réaliser son objectif. Aussi avait-il cherché à atteindre sa logique et lui rappeler qu'ils étaient tous les trois dans le même camp.

Comment était-il censé faire cela ? Angelo n’irait pas lui donner gentiment les réponses. Il n’avait aucune intention de lui donner des pistes. S’il était un véritable Yiga, alors Aerys devrait être en mesure d’imaginer quelque chose de suffisant pour venir à bout du roi consort en temps et en heure…

Le Seigneur-Main inclina la tête sur le côté tandis que la surprise se lisait sur le visage de l’hylien. Il ne s’attendait sûrement pas à ce que Angelo lui propose quelque chose d’aussi saugrenu. Cela dit, c’était une évidence ; sans Jacerys sur le passage, les Yigas pourraient pénétrer bien plus facilement dans le château. C’était tout de même l’ancien capitaine des Gardes Royaux. Il y avait de quoi s’imaginer que sa présence entrerait en conflit avec leurs plans.

Aerys demanda à ce qu’il libère Meira. Angelo posa ses yeux vipérins sur la demoiselle en détresse qu’il avait entre ses griffes. La jeune femme, autrefois bien d’accord pour mettre ce plan à exécution, semblait soudainement bien moins motivée.
« Bien. » Se contenta-t-il de répondre, avant de laisser un silence intimidant planer. C’est en fin de compte quelques secondes après qu’il fit un mouvement brusque ; ses griffes passèrent si profondément sur le flanc de la Yiga que celle-ci se retrouva avec une nuisette déchirée et trois marques de griffure profondes.

« Cela servira de rappel à notre engagement, Aerys. »
Il ne l’avait pas tué, Meira était toujours intacte, et dorénavant libérée de son emprise. Il la poussa mollement vers le lit, tout près, ce qui la laissa tituber un peu mais elle ne trébucha ni ne tomba pas. De sa position, Angelo considéra le couple, maintenant réuni.

« Je préviendrai notre Roi que tu as ta mission. Il s’attendra à ce qu’elle soit accomplie le moment venu. » Il ne donnerait pas de date précise. Aerys devrait se débrouiller. S’il était vraiment l’un d’entre eux, Angelo estimait que l’Avatar passerait le message au moment voulu. Que ce soit via une troisième lune de sang, ou un événement similaire.

Il fit doucement tinter ses griffes entre elles, avant de se déplacer vers la fenêtre. Il n’avait rien à rajouter, sauf si Aerys avait l’intention de l’interrompre ; ce qui serait une fâcheuse idée.

Aerys ne s'était pas préparé à une telle requête. Devoir tuer son propre frère alors que maintenant ils avaient fait la paix, c'était impossible pour lui. Le yiga lui aurait fait cette demande autrefois, peut-être est-ce qu'il aurait dit oui sans hésiter en ayant été guidé par la haine et la rancœur. Mais ses deux sentiments ne faisaient plus partie de lui. Il ignorait comment cet homme avait été mis au courant de ce changement de comportement du conseiller. Ce dernier avait pensé que c'était un coup de sa femme mais pourquoi ? Elle pensait vraiment que le dénoncer aurait amener quelque chose de positif ? Vu la terreur qui était sur ses traites, Meira ne s'était pas attendu à ce que la Main s'en prenne à elle et à leur bébé pour menacer Aerys. Ce dernier n'avait pas eu d'autre choix que de coopérer en espérant s'être montré le plus convaincant possible afin que cet étrange parte le plus vite possible de leur demeure. Le "bien" qui était sortie de sa bouche était aussi terrifiant que le silence qui avait suivi. Sans crier gare, les griffes avaient déchirés la peau et le vêtement de Meira sous le regard écarquillé du conseiller. Se retenant de lui lancer toutes les insultes qui lui passaient par la tête pour ne pas envenimer les choses. Récupérant son épouse tout simplement, pressant avec ses mains la blessure pour arrêter le saignement.

- Elle le sera.

Affirma-t-il avec un ton qui ne demandait aucune réplique en retour. Il regarda le yiga partir par la fenêtre ensuite, par là où il était venu. Aerys s'empressa d'aller fermer celle-ci ensuite avant de revenir auprès de sa femme.

- Aerys, je suis désolé...

Le conseiller se contenta de la regarder sans rien dire avant de sortir de la chambre, éclairant ses pas à l'aide d'une bougie pour se rendre à la salle de bain. Il fouilla dans les tiroirs, trouvant des bandages et de quoi désinfecter la plaie. Demain, elle ira voir un médecin pour s'assurer que leur futur enfant n'avait rien. Repartant avec le nécessaire, il rejoignit Meira qui l'attendait toujours assise sur le lit. Sans un mot encore, Aerys souleva le vêtement. L'inquiétude était visible sur son visage mais pas que. La déception et la colère aussi.

- S'il te plait dis quelque chose ! Aie...

Il avait appuyé un peu fort sur la plaie en nettoyant mais pas du tout désolé.

- Et tu veux que je dise quoi ? "Félicitations tu as réussi à attirer l'œil sur nous !" Tu veux une médaille ?

Lui qui pensait pouvoir vivre tranquillement avec son épouse et leur progéniture, ce projet venait de s'effondrer en une soirée. Toute la confiance qu'il avait mis en sa femme aussi.

- Je m'inquiétais pour toi, que ton frère ait réussi à te retourner le cerveau

Aerys s'était retenu de rire face à cette explication. La seule personne qui l'avait manipulé c'était elle-même mais elle était bien trop manipulatrice pour le dire à voix haute. Espérant que ce que son époux avait dit tantôt était vrai, que tout ceci n’était qu'une ruse pour se rapprocher du roi consort. Finissant de bander la blessure, Aerys jeta les compresses ensanglantées dans la poubelle avant de se redresser.

- Ça devrait aller, essaye de ne pas dormir sur ce côté-là

Déclara-t-il avant de se diriger vers la sortie de la chambre.

- Où est-ce que tu vas ?

- Dormir dans la chambre d'ami

Puis il quitta la pièce sans un regard en arrière alors que son épouse l'appelait. Une fois arrivé à destination, le conseiller prit place sur le fauteuil, se passant les mains sur son visage fatigué. Comment allait -il faire ?