Say it right, say it all (Midona/Pnjisation Andar)

— An 1000, Lune 10, Jour 10.
Andar Durrendon pour @Talia Vajanská

Les journées à la parfumerie étaient parfois très longues et bien plus anxiogènes que par le passé. L’anxiété l’accompagnait parfois lorsqu’il se rendait dans son antre aux milles senteurs car il appréhendait de retrouver son magasin profané par des opiniâtres à la suite de la trahison de l’Héritière Durrendon face à l’actuelle Reine régente. Il avait été attaqué une fois et ne voyait pas ce qui les empêchait de réitérer l’expérience en se montrant plus violent cette fois-ci. La blessure avait cicatrisé mais celle d’orgueil lui collait douloureusement à la peau. Lui, qui avait mis tant de temps à ouvrir sa propre parfumerie car il avait toujours soutenu sa nièce, trouvait cela bien injuste de devoir supporter la haine qu’elle avait suscité chez les partisans de la famille Vajanská alors qu’il n’avait lui-même proféré aucun doute sur la légitimité de la Reine. Il craignait que le comportement de sa nièce ait porté un coup fatal à son travail. Plus qu’un travail, le parfum était une véritable passion. Par des heures et des heures de pratique, il avait su développer son olfaction à la perfection. Il lui semblait voir plus de choses à l’aide de son nez qu’avec ses yeux. Les gens portaient des odeurs sur eux, et il appréciait s’interroger sur celle de chacun.

Il était arrivé un peu plus tôt pour tout préparer avant que la conseillère de la Reine ne soit prête. Hors de question que tout ne soit pas sur la table lorsqu’elle sortirait de son bureau. La jeune femme n’aurait plus qu’à mettre les pieds sous la table, pour une fois qu’elle pouvait être servie comme une reine. Et elle avait tout d’une reine pour le Durrendon. La jeune femme était douce, mesurée et intelligente. Assurément, elle méritait son poste près de Midona et il se demandait même si cette dernière avait bien conscience de toutes les qualités de sa conseillère. Peut-être ferait-il bien de les lui rappeler, s’il parvenait un jour à faire aligner deux mots à la Reine de Metzli. Ce n’était certainement pas le bon moment pour cela, il avait bien plus de chance de restaurer son image en abordant le problème sous un autre angle. Cet autre angle, c’était Talia, celle qu’il avait toujours passionnément chérie sans jamais pouvoir le lui avouer, de crainte d’être sévèrement rabroué. Et quand elle avait été mariée à cet autre homme, le Durrendon avait alors décidé de garder cela secret, à jamais.

« — Ma chère Talia. » Il l’éclaboussa d’un sourire. « Je suis heureux que tu consentes à quitter tes précieux papiers pour ton vieil ami. » D’un geste de main, il l’invita à s’asseoir.

Fidèle à ses habitudes, Andar était impeccablement vêtu dans un pourpoint bleu marine taillé à la perfection à sa morphologie. Ses cheveux étaient ramenés vers l’arrière et il portait sur lui une fragrance boisé teintée d’épices. Il s’avança vers la table où les attendaient les délicieuses victuailles qu’il avait ramenées. Tout devait être parfait. Et tout le serait.

« — Je vais bien. Tant que Lirna reste loin de moi et de ma parfumerie, je continuerai à bien me porter. » Il échappa un léger soupir. « Et toi, Talia, comment vas-tu ? Je vois bien que tu te donnes corps et âme dans ta tâche et je sais qu’il serait bien malvenu de te demander si la reprise de ton travail ne fut pas prématurée… Mais tout de même, tu dois prendre soin de toi. » Son visage un peu plus soucieux lui signifia qu’il était tout à fait sérieux quant à sa santé. « Pourquoi te lasses-tu de tes propres mots, tes missives sont-elles si peu intéressantes, à moins que ce ne soit le sujet en question ? » Il la scruta un moment. La rousse pourrait très bien lui dire que cela ne le regardait pas. Elle n’aurait pas tort. « Notre Reine est-elle si cruelle qu’elle te force à écrire des lettres ennuyeuses jusqu’à ce que mort s’en suive ? » Ajouta-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Andar éprouvait du respect pour la cousine et Reine de la rousse face à lui. Elle lui inspirait également de la crainte tant elle semblait particulièrement froide, en toutes circonstances, lorsqu’il était près d’elle. Elle l’avait toujours été avec lui du fait des différends avec sa nièce. La Reine Crépusculaire ne voyait que le nom de Durrendon et se désintéressait de sa figure. Qu’importe la façon dont il pouvait se comporter, elle ne voyait que le visage dur de la blonde à place du sien, et désormais chacun de ses mots manquerait à l’atteindre, sous l’ombre de la trahison de cette dernière. Il n’était pas un héritier et n’a jamais caché son intérêt presque exclusif pour le parfum, ce qui devait le rendre bien peu intéressant pour l’héritière Vajanská. Il s’était néanmoins rapproché de la cousine de celle-ci, admirant sa beauté et son intelligence dès le plus jeune âge. Il ne s’était pas encore fait une raison face à cette indifférence, et comptait bien faire en sorte de retrouver les bonnes grâces de la Cour de Metzli. Son affaire était en chute libre depuis que sa nièce avait élevé la voix face à la Reine, et il comptait bien faire entendre qu’il était un fervent partisan de la famille Vajanská.

« — Je t’ai apporté du thé, j’espère qu’il te plaira. » Il prit la théière dans ses mains, brusquement un peu plus fébrile, commença à verser le liquide brulant dans la tasse de la rousse. « C’est du thé noir au jasmin, il me rappelle… Eh bien, toi. » Il sourit, un peu embarrassé. « Chaque personne a un parfum, une fleur qui lui sied parfaitement bien. J’ai toujours pensé que le jasmin t’allait à la perfection. Il a une odeur fruitée et un peu entêtante, tout en étant particulièrement agréable. » Il posa la théière. « Je l’aime beaucoup. »

Andar masqua le rouge qui empourprait ses joues en avançant les différents fruits, petits gâteaux et autres élégantes préparations qu’il avait fait réaliser dans le but de plaire à la rouquine. Une fois qu’il fut certain que la conseillère ait tout ce qu’elle désirait à portée de main, il s’assit face à elle, versant un peu du même thé dans sa propre tasse. Il porta celle-ci à son visage, huma avec délice le parfum chaud du jasmin mais ne le porta pas tout de suite à ses lèvres pour éviter de se bruler la langue.

« — Les journées sont un peu lentes ces derniers temps, mais te revoir me comble de joie, ma chère amie. » Ajouta-t-il, un sourire étirant ses lèvres.