An hostile takeover

@Aymeric Cantell

Jour 17, Lune 7, An 1000.

Une nouvelle journée commençait sur le merveilleux royaume d'Hébra, s’accompagnant alors du réveil de Saphiaelle, prête pour la continuité de ses projets de grandeurs. Un grand vent de puissance et de changement se lèverait bientôt, et elle était prête à affronter tout ennemi qui se mettrait en face d'elle. Et justement en parlant d'ennemie, elle en avait un désigner pour commencer sa journée. Le frère de son roi, Aymeric Cantell. Une chose était sûre au sujet de ce dernier, c'était que la Cheffe de la famille Toress ne l'appréciait pas plus que cela. Oh, bien entendu, c'était une personne talentueuse sur bien des domaines, mais son comportement bien trop généreux était d'une épouvantable niaiserie aux yeux et aux oreilles de la Commandante de la Garde Argentée. Pour elle, une égocentrique souhaitant s'élever le plus haut possible, son opposition au tuteur relevait d’un antinomisme important empêchant alors d’établir une relation saine.

Mais cela aurait pu en rester ainsi sans qu'il n'y ait de véritable problème entre le tuteur royal et la dirigeante militaire, après tout pour la Piaf, Aymeric n'était  pas une menace pour son ascension perpétuelle. Ainsi ils auraient continué à s'éviter chaque journée qui s'enchaînent sans réellement interagir hors évènements de la couronne... Mais son Roi avait changé les règles de ce statu quo. Lors d'une discussion entre Saphiaelle et Kevan, ce dernier avait glissé dans l'échange qu'Aymeric avait essayé et cela plusieurs fois d'entraver et de gêner les plans du dirigeant d'Hébra. Pour la Cheffe de la famille Toress, un tel procédé était inexcusable et encore moins envisageable dans sa façon de voir les choses. Pour elle, Hébra n’était qu’au balbutiement d’un immense but qu'elle espérait voir grandir et arriver à terme via son aide, son dévouement et sa grandeur. Il y avait bien entendu une différence entre critiquer un plan mal préparé ou risquant d’échouer et chercher à nuire le glorieux futur d’un royaume. Même si elle ne pouvait réellement avoir la vérité sur l'instant, n'ayant après tout qu'un seul point de vue sur la situation global, celle de son chef, elle ne pouvait pas remettre ainsi en question les dires de Kevan, et encore moins laisser impunie celui qui mettait des bâtons dans les roues au grand futur de la nation qu’elle servait…

Bien entendu, pour entretenir une discussion qu’elle souhaitait privée, elle souhaitait agir en son nom et non sur celui de son dirigeant, elle ne pouvait décidément pas le convoquer. D’une part car malgré son titre elle n’était pas assez haut dans la hiérarchie pour ainsi déranger le frère d’un roi, et d’autre part car il n’y avait pas plus clinquant comme façon d’aborder le problème. Bien que dans d’autres circonstances elle aurait sans nul doute aimé faire les choses en grand et visible, Saphiaelle n’était pas idiote au point d’éliminer toutes les possibilités d’une discussion plus discrète ou qui semblerait plus discret… Même si elle pouvait s’annoncer un peu plus agitée que prévue si Aymeric se voulait déraisonnable. Bien entendu la discussion avait pour premier but d’en savoir plus sur les réelles motivations du tuteur des enfants royaux, et si les dires de son Roi étaient véritables. Si c'était le cas, alors il lui faudra agir pour faire cesser Aymeric suffisamment longtemps pour mettre à bien les différents projets organisés. Elle ne pouvait bien entendu pas user de la force brute pour cela, blesser son congénère Piaf serait d’une part une erreur tactique pleine de bétise, mais aussi un frein majeur pour son futur. Non, il faudra le faire plier autrement, et la charmante Cheffe des Toress avait bien plus d’une corde dans son sac pour cela.

Alors que la journée était déjà un peu plus avancée et que le soleil suivait son bout de chemin à travers le ciel, la guerrière avait terminé la plupart de ses tâches obligatoires en tant que responsable de l’armée. L'entraînement des nouvelles recrues qui en avaient bien bavé, quelques paperesses sur les différents comptes rendus de ses troupes, et s’occuper des équipes pour les différentes rondes au sein du Royaume pour la protection du peuple. Pour notre Piaf à l’égo démesuré, de telles tâches ne pouvaient être faites que par ses soins afin d’être parfaitement réalisées. Une fois terminé, elle fit en sorte de quitter le château de son seigneur. A travers la connaissance des tours de gardes qu’elle faisait faire et qu’elle effectuait elle-même, avec l’aide de ses rapports, Saphiaelle avait une certaine connaissance des déplacements des différentes personnalités ou hauts responsables de son pays. Certains pourraient considérer cela comme de l’espionnage, elle voyait cette façon de gérer les choses comme une organisation poussée des aller et venues en Hébra. Ainsi savait-elle alors où irait sa cible, ou quand elle quittera le château sans non plus avoir forcément avec une forte précision, mais avec déjà une bonne idée en tête. Aymeric était une personne appréciant la musique, qui semblait parfois jouer pour quelques publics de la capitale. Une caractéristique qui plaisait à notre guerrière, une des rares d’ailleurs. Lui était-elle arrivée de profiter d’un ou deux sons quand le temps le lui permettait? Bien évidemment. La façon qu’il avait de jouer de son instrument de musique était des plus agréables, surtout pour quelqu’un qui apprécie les belles mélodies. Mais ici il n’était pas question d’écouter un nouvel accord, mais profiter des déplacements potentielles de sa cible pour lui couper la route, et c’est ce qu’elle comptait faire.

Elle s'était rendue aux portes de la Cité de la ville, celles orientées dans la direction du château de la famille royale. Lors des différentes rondes qu’elle avait ordonné à ses troupes, elle avait fait en sorte de réorienter une partie des équipes de la garde de cette porte pour se charger personnellement de la partie extérieure. Ainsi, lorsqu’Aymeric se déplacera pour rejoindre un de ses lieux musicaux, ce sera sur elle qu’il tombera. Et ainsi aura t-elle l’occasion de discuter un peu plus en privé avec lui, ayant laissé les gardes intérieurs pour continuer l’observation, le contrôle et la protection de Célestia. Planté comme un piquet devant les immenses portes de la magnifique cité qu’elle avait juré de protéger en devenant Commandante de la Garde Argentée, lance orienté vers le ciel, Saphiaelle attendait sa cible. Elle aura son explication, et si les choses se montraient comme l’avait annoncé son Roi, alors elle devra pousser ce fameux tuteur à changer d’avis sur les choix à venir pour le glorieux futur d’Hébra. Son regard mélangeant sa froideur et son sérieux, planté sur le chemin en face d’elle, laissant alors passé après contrôle les différentes personnalités issues du château, rassurés mais interloqués d’ainsi voir la Commandante s’occuper d’un tel poste. La Cheffe des Toress les rassurait en expliquant qu’elle faisait cela pour offrir une sécurité optimale pour tous, et ainsi donner aux gens la preuve qu’elle s’intéressait à tous, pour le bien de la population. Oh, c’était bien entendu un mensonge, mais les gens n’étaient pas obligés de le savoir, si cela permettait de continuer qu’elle soit bien vue, et qu’en plus on la croyait, n’était-ce pas entièrement bénéfique pour tout le monde?

Alors que le temps défilait cependant, la patience de la Piaf diminuait progressivement. Elle espérait ne pas s’être trompé sur les informations qu’elle avait récolté. S’y était-elle prit trop tôt? Ou pire, trop tard? Dans le premier cas, la prochaine garde la remplacerait avant qu’elle n'ait l'occasion de “discuter” avec Aymeric, et cela rendrait le tout moins discret. Dans l'autre cas, elle passait surtout pour une idiote à ses propres yeux. Mais alors que son énervement sur son potentiel échec commençait à gronder, elle le vit alors. Aymeric Cantell. Un léger sourire se dessinait sur son visage alors que sa cible venait dans la direction des portes de la ville, personne aux alentours hormis lui. Elle ne lui laissera pas l’occasion d’accéder de suite à Célestia, un petit échange était avant tout nécessaire…

An hostile takeover

@Aymeric Cantell

Jour 17, Lune 7, An 1000.

Attendre... Pour Saphiaelle, une femme d'action et surtout une combattante, cela faisait partie des pires choses qui pouvait l'affecter mentalement. A cela, elle préférait largement passer ses journées en ronde dans le royaume ou limite assis à remplir fiches, documents et rapports apportés par ses pions. Mais se tenir devant une porte des heures durant en attente de la venue de sa cible? Cela commençait à devenir un poids de plus en plus lourd pour elle. Autant elle pouvait garder un masque impassible sur son visage afin de garder la Commandante parfaite qu'elle souhaitait donner malgré une certaine froideur, autant le tout commençait à bouillonner. Serrant sa lance du plus fort qu'elle pouvait, elle risquait même potentiellement de s'en greffer l'empreinte sur sa peau à la fin de la journée... Une pensée l'inquiéta tout de même. Et si Aymeric ne venait pas aujourd'hui? Peut-être était-il tombé malade, avait eu une réunion importante avec le roi qui s'était éternisé. Nombreuses pouvaient-être les raisons entraînant alors un tel empêchement. Après tout, aucun plan n'était sans accrocs, et toute faille, même la plus idiote pouvait amener un plan efficace à l'eau.

Hélas et pour elle, elle s'était mise en protection de la porte jusqu'en début de soirée. Si elle quittait son poste, ou se faisait remplacer sans une bonne raison, elle risquerait de passer pour une incompétente voire pire. Et il était hors de question que quelque chose d'aussi ridicule entache son magnifique palmarès. Elle était arrivée dans ce monde pour monter les échelons, pour régner et s'asseoir sur ceux qui n'étaient que gènes comme furent son père et sa sœur aînée... Et si ce maudit Piaf qui était le frère du Roi devenait lui aussi un mur pour le glorieux futur d'Hébra... Alors il faudra aussi agir, mais cette fois-ci avec tout de même moins de violence et plus de finesse. Mais alors que la Commandante de la Garde Argentée commençait à cruellement perdre espoir, et patience par la même occasion, une forme vint à s'aligner sur son champ de vision au loin, se dirigeant vers les portes. Il fallut tout de même un léger moment pour le reconnaître, et pour sourire à cette nouvelle. Elle ne s'était donc pas trompée, et l'occasion était arrivée.

Le temps qu'il arrive enfin à sa hauteur sembla durer une éternité, éternité qui accrût l'excitation malsaine de la dirigeante de la famille Toress. Elle ne savait pas encore comment le cuisiner, comment aborder les choses... Il y avait tellement de façon à cela. Mais elle ne pouvait pas non plus aller trop loin dans sa façon de faire. Aymeric restait malgré tout le frère du Roi, et même s' ils s'entendaient bien, le haut membre de la famille Cantelle restait une personnalité du royaume. Essayant de mettre tout son esprit parfaitement alignée pour la discussion qui allait venir tout en mettant de côté l'excitation et les battements accélérés de son coeur par l'envie de destruction qui brûlait avec plaisir sa vie, Saphiaelle hocha délicatement la tête aux salutations de son interlocuteur. Restant avec un visage neutre et impassible, les yeux plantés dans ceux d'Aymeric, elle vit alors le sourire forcé de ce dernier. Après tout et en effet, les deux ne s'aimaient pas. Ce qu'ils entretenaient étant de simples mondanités histoire de ne pas montrer que la cheffe des armées et un membre royal se détestaient.

Alors qu'il allait passé, la Piaf vint à baisser d'un coup sec sa lance droit devant Aymeric d'un violent coup de bras. L'air brassé par ce geste fût même assez violent. D'un déplacement presque mécanique, la tête et le corps de la Commandante se tournèrent vers le musicien. Comprenant un visage sévère, le corps en pleine contraction, Saphiaelle donnait tout son possible pour être la plus intimidante possible aux yeux de son interlocuteur. Aymeric s'était arrêté, ce qui était sans nul doute la décision la plus sage possible. C'était quelqu'un qui avait des talents martiaux et de guerrier... Mais quand il s'agissait d'un combat, le sang bouillonnant de notre Chevalière était prêt à sortir des veines pour écraser quiconque lui tiendrait tête. Et aux yeux de la Cheffe des Toress... Ce combat n'aurait qu'une seule et unique issue et cela entièrement à son avantage. Et si c'était le Piaf qui commençait les hostilités, pour la Commandante de la Garde Argentée, le tout ne serait que simple légitime défense. Voyant par la suite Aymeric baissé son regard, cela ne fit qu'affirmer que l'intimidation commencé par la guerrière avait fonctionné. De la bouche du membre de la royauté vint alors la question qu'elle attendait. Que pouvait-il faire pour elle? D'une voix qui semblait manquer de forces et de vigueur. Du regard qu'il releva, Saphiaelle ne voyait alors qu'une cible en proie au doute.

Plissant délicatement les yeux avec un léger sourire conquérant, les ailes de notre Piaf vinrent à battre délicatement, comme pour preuve de son plaisir d'avoir la main sur tout ce petit jeu. Elle n'aurait pas son bain de sang et la possibilité de se battre, après tout Aymeric était quelqu'un d'intelligent et de logique, mais au moins pouvait-elle profiter de cela. Toussant alors pour éclaircir une voix qu'elle n'avait quasiment pas utiliser de la journée, la Commandante prit la parole, d'une voix sec.

- J'ai eu la chance de discuter récemment avec notre Roi, Seigneur Cantell. Et il m'a été transmis qu'un Piaf de haut rang restait... Une gène pour les plans d'Hébra. Une gène qui ne cessait de s'opposer aux plans de son frère. J'étais justement en quête d'attente de cette personne... Et la voilà, en face de moi.

Laissant un léger instant le silence s'installer entre les deux protagonistes, Saphiaelle vint à frapper le sol avec le bout métallique et dangereux de sa lance, avant de reprendre.

- Je suis ici en mon nom, et en celui de personnes d'autres, Seigneur Aymeric. Saphiaelle faisait tout de même en sorte de respecter les codes, s'adressant après tout au frère du Roi. Je ne suis pas une idiote, même si je suis une femme de terrain. Je cherche à savoir la vérité pour agir au mieux au nom de Célestia, notre peuple mais aussi pour moi-même.

Elle s'approcha alors d'un pas, puis d'un second, diminuant alors drastiquement la distance qui séparait les deux individus. Déployant ses ailes, et tenant fermement sa lance, la Commandante de la Garde Argentée continuait son jeu d'intimidation, regardant droit dans les yeux son ennemie du jour. Reprenant un visage strict et imperturbable, elle espérait se faire comprendre sur le faite qu'elle n'était pas venue pour jouer.

- J'ose espérer ne pas avoir d'embrouille ou de mensonge d'un gentilhomme de votre part, Seigneur Cantell. Mais je me dois de savoir et d'agir quand aux personnes qui agissent contre notre précieux Roi, vous comprenez après tout, en tant que Comandante et Protectrice de ce Royaume, je ferais tout pour lui. Qu'ils agissent en dehors des murs... Ou en plein centre de ceux-ci.

Comme elle ferait tout pour elle, et sa progression... Une fois sa phrase terminée, elle rangea ses ailes, reprenant une posture pour dangereuse. Même si ils étaient seules, elle ne pouvait pas se permettre d'être toujours agressive, sous peine d'impacter trop négativement la discussion. Ou en tout cas, elle ne pouvait se le permettre tout de suite...

An hostile takeover

@Aymeric Cantell

Jour 17, Lune 7, An 1000.

S' il fallait reconnaître quelque chose à Aymeric, et cela malgré la certaine aversion qu'elle avait à son égard, c'est que au moins il ne comptait pas se défiler à la discussion... Ou en tout cas, pas de suite. Saphiaelle avait dit tout ce qu'elle avait en tête, usant en plus de cela de quelques formes d'intimidations à l'encontre de son interlocuteur, mais cela n'avait aucunement empêché le frère du roi de répondre. Et même, il répondait en regardant droit dans les yeux la Commandante. Alors que le Piaf lui répondait, la cheffe de famille des Toress vint à avoir un léger sourire sur le coin des lèvres. Sa première phrase se voulait pleine d'honnêteté. Hormis sur le sujet de l'affrontement futur, elle n'avait jamais rien eu à redire de la conduite d'Aymeric quant à son dévouement envers le Royaume bien que la relation entre les deux Cantell était pour le moins... particulière d’après le Roi. Enfin, ce n'était pas elle qui jugerait les relations familiales après tout...

La suite de la discussion fit apparaître une légère grimace sur le faciès de la guerrière. Aymeric restait droit dans ses bottes, prêt à cette confrontation plus verbale. Et il affichait à travers ses paroles cette volonté de différence, ce qui avait après tout mené notre Chevalière dans cette position. Elle aurait déjà pu le couper là après tout, mais ce n'aurait pas été fructueux. Arrêter de manière continuelle quelqu'un qui s'explique peut aussi avoir l'effet de l’énerver, de le renfermer dans ses positions et donc de bloquer toute possibilité de le faire changer d'avis. Non, le mieux étant de garder cette aura intimidante, de faire douter l'adversaire... Puis de l'écraser sur des arguments. Ainsi, Saphiaelle resta silencieuse alors que son interlocuteur expliquait en quoi il rechignait. Pourquoi il ne soutenait pas Kevan et, au contraire, souhaitait empêcher cela. Autant le principe même d'éliminer des "innocents" ne faisait ni chaud ni froid à la Commandante, autant la partie stratégique et tactique abordée sur la conquête d'une Île sans réel intérêt était difficilement critiquable. En soi, même elle n'avait pas toutes les cartes en mains au sujet de la logique de son Roi, mais elle savait que parfois il fallait voir plus loin que ce que nous avions. Ne remarquant aucune réaction, elle leva légèrement la tête, avant de parler.

- Le terme de génocide est je pense sévère de votre bouche. Je ne pense pas que sa Majesté souhaite aller aussi loin. Et, personnellement, je n'élimine que ceux qui s'opposent aux projets d'Hébra… Quant à l'aspect stratégique d'une telle Île... Saphiaelle maintient un léger silence, réfléchissant à sa réponse. Je ne pensais pas qu'un musicien aurait fait de telles recherches. Mais vous oubliez que parfois, l'aspect stratégique d'une bataille ou d'une action peut parfois aller plus loin que cela le but premier.

Et en soi, même si elle n'était pas au courant de la chose, c'était vrai. Parfois des rois ou des commandants dépensaient des ressources et des troupes dans des choses qui paraissaient absurde de prime abord, mais se révélaient par la suite intéressantes. Bloquer un potentiel ennemi, aider un potentiel allié, prouver sa force... Les possibilités étaient nombreuses. Dépliant un peu ses ailes, Saphiaelle se mit à marcher délicatement autour d'Aymeric sur une distance de trois bon pas alors qu'il exprima un soupir avant de reprendre la discussion. Son interlocuteur jouait le brave. La personne à la tête haute. Il avait décidé de conserver ses convictions, celle de ne pas tuer d'innocents. Innocents? Ce mot fit rire la Cheffe de famille des Toress. Un rire franc, qu'elle ne chercha même pas à masquer. Tapant le sol avec le bout non pointu de sa lance au rythme de ses propres pas, il lui fallut quelques secondes avant de retrouver un certain sérieux. Plus elle continuait ses tours, plus elle se rapprochait d’Aymeric en diminuant la taille du cercle, et plus le bruit de la lance sur le sol se faisait entendre.

-Rare sont les gens pouvant vraiment se qualifier d’innocents, Seigneur Cantell. L’innocence est une qualité rare, nombreux sont ceux pensant la posséder mais n’étant que d’horribles manipulateurs ou des monstres de la pire espèce souhaitant être bien vue…

A travers ces paroles, la pensée de sa famille et de la haine qu’elle portait alors à son père et sa sœur ainée maintenant décédés firent monter le sang de Saphiaelle qui était prête à cracher au sol en les maudissant. Mais elle se retint de ce genre d’action pour contrôler son corps et ses réactions pour garder son aura.

-Nous éliminons pas d’innocents, mais une menace potentielle pour notre Royaume, pour montrer que malgré nos balbutiements nous ne devons pas être pris à la légère. Cette Île reste un point au Nord de notre position pour se protéger, attaquer plus loin avec nos navires et ne pas donner un porte proche de nos côtes à nos ennemies. Créer une vraie fracture, une ligne sur ces terres où même l’eau ne sera pas épargnée! Seigneur Aymeric, en tant que Commandante j’ai jurée de protéger Hébra et de servir notre Roi. Mais depuis ma naissance j’ai jurée de ne jamais laisser quelqu’un bloquer ma route.

Quand Saphiaelle arriva une nouvelle fois devant Aymeric, la distance qui les séparait n’était plus. S’arrêtant et se tournant vers le barde, elle vint pencher légèrement sa lance pour que cette dernière touche l’épaule du Piaf, avant de se baisser légèrement elle-même vers son oreille.

- Je sais que vous souhaitez bien faire et suivre votre coeur, Aymeric… Dit-elle d’une voix douce. Mais votre combat est inutile. Cela ne fait qu’engrainer encore plus de détermination dans le cœur du Roi, dans mon cœur à moi… Utilisez plutôt cette détermination pour aller dans le sens d’une victoire rapide du Royaume si vous souhaitez sauver vos… “Innocents”.

Reculant légèrement la tête tout en créant un espace entre les deux Piafs d’un pas, la Commandante des armées affiche un sourire amusé, cherchant alors à tendre une main amicale à son vis à vis pour le pousser à douter voir changer un peu son opinion.

- Si vous souhaitez cependant une preuve de ma bonne foi, Seigneur Cantell, c’est d’au moins vous promettre de limiter l’affrontement aux troupes ennemies et ceux qui chercheront à combattre notre armée. Aucun civil ne sera blessé, et j’accepterais toute reddition.

Bien que ces paroles lui faisaient mal, car cela signifierait diminuer la sauvagerie du combat et le plaisir de faire couler le sang, cela n’en restait pas moins une tentative de convaincre Aymeric, mais aussi une façon stratégique de ne pas montrer un côté trop cruel d’Hébra. Au contraire, cela apporte une certaine notion positive malgré l’invasion pour ne pas être qu’une nation barbare.

- Qu’en pensez vous, Seigneur Cantell? Ensuite vous aurez l’occasion d’écrire une belle chanson de cette affrontement, non? Cela devrait vous apporter une certaine notoriété dans les tavernes.

Demanda alors la Cheffe des Toress, levant légèrement les sourcils avec un sourire, n'essayant même pas de cacher une certaine joie.

An hostile takeover

@Aymeric Cantell

Jour 17, Lune 7, An 1000.

La technique de Saphiaelle de tourner autour d'Aymeric tout en essayant de trouver à chaque fois des mots forts, une position écrasante ne semblait pas avoir un effet total sur le musicien. Ou en tout cas, il ne semblait pas le laisser paraître à la grande surprise de la guerrière. Elle vit bien entendu le froncement de sourcil quant au sujet des innocents, mais rien de plus. Le frère du roi ressemblait ici à un roc, solide qui se tenait puissamment debout face à la frappe violente des vagues. Bien, pour celle qui venait des terres glacées du nord, cela rendait les défis bien plus amusants. Au moins, avec cette discussion plus personnelle et nettement moins protocolaire, elle en apprenait bien plus sur son vis à vis. Et bien qu'elle ne l'aimait pas spécialement, voir pas du tout, et si en d'autres circonstances elle n'aurait pas cherché plus que cela à lui faire changer d'avis... Mais il restait membre de la royauté. Il restait le frère du, l'oncle des, un enfant de, il était donc hors de question qu'il reste alors opposé à l'invasion. Ou alors que cela ne soit aucunement visible. Si jamais au grand jamais l'opération se déroulait mal avec un élément de la royauté ayant été une voix contre cela, elle risquerait alors de guider le mécontentement... Il fallait donc la faire taire, ou la faire changer d'avis. Et la dirigeante de la famille Toress savait comment faire taire quelqu'un, même sans la tuer.

Quand le frère royal vint à reprendre la parole au sujet de l'île du dragon, la Commandante de la Garde Argentée ne s'attendait pas à ce qu'il est autant fait ses cours sur le sujet. Ne pouvait-il pas plus souvent lever l'épée pour se battre plutôt que de se documenter sur des sujets inutiles pour mieux servir son royaume? Critiqua mentalement la guerrière dont le visage ne laissait toujours paraître qu'un ton hautain. Même si bien entendu il avait initialement raison, le faite qu'ils soient une menace mineur, Hébra restait un royaume naissant, avec des ennemies et des zones difficiles à soutenir. L'île du dragon était une bonne défense si la zone était sous leurs contrôles...

- Peut-être qu'ils ne représentent pas une menace initialement, Aymeric... Mais ce n'est pas parce que l'aiglon ne l'est pas, que l'aigle lui ne le sera pas non plus. Nous n'avons pas une frontière entièrement partagée avec le Royaume d'Hyrule, et les îles au nord de nous ne sont pas non plus des alliés. Il y a beaucoup trop d'accès au Nord pour des assauts ennemis en plus de nos frontières... Avec l'île du dragon sous notre juridiction ou au moins notre sphère d'influence, bien des tracas nous seront alors épargnés, ou au moins nous les diminuerons.

Bien entendu, dans les éléments plus stratégiques et tactiques, elle ne pouvait pas signaler son envie simple de pouvoir combattre réellement dans une bataille et faire couler le sang... Depuis la deuxième Lunes elle n'avait pas eu alors l'occasion de réellement se battre de nouveau, sa lance démangeait, et le goût du sang lui manquait terriblement... Saphiaelle espérait aussi que la suite de ses propos aideraient à faire entendre raison à Aymeric. Ou encore une fois au moins le canaliser ou qu'il passe en retrait sur bien des choses. La Commandante se voulant toujours arrogante et menaçante sur sa façon de se déplacer, se positionner ou d'agir voulait le plus possible imprimer une peur et un malaise dans l'esprit du frère Cantell. Et elle espérait l'avoir fait quand une onomatopée sortit alors de la bouche de son interlocuteur qui baissa le regard. Elle pensait même l'avoir vraiment convaincu en ayant fait un pas de son côté pour la protection des non menaces de guerres. Car après tout, à moins d'avoir la position ultra dominante dans une conversation, il fallait toujours essayer de faire quelques concessions pour appâter vers nous...

Mais là où la cheffe des Toress pensait avoir obtenu sa victoire, il n'en était rien. Alors qu'il reprend sa propre défense, il le fait avec une fermeté qui surprit même la guerrière. Surprise qu'elle cacha rapidement derrière son masque arrogant. Ainsi, il était bien le genre de poète à toujours énoncer le positif et la joie dans ses chansons... Un haut le cœur vint troubler Saphiaelle qui réussit tout de même à masquer ce phénomène répondant à ce qu'elle détestait le plus : Les choses trop positivement gentilles. Mais Aymeric revint tout de même sur la condition des civiles. Ajoutant même, tout en soutenant le regard de la Commandante, que même si elle le faisait, qu'elles conditions avait-il que ce soit respecté partout? Elle comprit alors que cette approche de force, bien qu'un premier atout ne suffirait pas à convaincre entièrement Aymeric. Pour la guerrière, il restait tout de même un autre atout dans sa manche qu'elle n'aurait absolument aucune honte à employer, ici en tête à tête avec quelqu'un qu'elle pouvait essayer de manipuler autrement. Elle l'avait fait avec son maître d'arme à l'époque... Comme avec sa sœur aînée. Bien que la suite des actions soient bien différentes, la finalité restera la même : la victoire. Essayant de cacher son amusement face à ce qu'elle comptait accomplir, Saphiaelle vint à lâcher un soupir faussement triste. Fermant les yeux, une forte inspiration comme lorsqu'on s'apprêtait à exprimer un remords, puis un fort soupir. Elle se devait de jouer la comédie à la perfection pour que tout marche.

- Je sais que je peux paraître froide, distante et glaciale, Aymeric. Mais je suis une femme de parole. Je sais quand faire couler le sang, et quand ne pas le faire. Pensez vous que je suis arrivée à ma place par coup du hasard? Que ce soit en tant que commandante ou bien Cheffe de famille?

Dit-elle, avec une voix qu'elle s'essaya légèrement brisée par un souvenir faussement douloureux. Laissant même ses ailes s'abaisser d'une certaine résignation.

- Non, je suis arrivée tout en haut par la mort et la douleur. Peut-être ne connaissez-vous pas la famille Toress, mais je n'en suis pas l'aînée. C'était ma sœur, Hestia, qui l'était. C’était-elle, la cheffe de famille avant que je ne le devienne. Elle est morte l'année dernière, peu de temps après mon père. L'une par les monstres alors que je n'ai pas sût la défendre, l'autre par un assassin qui était alors mon mentor...

Son cœur battait fort, fort de ces souvenirs délicieux. Les morts les plus profitables de sa carrière à chaque fois. Mais elle ne pouvait se permettre de révéler le moindre plaisir ou la moindre joie de tout cela. Il fallait garder ce masque d'une femme qui s'ouvrait un peu malgré une carapace de glace pour finir de convaincre Aymeric.

- Alors je sais, ce que c'est que de voir le sang d'un civile ou d'une personne sans défense couler inutilement Aymeric. Sauf que là ce n'était pas par la guerre, mais par les horreurs de la vie. Ce qui m'a marqué, me rend plus forte, et me rendra plus sage sur le champ de bataille. Je punirais ceux qui tueront les civiles et ceux qui se rendront... Mais pour le reste... Je ne puis vous donner ma parole que cela n’arrivera jamais, mais je puis au moins vous dire que j’appliquerais des sanctions si j'ai des preuves. Ou si j'ai quelqu'un qui saurait appuyer cette bataille avec une notion du bien.

Le regard de la commandante vint à retrouver son éclat arrogant et fier. Elle ne pouvait de toute façon plus trop rester une pauvre fleure fragile, ce côté manipulation bien qu'amusant, l'énervait de ses mielleries. Affichant un sourire narquois, la guerrière tendit alors une main ouverte alors à son adversaire du jour.

- La guerre aura lieu quoi qu'il arrive, à vous simplement d'aider à ce qu'elle conserve une part d'humanité, Aymeric Cantell.