luck is not chance,
it is a toil;
fortune's expensive smile is earned

Il n'aurait pas dû être là.

Qu'est-ce que Robyn faisait aussi loin de chez lui franchement ? Eh bien ... C'est une longue histoire. Presque aussi longue que la distance qu'il y a entre Portua et Mercantile en fait ! Pour résumer, on avait besoin de son aide. Et s'il y avait une qualité que l'on pouvait lui reconnaître, c'était assurément son âme charitable, pour le meilleur et pour le pire.

Bref. La journée avait été longue. Le voyage avait été plus long encore. Le Piaf pouvait bien se permettre d'aller boire un verre et de trouver un bon petit lit douillet à l'auberge du coin. Robyn ne serait d'aucune utilité si la fatigue avait raison de lui. Ce n'était pas du tout une excuse pour gagner du temps. S'il avait un plan ? Allons. Jamais.

La douce musique d'un échange de rubis attira son attention. Voilà une bien grosse somme pour une petite dame ! Il se mordit légèrement les lèvres en voyant la tenancière s'éloigner de son comptoir. Il ne devrait pas ... Sauf que ces transactions sont rarement réglo pas vrai ? Affaire classée. Il ne lui restait plus qu'à filer.

Il avait à peine eu le temps de retourner vers sa table qu'un coude venait le bousculer. Son deuxième verre récupéré en chemin, merci à ses voisins, venait de se renverser à moitié par terre et à moitié sur sa chemise déjà assez usée. Sa soirée était gâchée maintenant. Il fallait avouer par contre que son sort était plus enviable que celui du pauvre gamin qui se faisait tabasser par la femme au chapeau.

Ouais. Il comprenait mieux pourquoi son gars voulait se pousser le plus vite possible de cet endroit. Robyn se glissa entre les tables pour récupérer une grosse miche de pain, et l'enveloppa dans un bout de nappe, avant de la faire disparaître dans une de ses poches. Il la gardait pour plus tard. Il préférait analyser la situation. Sa main se tendit pour saisir une main douce qui ne tenait pas d'épée, effectuant un pas de côté au passage, et tant pis si ça faisait tournoyer un peu la rouquine. Le jeune homme vivrait pour le moment.

« Laissez-moi vous voler cette danse. » s'exprima-t-il avec un léger sourire.

Tout le monde devait se poser la même question dans cette seconde suspendue. D'où est-ce qu'il sortait ce petit nigaud ? Il aurait mieux fait de rester dans son coin. Pourtant, un œil avertit aurait compris qu'il venait de tirer la pirate d'un mauvais pas, tandis que le pichet se brisait contre le sol. Est-ce que c'était une sage décision ? Sûrement pas, mais il avait toujours su qu'une belle femme finirait par causer sa perte.

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Eh bien, ce n'était pas la réaction à laquelle il s'attendait.

Robyn savait parfaitement que ses excentricités ne plaisaient pas à tout le monde. Quand bien même, il y avait ici deux vies en jeu, voire bien plus, si la bagarre dégénérait. Si son trait d'humour ne plaisait pas, il suffisait de l'envoyer sur les roses, pour mieux continuer de tournoyer sur lui-même jusqu'à la sortie. Au lieu de cela, le voilà qui se retrouvait avec la pointe d'une épée sous sa gorge de beau parleur. Pourquoi fallait-il qu'on vise toujours sa gorge ? Il préférerait garder toutes les gouttes de son sang, si c'était possible, merci bien. Ce serait une véritable tragédie de priver le monde d'un visage comme le sien !

« Moi ? Je viens juste de vous sauver la vie, peut-être bien, hm ? »

Loin de lui l'idée de la comparer à une frêle demoiselle qui n'attendait rien de plus que de tomber dans les bras de son héros. Seule contre tous, peu importe si elle était plus rapide que le vent soulevant les grandes voiles de son navire, les chances de se tirer hors du pétrin étaient bien maigres. Ces hommes étaient peut-être assez vils pour mériter le courroux d'une femme, lui-même en avait parfois fait les frais, à moindre mesure ! Dans ce cas, ils n'auraient pas mis longtemps avant de se venger en lui mettant une bonne raclée, voire pire, ou de l'emmener à qui de droit. D'ailleurs à ce sujet ...

« Z'avez pas fait dans la dentelle pour du menu fretin ! »

De mémoire, Verona, c'était la grande patronne de l'Île et du commerce. Il manquait certains attributs au fumier précédent pour avoir la tête de l'emploi. Pas impressionné pour deux sous, Robyn fouilla dans ses poches, levant le doigt pour lui demander de patienter encore quelques instants, déposant la miche de pain sur la table, non, ce n'était pas ça qu'il cherchait, bien qu'il avait faim maintenant parce que les émotions ça creuse l'appétit, et qu'il aurait pu s'en servir comme bouclier improvisé, tant pis, il y avait un plateau à portée de main et bien assez de petites cuillères dans la taverne pour se défendre bec et ongles au besoin. La brochette de Piaf n'était pas au menu. Aha ! Voilà la bourse de la dame !

« Ça m'a l'air d'un prix raisonnable pour vous présenter mes plus basses excuses. Je ne suis pas du coin. » crut-il bon de préciser. L'espoir fait vivre.

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Oh, il était au courant qu'il tenait en équilibre sur un bien maigre fil digne d'une véritable lame de rasoir. Pourtant, il ne se coupait jamais ! Il ne comptait pas commencer aujourd'hui. Il savait tirer son épingle du jeu. Robyn faisait confiance à sa chance insolente et à son charme ravageur digne d'une bouffée de fraîcheur. D'accord, le résultat était un peu mitigé cette fois, mais il avait l'impression d'avoir fait mouche, un tant soit peu. Soit il l'amusait beaucoup avec son insouciance, soit il ne valait absolument pas les efforts nécessaires pour l'éliminer. Le voleur en sortait gagnant dans les deux cas. Son nouveau butin était un maigre sacrifice dans la balance. Il appuyait légèrement sur la coupure, pinçant la peau pour s'assurer que ça ne s'aggraverait pas, retenant tant bien que mal une petite grimace d'inconfort, mais tout ça disparaîtrait bien assez tôt. Il fallait voir le bon côté des choses. Voilà de quoi ajouter une petite touche à son côté bien mystérieux !

« Votre cible ... Pour sûr que l'autre gus n'était pas un adversaire de votre taille. » déclara-t-il en croisant les bras, presque dédaigneux.

Et puis qu'est-ce qui lui disait que l'auteur de sa lettre n'avait pas fait lui-même partie de cet équipage hein ? Il faut bien gagner sa vie. Robyn le faisait en récupérant les rubis égarés à gauche et à droite. D'autres le faisaient de façon plus honnête. Et d'autres se faisaient rouler dans la farine par de belles promesses. Affrontant un regard d'acier, il s'installa face à la pirate sur sa propre chaise, récupérant son goûter au passage.

« Mouais ... La grosse tête, je sais pas, mais elle est encore intacte, c'est déjà pas mal ! Avant de me tuer, ce serait sympa de me dire pour qui vous vous prenez au juste. » dit-il entre deux bouchées de pain sans se soucier le moins du monde de ses manières un peu grossières, ni des miettes qu'il mettait un peu partout. S'il était question d'arrogance, franchement, ce n'était pas lui qui remporterait la palme, pas aujourd'hui. Tout était permis dans les Îles Libres ou bien ? Dans une autre situation, ça aurait pu lui plaire, surtout en meilleure compagnie, pour profiter un peu de la saison, les pieds dans l'eau. « Tout ça ferait une bonne histoire à raconter ! »

Elle ? Entourée de marmaille ? Ouais. Non. Ça ne collait pas trop au portrait. Ça lui donnait presque envie de rire. Et oui, Robyn esquivait parfaitement la question. Il ne lui dirait pas d'où il venait. À la limite, il pouvait lui décliner son identité, mais il avait comme l'impression que ça l'intéressait autant que la pluie et le beau temps. Pour le moment.

« Mais avant ça ... »

Marquant son effet dramatique par quelques secondes de silence, le Piaf envoya ensuite valser l'épée loin des mains de sa propriétaire un peu trop féroce à son goût, même s'il devait peut-être forcer un peu, dans un sifflement presque sec de l'air, qui alla ensuite se ficher bien solidement dans le bois du mur du fond, à l'horizontale. C'était certainement moins savoureux que la gorge chaude d'un maître chanteur.

« Voilà qui est mieux ! »

Le voleur esquissa un grand sourire, alors qu'il aurait sûrement mieux fait d'arrêter de jouer au plus malin. Enfin, si cette femme cherchait à récupérer sa lame pour lui faire regretter son audace, alors il aurait le temps de s'enfuir. Qu'est-ce qui avait plus de valeur à ses yeux, sa fierté ou sa proie ? Robyn n'utilisait jamais la magie à la légère, mais sa vie venait clairement d'être menacée ici. Et puis, ce n'était qu'un grand coup de vent, pas vrai ? Rien de plus. Rien de moins.