Observer ne signifie pas nécessairement voir

— An 1000, Lune 8, Jour 5
@Zarg Vajanská

« — Je suis étonnée que tu ne sois pas accompagné de Talia. Jadis, vous étiez inséparables tous les deux. » Fit-elle en s’approchant de son cousin comme une ombre dans l’obscurité. « Comment va-t-elle ? » Elle avait été blessée lors de l’effondrement du château et elle ne l’avait vu qu’en coup de vent depuis. « Et… Comment vas-tu ? » Tout cela avait été éprouvant. Il n’y avait qu’à voir son visage.

Elle s’était glissée dans son dos silencieusement, surprise et à la fois pas du tout, de retrouver son cousin sur les murailles du château d’Itzal. Jadis, ils passaient tous les trois du temps ensemble, jouant à toutes sortes de jeux, leur préféré étant celui de Gardes et Voyous. Midona avait toujours beaucoup aimé jouer les voyous car elle n’avait pas l’occasion de se montrer un peu rebelle. Ses apprentissages lui avaient pris beaucoup de temps lorsqu’elle était enfant, toujours à la recherche de la perfection, pour plaire aux ambitions de ses parents. Avec le temps, elle avait fait des ambitions parentales, les siennes propres, mais cela avait pris du temps et beaucoup de questionnement. Jamais, elle ne s’était rebellée contre l’autorité parentale, ni contre ses précepteurs, ses enseignants. Si elle l’avait fait, aurait-elle atteint le point culminant sur lequel elle se tenait aujourd’hui ?

Depuis son retour à Itzal, la rousse passait beaucoup de temps à l’extérieur et autour du château. Elle appréciait de revoir tout ce qu’elle avait quitté plusieurs lunes plus tôt, insouciante quant à la tournure que prendraient les évènements. Elle se plaisait à se remémorer tout ce qu’elle n’avait pas pensé revoir de sitôt, ni dans ces conditions. Bien sûr, tout n’était pas identique. Son Royaume s’était gangrené lors de son absence et son château était désormais détruit en partie. Cette image était parfois difficile à regarder. La salle du Trône avait été réduite en miette, tout comme l’était la Couronne des Ombres, artéfact ancien et vestige des manipulations de la Reine Pratima jadis. Il n’en restait que des petits morceaux qu’il ne servait à rien d’essayer de recoller. C’était la faute de Xanto. Alors qu’elle avait tout fait pour essayer de réparer les erreurs dont elle n’était pas l’instigatrice, il avait tout réduit à néant avec ses désirs de grandeur et de conquête. Et elle n’avait rien vu venir.

Midona darda ses prunelles de glace sur celles de son cousin puis s’attarda sur le morceau de parchemin qu’il triturait entre ses doigts fébriles.

« — Qu’est-ce qui n’est pas croyable ? » L’interrogea-t-elle naïvement, lui signifiant qu’elle l’avait entendu plus tôt, en proie à ses questionnements.

La Reine acquiesça tranquillement lorsqu’il lui répondit au sujet de la santé de sa cousine. Elle le savait déjà, tout cela, que sa cousine avait été blessée et qu’elle aurait besoin de plusieurs semaines pour reprendre totalement possession de ses moyens. Elle ne pouvait pas compter sur elle en attendant, elle restait donc avec ses questionnements et ses longues nuits d’insomnie à tergiverser sur ce qu’elle devrait faire ensuite. Son conseil ne comptait plus qu’une seule conseillère et celle-ci était dans les limbes. Il lui faudrait recruter de nouvelles têtes mais à qui pourrait-elle confier une telle responsabilité, alors qu’elle était si méfiante et qu’elle craignait de choisir un second Xanto, ou une personne manipulée dans l’ombre par ce dernier.

« — C’est une femme forte, je suis certaine qu’elle reviendra bientôt à elle. Dans peu de temps, elle pourra de nouveau nous rejoindre ici. » Elle ponctua sa phrase d’un léger sourire, son regard s’étant perdu dans l’orage qui grondait au loin. « Elle a bien besoin de repos, après tout ce qu’il s’est passé. »

Elle faisait allusion aux dernières lunes auprès de sa remplaçante dans la régence, et à la mort de son mari, et de la disparation de son enfant à naître. Sa pauvre cousine avait bien mérité un peu de repos. Midona écouta Zarg poursuivre, sur le fait qu’il devait servir même s’il était épuisé, même s’il était paralysé par l’angoisse de perdre sa sœur.

« — Certes. » Sa voix était amère. Elle n’ajouta rien, cependant. La rousse savait que c’était dans son intérêt qu’il soit présent en tant que garde, mais elle aurait également compris qu’il ait besoin de temps. Et c’est ce qu’elle lui aurait proposé. Seulement, avait-elle le choix ? La garde Pourpre n’avait plus de commandant et elle ne pouvait décemment pas faire confiance à n’importe qui pour rester auprès d’elle.

D’un geste machinal, elle prit le morceau de parchemin dans sa main qu’elle ouvrit pour y découvrir une page entièrement vierge. L’incrédulité accompagna cette trouvaille tandis qu’elle tournait un regard interrogateur sur son cousin. Celui-ci lui répéta des certitudes quant à la faille de sécurité qui existait dans le château. Si la remarque partait d’un bon sentiment, d’un souhait d’améliorer les défenses du château d’Itzal, Midona ne le prit pas bien. Elle chiffonna brusquement le morceau de papier dans sa main et le jeta par-dessus le mur. Rattrapé par le vent, il vola par-dessus elle et s’envola dans l’autre sens. La mâchoire crispée, il était évident que la colère, seule émotion qui l’avait accompagné pendant ces dernières lunes, se tapissait toujours dans les méandres de son cœur.

« — En voilà une vérité, Zarg. » Le ton amer, elle sentait les battements de son cœur s’accélérer. « Comment est-ce possible que la Garde Pourpre ait laissé passer tant de choses pendant mon absence ? Une tentative d’assassinat contre Remna ! Le meurtre d’Océrian ! Et la trahison de Xanto ! » Elle grondait d’une voix forte. « Sans parler de cet homme qui s’est glissé pour me voler la Couronne des Ombres. Il était n’importe qui, il aurait pu être de la clique à Xanto et me poignarder. À quoi sert une garde si elle n’est pas capable de défendre ?! »

Midona ne s’adressait pas nécessairement à Zarg, mais ce n’est pas comme si elle pouvait se plaindre à la commandante de la Garde Pourpre puisque celle-ci était décédée en protégeant ses sujets, comme elle l’avait ordonné. Le grondement dans sa gorge se calma un peu et la jeune femme se passa la main sur le visage.

« — Xanto avait l’air tout autant surpris que moi lorsque l’homme m’a pris la couronne. Soit il avait un véritable don de comédien, soit il y a vraiment une autre organisation coupable de tout ce capharnaüm. » Midona se frotta les yeux. « Il faut que la confiance revienne entre nous, avec les gens qui nous accompagnent. La gangrène ne doit plus dévorer Metzli, je ne veux pas que mon Royaume soit en proie aux conflits, aux tentatives d’assassinat, à la paranoïa. » Elle prit la main de Zarg dans la sienne, la serra. « Je sais que je peux avoir confiance en Talia. Est-ce que je peux te faire confiance, Zarg ? » Son regard le sonda, durement.

D’ordinaire, il avait plus de de répondant face à elle. Mais les temps avaient changé, l’angoisse taraudait chacun des êtres qui avaient vécu les dernières lunes à Itzal alors que le poison s’insinuait dans les murs du château et de la noblesse. Elle lui en voulait de ne pas avoir su protéger son royaume en son absence. Elle avait aimé croire que Metzli pourrait se passer d’elle quelques temps sans être réduite à feu et à cendre. Elle avait espéré que Remna aurait pu prendre sa place temporairement et faire asseoir son autorité. Elle avait compté sur chacun des membres de sa Garde Pourpre, sur la cour de Metzli, sur les héritiers, pour faire fi de leurs conflits, pour le bien de son Pays. Mais alors qu’elle rouvrait peu à peu les paupières sur un Royaume meurtri et affaibli, l’évidence la frappait. Ce qu’elle récupérait de Metzli désormais, était pratiquement un cadavre. Talia, sa dernière conseillère encore loyale, avait tenu à bout de bras les derniers fils qui tenaient le pouvoir ensemble. Remna n’avait pas été capable de protéger son royaume.

Il fallait que cela change. Hurler face à la première personne qu’elle voyait n’était pas la solution, elle le savait. Mais elle était bien incapable de ne pas cracher son venin, déçue par-dessus tout, de ce qu’elle retrouvait huit lunes après sa chute. La méfiance et la paranoïa ne l’emmènerait nulle part, il fallait qu’elle réapprenne à faire confiance aux autres. Et si elle ne pouvait pas croire sa famille, à qui pourrait-elle l’attribuer, cette confiance ?

La Reine Crépusculaire échappa un long soupir, papillonnant des paupières tandis que sa cage thoracique se vidait d’un seul souffle. Tenant toujours fermement la main de son cousin dans les siennes, elle l’attira un peu davantage vers lui, pour qu’il soit en mesure de l’entendre, dans un chuchotement.

« — Lorsque la salle du Trône s’est écroulée, un passage menant à une salle enfouie depuis des décennies, a été découvert. » Elle chuchotait pour être certaine qu’il serait le seul à l’entendre. « Peut-être depuis la Reine Pratima. » Son regard s’illuminait. « Je dois être certaine de ce qu’il y a là-bas. Et je ne peux pas envoyer qui que ce soit d’autre, car je n’ai confiance en personne. » Ces derniers mots s’extirpèrent de ses lèvres dans un soupir puis sa voix s’éleva. « Et comment le pourrais-je ? Je croyais Xanto loyal à la couronne, sincère face à moi. Je croyais qu’il m’aimait. Je croyais… Beaucoup de choses, fausses désormais. Je ne sais plus à qui je peux me fier. Je sais que Talia ne me trahirait pas, je l’espère… Et toi… Car nous sommes du même sang. Mais je ne peux pas lire dans vos esprits pour savoir si vos mots rejoignent vos pensées. J’ai confiance également en Remna qui n’aurait pas supportée tout cela si elle ne m’était pas loyale. Je pense avoir confiance aussi en Kayn car il m’a protégé lors de mon retour. Mais comment ne pas être certaine que tout ceci n’est pas une façon de se rapprocher de moi pour me poignarder dans le dos lorsque j’aurai entièrement abaissé ma garde ? » Question rhétorique. Que pouvait-il lui répondre ?

Midona relâcha la main de Zarg et fit un pas en arrière. Elle ne s’était pas attendue à ce qu’elle se vide de ses angoisses de cette manière, aussi vite, en face de son cousin. Mais les mots ne s’arrêtaient plus. Est-ce qu’il pouvait seulement la comprendre ?

« — Je ne sais même pas si je peux faire confiance à la Garde Pourpre. Quand Xanto est entré, certains gardes se sont mis de son côté. Il y en avait beaucoup, beaucoup trop. Je veux qu’ils soient arrêtés, ceux qui n’ont pas fuis. Qui me dit que certains pensent la même chose mais qu’ils n’ont encore rien dit ? Qu’en dis-tu, Zarg ? Penses-tu que Metzli puisse se relever ? Je n’ai même plus ma couronne, plus de Fragment d’Ombre pour contrôler mon peuple ? Ce n’est peut-être qu’une question de temps avant qu’ils marchent sur le château et qu’ils me fassent bruler vive. Qui me protégera alors ? » Elle avala bruyamment sa salive.

Son garde et cousin l’écoutait calmement lorsqu’elle se lança dans son long monologue sur ses angoisses et sa déception de retrouver son Royaume dans un tel état depuis son retour. Cela avait été plus fort qu’elle. Midona avait besoin de finalement dire ce qu’elle pensait, ce qui taraudait son esprit et l’empêchait de dormir lorsqu’elle fermait les paupières, une fois dans la solitude et le silence de la nuit. Elle n’était pas tout à fait certaine qu’elle s’épanchait face à la bonne personne, mais il n’y avait qu’à Talia qu’elle avait l’habitude de parler, et celle-ci avait d’autres difficultés actuellement. Il était hors de question qu’elle aille se plaindre auprès d’elle alors qu’elle lui avait déjà dit certaines choses au crépuscule de son retour à Metzli, quelques jours plus tôt.

Lorsqu’il reprit finalement la parole pour réagir au flot de paroles de la Reine Crépusculaire, ce fut avec une petite touche d’ironie qui arracha un léger sourire à la rousse. Il n’avait pas tort. Midona n’était pas une femme à étaler ses sentiments et émotions à sa famille ou à ses amis. Sa période d’errance et de solitude l’avait changé. Elle acquiesça comme seule réponse aux premières paroles de Zarg puis fut surprise lorsqu’il se rapprocha de nouveau d’elle et saisit ses épaules. La rousse leva le menton, plantant ses prunelles de glace sur son cousin, sans dire un mot.

Ce qu’il dit, elle avait eu besoin de l’entendre. Peut-être même, plusieurs lunes plus tôt. Mais aurait-elle alors été capable d’accepter de faire une croix sur sa chère couronne ? Maintenant que celle-ci était réduite en morceaux sur le sol de son ancienne salle du Trône, rien ne servait plus de la pleurer. Cela ne la ferait pas réapparaitre, ni ne la recollerait par magie.

« — Merci, Zarg. Hélas, tout le monde ne pense pas de la même manière et ils sauront se servir de cette absence de couronne pour m’attaquer. » Elle secoua doucement la tête. « Si Xanto refaisait surface avec un Fragment d’Ombre, il y a fort à parier que cela diviserait le Royaume. » Et elle devrait alors se battre. « Mais je tiens absolument à aller voir de mes propres yeux ce qu’il y a sous cette salle. Après huit lunes passées sur les routes, je suis incapable de rester assise à attendre qu’on me ramène les informations. J’ai besoin de les voir de mes yeux, et ainsi m’assurer que tout est réel. »

Midona se dégagea doucement de son emprise et fit face à l’orage qui grondait dans le lointain, illuminant de temps à autre les environs.

« — Je veux que tu viennes avec moi, et Talia également, j’attendrais qu’elle aille mieux. Mon périple m’aura au moins appris la patience. » Elle haussa les épaules. « Réformer la Garde Pourpre… Oui. Il va me falloir un nouveau commandant. » Elle glissa son regard sur son cousin. « Qu’en penses-tu ? » Midona avait bien une idée mais elle ne savait pas si cela plairait au premier concerné. « Est-ce pour cela que tu souhaitais me voir, Zarg ? »

Il n’était pas d’accord avec la volonté de Midona d’emmener Talia avec elle sous les décombres de la salle du Trône. Pas étonnant, venant du frère protecteur de cette dernière. Il s’inquiétait pour la santé de la jeune femme et était même inquiet qu’elle puisse ne jamais se réveiller. La Reine le vit bien, au lapsus qu’il fit. Et pourtant, elle ne pouvait s’imaginer se rendre là-dessous sans avoir sa cousine et conseillère auprès d’elle. Parce qu’elle était de sa famille et parce qu’elle avait montré sa loyauté à la Reine.

« — Parce que j’ai confiance en elle. » Répondit-elle simplement à Zarg. « Il faut que j’y aille. J’ai bien songé à y aller seule, et c’est ce que je voulais faire. Pourquoi faire risquer à d’autres personnes, à mes proches, leurs vies ? Vous avez déjà bien assez souffert de mon absence. » Elle soupira. « Mais tout ce périple m’a appris plusieurs choses, et l’une d’elles est que j’ai besoin des autres pour avancer. J’en ai besoin, et c’est un peu terrifiant après ce que j’ai vécu à mon retour. J’ai besoin des autres mais je ne sais pas si je peux leur faire confiance. C’est pourquoi c’est à vous que je demande cela. »

Midona lui sourit un peu tristement, elle devait également croire en cet espoir, que sa cousine se réveillera enfin. Quelques mois plus tôt, elle s’était également retrouvée dans un profond coma le temps que la douleur se calme et que les chairs cicatrisent.

« — Talia se réveillera, je n’ai aucun doute là-dessus. Je crois en elle et je sais qu’elle est assez forte pour faire face, avec moi, à ce qu’il y là dans cette crypte. Peut-être est-ce à toi de la voir comme elle est désormais, c’est-à-dire une femme faite qui a montré à bien des égards la force de ses épaules, et non pas comme ta petite sœur. » La relation qu’ils avaient tous les deux, entre un frère et sa sœur, la rendait jalouse à certains moments.

Il n’était pas venu pour lui parler de la Garde Pourpre. Ce fut au tour de Midona de s’interroger au sujet de l’ombre qu’abritaient les paroles de son cousin.

« — Allons, tu n’es pas si mauvais. » Répliqua-t-elle en riant à l’image de Zarg perdu au beau milieu d’une plaine.

Le sourire fit place au choc lorsqu’il lui demanda l’autorisation de quitter ses fonctions de garde pour poursuivre dans un autre chemin. La Reine le scruta intensément, dubitatif, et déçue également. Avoir une personne telle que son cousin comme proche dans la garde était une manière d’avoir toujours un œil et une oreille au cas où la trahison devait arriver de son entourage proche.

« — Officieusement ? Tu sais bien que si je te relève de tes fonctions, tu ne pourras plus réintégrer si facilement la Garde Pourpre, cousin de la Reine ou non. Ce n’est pas un grade que l’on quitte si facilement. Et si tu disparais, on se posera des questions à ton sujet. Tu pourrais être accusé de trahison. Je peux effectivement prétendre t’envoyer en mission, ainsi tu gardes ton titre de chevalier de la Garde Pourpre. Ou bien je te démis officiellement de tes fonctions de garde pour te promouvoir Espion du Conseil de Metzli. » Elle n’avait pas songé à une telle chose mais pourquoi pas.

Elle était étonnée qu’il veuille se lancer dans une telle quête pour dénicher la confrérie noire. Cela semblait être une mission périlleuse, même si elle entendait le bien fondée dans l’idée de trouver ses ennemis et connaitre leurs prochains mouvements.

« — Tu me prends par surprise, Zarg. » Elle passa une main sur son visage. « J’espérais pouvoir compter un peu plus sur toi à Itzal. D’un autre côté, je pense aussi que nous devrions étroitement surveiller la Confrérie Noire. Être un garde est bien plus aisé que cette tâche-ci. Talia n’en sera pas heureuse. Lui en as-tu déjà parlé ? Comptes-tu le faire au moins ? »

Son cousin était un homme prudent et sage. Elle le connaissait comme tel et il se montrait à nouveau sous ce jour. Il était inquiet pour sa sœur, pour sa vie et pour la suite. Il ne voulait pas la tenir au courant de ses projets, de son désir d’espionner la Confrérie Noire. Midona fit la moue et secoua doucement la tête, n’approuvant visiblement pas cette volonté de laisser Talia en dehors de la confidence. Qu’irait-elle dire si elle la mettait déjà hors de ses décisions, qu’elle s'éloignait de ses conseils et se moquait de son jugement ? Elle lui en voudrait. Il était hors de question qu’elle se mette à dos sa cousine et proche amie. Hors de question.

« — Ce n’est pas n’importe qui de la Cour de Metzli, Zarg. » Elle parlait d’une voix calme, presque douce. « Elle est ma conseillère. La seule qu’il reste de mon conseil restreint. » La Twili avala sa salive. « Je ne peux pas laisser Talia en dehors de ça. Elle le saura tôt ou tard et sera en colère, à raison, d’avoir été laissée ignorante de ton départ. Je l’ai assez déçue ces dernières lunes pour accepter de ne rien dire. Et elle a trop perdu. »

Midona pencha un peu la tête, un léger sourire sur ses lèvres. Elle posa une main sur l’épaule de Zarg comme pour se faire rassurante. Elle devinait aisément la réaction de Talia quand elle apprendrait qu’elle était la seule au courant de la mission de Zarg. Et comment irait-elle défendre son absence ? Elle mentait très mal, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. La rousse ne voulait pas créer plus de problèmes qu’il n’en avait déjà. Alors que ses soutiens se faisaient si rares, elle ne pouvait pas prendre le risque de s’éloigner de ceux qui la soutenaient encore si férocement. Midona serra un peu son épaule entre ses doigts.

« — Elle comprendra, j’en suis sûre. Bien sûr qu’elle sera inquiète mais elle est capable de comprendre tes intentions et tes souhaits. » Elle haussa vainement les épaules, cherchant dans ses prunelles sa décision de lui dire, ou non, la vérité sur sa disparition. « Si tu décides de ne pas le lui dire, je ne lui mentirais pas quand elle me questionnera. »

C’était une histoire entre eux après tout, mais la mission pour laquelle Zarg voulait embarquer pourrait s’avérer être périlleuse. Il devait avoir l’aval de sa Reine et Talia ne serait probablement pas très heureuse que Midona l’ait envoyé sous ses ordres. La rousse pourrait très bien refuser son souhait de partir, lui ordonner de rester auprès d’elles, de faire son travail de garde pourpre. Mais il ne voulait pas être commandant, il ne voulait pas rejoindre de poste important auprès d’elle. Il préférait travailler dans l’ombre pour elle. Ce n’était pas une mauvaise chose. Mais lancer un membre de sa famille là-dedans lui hérissait le poil.

Un éclair zébra brusquement le ciel et le tonnerre gronda avec férocité au-dessus d’eux. Déjà, de grosses gouttes de pluie commençaient à leur tomber dessus. Elle sentait l’eau tomber sur sa peau, le long de ses joues et tacheter ses vêtements. Il régnait une chaleur étouffante alors que le vent était tombé.

« — As-tu déjà des éléments concernant la Confrérie Noire ? Penses-tu qu’ils puissent être derrière la destruction du château ? » Elle fronça les sourcils, tourné vers son cousin.