Laisser l’île du dragon derrière lui, après tout ce qui venait de se passer ne fut pas si facile pour Azriel. Le second du Silent Dragon semblait en effet avoir le cœur lourd, tandis qu’il se tenait sur le pont du navire, le regard perdu au loin, vers la ville portuaire qu’il venait de quitter. Ses yeux bruns étaient très sérieux, reflétant les souvenirs des combats qui venaient tout juste de se dérouler. Il ne souriait même pas à l’idée de reprendre la mer, et ceux, bien qu’ils soient sortis victorieux de la bataille, car la guerre avait laissé bien des cicatrices sur son corps et son esprit.

Alors que le navire arrivait enfin en haute mer, le Piaf maudit ressentit les vagues sous ses pieds, et les embruns salés caresser son visage. Il sentit son coeur se mettre à battre plus rapidement dans sa poitrine et souffla longuement. Azriel était un homme de la mer et il chérissait l’air salé de l’océan. Il se mit alors à respirer profondément, remplissant ses poumons de la fraîcheur et de l’odeur si caractéristique de l'étendue bleue. Ce moment aurait pu être véritablement parfait, s’il n’y avait pas tant de blessés sous ses yeux… Il ressentit en effet une profonde tristesse en voyant presque tous les marins panser leurs blessures à cause des combats. Ô, il savait parfaitement que tout le monde ne sortirait pas indemne de tout cela, ce n’était pas sa première bataille, mais cela ne diminuait en rien sa douleur en voyant son équipage souffrir ainsi… Même Kahlan, sa chère capitaine était alitée et restait dans sa cabine… Le brun était bien plus empathique qu’il ne le laissait paraître et se souciait véritablement de chacun de ses camarades.

Il devait être 15 ou 16h quand Azriel confia la barre à un timonier, et décida qu’il était temps de rendre visite à leur prisonnier… Le Piaf avait en effet fait un prisonnier à la fin de la guerre… Le frère de ce stupide roi qui avait cru pouvoir s’emparer d’une île… Elles portaient pourtant leur nom depuis des siècles : les îles LIBRES.

Alors qu’il se dirigeait vers la cale, là où le prisonnier était enfermé depuis plusieurs jours, le brun sentit ses poings se serrer et sa mâchoire se contracter, avec l’envie soudaine de frapper contre quelque chose… Ou plutôt, quelqu’un. Il allait cependant devoir se retenir… La violence n’arrangerait rien, et le pirate possédait une arme bien plus tranchante que ses poings pour ce genre de situation…

Arrivant finalement dans la cale sombre, froide et humide, le second du Silent Dragon s’avança vers la cellule dans laquelle le soldat d’Hebra avait été mis au fer. S'éclairant à l’aide d’une petite lanterne, il n’y avait plus aucun bruit ici, seulement le son des vagues qui s’écrasaient contre la coque du bateau et le craquement du bois. Dans d’autres circonstances, cette ambiance aurait pu être apaisante, mais pour le Piaf prisonnier, c’était sans doute très oppressant. D’autant plus que les pas d’Azriel qui se rapprochaient de lui résonnaient eux aussi. Le Piaf aux ailes noires s’arrêta finalement devant la porte de la cellule, et commença à doucement éclairer le Cantell. Il était accroché au mur avec des fers rouillés et avaient les mêmes affaires puantes et sales qu’il portait lors de la bataille. Soupirant devant ce tableau pitoyable, le pirate ouvrir la cellule et s’approcha un peu. S’il était touché par les blessures de ses frères, il ne l’était nullement par celles d’un ennemi. Le visage toujours aussi froid, il ouvrir finalement la bouche pour dire d’une voix grave. « Nous y voilà… J’ai enfin du temps pour m’occuper de toi. » Le pirate ne laissa aucune émotion transparaître pour le moment, ni dans sa voix, ni dans son expression. Il s’abaissa même afin de se mettre à la même hauteur que l’homme enchaîné, pour mieux le voir, mais aussi pour s’assurer qu’il n’était pas non plus sur le point de mourir… En effet, interroger un mort était bien moins amusant…

Tous ceux qui connaissaient assez bien Azriel, savaient à quel point il pouvait être calme et réfléchi, mais également capable d’une grande violence lorsqu’il était poussé à bout. Heureusement pour le Piaf en face de lui, sa fureur des derniers jours avait commencé à s’estomper et le pirate semblait plus enclin à se contrôler. Observant toujours le prisonnier de ses yeux bruns intenses, il se montra complètement impassible devant les premiers mots de Cantell. Il avait encore assez de force pour répondre, et se défendre, c’était déjà ça. « Je n’en suis pas si certain » répondit-il gravement alors que le rossignol disait n’avoir rien donner, ou à dire.

Azriel se mit ensuite à réfléchir quelques instants. Il était très habile pour poser des questions et obtenir des réponses, même de la part d’une personne réticente à parler. Ce que semblait être Aymeric en cet instant. Il était également très perspicace et avait un pouvoir qui lui permettait de facilement détecter les mensonges, les demi-vérités et les omissions. Il n’hésiterait en aucun cas à s’en servir, bien que cela implique potentiellement un moment difficile et douloureux pour le prisonnier. Heureusement, qu’en face, Azriel ne se laissait jamais emporter par ses émotions lorsqu’il menait un interrogatoire. Il restait toujours calme et rationnel, même lorsque les réponses qu’ils recevaient étaient choquantes.

« Vous étiez proche du roi Piaf, je me trompe ? » Et dire que le pirate n’avait même pas pris la peine d’apprendre le nom de ce soir de pacotille qui s’était attaqué à bien plus fort que lui… « Vous devez connaître ses plans.. Que voulait-il faire de l’île du dragon ? Je veux savoir s’il ne préparait pas autre chose dans l’ombre… Des informations qu’il aurait sans doute confier à .. un frère ? » Le pirate ne sembla absolument pas prendre en compte le décès, tout juste récent du roi d’Hebra, ni même l’effet que son évocation aurait sur Aymeric. Une petite voix au fond de lui, sou soufflait même que cette perte rendrait le rossignol plus vulnérable, et qu’il obtiendrait sans doute plus rapidement ses réponses ainsi.

Oh, c’était un raisonnement assez dur, c’est vrai. Mais Azriel avait traversé tellement de moments difficiles tout au long de sa vie, tellement de traumatisme qu’à présent, le malheur de ses ennemis ne l’affectait pas. Bien au contraire. Ô, il allait peut-être encore être traité d’insensible, mais il n’en avait que faire. Son but étant de s’assurer que l’île du Dragon ne courrait plus aucun danger et que Kevan Cantell n’avait pas d’autres plans diaboliques en marche, car malgré son décès, il y aurait sans doute du monde pour prendre sa relève.

« Je suis certain que tu as des réponses à ses questions. » Lança finalement le Piaf maudit, avec une certaine autorité et une menace dans la voix. « Je ne veux donc pas entendre une nouvelle fois que tu ne sais rien… Sache que j’aurais de toute façon, le moyen de te faire parler…. » Il n’en dit pas plus, préférant garder la surprise de ce qu’il risquait d’arriver si le prisonnier ne se faisait pas plus coopératif…

Le sang du pirate bouillonnait dans ses veines devant un énième refus du Piaf à parler… Son visage se fit alors encore plus dur, plus fermé tandis qu’il serrait la mâchoire. Complètement aveuglé par sa colère et sa haine, le brun n’entendait aucune des paroles du prisonnier. Il refusait de croire qu’entre frères, lui et Kevan Cantell n’avaient rien partagés, refusait de croire qu’il avait tenté de l’arrêter. Pourtant, Aymeric clamait toujours son innocence et bien d’autres personnes avaient également plaidé sa cause. Azriel n’en démordait pas pour autant et il n’en avait fait qu’à sa tête ! Jetant le prisonnier malade au fer du Silent Dragon, sans même lui prodiguer aucun soin et s’apprêtant à lui faire subir un supplice bien plus douloureux encore.

En effet, Azriel maîtrisait la magie de l’esprit et plus précisément celle de la télépathie. Il était capable d’infiltrer l’esprit d’une personne, de le contrôler et de le briser. Il pouvait y lire des pensées, altérer des souvenirs… Bref, il saurait bien rapidement si le Cantell en face de lui mentait ou non. Il n’avait d’ailleurs à aucun moment envisagé la deuxième option, bien trop aveuglé par son envie de vengeance. Le frère de l’homme qui se trouvait devant lui avait attaqué son île natale, mis en danger la vie de ses amis, sa famille et presque tué sa capitaine… S’en était trop.

« Dans ce cas, tu ne me laisses pas d’autre choix. » Gronda le pirate en s’approchant du Piaf enchaîné. Il lui empoigna le menton pour le faire redresser la tête et dès lors qu’il croisa le regard bleuté du rossignol, il entra dans son esprit.

Azriel savait parfaitement bien manier son pouvoir, et son prisonnier était si faible qu’il n’eut aucun mal à se frayer un chemin à travers son esprit. Il ne chercha même pas à résister, et c’était tant mieux ! D’un côté, la sensation serait moins douloureuse pour lui.. Il ne sentirait qu’une main griffue arpenter chacun de ses souvenirs et triturer son esprit, mais cette dernière ne ferait pas trop de dégât. Du moins pour le moment.

La première image que le brun pu voir fut celle d’une femme. Une belle femme blonde, aux yeux clairs qui semblait être une Piaf. Elle était en train de prier et Azriel devina même deux grandes ailes argentées dans son dos. Ce n’était pas ce qu’il cherchait ! Il continua à fouiller et enfin, il aperçut la silhouette de ce roi de pacotille, fièrement assis sur son trône. Voilà précisément ce qu’il voulait voir !

Le pirate décida néanmoins de se retirer un instant de l’esprit de son prisonnier et de retrouver possession de son corps. Toute notion de temps était complètement chamboulée lorsqu’il s’aventurait ainsi dans un esprit et afin de ne pas s’épuiser, il préférait y aller petit à petit. De toute façon, il n’obtiendrait rien si ces pouvoirs puisaient toute son énergie trop rapidement. « On n'a toujours rien à dire ? Je continue ? » Demanda alors le Piaf Maudit, le visage toujours aussi impassible et imperturbable.

Fixant son prisonnier, avec beaucoup d’intensité, le pirate remarqua bien rapidement que le visage du Piaf enchaîné était marqué par la douleur et la fatigue. Les faibles bougies vacillantes qui projetaient leurs ombres dansantes autour d’eux, tandis que le bateau tanguait à droite puis à gauche, accentuaient le coté sinistre de la scène. Aymeric était à bout de force et Azriel était planté devant lui avec sa stature imposante, et ses grandes ailes noires à peine recroquevillées dans son dos, donnant à son apparence une aura de danger.

Le masque d’impassibilité du brun disparu durant un court instant, quand le Cantell lui demanda ce qu’il venait de faire… Un sourire énigmatique étira alors les lèvres du Second du Silent Dragon qui ne répondit pas pour autant… Non, il laisserait planer le doute encore quelques instants.

Voilà que le Piaf trouvait encore la force de prétendre qu’il ne savait rien, qu’il ne comprenait même pas ce qu’on lui demandait… Azriel s’accroupit alors à son niveau, et attendit quelques secondes afin que son prisonnier retrouve ses esprits et qu’il puisse clairement entendre ses paroles : « Tu as du cran, je te l’accorde. Mais tu apprendras rapidement que ceux qui se dressent devant moi méritent une mort rapide et sans souffrance. En revanche, ceux qui coopèrent peuvent espérer un peu de clémences de ma part. » Ayant retrouvé son expression froide, qui ne laissait deviner aucune de ses émotions, le brun se releva lentement, faisant les cent pas devant le prisonnier. Son esprit était concentré, repensant à tout ce qu’il venait de voir dans l’esprit d’Aymeric, et cherchant la meilleure approche pour percer la carapace de son interlocuteur et trouver les réponses qu’il cherchait précisément.

Il s’interrompit lorsqu’il lui sembla entendre un sanglot et reporta son attention sur le prisonnier. Venait-il vraiment de dire qu’il avait essayé d’arrêter son roi ? Son frère ? Plissant les yeux et pour la première fois depuis qu’il avait fait prisonnier le jeune homme, la pirate sembla se demander s’il ne, ce n'était pas trompé. Aurait-il été aveuglé par sa propre colère et son désir de trouver un coupable ? Quelqu’un à accuser pour les atrocités que lui et les habitants de l’île du Dragon avaient vécues ? Il avait ignoré les voix de ceux qui avaient pris la défense du frère du voix fou, persuadé qu’ils cherchaient tous à dissimuler la vérité. Mais maintenant, il commençait à douter de son jugement.. Et s'ils avaient tous eux raison ?

« J’ai peut-être été trop hâtif dans mon jugement. » Laissa-t-il gravement échapper avant de se pencher encore une fois vers Aymeric, qui semblait avoir tout abandonné lui. « Mais je dois en avoir le cœur net ! » Dit-il avant de reprendre le visage du prisonnier entre ses mains.

Voulant à nouveau fouiller dans l’esprit du Cantell, cette fois-çi, il ferma les yeux et concentra son pouvoir. Une vague d’énergie magique émana du brun, créant une connexion invisible entre leurs deux esprits. Azriel ne se heurta à aucune barrière mentale, son prisonnier étant bien trop faible pour lui résister. Mais instantanément, il fut submergé par un flot d’émotions. C’était comme entrer dans un océan tumultueux où chaque vague portait un fragment des sentiments, et de la vie de l’homme enchaîné. Azriel dut faire preuve d’une grande maîtrise pour ne pas se laisser emporter par cette déferlante émotionnelle. Il navigua avec précaution, cherchant les informations dont il avait besoin, sans pour autant s’attarder sur les détails trop personnels du prisonnier. Il s’agissait néanmoins d’un équilibre très délicat, car il ne souhaitant plus laisser autant de traces de son intrusion dans l’esprit du rossignol à présent.
Au fur et à mesure qu’il sondait les pensées du prisonnier, Azriel ressentit un mélange d’émotion à son tour. D’une part, il éprouvait une certaine empathie envers cet homme qui endurait tant de souffrances depuis le début de cette guerre. Mais d’un autre côté, il ne pouvait s’empêcher de ressentir de la frustration, car il n’avait toujours aucune preuve de la bonne foi d’Aymeric.

Une fois le flot d’émotions passées, le pirate trouva enfin ce qu’il cherchait. Plongé dans les méandres de ses souvenirs, une révélation soudaine lui traversa l’esprit. Il vit clairement les souvenirs de celui qu’il pensait son ennemi, montrant sa résistance contre la guerre et ses tentatives désespérées pour éviter le conflit. Chaque émotion semblait sincère lorsqu'il le vit s’opposer au roi puis tenir tête à une commandante des armées, lui répétant que l’attaque contre l’île du dragon n’avait aucun sens. Une phrase frappa en particulier le Piaf Maudit qui se retira de l’esprit du prisonnier aussitôt qu’il l’entendit *Je refuse de me taire face au meurtre d’innocents.*

L’intensité de cette prise de conscience frappa Azriel de plein fouet. Il fut submergé par une vague d’empathie pour le Piaf devant lui, un homme qu’il avait injustement accusé et condamné. Les mots du prisonnier, qui prétendait ne rien savoir, résonnèrent à nouveau dans l'esprit d'Azriel. Mais cette fois-ci, il comprit que ce n'était pas par obstination ou résistance, mais bien parce que c'était la vérité. L'innocence de cet homme était indéniable, et il avait enduré des épreuves terribles simplement parce qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment.

Un sentiment de culpabilité s’immisça dans le coeur du pirate maudit, tandis qu’il s’adossait à la coque du bateau. Il avait trop puisé sur son pouvoir, le flot de sentiments et d’émotions qu’il avait ressenti l’avait fortement affaibli, et une terrible migraine commençait à lui marteler le crâne, mais il était hors de question qu’il s’en aille maintenant, il devait réparer ses erreurs. « Je suis désolé », murmura Azriel d’une voix empreinte de remords, en reposant son regard brun sur le rossignol. « J’ai commis… Une terrible erreur. »

Azriel se tenait là, le souffle court, son esprit tourbillonnant dans un tumulte de culpabilité et de douleur. Ses prunelles d'ambre étaient assombries par la révélation brutale qui venait de s'imposer à lui. Il avait utilisé son pouvoir télépathique de manière impitoyable, plongeant dans les profondeurs de l’esprit de son prisonnier, cherchant des informations cruciales sur Kevan Cantell. Mais ce qu'il avait trouvé avait été bien loin de ce qu'il avait anticipé.
La migraine qui déchirait son crâne était presque insupportable, comme si chaque pensée de cet homme, chaque émotion qu'il avait ressentie, était devenue la sienne. Azriel pouvait sentir la nausée monter en lui alors qu'il s'écartait, cherchant désespérément à se débarrasser de l'emprise des souvenirs d’Aymeric.

La culpabilité était une lame acérée enfoncée dans son cœur. Le second du Silent Dragon n'avait pas su faire la différence entre un ennemi et un homme pris au piège de circonstances cruelles. La violence de la guerre l'avait aveuglé, et l'avait transformé en un instrument impitoyable de torture psychique. Prenant sa tête entre ses mains, le pirate se maudissait pour ce qu’il avait fait, pour l’homme qu’il avait peut-être détruit.

Finalement, les paroles vacillantes du Piaf enchaîné, prononcées avec une voix à peine audible, atteignirent les oreilles d’Azriel comme un écho pointa. Le brun était encore étourdi par les émotions tumultueuses qui avaient envahi son esprit, mais il était maintenant intrigué par ces deux éléments. Il releva la tête vers le prisonnier et le questionna du regard. Qui était Cirilla, et pourquoi avait-il mentionné l’amphithéâtre de Valoo ? Le pirate n’était pas croyant, et il ne l’avait jamais été, mais ils étaient nombreux sur l’île du Dragon à vénérer le même esprit gardien. Était-ce une piste ? Un indice ? Ou simplement les mots désespérés d’un homme au bord de l’inconscience ? Azriel se pencha légèrement vers le prisonnier, essayant de capter plus d’information malgré la douleur dans sa tête. « Que dois-tu faire ? » 
Le maudit poussa un soupir exaspéré en réalisant que le prisonnier était désormais inconscient. Il se sentait encore plus coupable pour son état. C’était lui qui l’avait enfermé, sans prendre la peine de le nourrir ni même de soigner ses blessures. Il savait donc qu’il devait agir rapidement pour que le Cantell reste en vie. Sans perdre de temps, il se leva d’un geste brusque, jura entre ses dents, puis se dirigea rapidement vers le pont du bateau. Il ordonna au premier matelot qu’il croisa d’aller détacher le prisonnier tandis qu’il cherchait du regard le médecin de bord. Il le repéra assez rapidement, il s’occupait des bandages d’un des membres de l’équipage et le pirate se précipita vers lui.

Lorsqu’Azriel arriva aux côtés du médecin, ce dernier jeta un coup d’œil rapide au Piaf maudit, supposant que c’était lui qui avait besoin de soins médicaux, étant donné son aspect fatigué, épuisé, et le fait qu’il se tenait toujours les rampes. Le médecin se préparait déjà à poser des questions sur son état de santé, mais Azriel l’interrompit rapidement. « Ce n’est pas moi qui ai besoin de votre aide. » Expliqua-t-il précipitamment, les yeux anxieux. « C’est le prisonnier que nous avons en bas, dans les geôles. Il est gravement blessé, inconscient et je crois qu’il a besoin de soins immédiatement. » Le chirurgien arqua un sourcil, surpris par cette déclaration. Il se tourna immédiatement vers le second et lui demanda : « Médecin - Le prisonnier ? Que s’est-il passé ? » Tout en accompagnant l’homme jusqu’aux geôles, Azriel expliqua brièvement la situation : qu’il s’agissait du frère de Kevan Cantell, qu’il avait été fait prisonnier, mais qu’il ne semblait avoir aucun lien avec l’attaque de l’île du Dragon.

Le Piaf aux ailes noires resta en retrait, se massant toujours la tête tandis que le médecin commençait à prodiguer les premiers soins à Aymeric. La douleur lancinante dans son crâne ne montrait aucun signe d'apaisement, et il ne pouvait s'empêcher de se sentir responsable de la situation critique dans laquelle se trouvait l'homme.
Le médecin travaillait avec habileté, essayant de stabiliser l’état du Rossignol. Les gestes étaient rapides, précis, mais Azriel pouvait voir sur le visage du médecin une expression de préoccupation. L’état du Cantell était sérieux, et il n'était pas certain de pouvoir le sauver.

Les jours passèrent dans un silence pesant tandis qu’Aymeric demeurait toujours inconscient, luttant pour sa survie. Azriel quant à lui, tourmenté par la culpabilité de ses actions, resta fidèlement à son chevet. Pendant presque deux jours, il veilla sur l’homme qu’il avait blessé si gravement. Il était déterminé à réparer autant que possible ses erreurs. Assis silencieusement, il observait chaque souffle du Rossignol, espérant qu’il se réveillerait bientôt.

Dans ces moments silencieux, le pirate maudit avait eu l’occasion de réfléchir longuement. Il avait utilisé son pouvoir de manière impitoyable, et il était à présent témoin des conséquences de ses actes. Il se maudissait d’avoir agi si mal et il ressentait une étrange empathie envers le jeune Cantell. Dans l’urgence, son envie de protéger l’île du Dragon avait conduit le pirate à des actes de violences inconsidérées. Il avait voulu défendre les siens, mais il regrettait profondément la manière brutale dont il avait agi. Chaque cri de douleur dû à son pouvoir télépathique, chaque expression de terreur sur le visage d'Aymeric, résonnaient en lui comme un rappel constant de sa propre cruauté.

De temps en temps, Azriel apportait un peu d’eau fâche au malade. Sous les conseils du médecin, il perdait aussi un mélange d’herbes médicinales dans l’espoir de faire baisser la fièvre du Piaf. Ses mains, autrefois habiles dans l'art de l'espionnage et de la violence, étaient maintenant douces et attentionnées, mélangeant les herbes avec précaution, veillant à la bonne proportion pour apporter un soulagement à l'homme inconscient. Chaque goutte d'eau et chaque cuillerée de ce mélange d'herbes étaient des actes de rédemption pour le brun, une tentative de réparer les dommages qu'il avait causés. Dans ces gestes empreints de soin, il trouvait un certain apaisement pour sa conscience tourmentée. Il espérait que ces petites attentions, ces gestes de compassion, aideraient Aymeric à se rétablir, à surmonter les blessures infligées par Azriel lui-même.

Alors qu’il s’était approché du Piaf pour tenter de le faire boire un petit peu, le Rossignol reprit doucement conscience. Dans un murmure faible et précipité, il implora le pirate de le laisser. Azriel retira donc rapidement le verre d’eau. Il comprenait la peur de l’homme et la méfiance qu’il ressentait en reconnaissant celui qui l’avait si violemment blessé. « Je ne vous veux aucun mal, » dit-il d’une voix douce, se voulant rassurante pour apaiser les craintes d’Aymeric. « Je suis ici pour vous aider à présent, vous êtes en sécurité sur ce bateau. Plus personne ne vous veut du mal. » Les paroles du pirate étaient empreintes de sincérité, mais il savait que ses actes précédents rendaient ces mots difficiles à croire. Il prit une pause, laissant au Piaf le temps de comprendre que sa présence n'était pas une menace.

Le pirate maudit observa avec beaucoup de préoccupation le visage pâle d’Aymeric. Il savait qu’il avait besoin de boire pour regagner des forces et lutter contre l’infection qui le ravageait. « Je comprends que vous soyez effrayé. Mais vous devez boire un peu d'eau pour regagner des forces. Cela vous aidera à vous rétablir, » dit-il, sa voix empreinte de compassion. « Je ne suis pas ici pour vous faire du mal. Je suis ici pour vous aider, pour veiller à ce que vous récupériez. » Il tendit doucement le verre d'eau à Aymeric, espérant qu'il verrait la sincérité dans les yeux du pirate. « Prenez juste quelques gorgées. Ça vous fera du bien, je vous le promets. » Le brun maintint son regard, essayant de communiquer toute sa préoccupation et son désir sincère d'aider. Il attendit patiemment, donnant à Aymeric le contrôle sur cette petite décision, espérant que cela marquerait le début d'une confiance fragile mais nécessaire entre eux.

Le regard d’Azriel était fixé sur l’homme, allongé devant lui, dont la respiration était devenue un souffle faible et saccadé. Aymeric, il prisonnier qu’il avait si cruellement blessé, semblait lutter pour retrouver ses esprits. Un poids oppressant pesant sur les épaules du pirate maudit. La culpabilité le rongeait insidieusement, alors qu’il se rappelait les souffrances qu’il avait infligées au jeune Piaf. Le murmure fragile du Rossignol rompit le silence. Sa voix était à peine plus qu’un souffle alors qu’il demandait pourquoi il venait de subir une telle torture.

La tristesse envahit les traits du second du Silent-Dragon. Il baissa même la tête, incapable de supporter le poids des mots. Les ténèbres semblèrent s’élever autour de lui, menaçant de l’engloutir dans un abîme sans fond de remords et de regret. Ses mains tremblaient légèrement alors qu’il cherchait les mots pour répondre, pour exprimer la profondeur de sa culpabilité. « Je… je suis désolée, » murmura-t-il, la voix éraillée par l’émotion, ce qui était très rare pour le brun. Chaque syllabe semblait charger de la douleur de son propre tourment. « Je n’aurais jamais dû… Je pensais que vous étiez un ennemi. Je pensais que c’était nécessaire pour protéger l’île du Dragon. »

Le Piaf maudit releva finalement les yeux vers son prisonnier, qui n’en était clairement plus un, rencontrant son regard, alors que ce dernier se défendait à nouveau. Azriel ressentit à un pincement au cœur alors qu’il regardait Aymeric. « Je sais que vous ne savez rien, » répondit le pirate doucement, la voix toujours empreinte de remords « Et je vois maintenant que j’ai fait une terriblement erreur. Je n’aurais jamais dû recourir à de telles méthodes. J’ai eu tort de vous traiter ainsi. » Son admission pesait lourd dans l'air, une confession teintée de regret. Azriel avait permis à sa colère d'obscurcir son jugement, de le conduire sur le chemin de la cruauté. Maintenant, confronté aux conséquences de ses actes, il ne pouvait qu'admettre sa faute et chercher à réparer ses erreurs.  

« Je vous assure, » continua le second du Silent-Dragon, tandis que sa voix regagnait force et conviction, « je ferai tout ce que je peux pour réparer mes torts. Vous ne pouvez peut-être pas me faire confiance maintenant, et je le comprends parfaitement. Mais je ferai tout ce qu’il faut pour assurer votre sécurité jusqu’à ce que vous soyez à nouveau chez vous. Le navire est en route pour s’arrêter au port d’Hebra. Vous serez bientôt chez vous. » Son regard rencontra celui du Cantell avec une profonde sincérité. Il voulait que le Piaf comprenne qu'il n'était plus un ennemi, mais plutôt un allié, désireux de réparer les erreurs du passé. Dans cette offre d’aider Aymeric à retourner chez lui, Azriel espérait pouvoir commencer à rétablir un lien de confiance entre eux, un lien qui pourrait éventuellement mener à la rédemption pour eux deux.

Azriel se tenait devant l’autre Piaf le cœur lourd de remords et de culpabilité. Aymeric était brûlant de fièvre et bien plus mal en point qu’il ne l’avait imaginé. Ses lèvres étaient sèches et craquelées, et chacun de ses souffles semblait être douloureux. Le pirate pouvait contempler les conséquences de sa cruauté sur le corps affaibli et tremblant du brun, et cela le dévastait. Leurs yeux se rencontrèrent alors brièvement et le Piaf maudit put voir la douleur et la peur dans le regard du Rossignol. Si respirer était déjà difficile pour lui, parler semblait lui demander un effort monumental. Finalement, c’est dans un murmure à peine audible qu’Aymeric réussit à prononcer quelques mots qui transpercèrent le cœur d’Azriel comme une lame.

« Vous ne mourrez pas. Pas aujourd’hui. » Déclara-t-il fermement. Il espérait que ses paroles apporteraient un peu de réconfort au Piaf.

Azriel écouta ensuite attentivement les mots haletants d’Aymeric, ayant mal pour lui, alors que chaque syllabe qu’il prononçait devait lui demander un effort douloureux. Les souvenirs du Rossignol affluèrent dans l’esprit du second du Silent-Dragon, lui rappelant une femme blonde, au visage empreint de douceur et de force. Il comprit alors que cette femme devrait être Cirilla. « Cirilla, » murmura le Piaf, plus pour lui-même que pour Aymeric. Il posa ensuite une main réconfortante sur l’épaule de l’homme affaibli. « Je me souviens d’elle… Nous trouverons Cirilla. Je m’assurerai qu’elle soit en sécurité aussi. Je ferais tout pour réparer ce que j’ai fait, Aymeric. Vous ne mourrez pas, et vous la reverrez ! » Finit-il par dire en se redressant, une nouvelle détermination éclairant ses traits habituellement si impassibles.

Azriel savait que ses mots ne suffiraient peut-être pas à effacer la douleur et la souffrance qu’il avait causé, mais il espérait qu’ils apporteraient un peu de réconfort au Cantell. Il comptait bien tenir sa promesse et retrouver la jolie blonde. C’était un nouvel objectif vers lequel il pouvait canaliser sa détermination et sa quête de rédemption.

La pirate serra donc doucement l’épaule d’Aymeric, une expression de sincérité gravée sur son visage. « Reposez-vous, maintenant, » dit-il d’une voix apaisante. « Je m’occuperais de tout. » Il attendit ensuite que les yeux du brun se ferment, épuisé par l’effort et la douleur, avant de se redresser lentement. Alors que le médecin se penchait à nouveau sur le prisonnier, Azriel lui lança un dernier regard, jurant silencieusement de tenir sa promesse.