Combien de Lunes devrait-elle encore endurer dans cet enfer avant de pouvoir rejoindre les siens? Pourquoi Jodariel n'avait-elle pas déjà reçu un avertissement, un signal ou un quelconque message lui annonçant qu’enfin il était temps de quitter ce foutu désert? Est-ce que c'était dû au fait qu'elle n'avait encore rapportée aucune information capitale? Car on l'avait oubliée au milieu des milles autres potentiels problèmes dans le monde? Pour la fille Embarr, chaque jour qu'elle passait en plus dans la Cité Gerudo à côtoyer les Yiga était une journée de plus où sa comédie en tant que Vivianne pourrait s'arrêter... Et qu'elle soit capturée ou pire. Une chose étant sûr, sans l'aide de Sorcha, la comédienne aurait sûrement déjà abandonnée sa mission depuis un moment, ou bien serait-elle devenue folle.

Mais voilà, ce n'était pas possible de passer tous les jours avec la guerrière sous peine d'être potentiellement mal vue. Et être vue, c'était vraiment ce que voulait éviter la jeune femme. Encore plus si c'était de façon négative. Et cette journée était encore une période où Jodariel se devait d'accomplir ses tâches et s'occuper afin de passer pour une membre du clan active qui n'attire définitivement pas l'attention. Cela dura une bonne partie de la journée avant que la fille Embarr ne décide enfin à se laisser un simple moment de répit qu'elle considérait avoir entièrement méritée. Et pour cela, elle savait parfaitement où aller. Prenant une bouteille d'alcool, un des rares plaisirs qui lui permettait de décompresser, la comédienne se dirigea vers une ruelle de la citée, assez étroite entre deux maisons. D'habitude, l'espionne jetait un coup d'oeil autours d'elle pour voir si elle était observée ou suivie, mais à cet instant la fatigue et l'envie de souffler avaient prit le pas sur la sécurité, la poussant à s'engouffrer dans l'ouverture sans réellement prêter attention. De toute façon, en fin d'après-midi, nombreux étaient sûrement les troupes Yiga à faire autre chose de bien plus intéressant que de surveiller une vulgaire ruelle.

Cette ruelle la, Jodariel ne l'avait pas découvert depuis bien longtemps. Peut-être il y a une lune ou deux alors qu'elle explorait la Cité Gerudo dans pas mal de points pour s'en faire une carte mentale dans l'optique d'espionner ou de s'échapper si les choses se déroulaient de travers. Et bien qu'elle passa plusieurs fois à côté sans réellement s'en soucier, il vint un jour où elle remarqua le passage, et essaya. Il n'était pas bien grand, seulement une quinzaine de pas menant à un embranchement à une seule sortie qui elle-même menait à... Un cul de sac. Pas beaucoup d'espace, mais le tout était à l'ombre, protégée des regards et après de bien nombreuses tentatives, jamais utilisé hormis par elle. Alors, pourquoi ne pas s'en servir puisqu'il réunissait que des bon points? Lorsque la fille Embar avait besoin de faire le point, s'échapper un moment de sa fausse réalité de Vivianne la Yiga ou juste picoler un peu sans être regardée, c'était contre le mur de l'impasse.

Et c'est justement ce qu'elle fit, s'affalant comme un sac contre le mur, glissant alors jusqu'à poser son postérieur sur le sol, la tête de la comédienne vint à cogner délicatement la pierre. Débouchant la bouteille, l'espionne ne se laissa pas prier pour descendre quelques gorgées d'alcool... Et tousser. Un goût puissant et sec lui attaquant la bouche.

- Bordel...

Jura t'elle. Elle n'avait et n'aurait sûrement jamais l'habitude de la première gorgée d'un alcool fort, mais bon sang, sentir ensuite la chaleur imprégnée son corps était une forme de douceur ultime. Fermant alors doucement ses yeux, posant la bouteille à côté d’elle, la jeune comédienne commença alors à chantonner un air d'une pièce romantique qu'elle aimait jouer quand sa famille était encore au grand complet. Une mélodie bien connue pour les amateurs de la grande Jodariel Embarr et son charme dévastateur, sûrement nettement moins connu chez les rustres de Yiga pensa alors l'espionne. Imitant de ses mains un luth fantomatique sur lequel elle pouvait jouer, elle se lança dans les paroles au milieu de la chanson :

- ... Impossible de t'oublier...
...Car chaque chose que je fais...
...A toi ne fait que m'enchainer...
...Dans mes poumons ton odeur...
...Dans mon esprit tes couleurs...
...Seul ta voix pour sortir de ma torpeur...
...Car tu es le seul à pouvoir m'emprisonner...
...Dans cet amour pour lequel je pourrais me noyer...
...Mon amant, un ennemi, de cette folie être prisonnier ...

S'alignant alors sur le rythme jouée par des instruments imaginaire dont le luth fantomatique en bougeant sa tête de gauche à droite, tranquillement installée dans son coin secret, une bouteille d'alcool non loin de sa main et un air mélodieux à exprimer, l'espionne espérait bien qu'aucune ombre n'approcherait afin de détruire son tableau alors qu'elle continuait de chantonner.

Ce que c'était plaisant de pouvoir profiter d'un simple moment de repos. Laisser son esprit vagabonder dans le bonheur de la chanson et de l'alcool. Imaginer les grandes structures de bois d'une scène de théâtre dans laquelle jouait Jodariel. Pouvoir allier musiques et chants... Bon sang, sa vie d'avant lui manquait terriblement... Jouer l'imbécile et la servile Vivianne n'était définitivement pas ce qu'elle appréciait. Quand est-ce qu'elle pouvait être plus cassante? Plus manipulatrice? Plus joueuse? Depuis quand n'avait-elle pas eu un véritable moment de tendresse hormis ses soirées et discussions avec Sorcha? Non, hormis cela elle devait constamment faire attention à ce qu'elle faisait pour éviter d'être repérer, subir les plaisanteries et l'excentricité de Zael, même si ce dernier était parfois une personne fort plaisante, ou subir les regards inquisiteur de ce rustre d'Einar... Un bon bain chaud, voilà ce qu'il faudrait. Un massage. L'étreinte de son père pour la rassurer, ou d'un membre de sa famille ou même de quelqu'un qui lui apporterait un brin de réconfort... Mais non, elle n'avait pour l'instant que la musique, sa voix et l'alc-

- AH!

La voix d'outre tombe du Gerudo fit sursauter la pauvre fille Embarr qui perdit d'un coup tout son tempo et le rythme de sa musique. Ouvrant les yeux dans un élan de panique, tout ce qu'elle pouvait voir était le sourire sarcastique du rustre qui se tenait debout face à elle, bloquant le passage vers la seule sortie de cette maudite ruelle. Géniale, je suis foutu... pensa l'espionne qui reprit une respiration plus lente pour calmer son cœur qui battait bien trop vite à cause de ce léger choc. Essayant pour se calmer d'essayer de reprendre le rythme imaginaire en jouant de son instrument imaginaire, elle essaye de répondre à son interlocuteur, ayant bien du mal à cacher ironie ou énervement cette fois-ci, comme un léger raz-le-bol.

- Oh, mes salutations Einar! J'espère que malgré ton amour pour la violence tu réussis un minimum à apprécier une belle voix quand elle chante rien que pour toi. Un léger rire ironique sorti de la bouche de la jeune femme qui avait bien du mal à contrôler sa frustration de perdre son seul moment de détente. Cependant sa voix devint ensuite bien plus triste. Oui, j'ai un léger coup de moue, alors je chante, et je bois. Cela ne t'arrives jamais?

Parler dans un rythme jouant entre l’énervement et la tristesse tout en se voulant neutre pour jouer d'un rythme plus calme et romantique était bien trop dur pour Jodariel qui de toute façon n'avait plus cœur à cela. Poussant un profond soupire, elle balaya tout cet univers d'antan d'un vague geste de la main avant de récupérer la bouteille d'alcool et de boire une bonne gorgée cul-sec. Ce coup-ci, cela passait bien plus facilement, en plus de réchauffer encore plus son âme. Les côtés négatifs eux, allaient par contre bientôt arriver.

- Enfin... Pourquoi es-tu la? Tu as du mal à te passer de me voir? Ou alors tu as sentie l'odeur de l'alcool?

Difficile de savoir à quel jeu pouvait jouer Jodariel avec ce genre de paroles, elle qui normalement était plutôt effrayée de la présence d'Einar, encore plus dans un cadre aussi isolé. Mais en soi, la situation était déjà critique, l'alcool tapait déjà la logique de son cerveau et surtout elle pouvait espérer avoir un minimum l'immunité en tant que formidable amie de Sorcha. Bon, c'était un paris risqué, et c'est sûr qu'il ne faudrait pas abuser de la chose... Pour cela, elle leva sa bouteille, que la comédienne ferma avant de la tendre à son nouveau meilleur ami.

- Tu en veux? Il en reste encore pas mal. Je t'aurais volontiers proposée à mangé mais je n'ai rien sur moi. Enfin, au moins l'alcool à ce qu'il remplit aussi bien l'esprit que l'estomac hein?

Exprima t'elle alors, un léger sourire en coin de la bouche, se voulant cette fois-ci plus sympathique. Après tout, si elle se retrouvait bloquée ici jusqu'à ce qu'Einar souhaite partir, il fallait soit être peau de vache, soit sympathique. La première idée, même si elle était amusante à pousser un petit peu, elle était hélas bien trop risquée à pousser trop loin comparativement à l'autre...

Il y avait dans le monde les personnes ayant une certaine sensibilités. Que ce soit pour l'art, pour les autres ou pour le monde. Jodariel était venue au monde avec une grande façon de ressentir des sentiments, capable le plus souvent de les plier à sa volonté. Car la douce Goron avait goûter tellement de fois à tant d'ardeur, tant de tristesse que ça en devenait plus simple...

Puis il y avait d'autres types de personnes, aux yeux de la comédienne. Pour qui sensibilité était synonyme de faiblesse. Et Einar était clairement le plus grand rustre sur qui mettre cette honteuse définition. Lui, l'ami de Sorcha? Bon sang, sur toute la bande de Yiga vivant dans ce foutoir, c'était lui qui avait gagné le plus solide et droit des liens de l'autre Goron?

Lui?

Celui qui venait tout juste de faire glisser l'ironie de la jeune femme en rebondissant sur une horreur de massacre, puis l'achever avec de l'ironie? Hylia, l'Avatar, que pouvait-savoir Jodariel encore devait clairement apprécier vouloir lui bousiller sa vie d'une façon ou d'une autre pour que ce face à face se soit réalisé. Il n'y a clairement pas d'autres choix.

Et comme si tout n'était déjà pas assez merveilleux, Einar était bien positionner pour couper toute possibilités de replis. De toute façon, même s'il lui avait fait de l'espace, l'aurait-elle seulement tentée? Passer juste à côté de lui, lui tourner le dos alors que, clairement, il avait des suspicions voir peut-être même une claire dent contre l'espionne? Autant le garder devant, bien visible. Même si ses cries n'attireraient personne au cas où il l'attaquerait, au moins pourra t'elle espérer se défendre un minimum...

Enfin, tout devrait bien se passer, hein?

"Au moins tu admets toi même tes plus grandes qualités, Einar, je suis heureuse pour toi."

Un léger sourire ironique sur la bouche, Jodariel ne comptait pas se laisser dominer par la peur... Tout du moins, pas cette fois. Cela ferait trop plaisir à ce rustre de Yiga. Et de toute façon la tristesse couplé à la nostalgie d'un passé plus doux avec un charmant Piaf lui prenait déjà toute sa concentration.

Concentration qui se faisait clairement bousculé par les paroles de son interlocuteur. Confirmant, comme le pensait clairement la fille Embarr les grandes qualités d'épanouissements culturel du guerrier. Enfin, au moins il buvait, c'était une qualité qu'appréciait clairement la comédienne. Le pire aurait été que ce soit juste une grande brute qui ne vivait que pour le combat à base de corps sain pour un esprit sain. L'ennuie le plus total couplé à un tempérament extrêmement effrayant.

"Au moins tu aimes boire Einar, c'est probablement la chose que j'aime le plus chez toi. Enfin, de ce que j'ai entendu, je respecte aussi totalement ta façon de te battre."

Tant qu'il ne se battait par contre elle... C'est sûr que Jodariel allait apprécier cela. De toute façon, la Goron n'était pas folle. Ce n'était pas une combattante et même si sa race lui donnait une force plus importante que la moyenne, défié un Gérudo qui était dans l'art du combat et de la chasse ne lui viendrait jamais à l'idée. Le taquiner ironiquement par contre... Au moins l'alcool et la déprime lui donnait ce genre d'ailes.

Bien que souvent, à vouloir voler trop prêt du soleil on risquait de s'écraser. Le regard électrique et dangereux de son partenaire de discussion lui fit bien comprendre que ce petit jeu semblait l'agacer, faisant même en sorte de positionner l'espionne contre ses propres torts. Il avait raison, c'était plus que du vécu. Faisant apparaitre une mine défaite et triste face à ce genre de paroles. Soupirante alors qu'on lui arrachait sa bouteille des mains. Pas même un merci bien entendu...

"Ouais, je mentirais si je disais le contraire, et alors? J'ai aimée, j'ai été stupide, et voilà. Mais c'est du passé Einar. Un passé qui est très utile pour écrire des chansons, mais un passé tout de même." Son regard se déplaçait quand à lui sur les murs, le sol, mais fuyant cette fois-ci totalement son interlocuteur. "Si l'envie te prend de te moquer ou quoi, fait donc, je suppose que tu en rêves."

Et alors que ses paroles se finirent, elle reçue droit dans ses mains l'alcool, envoyé comme s'il s'en moquait clairement de l'alcool. Toujours sans remercier, juste en critiquant l'alcool. Impossible pour Jodariel de ne pas lever les yeux au ciel, c'était indécent un manque d'éducation comme cela, alors qu'elle même en avait eu une très basique à force de voyager. Au moins le Yiga fit l'honneur de changer le sujet en parlant justement de la réunion prévue ce soir. Fichtre, elle avait faillit oubliée avec ses sentiments déprimant... Cachant toute gêne par un rire délicat, la Goron reprit avec une voix délicate pleine de douceur.

"Allons, Einar, une Dame est toujours présentable pour les moments importants de sa vie. Et chaque réunion avec notre bon Roi est un moment important. Je suis sûr que toi aussi, tu seras parfait lors de cet évènement."

Relevant enfin le regard vers le Gérudo, elle vint lui envoyer un clin d’œil et un bisous ironique. Enfin, c'était un guerrier, ils n'étaient bien entendu jamais présentable... A sentir à des kilomètres le sang et la barbarie.

"Je me demande ce qui animera la soirée..." Exprima t'elle ensuite, buvant un coup au goulot après avoir nettoyé ce dernier avec sa manche. Hors de question qu'elle ne partage la salive de l'autre rustre. "Je n'ai cependant aucun doute que les prochains jours après ça vont être... Intéressant." Puis une nouvelle gorgée, avant de déposer la bouteille juste devant-elle si jamais quelqu'un souhaitait la reprendre. "S'il s'agit de prêt ou de loin à quelque chose de militaire, je risque clairement d'être inutile mais... Aucun doute que tu seras brillant pour le coup."

Cette fois-ci, alors que Jodariel se posa un peu plus confortablement contre son mur porteur, la Goron n'était pas ironique, mais sincère. Elle était inquiète pour sa situation lors d'un moment aussi important, alors autant ne pas en rajouter une couche en taquinant la bête en face...