Darling, Remember Me (Robyn)

How do you fool the entire world around you ? It’s easier than you’d think. You must fool yourself first.

Il y avait toujours beaucoup d’animation au grand marché de Melka. Souvent, c’était son père qui s’occupait du côté plus commercial de la ferme, car il connaissait tout le monde dans leur petit village, mais Robyn avait insisté pour s’y rendre lui-même, et seul, cette fois. Il devait bien faire sa place, bien qu’il reste un étranger aux yeux de la plupart de ses voisins. Cela le rendait triste et confus, après tout, il n’avait rien fait de mal qui puisse justifier ce comportement. Par principe, Robyn n’exerçait pas ses talents de voleur à Melka. Il ne pouvait pas non plus utiliser ses pouvoirs en public, bien qu’une ou deux personnes aient peut-être des doutes. Il se contentait de garder les yeux et les oreilles grand ouvert pour découvrir s’il pouvait aider. C’est donc muni de son plus beau sourire que le Piaf s’installa à son kiosque afin de remplir ce rôle bien précis qui lui permettrait d’attirer la clientèle jusqu’à lui.

Robyn avait réussi à vendre beaucoup de fromage aujourd’hui. C’était excellent sur une tranche de pain, accompagné d’un peu de viande, ou juste pour la soupe avec de la crème et de la citrouille. En échange, il avait demandé entre autres de nouveaux outils pour travailler la terre et une généreuse part de tarte aux cerises. Il venait de prendre sa première bouchée lorsque des murmures parvinrent à ses oreilles. Un étranger ? Ici ? À Melka ? Voilà qui était intéressant, inquiétant aussi. Sans prendre le temps d’essuyer ses lèvres ou son menton, il se fraya un chemin à travers la foule, empruntant la voie des airs lorsque c’était nécessaire.

Ce sentiment d’appréhension désagréable qui lui démangeait la peau se confirma rapidement. Deux ombres le dépassèrent en lui faisant presque mordre la poussière. Robyn fut obligé de lever les mains tout haut pour éviter que le délicieux dessert devienne la dernière victime de cette journée, quitte à se retrouver sur les fesses quelques secondes. Ouille ça faisait mal … Pas le temps pour ça, il devait se concentrer. Il avait entendu de nombreuses rumeurs, entre les récoltes et la maladie, la vie de ferme n’était vraiment pas de tout repos. Il pouvait y avoir plusieurs nobles explications à un geste désespéré. Qui était-il pour jeter la pierre ? Il irait au cœur de cette affaire ! D’abord, il devait juste s’assurer que cette menace potentielle ne soit plus un risque et retourne d’où il venait. Cet incident sétait bien vite oublié.

Bref. Il y avait beaucoup d’agitation et des éclats de voix plus loin qui guidèrent le grand brun jusqu’à un arbre. Il parvint à entendre des menaces d’une voix froide. Il accéléra le pas. Ça craint, ça craint, ça craint ! D’autres se seraient enfuis dans la direction opposée ou auraient juste détourné les yeux sans se sentir concernés mais … il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une petite pointe de culpabilité ou de responsabilité dans cette affaire. Il s’était promis d’aider sa famille, et le reste du village en faisait en quelque sorte partie, désormais.

« Robyn. Fais quelque chose tu veux ? Il y en a qui doivent travailler ici. » grommela-t-il en replaçant son échelle.

Eh bien ? Le vieux Alfonzo qui était si silencieux d’habitude venait d’aligner trois phrases ! Ils allaient en venir aux mains. C’était une véritable catastrophe. Le jeune homme tenta tant bien que mal de les séparer, se glissant entre eux, les paumes levées dans une tentative maladroite de faire la paix, visiblement, cet étranger ne connaissait pas bien leurs coutumes et donc comment obtenir ses réponses. D’un côté, c’était peut-être mieux ainsi, de l’autre, il n’allait sûrement pas apprécier que son faux pas soit reconnu.

« Allons, monsieur ! Il ne faut pas se mettre dans un état pareil pour un vilain tour des écureuils … »

Comme par hasard, une pluie de noisettes venait leur tomber sur la tête. Sans vraiment réfléchir, Robyn attrapa la main de ce Sheikah et l’entraîna rapidement ailleurs, à l’abri, un vague sourire parfaitement innocent – ou presque – sur son visage à la fin de la course. Cela devrait laisser le champ libre au gamin pour se mettre à l’abri. Personne ne serait prêt à raser un village entier pour retrouver quelques rubis. N’est-ce pas ?

Malheur ! Désespoir ! Sa tarte était tombée au combat. Ah, non ! Il venait de la retrouver. Sur le visage en colère de cet homme. Oups. Le rouge ne lui allait pas très bien au teint, mais il parvint à tenir sa langue, cette fois, son rire, moins, hélas. Il trouverait bien le moyen de se faire pardonner. Il trouvait toujours ! Pour le moment, il fallait juste crever l’abcès et détendre l’atmosphère, fouillant dans ses poches pour trouver un morceau de tissu à humidifier pour le lui tendre.

« C’est bon, pas vrai ? »

Rien de mieux qu’un peu de sucre pour se remonter le moral.

How do you fool the entire world around you ? It’s easier than you’d think. You must fool yourself first.

Oh non … La journée avait vraiment bien commencé mais voilà que le vent de la chance semblait être en train de changer de direction ! Il faisait sûrement un piètre maître de la gravité s’il n’avait même pas réussi à sauver son encas. En plus, les excuses de Robyn n’avaient pas l’air d’avoir été acceptées. Pire encore, voila que cet homme lui rendait la monnaie de sa pièce. Ses lèvres tremblèrent légèrement tandis qu’il retenait un reniflement, les épaules et la tête basse. Ce n’était pas du sang, au moins, car le Piaf n’en supportait pas bien la vue, mais il était déçu de ne pas pouvoir savourer la confiture pleine de poils maintenant et surtout que les efforts de la bonne dame pour cuisiner un délicieux plat obtenaient si peu de considération.

Ainsi blessé, Robyn faillit bien répliquer qu’il n’était pas obligé de l’écouter avant de tourner le dos à l’étranger à son tour, même si cela signifiait qu’il deviendrait sûrement la prochaine cible de sa colère. Ce n’était pas son problème si ce voyageur s’était montré assez étourdi pour que quelqu’un lui fasse les poches surtout qu’il serait difficile de prouver que l’or appartenait bien à l’un et non à l’autre. Seulement, il devait encore récupérer son mouchoir. Pendant qu’il faisait de son mieux pour se débarbouiller à partir d’un seau d’eau qui traînait à côté du puits, il ne perdait pas grand-chose à écouter ce que le noble avait à dire. Notre voleur de grand chemin était habitué de rester à l’affût de toutes opportunités et il y en avait une, sous son nez, quelque part, s’il osait creuser.

« Je pourrais essayer de trouver ce qui s’est passé si cela ne vous dérange pas de patienter jusque là. »

Cet homme devait en être venu à la même conclusion que l’habitant de Melka qui ne se doutait pas une seconde qu’on se moquait de son comportement en secret. Le coupable pourrait bien avouer la vérité à quelqu’un qu’il connaissait, dans le cas contraire, c’était peine perdue. Enfin pour ça il fallait déjà le trouver ce qui pouvait prendre quelques minutes ou quelques heures … Une chance pour lui, Robyn avait déjà une bonne idée ou deux de piste à suivre. Maintenant, il fallait encore le convaincre.

« Mais pour être franc je vois mal comment récupérer votre or sans offrir quelque chose en échange … » ajouta-t-il en soupirant de dépit, presque désolé pour cette succession de malchance, pas trop dramatique non plus, histoire de ne pas en faire trop, les mains sur les hanches en faisant mine de réfléchir, pour mieux inviter l’homme au teint pâle à en faire de même. Après tout, il venait lui-même de perdre sa monnaie d’échange et l’idée d’avoir à dépenser son argent honnêtement gagné le rendait plutôt contrarié et mitigé à accepter cette requête. Ce n’était pas comme les quêtes de guilde. Bien sûr, il pouvait compenser avec ses activités parallèles, mais il avait besoin d’argent pour qu’il puisse continuer à subvenir à ses besoins et ceux de son père … sans oublier qu’il espérait encore pouvoir payer les services d’un bon médecin plus tôt que trop tard … Il se mordit l’intérieur de la joue. Non, il valait sûrement mieux qu’il ne se mêle pas de toute cette histoire davantage, pas vrai ? D’un autre côté, il était curieux à propos de ce voleur aussi effronté, et puis il avait sa réputation à défendre, au fond. Que faire ? Y avait-il un autre moyen d’offrir réparation en dernier recours pour éviter que la situation dégénère et surtout que les représentants de la justice soient réquisitionnés ?

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Il fallait s'attendre à l'inattendu lorsque notre vie prend un tournant tel que celle de Robyn. Ce scénario était assurément le pire qu'il aurait pu imaginer. Un homme qui n'avait aucun honneur n'aurait pas hésité à donner ses complices et camarades sur un plateau d'argent si cela lui permettait de sauver sa peau. Ce n'était pas le cas du Piaf. Cependant, il n'était pas particulièrement satisfait non plus à l'idée de mettre en péril son identité alors qu'il n'avait rien fait. Comme si le fait que sa première visite tout seul au marché se terminait sur une fausse note n'était pas suffisant ...

« C'est un petit village vous savez monsieur. Tout le monde connait tout le monde. » répondit-il en haussant vaguement les épaules.

Donc oui, il pouvait savoir comment remonter la trace de cette personne. Il fallait seulement s'y prendre avec un peu plus de finesse que les menaces démontrées par cet étranger. Certes, il aurait pu retourner interroger le vieil homme, mais il aurait alors peut-être perdu quelques plumes en plus de ses rubis. Ce n'était pas comme cela qu'il risquait de trouver une charmante compagnie pour l'accompagner pendant ses emplettes. Pourtant, l'air de la campagne, cela devait avoir un petit côté romantique.

« D'ailleurs, vous ne vous êtes pas présenté. » ajouta-t-il en se grattant le menton, l'air bien pensif et suspicieux, tout à coup. Cela devait être compréhensible. Il ne voudrait pas aider un malotru quand même. En ce qui le concerne, le prénom de Robyn avait déjà été abandonné. Son nom complet ne voulait pas dire grand-chose, mais si c'était nécessaire, il ne voyait pas de problème à le donner. « Je ne sais donc pas si vous tiendrez parole. »

Tout ça pour quelques rubis. Il n'avait pas l'air d'en manquer pourtant, au premier coup d'oeil, avec ses habits élégants. Comment cela se faisait-il qu'il n'avait pas de maison dans ce cas ? C'était une bien triste histoire et notre voleur ressentait une pointe de compassion. Peut-être qu'il devrait lui offrir un toit pour la nuit si cela permettait d'acheter la paix pour Melka. En voilà une bonne idée ! Avec un peu de bon vin, toute faute était rapidement oubliée.

« Je ne veux pas vous décevoir mais ... Votre voleur est peut-être déjà loin s'il n'en est pas à son coup d'essai comme vous dites ... Vous avez sûrement fait une longue route, vous devez être fatigué et moi je dois aller récupérer mes affaires. Peut-être qu'un détail important vous reviendra en chemin. »

Robyn espérait ne pas être trop transparent quant à ses intentions de s'assurer que cet homme abandonne rapidement l'idée de récupérer son argent sous peine de devoir affronter un bandit ou un pirate. Comme cela, il partirait sans causer plus d'agitation et sans trouver par accident des indices qui pourraient le faire remonter jusqu'à leur précieux butin. Ce serait assez embêtant. Il ne pensait vraiment pas que cette personne faisait partie de son cercle mais on n'est jamais trop prudent.

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C'était difficile de ne pas pouffer de rire devant la situation. Cet homme ne connaissait visiblement rien à la vie de campagne ! Lorsque Robyn avait répondu en toute innocence que tout le monde connaissait tout le monde, il ne cherchait à dire rien de plus que les recherches seraient plus aisées de cette façon. Il ne pensait pas qu'il allait mettre les pieds dans le plat et orienter les soupçons vers lui. Il voulait juste calmer le jeu et la colère de l'étranger avant que celui-ci commence à s'en prendre au premier venu ou encore qu'il se mette en tête de détruire leurs grands champs en guise de rétribution. Melka ne se laisserait pas faire les bras croisés ! Au moins, cette personne qui refusait obstinément de lui donner son nom avait assez de bon sens pour se contenter d'un compromis et de la promesse d'un bon repas. Pour ce qui était du lit douillet, ça, Robyn en était moins certain, mais chaque chose en son temps. Il ne fallait pas non plus s'attendre à ce qu'il réponde au moindre de ses caprices au doigt et à l'œil comme s'il était un esclave. La politesse, c'est un concept qui existe même dans les petits villages ! Il taisait ses réflexionis, pour le moment, mais il restait sur ses gardes.

« À la bonne heure ! » s'exclama-t-il en claquant sa main contre l'épaule du noble avec entrain et un énorme sourire.

C'était une bonne distraction pour qu'il puisse faire de grands signaux à ses amis derrière son dos, qui commençaient sûrement à se demander ce qui lui prenait autant de temps. Robyn s'assurerait de retrouver ce petit voyou. Il allait découvrir le fin mot de l'histoire. Si les rubis réapparaissaient comme par magie près de la bride de l'attelage de leur visiteur distingué avant l'heure de son départ, il ne pourrait plus trouver quoi que ce soit à redire. En attendant, il allait leur offrir une nuit gratuite à l'auberge. Un service en attire un autre. Il fit semblant de ne pas remarquer les regards remplis de curiosité. Il était plus préoccupé par son propre estomac qui rêvait encore de sa délicieuse part de tarte. Grâce à ses efforts et son ingéniosité, personne ne passerait à la casserole, cela méritait une récompense !

« Vous en avez eu de la chance de croiser ma route ! »

L'inverse était-il vrai ? Rien n'est moins sûr.

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Robyn adressa un sourire tout aussi innocent au jeune homme qui venait pourtant de lui poser une question pointue. Y avait-il une accusation voilée dans ces propos ? Certainement. Cela ne l'inquiétait pas pour autant. Qui croirait que l'idiot du village était en vérité le voleur le plus doué dans la région ? Un homme tout aussi fou peut-être bien. Ils n'eurent pas le temps de faire le tour de la question. L'animation au cœur de Melka offrit une parfaite diversion. Le Piaf haussa les sourcils d'étonnement. Qu'est-ce qui venait de se passer au juste ? Tandis que tout le monde tournait son attention vers l'affrontement entre Zaël et le vieux monsieur tout rouge, pour sa part, il suivit plutôt son instinct et se mit à courir dans la direction opposée afin de mettre le grappin sur le morveux qui ne se faisait sûrement pas poursuivre comme cela sans raison. C'est sans grande surprise que Robyn le trouva suspendu légèrement au-dessus du sol, à l'image d'un chat errant saisit par la nuque, entre les mains d'un de ses comparses. Ses signes avaient fait leurs preuves et la sécurité s'était resserrée autour du village. Non mais franchement ... Si les habitants se retournaient ainsi les uns contre les autres, où s'en allait le monde ? Il devait mettre les pendules à l'heure, les mains sur les hanches malgré son petit sourire en coin. Et si quelqu'un d'autre l'avait reconnu hein ?

« Salut Reilly. »
« Robyn ! J'ai rien fait de mal ! » hoqueta-t-il dans un sanglot.
« Bien sûr. Je connais le refrain, gamin. » En fait, il pourrait dire qu'il l'avait pratiquement inventé mais cela mettrait en péril son secret et son futur, et ça il ne pouvait pas se le permettre ! Il lui restait tant de choses à faire ! « Crache le morceau. Je suis sérieux. »
« Je ... Je voulais juste offrir un cadeau à ma maman ... »
« Oh. Je vois. Je crois que j'ai saisi l'idée. Alors c'est pour ça que tu fuyais ? Tu t'es fait prendre la main dans le sac par le père d'Orzea au poste d'échange ? Tu pensais vraiment que c'était la meilleure solution hm ? »
« J'ai pas réfléchi ... » De grosses larmes se remirent à couler de plus belle sur ses joues. Robyn s'en voulait un peu de lui faire des reproches, il y était peut-être allé un peu fort, ce n'est pas comme s'il était lui-même un modèle à suivre, encore moins dans ses jeunes années. Il se contenta d'abord de tendre la main pour récupérer la bourse et la mettre à l'abri dans une poche avant de poser doucement ses grandes mains chaudes sur les épaules de Reilly, afin d'éviter de lui faire peur.
« Hé. Regarde-moi. Je ne suis pas fâché. Ça va aller. Je vais essayer d'arranger tout ça, c'est promis. Mais je serai pas toujours là pour rattraper vos bêtises. » souffla-t-il en secouant la tête, ébouriffant la tête du gosse avec affection, puis il hocha la tête en direction de son ami pour lui signifier de le relâcher. Il trouverait bien un artisan du bois qui pourrait lui rendre un petit service parmi son réseau étendu.

Pour le moment, Robyn devait gérer la situation à Melka. Il retourna donc sur ses pas. Cela ne faisait qu'une poignée de minutes qu'il était parti, alors son absence ne devait pas avoir été particulièrement remarquée, mais dans le cas contraire, il n'avait pas vraiment de raison de dissimuler la vérité, juste de calmer les esprits échaudés. En effet, les gens jacassaient encore autour de l'affrontement verbal ... à moins que les deux hommes en soient venus aux mains ? Il prêta une oreille attentive à ce qui se disait autour de lui, afin d'en savoir plus, mais son attention fut bien rapidement captée par un échange particulier entre deux jeunes femmes.

« Qu'est-ce qui se passe ? »
« Je ne sais pas mais il est plutôt joli garçon notre étranger ! »
« C'est vrai. » gloussa la seconde. « Eh bien ? Depuis quand n'as-tu plus de yeux que pour le beau Robyn ? »
« Oh ... Tu sais, il est très gentil, mais je plains celle qui l'épousera un jour ... »
« Hoho. Je vois ce que tu veux dire. Il ne tient pas en place. Cela fait partie de sa nature, je suppose. »
« Mesdames. Belle journée n'est-ce pas ? »

Il se fraya un chemin à travers la foule en riant de bon cœur de l'embarras qu'il venait de causer, n'écoutant pas vraiment les excuses qui étaient balbutiées entre des paires de joues rosies, observant à présent la scène de plus près, en première ligne. Vu comment ça s'était terminé la dernière fois qu'il était intervenu, il préférait rester en retrait pour le moment, et puis il était curieux de découvrir si le noble était assez intelligent pour se sortir de ce faux pas ou s'il savait juste pointer les autres du doigt ou faire preuve de violence comme ses propos laissaient le supposer. Ensuite, il pourrait décider quoi faire de tous ces rubis. Il espérait tout de même ne pas se faire accuser une nouvelle fois alors qu'il n'était que le messager. C'est vrai que cela pourrait avoir l'air suspect.

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Robyn avait beau avoir des réserves de patience à nulle pareille, il avait aussi ses limites, et le bon monsieur commençait à lui taper sur le système avec son petit air condescendant. S'il n'était pas aussi aimable, le petit Patel se serait fait un franc plaisir de lui faire ravaler son sourire, même si pour cela il devait lui casser une de ses dents parfaites. La beauté ne faisait pas tout dans la vie, c'était peut-être le temps de l'apprendre à ce petit con. Depuis toutes ces années, cela se saurait, si le Piaf était réputé pour être raisonnable. Sourcils froncés, il était contrarié que son geste purement désintéressé de gentillesse et de générosité n'était pas reconnu comme tel et il n'écouta que son cœur trop honnête pour son propre bien, oubliant bien assez vite que le but de cette opération, c'était avant tout de ne pas attirer l'attention sur lui-même. Il réfléchirait plus tard si c'était nécessaire pour se sortir du pétrin !

« Pardon ?  Si vous aviez vraiment besoin d'aide, vous vous seriez pas donné en spectacle comme ça. Vous devriez me dire merci plutôt. Je me suis donné beaucoup de mal pour retrouver votre argent ! »

Non mais parce qu'il n'était pas aveugle pour sa part ; quelqu'un ne se promenait pas avec une épée à portée de main sans savoir s'en servir efficacement. Ou alors il fallait être complètement perdu dans ses propres illusions et rêves de grandeur, ce qui n'aurait pas été bien surprenant avec cet énergumène, mais dans ce cas, il se serait fait mettre une raclée au lieu de remporter le petit combat à l'amiable. Le Piaf fit sauter négligemment la bourse rondelette dans sa paume, fit mine de réfléchir, puis la ramena dans sa direction lorsqu'il la récupéra, hors de portée, pour le moment. C'était bien lourd, ce qu'il venait de soupeser là, pas étonnant que cet imbécile se soit fait faire les poche en plein milieu du marché, par un gamin en plus ! Il n'aurait pas survécu dix minutes dans une ville beaucoup moins recommandable.

« Alors, si je compte le dédommagement pour ma délicieuse tarte renversée, que je vous ai donné d'ailleurs, pour oublier les insultes envers tout le village, et pour payer votre chambre à l'auberge, puisque vous avez l'air d'avoir décidé qu'on n'était plus des copains, il devrait rester encore un gros rubis rouge à vous donner. Après tout, il est un peu tard pour reprendre la route, et vous allez décevoir vos admiratrices. Ce n'est pas moi qui va vous retenir, mais je tiens quand même à ma part, alors, l'ami. »

Le petit voyou avait peut-être l'air d'un imbécile, mais il n'en était pas un. Il était un véritable requin en affaires. Et s'il prenait l'envie de faire des vagues à ce noble coincé de la feuille, ça ne lui faisait pas peur, croisant les bras sur son torse, bien décidé à ne pas bouger d'un pouce. Il était assez costaud pour se défendre et était absolument déloyal en combat. En plus, il avait l'avantage du terrain, c'était chez lui ici !

« C'est une aubaine. Je vous assure. »

Son sourire amical aurait presque pu paraître sincère.

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Robyn haussa un sourcil dubitatif devant les excuses qui lui furent adressées. Parce que ce n'était pas une insulte de prétendre qu'un homme était raciste alors qu'il avait raison d'être en colère contre celui qui l'avait fait trébucher peut-être ? Tout comme il venait lui-même de se faire plus ou moins insulter à propos de sa maladresse. Ce n'était pas tout à fait faux, d'accord, mais ce n'était pas tout à fait vrai non plus. Le piaf avait juste couru trop vite dans sa tentative d'empêcher un esclandre. Le succès était plus que mitigé du coup. Il avait de plus en plus hâte que cette journée se termine. Les rayons du soleil commençaient à décliner à l'horizon, donc, il n'y en avait plus pour très longtemps, maintenant. Il se trouverait une nouvelle tarte et il oublierait bien facilement tout cet incident après s'être plaint auprès de la première oreille qui voulait l'écouter.

Du moins, c'était ce qu'il pensait avant que cet homme raffiné dont il ignorait encore le nom se penche dans sa direction et lui adresse une plaisanterie remplie de sous-entendus. Robyn papillonna des paupières quelques secondes en se demandant s'il avait bien compris, pris à son propre jeu de séducteur, à peu de choses près. Si le Yiga pensait que c'était la meilleure manière de faire fuir le paysan, il n'était pas tombé sur le bon gars pour cela, malheureusement.

« Est-ce que c'est supposé être une menace ou une promesse ? » souffla-t-il en poussant son index contre le buste de l'étranger, rétablissant une petite distance plus adéquate, avec un sourire en coin, néanmoins.

Il était plus étonné qu'un noble laisse sous-entendre qu'il était peut-être bien prêt à s'acoquiner avec des bouseux, même si ce n'était pas vraiment sérieux, en vérité. Était-ce sérieux ? Le Piaf fit vaguement la moue. Il n'était pas habitué à tenir ce rôle-ci. Il n'était pas non plus désespéré au point de quémander quelques rubis en échange de sa compagnie. Il ne pensait pas avoir fait d'efforts particuliers pour se rendre agréable pourtant à part proposer son aide ! Il était persuadé que c'était sa bonne tarte aux cerises qui avait eu gain de cause, en fin de compte, plutôt que sa seule petite tête absolument adorable.

« J'espère bien que je ne serais pas le seul invité, dans ce cas, au risque de vous décevoir. Qui vous dit que je n'en profiterais pas pour vous trancher la gorge, d'ailleurs, hm ? »

Après tout, n'était-il pas un voleur ? Il n'avait ni réellement confirmé ni nié ce fait. Ce serait une occasion idéale de mettre un plan redoutable et rusé à exécution. Un mort n'avait que faire de son or et ne pouvait pas revenir lui chercher des noises plus tard. Une lueur de défi – ou de désir ? – brilla tout de même malicieusement dans ses yeux à l'idée d'une délicieuse soirée. Bien que Robyn ne s'intéresse pas particulièrement aux hommes, il n'avait pas forcément l'esprit entièrement fermé sur la question non plus, tant qu'il y trouvait son compte, au fond, le reste n'était que des détails, à son avis. Plus on est de fous, plus on rit. Il avait déjà une certaine réputation d'homme volage dans les environs, de toute façon, pas qu'il en soit fier, mais il n'avait rien à cacher, du coup, en ce qui le concerne, il ne pouvait pas vraiment tomber plus bas, ahah !

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Si Robyn avait été témoin de toute la scène, sans doute aurait-il été d'accord sur le fond. Il n'aimait pas du tout qu'on s'en prenne à quiconque qui ne pouvait pas se défendre et encore moins aux enfants. Il avait eu du mal à garder son attention sur un point fixe alors que la pression commençait à s'accumuler doucement sur son dos au fur et à mesure que ce noble l'accusait d'être un voleur, qu'il cherchait à trouver le véritable voleur, que la foule était nombreuse au marché comme toujours, certaines personnes se bousculant parfois, et pour finir que  ces deux demoiselles se soient moquées de lui ouvertement sans savoir qu'il se trouvait juste à côté. Le Piaf ne savait plus trop o­­­ù donner de la tête. Pour couronner le tout, ce visiteur n'avait pas l'air d'avoir compris son excellent trait d'humour. Il ne faisait que répondre à l'invitation, rien de plus. Enfin, il ne fallait pas s'étonner que la communication passe mal entre les mailles du filet si celle-ci se limitait à des sous-entendus.

« Vous en avez de ces idées pour réchauffer l'ambiance. » Il secoua la tête, l'air presque désolé pour ce pauvre type qui n'était pas très doué avec les mots, jusqu'à preuve du contraire, de toute évidence. Il était tout de même amusé par son propre jeu de mots. Et c'est lui qu'on trouvait bizarre ? « Nan, je commencerais presque à me demander si vous savez faire quelque chose de vos dix doigts sans votre argent. »

Robyn pour sa part n'était pas capable de laisser couler une occasion de se moquer gentiment de ce noble et de se montrer plus provocant encore, un sourire s'élargissant sur son visage de voyou. Bien sûr, ce n'était pas tout à fait vrai, il le savait parfaitement, mieux que quiconque. Bon joueur, il tendit la petite bourse en direction de son propriétaire. Il n'en manquait pas le moindre rubis, parole d'honneur ! Il ne la reprendrait pas cette fois. Il supposait que ce serait suffisant pour qu'on ne lui porte plus de mauvaises intentions et donc que ce doute à propos de ses activités louches ne se répandent pas dans le village et au-delà ; il peinait déjà assez comme ça à se faire accepter ici, et c'était bien grâce à son père qui ne laisserait personne le bousculer trop méchamment juste parce qu'il était un drôle d'oiseau. Ça aurait de quoi le rendre presque mélancolique.

Bref. Cet homme n'avait plus besoin de son humble serviteur maintenant, en théorie, mais la vie est parfois pleine de surprises. quitte à vouloir prouver le contraire, piqué au vif dans son égo. Peut-être que le Piaf pouvait au moins se trouver lui-même une bonne bouteille de vin, si c'était la fin de cette étrange journée, sinon. Il l'aurait bien méritée à la sueur de son front pour tenter de laisser une impression tout de même cordiale de Melka à défaut d'être parfaitement agréable et de bonne compagnie ? D'un étranger à un autre, tout simplement ...

Ce n'était pas du tout du chantage. Encore moins alors que cela pouvait se retourner contre Robyn et qu'il avait bien plus à perdre dans la balance.

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Cette fois, il en était persuadé. Cet homme était précisément le genre d'homme que Robyn n'aimait pas. Chaque taquinerie du Piaf se voulait légère et sans aucune animosité dans son ton ou son regard. Il ne demandait qu'à être impressionné, sans se faire brûler si possible, par contre ! Malheureusement, l'étranger n'avait pas franchement l'air d'apprécier son humour. Il haussa vaguement les épaules devant la remarque qu'il était un étrange Piaf. Il aurait pu lui retourner le compliment ! Mais Robyn sentait qu'il valait mieux ne pas insister. Ce serait risquer de venir au bout de sa patience et peut-être finir au bout d'une épée élégante, s'il ne craignait pas de salir ses vêtements avec quelques traces de sang, mais si c'était pour les enlever plus tard de toute façon, pourquoi pas ? Il ne fallait pas chercher à comprendre la logique de tout le monde : lui-même en était un parfait exemple. Cet homme dont il ignorait tout jusqu'au nom et aux origines cachait une pointe de froideur derrière son sourire aimable et suffisant. Il était dangereux.

Alors, Robyn remercia presque timidement ce noble pour sa générosité et leur chemin se séparaient dès maintenant. Il s'en alla sans demander son reste et sans chercher à savoir si cette nouvelle connaissance allait s'attarder à Melka après autant de péripéties ou reprendre la route afin d'éviter de se faire voler sa bourse une deuxième fois. La journée était bien avancée mais il pouvait encore profiter un peu de l'ambiance au marché de rentrer à la maison pour sa part. Les soirées de Melka étaient réputées pour faire couler beaucoup de vin et aucune musique n'était plus mélodieuse que le rire. Il s'était installé dans un coin pour manger depuis à peine quelques minutes qu'un verre lui était présenté. Il releva le regard. Tiens donc. Primrose cherchait-elle à lui présenter des excuses ? Il lui leva son verre, bon joueur, un ravissant sourire aux lèvres, et la regarda longuement danser avant de se décider à la rejoindre, engaillardi par une nouvelle gorgée qui le faisait revivre. Les flammes naissantes se reflétaient au fond de leurs regards dérobés. Si elle rêvait de l'embrasser, eh bien, il était là ! Il aurait bien assez vite oublié toute cette misérable journée.

Un jour, il s'en mordrait les doigts.