Am I the only one who sees the ashes on the ground ? • PNJ Rendal Vajanská

— An 1000, Lune 8, Jour 18
@Zarina Hema pour Rendal Vajanská

La journée déclinait, il faisait presque entièrement noir. Elle ne savait pas réellement pourquoi ses pas l’avaient emmené jusqu’à la grande demeure à laquelle elle faisait désormais face. Le loup gris qui se tenait à ses côtés reniflaient tranquillement les environs, jetant des regards autour d’eux, comme s’il cherchait quelques petits animaux à dévorer au passage. Midona flatta sa fourrure lorsqu’il passa assez proche d’elle, et l’animal émit un léger grognement avant de poursuivre ses recherches. Elle le regarda faire comme pour se divertir vainement avant de devoir réellement aller au bout des choses. Elle n’était pas venue ici par hasard. Elle savait ce qu’elle trouverait en ces murs. Des mots difficiles. Des maux douloureux. De nombreux souvenirs lui revenaient tandis qu’elle posait son regard sur la façade. Et voilà qu’elle était bien incapable de savoir si elle ressentait de l’allégresse de se retrouver là de nouveau.

La bâtisse était telle qu’elle se souvenait. Belle. Gigantesque. Silencieuse. Elle lui paraissait presque vide tant les bruits des oiseaux alentours semblaient plus bruyants que ce qu’il se passait à l’intérieur. Debout devant la porte, toutes sortes de scénarios lui vinrent, des retrouvailles avec son paternel. Elle ne pouvait en imaginer aucun se passer correctement. Elle connaissait trop bien le patriarche pour savoir qu’il ne serait pas clément avec sa fille, pourtant désormais Reine. Alors pourquoi avait-elle fait le chemin pour le voir ? La rousse hésita à se raviser, avalant sa salive avec préhension. Si elle fuyait maintenant, personne ne saurait jamais qu’elle était venue jusque-là, n’est-ce pas ?

Et pourtant, c’était plus fort qu’elle. La Twili avait besoin de faire face au cerbère qui gardait la demeure. D’un pas anxieux, elle s’avança et toqua, une fois, avant que la grande porte en bois ne s’ébranle et ouvre sur un majordome vêtu d’un costume impeccable. Il la salua avec beaucoup de respect et l’invita à pénétrer d’un geste de main. Ce n’était pas le même que lors de son dernier passage. Alors qu’elle entrait dans le couloir et qu’elle avançait machinalement vers le salon, elle s’arrêta devant un grand miroir aux dorures, scrutant son reflet. Elle se vit enfant, avec ses longs cheveux roux noués en une longue tresse et ses grands yeux bleus déterminés.

Elle entendit des bruits venant d’une pièce adjacente et elle sentit aussitôt son corps se tendre en prévention de la bourrasque qu’elle s’apprêtait à prendre. Mais elle n’était plus une petite fille. Elle n’était plus seulement l’héritière de la famille Vajanska, elle était la Reine Crépusculaire. Alors pourquoi venait-elle de faire un bon dans le passé ? Assujettie à ses obligations, à ses anxiétés et encore davantage à ses devoirs, est-ce qu’elle avait changé ? Est-ce qu’elle pourrait un jour se détacher du désir paternel ? Bien malgré elle, la jeune femme cherchait l’approbation de son père.

« — Père. » Sa voix lui sembla fluette. Consciente de son embarras, elle se mordilla légèrement la lèvre. La rousse hésita mais se jeta finalement à l’eau. Elle n’était pas venue pour retomber en enfance. « J’ai été surprise de ne pas vous voir au château. » Le vouvoiement avait toujours été de rigueur pour la jeune femme, à l’encontre de son paternel. Et si sa mère avait été vivante, l’aurait-elle vouvoyée également ? « Aviez-vous mieux à faire que d’accueillir votre fille ? » Cinglante. Pleine de rancœur.

Il n’avait pas changé. L’homme aux cheveux grisonnant qui s’approchait d’elle montra rapidement les crocs, bien décidé à ne pas se laisser faire par sa fille unique. Les regards se croisèrent, froids et durs, comme pour se jauger. L’une et l’autre se dévisageaient sans vergogne mais Midona s’y était préparée. Elle avait su, bien avant de passer la porte du domaine, que les retrouvailles avec son paternel ne seraient pas particulièrement joyeuses et accueillantes. Il n’avait pas changé. Il était toujours le même homme qu’elle avait connu. Un homme glacial qui ne donnait aucune tendresse, qui était plus enclin à la sermonner qu’à la féliciter. Un homme qui n’acceptait pas l’échec et qui préférait s’en protéger en se réfugiant dans la demeure familiale.

Son visage était si proche du sien qu’elle pouvait sentir sa respiration chaude sur ses joues. La rousse ne recula pas bien que cela aurait dû être son premier réflexe. La fuite aurait été une solution confortable. Faire demi-tour et claquer la porte sur cet affreux nez. Oublier qu’elle avait un père qui, de toute façon, lui faisait toujours entendre qu’elle n’était jamais assez bien pour la famille Vajanska. Et pourtant, c’était bien elle qui avait gagné les épreuves pour obtenir la Couronne d’Ombre. Tout le monde avait fâcheuse tendance à l’oublier ces derniers temps ! Fallait-elle qu’elle les aide à se le remémorer ?

Elle ouvrit la bouche pour répondre avec véhémence à ses accusations mais il lui fit signe pour lui intimer de se taire. Midona hésita mais garda finalement le silence tandis qu’elle le regardait lui tourner le dos. Elle aurait pu lui répondre, lui hurler qu’il aurait mieux fait de courir avec Xanto, puisqu’il n’était pas satisfait du comportement de sa fille. Mais elle n’en fit rien. Ses lèvres restaient scellées. N’avait-elle jamais eu le dernier mot avec cet homme buté ?

La Reine hoqueta de surprise lorsqu’il lui demanda comment allait sa cousine. Elle n’en croyait pas ses oreilles. Si elle comprenait qu’il puisse s’enquérir de l’état de santé de sa cousine, cela lui semblait tout à fait malvenu dans ces circonstances. Cela était donc une attaque personnelle. Midona pinça ses lèvres en tentant de contenir ses émotions.

« — Je vous reconnais bien là. » Reprit-elle d’une voix grondante. « Votre fille disparait pendant plusieurs lunes mais cela vous arracherait la figure que de lui demander comment elle va ? » Elle avala sa salive, tout son corps était si tendu qu’elle fut surprise qu’aucun de ses muscles ne se rompe. « Talia va de mieux en mieux. Elle est solide. » Elle restait encore fragile mais elle reprenait des forces de jour en jour. « Je sais ce que vous insinuez. J’ai vu Talia à mon retour, je suis au courant. Pour son époux. » Le terrain était glissant. Si son père la considérait coupable du meurtre d’Océrian, Midona en était tout autant persuadée. Mais elle ne pouvait pas l’avouer à son père qui s’en servirait avec grand plaisir pour l’enterrer six pieds sous terre à l’aide de reproches. « Il y a toujours eu des tentatives d’assassinat à Metzli, ma présence n’aurait probablement rien changée. »

La rousse soupira puis fit quelques pas dans la demeure, retrouvant les lieux sensiblement de la manière dont elle les avait laissés. Son père avait toujours été plus réticent en changement et elle avait hérité de cette réticence. Bien malgré elle, le changement s’était imposé et elle n’avait pas eu le choix que de l’accepter et de vivre avec. Tant pis si elle avait dû vivre comme une exilée pendant plusieurs lunes. Elle avait survécu à cette épreuve et en ressortait en un seul morceau, des souvenirs bons et mauvais en tête. Midona mit la main sur un cadre, celui du mariage de ses parents, qu’elle observa longuement.

« — Si vous pensez que les Vajanska ne sont pas dignes pour régner, j’imagine que le nouveau prétendant à la couronne, Lord Odair, fera très bien l’affaire. » Elle ne le lâchait pas des yeux. « Qu’attendez-vous pour le rejoindre ? Peut-être qu’il ne vous décevra pas ? C’est un homme, il aura déjà une longueur d’avance dans votre cœur. » Elle se racla la gorge et fit volte-face. « Vous pourrez le lui dire lorsqu’il sera escorté de retour et que je le condamnerai à la sentence qu’il mérite. » Sa mort. Comment pouvait-il en être autrement après une telle trahison ?

Si un jour elle revoyait Robyn, elle pourrait lui présenter son père. Il apprendrait surement beaucoup de choses sur sa façon d’être, rien qu’en passant quelques minutes avec le charmant homme qu’il était. Midona se renfrogna, si elle pouvait l’être encore davantage. Elle avait intérêt à reprendre son souffle et à garder le dos bien droit pour faire face et tenir aux bourrasques sans merci que lui lançait son père. Il avait, visiblement, rongé son frein depuis un moment et semblait bien heureux que sa fille soit maintenant là pour déverser tout le fiel qu’il avait emmagasiné lors des dernières lunes. Les attaques répétées, la violence de ses mots, laissèrent la jeune femme hébétée. Elle s’était attendue à recevoir un accueil tempétueux mais clairement pas de cette intensité. Jamais il n’avait été aussi dur avec elle. Pas de cette manière. Pas en lui crachant au visage qu’elle n’était qu’une piètre reine de Metzli et qu’elle pensait tous ses sujets comme des pions dont elle pouvait se dispenser.

La Twili restait sur la retenue, le laissant l’insulter sans ne rien dire dans un premier temps. À chaque fois qu’il ouvrait la bouche, cela avait été pour lui arracher un peu plus le cœur.

« — Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! » Hurla-t-elle brusquement, surprise elle-même par le ton qu’elle employa. La rousse se racla la gorge mais la fureur faisait trembler ses mains de rage. Elle en attrapa une pour tenir l’autre et tenta de contenir sa colère. « Que voulez-vous que je fasse d’autre ?! Que je m’en veule ne le ramènera pas à la vie et cela ne rendra pas Talia moins triste et endeuillée. La seule chose que je puisse faire c’est de continuer à me battre et à la laisser souffler maintenant que je suis là. » Elle essayait d’être diplomate mais elle savait bien qu’il trouverait toujours un moyen de retourner les choses contre elle.

Elle n’avait rien fuis en restant vivre en Hyrule pendant toutes ces lunes. Elle avait essayé d’assumer ses responsabilités en essayant de réparer la Couronne d’Ombre. Mais puisque celle-ci était désormais sous les ruines de son château, le problème devait être plus ou moins réglé. Midona l’entendit parler de l’épouse de Xanto d’une voix accusatrice, visiblement la perspective d’un mariage avec une autre race était inconcevable pour le patriarche de la famille. Au moins Xanto avait été le moins stupide. S’il l’avait vraiment aimé, cette femme, alors il avait eu bien raison de s’y lier. Elle n’avait pas connu cette Zora et elle avait été très reluctante à l’annonce du mariage de son ex-conseiller, pour autant il lui était difficile de cautionner un tel discours. Cela lui permettait de respirer un instant, avant de subir la suite du courroux de son paternel.

« — Faites attention à ce que vous dites. Hyrule est désormais notre allié. » Se contenta-t-elle de dire.

Aurait-elle seulement le loisir d’épouser un homme qu’elle aimera d’amour véritable ? Midona ne croyait pas en les contes de fées où les reines rencontraient de preux chevaliers. Elle n’en avait pas rencontré lors de son voyage. Les personnes qui avaient été auprès d’elle n’avaient pas ressemblé à des chevaliers, mais ils avaient eu le mérite de croire en elle et de lui faire entendre qu’elle comptait. Ce n’était pas le même discours que celui qu’avait son propre père envers elle. Aussi, quand ce dernier lui rétorqua d’avoir un amant et de le condamner à mort avec Xanto, elle resta pantoise. Les mots lui manquaient et elle ne sut comment réagir face à une accusation de cette nature. Non, elle s’était attendue à beaucoup de choses mais pas à celle-là.

« — Mon amant ?! » La conversation était lunaire ! À moins qu’il n’ait été courant de son retour à Metzli à l’aide d’un certain Piaf, elle n’avait jamais outrepassé ses droits. Jamais elle n’irait coucher avec un autre homme tant qu’elle n’était pas mariée. Elle n’était pas sotte, il le lui avait bien assez rappelé pour que cela soit férocement ancré dans son cerveau. « C’est donc pour cela que vous pensez que je suis restée en Hyrule ? Pour vivre avec quelqu’un ? » Elle se mit à rire brusquement, ce fut incontrôlable. « Allons ! Vous ne pouvez pas croire vous-même à une bêtise aussi grosse. » Elle posa sa voix un peu, gardant un rire dans la voix. « Je ne suis pas la personne immature que vous décrivez, je suis la Reine de Metzli et jamais je ne laisserais mon peuple pour un seul homme. C’est ma responsabilité ! » Elle mentirait si l’idée ne lui avait pas germé dans la tête dans ses fantasmes les plus fous, mais elle était bien trop enchaînée à ses devoirs pour se laisser bercer d’illusions.

« — Ce n’est pas pour cette raison que je suis restée en Hyrule, il était question de mes responsabilités et de mon devoir… De ma légitimité au trône. » Oups, peut-être en avait-elle trop dit. Ou comment souffler sur des braises incandescentes.

Il prononça le nom de sa mère en regardant de façon nostalgique la photo de son mariage, se maudissant de ne pas avoir fait marier sa fille. Midona fit une grimace. Il était hors de question de s’enliser sur un sujet tel que celui-ci.

« — Personne ne me trouvera un mari. » Trancha-t-elle. « Mère aurait probablement été plus compréhensive que vous l’êtes. Elle ne m’aurait pas accueilli ainsi. Elle aurait été heureuse de revoir son unique fille. » Oui, si elle n’avait pas été morte, tuée par cette dernière en lui donnant la vie.

Son père était vexé mais que pouvait-elle y faire ? Personne n’avait su la raison de sa disparation et des manœuvres dans la Cour pendant son absence, exceptés Xanto et Anju. Ils avaient été présent auprès d’elle à son réveil à la citadelle d’Hyrule. La rousse n’aurait pas pu envoyer une missive à son père puisqu’elle ne l’avait déjà pas fait pour sa cousine et conseillère. Elle roula des yeux lorsqu’il se plaignit de leur honneur de Twili qui était relégué au second rang là-dedans. La rousse n’avait pas le même avis sur la question. Elle n’avait pas été choqué par ce mariage dans ce sens-là. Cela avait été davantage l’absence de nouvelles de la part de son conseiller qui l’avait rendu furieuse lorsqu’elle avait été mise au courant.

« — Oui, j’ai eu tort ! Xanto n’était pas si parfait, puisqu’il n’a pas réussi les épreuves que J’AI gagné ! Il était… » Elle s’apprêtait à continuer à se défendre lorsqu’elle entendit finalement la dernière phrase. « Pardon ? » Si elle s’était attendue à recevoir un compliment ! Enfin, l’était-ce vraiment ?

Elle darda, sur son père, des prunelles méfiantes. C’était certain qu’il allait rajouter quelque chose pour lui faire mal, non ? Comme cela ne venait pas, elle ne sût plus tellement quoi répondre.

« — Vous pensez vraiment cela ? Que je suis meilleure que lui ? » Hésita-t-elle en le regardant de travers.

Se marier à Xanto. Bien sûr, l’idée ne la choquait pas. Elle était même surprise de ne pas en avoir entendu parler davantage. Cette discussion lui rappelait fâcheusement les quelques mots échangés avec l’Hesediel à ce sujet quelques jours auparavant. Elle ne voulait pas de Xanto, elle n’avait jamais voulu de lui. Midona l’avait adoré, elle l’avait aimé, mais pas de la bonne manière. Elle ne l’avait pas désiré comme elle en avait désiré un autre. Qu’importe ce que son père lui disait, il n’était plus question d’un rapprochement par le mariage entre les deux familles héritières les plus puissantes de Metzli. Le fils unique Odair était désormais considéré comme un traitre à la couronne par la Reine et elle ne comptait pas laisser passer cela.

« — Il ne m’a pas convié à son foutu mariage ! » Retorqua-t-elle aussitôt. Entendre parler de l’Odair comme s’il ne l’avait pas humilié devant toute sa cour commençait sérieusement à l’agacer. « Bon. C’est trop tard. Et puis, cela n’aurait rien changé. Xanto n’aurait probablement jamais accepté d’être un Roi consort, il aurait voulu avoir les pleins pouvoirs. Vous auriez retrouvé votre fille assassinée dans un accident habilement réalisé. » La rousse haussa les épaules.

En serait-elle au même point si le passé avait été différent ? Xanto aurait-il vraiment accepté cela ? Si elle lui avait proposé sa main plutôt qu’une place dans son conseil ? Midona se mordilla la lèvre inférieure, pensive.

« — Vous ? Vous avez essayé de m’aider, de me soutenir ?! » Elle sentait la colère affluer de nouveau dans ses tempes. « Clairement, ce n’est pas vous que j’ai vue à mon retour ! Heureusement que Talia était là car je n’ai pas eu d’autres membres de ma famille à m’accueillir ! » Elle fronça les sourcils, posa la photo de ses parents sur un meuble et croisa les bras. « Je ne pouvais pas vous contacter. C’était à moi d’assumer mes responsabilités en retrouvant un fragment d’ombre. » Elle roula des yeux vers le ciel. « Ce que j’ai échoué ! Enfin quelle importance ? Je n’ai même plus de couronne ! »

Elle fit quelques pas dans le grand salon dont les bougies étaient peu à peu allumées par le majordome qui s’affairait silencieusement plus loin. La Reine lui adressa un regard suspicieux avant de reporter son attention sur son père.

« — Ce n’est pas le moment de trouver un homme à marier. » Répondit-elle d’un ton sec. « Tant que je ne serais pas certaine des familles qui me soutiennent réellement, je ne peux pas leur faire confiance. Comment le pourrais-je ? Si Xanto a pu me trahir, je ne vois pas ce qui empêche d’autres de le faire ! Et puis, il y a d'autres problèmes plus urgents. »

Non, pas de bandit. C’était bien dommage. Un peu de détente n’aurait probablement pas fait de mal.

N’avait-elle jamais tenu tête de la sorte à son paternel ? Depuis qu’elle était devenue la Reine Inférieure, leurs discussions n’avaient pas toujours été des plus calmes, Midona se sentant plus légitime à élever la voix que dans le temps. Leurs discussions n’avaient jamais été aussi houleuses qu’à cet instant, cependant. Vivre loin de ses racines, plonger dans un environnement aussi nouveau, l’avait profondément transformée. La Reine qu’elle était n’était pas tout à fait celle qui avait été couronnée quelques années plus tôt. Elle gardait, toutefois, beaucoup de similitudes avec la personne qu’elle était. Certains fonctionnements ne pouvaient pas se modifier aussi rapidement alors qu’elle n’avait connu que cela, toute sa vie.

Son père sembla prendre conscience du comportement et des idéaux de l’Odair. Elle n’avait pas pensé qu’il ne puisse pas avoir toutes les informations de l’histoire. Son père était-il seulement au courant de tout ? Il lui sembla que non. À la lumière de tous les éléments, il semblait finalement comprendre qu’il avait bien été un serpent lové contre sa proie, prêt à la mordre au moment le plus opportun. Son retour à Metzli après une absence perçue comme étrange par la population, était ce moment opportun qu’il avait choisi. Elle aurait bien pu tout perdre, ce soir-là. Aurait-il pu se terminer d’une autre façon ? Xanto aurait-il pu mener à bien son coup d’état si la couronne n’avait pas été subtilisée de la sorte par l’apparition de cet homme ?

À nouveau, son paternel s’agaça et éleva la voix pour rebondir sur ses mots, lui balançant à la figure ce qu’elle avait déjà attendu. Entendre son père lui dire ça, alors qu’elle en était même venue à douter de son soutien, lui ôta un poids de la poitrine. Et même s’il avait raison, même s’ils avaient raison de lui dire qu’elle était bien davantage qu’une couronne et qu’elle avait été l’élue des épreuves, le doute subsistait sur le visage de la rousse. Son père enrageait de l’entendre dire cela et pourtant, c’était bien la première fois que Midona se confiait de la sorte à lui. Forcément, il avait dû entendre tous ces doutes auprès des nobles de la cour de Metzli, car ses doutes étaient bien les échos de ceux de son peuple.

« — Je ne donne pas raison à mes ennemis. » Fit-elle, patiemment. « C’est cette couronne qui a fait de moi la Reine de Metzli. Elle est le symbole du souverain et le memento de tous les autres avant moi, de la Reine Pratima. » Elle secoua la tête. « J’ai consenti à mon sort le jour où j’ai supporté son poids et la pression de sa puissante magie. » La vérité est qu’elle se sentait atrocement nue depuis que la Couronne avait été rendue silencieuse. Et maintenant qu’elle n’était plus du tout là, elle avait constamment le sentiment qu’il manquait quelque chose.

Midona sursauta lorsqu’il abattit un poing sur la table la plus proche. L’assiette tomba non loin d’elle, se brisant en plusieurs morceaux lorsqu’elle percuta le sol. La jeune femme s’y désintéressa très vite, elle poussa du pied quelques éclats sous la table et reporta toute son attention sur la bête furieuse qui gesticulait face à elle, respirant comme un buffle. Il ne lui en manquait que les cornes.

« — Pourquoi serait-ce le problème de ma cour quand le fragment de ma couronne est mort par MA FAUTE ? » Répondit-elle sur le même ton, élevant la voix assez fortement pour faire écho à la voix, plus grave, de son père. « Si j’avais été assez forte pour repousser Ganondorf ! » Pourrait-elle un jour cesser de ruminer cette histoire ? La rousse passa une main sur son visage. « Ce qui est fait est fait. » Soupira-t-elle finalement, baissant la tête. « Mon peuple ne s’en rendra peut-être pas entièrement compte mais la couronne avait ce pouvoir de réfréner leurs pulsions de rébellion. Si aujourd’hui ils décident d’attaquer Itzal et piller ce qu’il reste du château, comment pourrais-je seulement les arrêter ? » Le pouvoir de la Couronne des Ombres était hautement symbolique mais cela savait contrôler les foules. « Sans compter qu’il est absolument hors de question que le père de la Reine parte en quête pour elle. Quelle image cela donnerait du pouvoir à Metzli ? La Reine reste dans ses appartements pendant que tous les autres vont risquer leurs vies pour elle ! Ce n’est pas la souveraine que je veux être. »

Elle loucha lorsqu’il s’approcha d’elle et pointa un doigt accusateur à sa figure, tout proche de son nez. Elle aurait pu reculer mais elle n’en fit rien. Son père n’avait pas été un homme violent physiquement envers elle. Il avait davantage montré son indifférence quand il avait été déçu des résultats de sa fille à ses examens.

« — Non. » Sa voix était froide, tranchante.

Il était hors de question qu’elle reste à Metzli si elle pouvait retrouver un fragment en Hyrule, comme elle se doutait qu’il en restait. Il y avait aussi le caveau sous la salle du trône qu’elle espérait prometteur. Elle devait, dans tous les cas, descendre là-bas avant d’essayer quoi que ce soit d’autres ailleurs. Une autre piste, du côté de la Montagne d’Ordinn, restait intéressante à approfondir.

« — Non ! » Répéta-t-elle en le défiant du regard. « J’ai déjà envoyé un homme de ma cour retrouver un fragment et vous savez, tout comme moi, les résultats de cette entreprise. Si je veux obtenir cette pierre alors j’irais la chercher moi-même. Il ne peut pas en être autrement. » Elle marqua une pause. « Le Royaume de Metzli ne doit plus être tourné vers lui-même. Avec l’ouverture des frontières, nous pourrons développer les échanges et prospérer comme jamais auparavant. La couronne d’Hyrule m’a accueilli pendant toutes ces lunes et je compte bien ne pas me claustrer ici, comme tous les autres avant moi, en espérant que rien ne me tombe sur la tête. » Il n’était pas aisé de défier l’autorité de son père, pourtant elle sentait qu’il ne pouvait pas en être autrement.

Et après ? Si elle trouvait un fragment. Pourrait-elle alors s’arrêter à un seul ? Ne lui faudrait-elle pas tous les trouver pour s’assurer que personne d’autres ne soit en mesure de les dérober ? Il y en avait encore trois puisque Xanto en avait trouvé un. Elle fronça les sourcils, détournant son regard de son père, après avoir viré d’un geste brusque la main qu’il portait toujours à son visage.

« — Si le peuple de Metzli me respecte tant que ça, surement ils pourront respecter une Reine d’action qui se déplace pour voir les choses par elle-même ? » Ajouta-t-elle d’un ton prudent, plus calme. « Dès que j’aurais la possibilité, je compte bien me rendre dans les différentes villes de Metzli pour retourner au contact de mon peuple. J’en ai assez de vivre cachée. »