J'ai le droit ! feat. Sebastian

J'ai le droit !

Jour 11 Lune 9 An 1000 - feat @Sebastian Hesediel

Libre à moi de vivre comme je l'entends
J'ai le droit
Libre à toi de vouloir assumer tes choix

Fallon était rentrée depuis une journée à peine, mais elle ressentait déjà qu’elle avait retrouvé une petite part d’elle-même qui avait disparu durant son absence. Chaque coin de la grande demeure familiale avait résonné de souvenir chéri, et elle avait respiré profondément l’air imprégnée du parfum des roses du jardin, un parfum qui lui était si familier et réconfortant. Sa famille l’avait accueillie avec une effusion de joie qui lui avait réchauffé le cœur. Son père l’avait serrée dans ses bras avec tendresse, sa mère avait presque essuyé une larme d’émotion tandis que sa sœur jumelle l’avaient taquinée joyeusement, comme si elles ne s’étaient jamais séparées. Comme à son habitude, Sebastien s’était montré un peu plus réservé, mais il semblait tout de même content de revoir sa jeune sœur.
Malgré l’euphorie de ces retrouvailles, la Twili garda précieusement quelques détails de son voyage pour elle, sachant que sa famille s’inquiéterait davantage si elle leur révélait la véritable nature de son périple à Hyrule. Elle ne voulait pas les alarmer inutilement, d’autant plus qu’elle contrôlait la situation à présent.

En effet, elle conservait secrètement les moments où elle avait craint pour sa sécurité, lorsque les Yigas avaient semé la terreur à proximité de l’endroit où elle se trouvait, ainsi que la présence de son compagnon de voyage, qui avait été d’un soutien constant dans ce moment-là. À moins que ce ne soit la jeune femme qui ait tout fait pour être là pour lui ? Malheureusement, Fallon savait que sa famille ne comprendrait pas facilement la profondeur du lien qui les unissait depuis plusieurs semaines, alors elle préféra cacher sa présence pour le moment.

Mais voilà que dès son premier jour en famille, Fallon partie faire « une balade à cheval » qui sembla s’éterniser bien au-delà du temps habituel. Prétextant un besoin de solitude pour se retrouver avec ses pensées, elle propitiation de cette occasion pour s’éclipser, pensant que sa famille ne se méfierait pas de cette petite escapade. La brune s’assura que Robyn était bien installé, prenant soin de vérifier qu’il avait trouvé un guérisseur compétent en ville pour traiter ses brûlures. Une fois rassurée sur son état, elle passa de longues heures en sa compagnie, à discuter de leur voyage à venir.

Lorsqu’elle retourna finalement à la demeure familiale, le soleil commençait déjà à décliner à l’horizon. Après avoir pris soin de panser son cheval, elle tombe nez à nez avec Sebastian, devant la grande maison. « Bonjour Sebastian, » dit-elle d’une voix enjouée. Pourtant, la jeune femme remarqua immédiatement quelque chose d’anormal chez son frère. En effet, une ombre de préoccupation planait sur le visage habituellement impassible du Twili, ainsi qu’une lueur de soucis dans les yeux. Fallon se força à garder son sourire, à agir normalement et se posta à ses côtés. « Comment s’est passé ta journée mon frère ? »

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L'ennui, la nuit, l'oubli

J'AI LE DROIT !

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An 1000, Lune 9, Jour 11

Sebastian écoutait en silence le récit du voyage de sa sœur qui était enfin rentrée à la maison familiale tout en l'observant de manière pensive. Comme toujours, Fallon arborait un large sourire et parlait avec entrain, mentionnant de nombreux détails, qui n'avaient pas tous de l'importance. Pourtant, il avait l'impression que quelque chose avait changé, sans pouvoir mettre le doigt dessus immédiatement. Personne ne dit rien à ce sujet ; pas même Nilah. Peut-être se faisait-il des idées. Sa petite sœur grandissait sous ses yeux et il avait du mal à l'accepter.

Toutefois, lorsqu'elle mentionna dès le lendemain matin qu'elle souhaitait faire une promenade à cheval, Sebastian se demandait s'il était bien prudent de la laisser partir toute seule. N'était-elle pas fatiguée ? Cela cachait forcément quelque chose. Évidemment, sa sœur n'accepterait jamais sa présence s'il le lui demandait, ou alors, il n'aurait tout simplement pas le fin mot de l'histoire. Fallon avait droit à ses secrets, là n'était pas la question, il aurait été bien mal placé pour lui jeter la pierre, après tout. Il souhaitait simplement s'assurer que personne ne profite de sa vulnérabilité, maintenant que ses fiançailles avaient été rompues.

Que faisait-elle dans une auberge de Psysalis ? Voilà qui était de plus en plus insolite. L'aîné Hesediel laissa s'écouler quelques minutes avant de passer la porte à son tour. Bien que son visage ne soit certainement pas inconnu ici, il avança quelques rubis au tenancier afin de s'assurer qu'aucun détail ne soit omis. Une ombre menaçante s'installa sur le visage de Sebastian, se creusant un peu plus, alors que ses pas le ramenaient en direction de la maison. Ce qu'il venait d'apprendre dépassait l'entendement. Il devait réfléchir au lieu de la confronter dans un cadre aussi public parce qu'il était profondément déçu. Toute cette affaire requérait de la discrétion en effet, sans quoi, c'était un nouveau scandale qui risquait de leur pendre au bout du nez.

Oh, il savait parfaitement que Fallon était une enfant têtue et impétueuse depuis toujours ! Elle ne se souciait guère de l'étiquette. Son frère avait cru, naïvement peut-être, que son passage à la Cour ainsi que les épreuves qu'elle avait subi aux côtés d'Aleksander calmeraient ses ardeurs. De toute évidence, il ne pouvait pas la protéger contre elle-même, et cela le mettait hors de lui, absolument furieux. La poussière eut le temps de retomber en attendant le retour de la petite cachotière, fort heureusement pour elle. Il ne demeurait qu'une inquiétude grandissante dans le cœur d'un homme qui savait pourtant mieux se maîtriser.

« Cela dépendra de ta réponse à ma question, Fallon. »

Voilà une phrase qui ne laissait présager rien de bon malgré son calme relatif apparent. Sebastian la regardait souvent ainsi, de toute sa hauteur, lorsqu'il lui adressait des reproches, plus jeunes. Il n'était pas aussi soucieux, d'habitude, toutefois. La façon de froncer les sourcils de cette petite étourdie ne faisait que confirmer à son aîné qu'elle se savait en tort d'une manière ou d'une autre en tant que jeune dame. Combien de temps croyait-elle vraiment pouvoir dissimuler son secret juste sous leur nez ?

« Qui était cet homme ? » demanda-t-il d'un ton presque doucereux, digne d'une vipère prête à mordre sa proie, tandis qu'il approchait son visage de celui de sa sœur, pour mieux la scruter de son regard auquel rien ne pouvait échapper. Elle n'avait pas intérêt à continuer à jouer à la parfaite petite innocente avec lui et à nier les faits comme si elle ne savait pas de quoi il était question. Qu'elle ne le méprenne pas pour un abruti ! Il parvenait toujours à la percer à jour, de toute façon, et si Sebastian n'aimait pas sa réponse, il n'aurait absolument aucun scrupule à aller tout raconter à leur père. Dans ce cas, il ne donnerait pas cher de la peau d'un certain Piaf. Il ne la laisserait pas passer avant d'obtenir un semblant de réponse honnête, bien que cet endroit soit loin d'être idéal pour mener ce genre de conversation, et qu'il faudrait donc la poursuivre ailleurs, loin des oreilles indiscrètes néanmoins.

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Jour 11 Lune 9 An 1000 - feat @Sebastian Hesediel

Les paroles de Sebastian firent taire Fallon instantanément. Le ton impassible et calme de sa voix contrastait fortement avec l’intensité de son regard scrutateur. La jeune Twili sentit le poids de son autorité fraternelle, lui rappelant avec un goût assez amer des souvenirs d’enfance où il avait été un protecteur vigilant, un juge un peu trop sévère. Son cœur se serra alors qu’elle cherchait une réponse adéquate. Les mots semblaient se bousculer dans sa tête, mais elle savait que Sebastian ne serait pas facilement apaisé par une excuse hâtive. Elle avait toujours eu du mal à mentir à son frère aîné, surtout lorsqu'il la fixait de cette manière, comme s'il percevait déjà la vérité dissimulée derrière ses paroles.

Fallon tenta de rassembler son courage, cherchant dans ses pensées un moyen de se sortir de cette conversation périlleuse. Elle savait pourtant qu'elle ne pourrait pas éviter la question éternellement, mais elle craignait les répercussions de la vérité. Robyn n'était pas seulement un compagnon de voyage, il était devenu un ami précieux qu'elle avait promis de soutenir et d'aider. Mais expliquer cela à Sebastian, avec sa rigidité et ses attentes concernant sa jeune sœur, s'annonçait difficile. La brunette se sentit submergée par une profonde culpabilité. Elle savait qu'elle avait agi de manière irresponsable en cachant la vérité à sa famille, mais elle avait pensé que c'était pour le mieux et pour éviter de semer l'inquiétude. Maintenant, confrontée à la colère contenue de Sebastian, elle se sentait comme une enfant prise en faute.

Fallon sentit alors un mélange d’indignation et de surprise face à l’accusation de Sebastian. Son premier réflexe fut de s'insurger contre son intrusion dans sa vie privée, surtout de la part de son frère aîné dont l’autorité pouvait parfois être étouffante. « Je ne peux pas croire que tu m’aies suivie. Tu n’avais pas le droit. » Bien qu’elle sentait la chaleur et la colère monter en elle, la brunette savait que cela ne ferait qu’aggraver les choses. Elle prit donc une grande inspiration, tentant de garder son calme malgré la nervosité qui l’envahissait. Une confrontation directe ne mènerait à rien de bon. Elle devait trouver un moyen de désamorcer la situation tout en répondant à la question de Sebastian de manière satisfaisante.

La jeune femme refusa de baisser les yeux devant son frère. Elle savait qu'elle devait répondre, mais elle cherchait encore comment expliquer sa décision sans trahir la confiance de Robyn ni décevoir sa famille. Le regard sévère de Sebastian ne lui laissait aucun répit. Elle leva enfin les yeux vers lui, son visage reflétant une détermination mêlée de résignation.
Elle prit une profonde inspiration avant de répondre, mesurant chacun de ses mots avec soin : « Cet homme, Sebastian... C'est un ami. Un ami qui avait besoin d’aide. »

Fallon releva les yeux vers l’autre Twili, espérant voir une once de compréhension ou de clémence dans son regard. Cependant, elle savait trop bien que son frère ne serait pas satisfait si facilement. L’Ombre connaissait trop bien la persévérance et le désir inébranlable de son aîné de protéger l'honneur et la réputation de leur famille, pour savoir qu’il n’en resterait pas là.

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An 1000, Lune 9, Jour 11

Si Fallon croyait l'intimider avec sa colère, il lui faudrait encore bien des années à peaufiner son art avant de parvenir à faire flancher son frère qui la toisait froidement. Que cela lui plaise ou non, il avait tous les droits. Pour ses sœurs, Sebastian était prêt à tout, même si cela devait signifier qu'elles le détestent, pendant un temps. Elles finiraient forcément par comprendre qu'il avait leurs meilleurs intérêts à cœur. Le contraire tenait du domaine de l'impossible. Il était plus âgé après tout et avait plus d'expérience de la vie et de ses innombrables machinations. La jumelle qui lui faisait face était la plus capricieuse entre les deux cependant et celle qui lui donnait souvent du fil à retordre à devoir exposer ses arguments en long, en large, et en travers.

« Un ami ? » répéta-t-il, sidéré, secouant ensuite la tête pour signifier que c'était un peu mince en guise d'explication, les bras croisés pour démontrer qu'il tenait fermement ses positions pour le moment. « Tu me pardonneras, mais je peine à te croire sur parole. Tu pars près d'un mois à l'autre bout du monde sans donner le moindre signe de vie et tu reviens au bras de cet ... étranger. »

Le mot résonnait presque comme une insulte méprisante entre ses lèvres, sa langue claquant dans l'air sous chaque syllable. Il ne connaissait pas cet homme, mais il ne désirait pas le connaître non plus, il avait déjà son opinion sur le sujet. En vérité, Sebastian lui reprochait plus sa qualité de vulgaire roturier qui n'était donc pas digne de fréquenter sa sœur. Il s'était terriblement inquiet pendant son absence, imaginant le pire, car elle n'aurait guère su se défendre contre des bandits. Il n'était pas le seul, d'ailleurs, mais cela ne lui avait pas traversé l'esprit, de toute évidence. Il pouvait comprendre que la trahison de Cardan l'ait blessée, mais ce n'était pas une raison valable pour se jeter dans les bras du premier venu ! N'importe qui connaissant la situation serait parvenu à la même conclusion. Avait-elle seulement réfléchi aux conséquences de ses actes ? Non, probablement pas, elle s'était contentée de se laisser attendrir par une âme en peine qui se servait de toute évidence de sa bonté pour parvenir à ses fins. Pourquoi ne pouvait-elle pas prendre exemple sur lui de temps en temps au lieu de se mettre dans des situations impossibles ?

« Comment voudrais-tu que je réagisse autrement ? Tu n'avais pas à l'amener ici, ses problèmes ne te concernent en rien. Je ne te laisserai pas gâcher ta vie ! » abandonna-t-il sèchement, immuable, de glace. Il ne pourrait pas éternellement veiller sur elle et l'aider à réparer les pots cassés après tout. Il y avait une limite à ses talents. Il lui interdissait de revoir ce garçon, non, ce vaurien.

Sebastian pouvait parfois se montrer particulièrement impitoyable. Il tenait cela de son éducation. La fatigue qu'il avait accumulé et qui commençait à peser lourdement sur ses épaules ne l'aidait pas à se montrer moins irritable. Il savait qu'il n'avait pas toujours été très présent, et il était de nature taciturne de toute façon, mais cela ne signifiait pas qu'il ne se souciait pas d'elle pour autant. Fallon n'était plus une enfant, enfin ! Elle le décevait terriblement. Avait-elle été trop choyée et protégée jusqu'à présent ?

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Jour 11 Lune 9 An 1000 - feat @Sebastian Hesediel

Fallon sentit la colère monter en elle, bouillonnant juste sous la surface. Sebastian se permettait encore une fois de juger sans savoir. Il n’avait aucune idée de ce qu’elle avait traversé, des dangers qu’elle avait affrontés, ni de l’importance de son voyage pour la jeune femme. Comme toujours, le Twili restait figé dans son rôle de protecteur inflexible, incapable de voir au-delà des apparences.

Pourquoi ne pouvait-il pas comprendre qu’elle avait besoin d’air, de liberté, loin des attentes oppressantes de la cour, et même de sa famille ? Si elle n’avait donné aucune nouvelle, c’était précisément pour éviter ce genre de tirade. La brune avait voulu échapper à cette surveillance constante, à cette obligation de justifier chacun de ses actes. Les quelques mois passés à la cour l'avaient étouffée plus qu'elle ne l'avait jamais admis, et ce voyage avait été sa bouffée d'air frais, son échappatoire. Certes, Fallon avait disparu, presque sans laisser de traces, mais elle en était ressortie grandie, avec de nouvelles perspectives et un lien précieux avec Robyn. L’Ombre avait choisi de suivre son instinct, d’aider quelqu’un qui avait besoin d’elle, et elle refusait de se laisser juger pour cela par quelqu’un qui n’avait pas été là, qui n’avait pas vu ce qu’elle avait vu. Fallon prit donc une profonde inspiration, luttant pour maîtriser la fureur qui grondait en elle.

Mais les paroles suivantes de Sebastian frappèrent la jeune femme comme une gifle. La colère qu'elle avait essayé de contenir déborda soudainement, alimentée par la frustration et l'injustice de la situation. Fallon serra les poings, sentant sa patience se briser. Elle fixa son frère, son regard brûlant de colère et de défi. « Tu crois vraiment que TU peux décider de ce qui est bon pour moi ? » Lança-t-elle d’une voix tremblante de rage. « Je ne suis plus une enfant, Sebastian. J’ai le droit de faire mes propres choix et d’aider ceux que je choisis d’aider ! » Elle fit même un pas en avant, plantant ses prunelles brillantes dans le regard froid de son frère. « Robyn est mon ami, et ses problèmes me concernent parce que J’AI décidé de les prendre en charge. Tu n’étais pas là pour voir ce que j’ai vu, ni pour comprendre ce que j’ai vécu. Tout ce que tu fais, c’est me juger, sans savoir. »

La jeune Twili prit une profonde inspiration, sa voix se faisant plus ferme. « J’avais besoin de partir, de m’éloigner de tout ce qui m’étouffait ici. La cour, les attentes, tout cela pesait trop lourd. Mon voyage m’a permis de me retrouver, de comprendre ce que je veux vraiment. Alors non, je ne te laisserai pas contrôler ma vie par tes peurs et ton besoin de tout régenter. » Elle sentit alors des larmes de frustrations perler aux coins de ses yeux, mais elle les retint. « Je suis désolée que tu ne puis passe comprendre ça, mais c’est MA vie Sebastian. » Et Fallon était prête à assumer les conséquences de ses choix, même si cela signifiait décevoir son frère qu’elle aimait pourtant énormément.

Elle fit donc une pause, respirant profondément pour calmer son cœur battant. « Arrête de voir le mal partout. Je ne suis pas inconsciente au point de me mettre en danger. Je fais attention, et je sais ce que je fais. » Elle avait dit ce qu’elle avait sur le cœur, et même si la confrontation était douloureuse, Fallon se sentait déjà libérée d’un poids.

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An 1000, Lune 9, Jour 11

L'inquiétude, la colère, la frustration, l'envie, toutes ces émotions complexes se mélangeaient en Sebastian et le rendaient sourd devant le souhait d'indépendance de sa petite sœur qu'il aurait pu trouver admirable dans d'autres circonstances. Tout ce qu'il voyait, c'était une parfaite ingrate. Si elle aimait tellement sa vie là-bas, libérée de toutes obligations, pourquoi était-elle revenue ? Ce ne serait qu'un choix égoïste de plus de sa part. Fallon était indignée qu'il la juge de cette façon, mais cette accusation était bien ironique, alors qu'elle ignorait complètement ce que lui avait vécu. Ce qu'il avait vu. Ce qu'il avait dû taire. Ce qu'il avait ressenti. Il n'avait pas eu droit à l'innocence de l'enfance, ni à l'espoir fragile d'un avenir paisible et doux. Il s'était parfois réveillé au beau milieu de la nuit en entendant les sanglots de sa mère avant même le jour de sa naissance. Il avait vécu chaque jour dans l'angoisse que ces assassins surgissent à nouveau de l'ombre. Il s'était endurci pour elle et pour Nilah.

« Oh, ma très chère sœur. Tu ne sais rien. »

Son ton n'était en rien condescendant. Il effectuait un simple constat presque amer. Elle était si naïve de croire qu'elle avait le choix dans ce grand schéma qu'était sa vie. Elle était une Hesediel. Croyait-elle que lui, il avait eu le choix, de devenir cet homme qui devait voir le mal partout, pour reprendre ses mots ? Sebastian tenta une dernière fois de la convaincre, car il l'aimait férocement, plus que tout au monde.

« Tu ne maîtrises toujours pas correctement ta magie à son plein potentiel et tu ne m'as jamais demandé de t'aider. Faire attention n'est pas suffisant. Comment comptes-tu te protéger ? Ne me dis pas que tu comptes sur ton cher Robyn pour te sauver la vie. Il pourrait bien s'enfuir à la première occasion, lui aussi. »

C'était mesquin, c'était bas de sa part, mais c'était la pure vérité. Quelqu'un devait bien le lui dire. Elle devait penser un peu à elle avant de penser aux autres. Ou alors, elle devait penser à sa famille qui ne supporterait pas de la voir disparaître, encore moins pour une raison aussi ridicule. Fallon n'était pas parfaitement idiote ! Mais elle aussi, elle pouvait se montrer têtue. Est-ce que c'était ce qu'elle désirait vraiment, se confronter à un mage de son niveau, pour prouver qu'elle était sérieuse ? Il pouvait l'empêcher de se rebeller de la sorte. Il pouvait la garder immobile pendant des heures si c'était nécessaire à l'aide de la magie. Il connaissait toutes ses peurs sur le bout des doigts. Il se répugnait lui-même de se voir contraint à user de telles méthodes contre cet enfant si lumineuse, mais il n'avait plus d'autre choix. Il pouvait au moins s'assurer qu'elle reste docile à ses côtés tandis qu'il exposait la situation à leurs parents. Il avait bien hâte de voir si elle ferait autant la fière face à Aleksander.

« Tu ne peux pas comprendre ! Tu devrais déjà être morte, Fallon ! Ne m'oblige pas à revivre ça ! »

Il se figea sur place, le regard écarquillé de stupeur, réalisant trop tard ce qu'il venait de dire, sous le coup de ses émotions qui venaient de le submerger avec violence. Pour Nilah, cela aurait pu être une réaction compréhensible, mais si l'autre brunette avait été mise en danger au retour de leur Reine, ce n'était rien qui ne justifie un tel émoi, encore moins chez un homme aussi froid. Ses lèvres frémirent, dans un effort de se rattraper, mais il était impossible de faire marche arrière, alors il referma sa bouche en une grimace tordue, au lieu de balbutier des raisons idiotes et vaines justifiant son inquiétude. Il alla plutôt s'écraser lourdement sur les marches du perron, croisant les mains devant son nez, perturbé, et le début d'une migraine risquait de se faire sentir d'ici la fin de la journée. Il s'attendait en effet à être assommé de questions, à propos de ce qu'il savait, à propos de ce qui lui avait été caché, tout ce temps. Et il n'était plus tout à fait certain depuis un certain temps maintenant que la maintenir dans l'ignorance était réellement le meilleur moyen de la protéger, pour être honnête.

Allait-elle seulement pouvoir le lui pardonner ? Et quelle serait la réaction de son père lorsqu'il apprendrait que ce secret précieusement gardé venait d'être accidentellement révélé au grand jour à la principale concernée ? Sebastian devint un peu plus pâle encore qu'à l'accoutumée à cette simple pensée. Il avait vraiment merdé sur ce coup-là. Ce n'était pourtant pas si étonnant qu'il ait fini par craquer puisqu'il portait seul le lourd fardeau du silence depuis trop longtemps. Il relâcha un long soupir, tâchant de se concentrer sur sa respiration laborieuse, tandis que son dos tremblait de toute sa détresse. Il n'osait plus regarder Fallon, se sentant parfaitement misérable.

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Jour 11 Lune 9 An 1000 - feat @Sebastian Hesediel

Plus Sebastian parlait, plus Fallon sentait la rage monter en elle. Tout son corps était tendu, ses poings serrés, sa mâchoire crispée. Chaque mot de son frère était une provocation de trop, une insulte qui menaçait de la faire exploser. Elle détestait qu’il lui parle ainsi, comme si elle n’était pas une enfant ignorante. Il voulait qu’elle lui demande de l’aide ? Il n’aurait jamais pris le temps pour elle, lui qui était toujours si occupé à ses propres affaires.
Et maintenant, il osait critiquer Robyn, il remettait en question la loyauté de celui qui était devenu un ami plus que précieux. C’était la goutte qui allait faire déborder le vase.

Fallon bouillonnait de rage. Comment osait-il ? Ses mains tremblaient, non seulement de colère, mais aussi d’une frustration accumulée depuis trop longtemps. Elle se sentait comme une marmite sous pression, chaque mot de Sebastian ajoutant à la chaleur intense qui la poussait vers l’explosion. Fallon serra les poings si fort que ses ongles s'enfonçaient dans ses paumes. Ses lèvres se pincèrent, ses narines se dilatèrent alors qu'elle essayait de contrôler sa respiration. Tout en elle hurlait de répondre, de crier à Sebastian tout ce qu'elle avait sur le cœur. Mais le Twili prononça une phrase qui fit vaciller la jeune Ombre.

La brunette resta figée, abasourdie. Les mots de son frère résonnèrent en elle, créant un choc profond. Elle n’avait aucune idée de quoi il parlait et la colère qui l’avait animée un instant plus tôt se transforma en confusion totale. « Qu... Quoi ?… » Elle regarda Sebastian, cherchant des réponses dans son regard. Son ainé semblait, lui aussi surprit par ses propres mots. Il avait laissé échapper cette phrase sous le coup de la colère, perdant le contrôle, ce qui ne lui ressemblait pass du tout. Il évita d’ailleurs le regard de sa sœur, se tournant légèrement comme pour cacher son trouble avant de s’asseoir un peu plus loin.

Fallon tenta de comprendre. Ses pensées étaient embrouillées. Elle se sentait perdue, incapable de saisir le sens de cette tournure inattendue. Pourquoi Sebastian parlait-il de sa mort ? Quelle expérience ne voulait-il pas revivre ? La Twili fouilla sa mémoire, essayant de trouver un événement qui pourrait expliquer cette réaction, mais rien ne venait.

Le silence qui s’installa pesa lourd entre eux, chargé d’émotions non dites et de questions sans réponses. Fallon, d’ordinaire si vive et prête à répliquer, se trouvait démunie, incapable de trouver les mots. Elle prit donc une profonde inspiration, cherchant se calmer. « Sebastian… de quoi parles-tu ? » Demanda-t-elle finalement, la voix bien plus douce, qui trahissait son désarroi. « Quand est-ce que j’ai failli mourir ? Je ne comprends pas… » S’approchant un peu de lui, sans pour autant s’installer à ses côtés, Fallon attendit, espérant qu’il se confie, qu’il éclaire cette zone d’ombre qui venait de surgir entre eux.

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An 1000, Lune 9, Jour 11

Sebastian avait l'habitude de garder ses secrets scellés au plus profond de lui, jusqu'à ce qu'il soit trop tard, et qu'ils sortent d'un seul coup. Il était l'aîné. C'était à lui de prendre soin des autres et non l'inverse. Le stress des dernières lunes avait fait de lui un homme suspendu au bord du gouffre, et constater que sa sœur n'en avait cure, préférant vivre de rire et d'eau fraîche, dans les champs, sans voir la souffrance silencieuse de l'homme qu'elle était supposée aimer le plus au monde, cela l'avait brisé. Voilà où tout cela les avait conduit. Il cherchait désespérément un moyen de se sortir de cette situation, mais s'il se contentait de lui tourner le dos, sans un mot de plus, Fallon irait sans doute chercher ses réponses directement à la source. Pour le moment, elle s'était rapproché et lui exposait son incompréhension la plus totale. Dans d'autres circonstances, elle se serait peut-être contenté de se moquer de ses craintes infondées, ou elle se serait au moins assise à ses côtés, posant une main douce contre son bras afin de le réconforter. Il ne pouvait pas en espérer autant pour cette conversation pénible. Sebastian releva la tête. En croisant son regard, sa décision se solidifia.

« Comment pourrait-il en être autrement ? Nilah et toi n'aviez que cinq ans. » dit-il tout doucement, presque dans un murmure.

Cette nouvelle information risquait de la rendre plus fébrile encore en apprenant que sa sœur avait été tout aussi menacée. Il lui laissa le temps de l'encaisser. Il lui laissait surtout fouiller sa mémoire, à la recherche d'un souvenir de cette époque, un événement particulier qui l'avait peut-être marquée, qu'elle n'avait alors pas compris, et qui ne lui avait jamais été expliqué, car il n'est pas nécessaire de motiver l'amour d'un père. Mais elle était si jeune, peut-être avait-elle préféré l'oublier. Toute colère s'était évanouie du jeune homme, ne laissant qu'une profonde lassitude, une tristesse invisible, mais presque palpable, une inquiétude qui l'avait poursuivi tout ce temps.

« Père s'est fait des ennemis puissants, Fallon. »

Il lui raconta alors d'une voix basse ce qu'il savait à propos de la Confrérie Noire et des assassins qui avaient été envoyés dans la chambre des jumelles pour mettre fin à leur vie, faisant de son mieux pour lui annoncer tout cela en douceur. Aleksander avait été plus rapide, heureusement, et il ne s'était rien passé de particulier depuis cet incident, mais il redoutait au fond de lui que ce n'était qu'une question de temps avant que ces yeux ne se posent à nouveau sur les Hesediel.

« Il m'avait fait jurer de garder le silence. »

Cela n'excusait pas tout, il le savait bien, mais il voulait qu'elle comprenne. Il n'avait pas le choix. Fallon était assez vieille pour connaître la vérité, à présent, si cela pouvait la raisonner, un tant soit peu. Il se demandait si elle en parlerait à Nilah qui était déjà assez vulnérable ainsi, mais même s'il serait assez fou pour lui imposer la loi du secret à son tour, il ne croyait pas qu'elle l'écouterait, trop en colère, blessée, trahie. Son regard sombre et nerveux s'était porté quelques fois en direction de la maison à l'affût du moindre mouvement qui pourrait trahir une présence ou qu'il avait été entendu. Il ne dissimulerait pas son faux pas, mais il devait prendre des pincettes, pour éviter que son père n'explose à son tour. Pourtant, Sebastian préférait presque cette perspective à celle d'une froideur glaciale ou d'être traité comme s'il n'existait tout simplement pas.

« Mère ne survivra pas à la perte d'une autre de ses filles. » abandonna-t-il en dernier recours. Il la suppliait de ne pas faire de bêtises et de reprendre bien gentiment la place qui était la sienne. Ou alors ... qu'elle tente de lui expliquer.

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