Be still, my foolish heart (Mélody)

Be still, my foolish heart

Lettre envoyée une semaine avant : Mélody,
Comme convenu, je t’écris pour te tenir informée de la situation. J’espère que ma lettre te parviendra à temps. Je suis parvenu à recruter des amis et connaissances, nous sommes vingt guerriers prêts à nous battre, ce n’est pas grand chose mais mieux que rien.
Nous prenons le chemin de l’île et arriveront dans une semaine.
Mes amitiés,
Migaro Tanel.

An 1000, lune 6, Jour 16
Le bateau tanguait un peu trop pour le Piaf qui souffrait terriblement, la tête penchée par-dessus bord pour décharger son estomac. Nul besoin de dire que ses amis ne manquaient pas d’en rire pendant tout le trajet qui était un calvaire. En plus d’être terriblement long, les vagues se faisaient d’autant plus fortes, rendant la navigation compliquée et secouant un peu plus les tripes de Migaro. Les mains appuyées contre le bois, il se laissait tomber par terre, le souffle court, épuisé. Voilà bien longtemps qu’il n’avait pas navigué, il ne se rappelait pas d’avoir été ainsi malade. Etait-ce le repas ingurgité à Portua ? Cette hypothèse fut balayée rapidement, il était le seul dans cet état. Etait-ce alors sa nervosité à l’idée de retrouver Mélody ? Il n’avait pas oublié cet incident lors du mariage royal. Un baiser dont il sentait encore la chaleur. Une proximité qu’il réclamait et acceptait à présent. Elle était mariée, alors il se contenterait de le fantasmer. “Fermez-là.” Maugréa-t-il tant bien que mal à ceux qui riaient de son malheur. Des sans-coeurs, voilà ce qu’ils étaient. Ah ce que l’on pouvait subir par amour…Fermant les paupières, les images des noces lui revinrent en tête, il se torturait, essayait de comprendre ce qu’il avait pu faire pour engendrer une telle détresse chez la cheffe de l’île. La flamme de son amour s’était transformée en volcan le dévorant un peu plus. Sa venue ici en était la preuve irréfutable. Il l’avait accepté à présent, il ne voulait plus fuir comme par le passé, quitte à en souffrir en silence. Elle ne l’aimait pas, elle était mariée et mère. Sa vie était tracée, là où Migaro n’avait pas sa place. Et jamais il ne l’aura. A cette pensée, il ressentit une douleur intense dans sa poitrine qui lui coupa le souffle durant une seconde. Cette souffrance qu’il avait fui par le passé revenait de plus belle. “Quel idiot.” Chuchota-t-il à lui-même avant que de nouveau, il doive se lever pour vomir ce qui lui restait.

En levant le nez, il aperçut sa terre natale. Enfin son calvaire prendrait fin. Rien ne semblait avoir changé, la montagne rocheuse leur faisait face, dans les entrailles de celle-ci se trouvait le village où il avait grandi. Quelle étrange sensation que de revenir ici après tant de temps. Une année seulement s’était écoulée et pourtant, le Piaf avait vécu maintes aventures qui le changèrent du tout au tout. Il était toujours ce gamin un peu casse-cou et arrogant mais avait mûri. Son sourire n’était plus le même, la lueur dans ses yeux aussi. L’innocence d’antan n’était plus. Il avait cru la retrouver lors des noces mais la réalité l’avait rattrapé. Amer, fatigué, l’homme se montrait moins jovial qu’à l’accoutumée, en plus de subir les affres du mal de mer. Mais présentement, il avait hâte de regagner la terre ferme.

Le bateau mouilla non loin, ils arrivèrent avec une petite barque jusqu’à la plage. Migaro soupira de soulagement en sentant le sable sous ses pieds. Un sol qui ne bougeait pas. Se tournant pour aviser de la situation. “Tout le monde est là, bien.” Les mercenaires se montraient assez calmes, épuisés par le voyage. Son plus proche ami, un goron, Balgor se tenait à ses côtés lorsque la silhouette de la cheffe apparut. Migaro eut un moment de doute avant d’esquisser un grand sourire. Faire comme si de rien n'était, oui, c’était la bonne solution. Faire comme si ce baiser n’avait jamais existé et le chaos qui régnait dans son esprit. Tout allait bien…Oui. “Bonjour Mélody ! Mes amis sont ravis d’enfin faire ta connaissance, depuis le temps que je leur parle de toi et de l’île.” Tous hochaient la tête par respect, il donna un coup de coude à Balgor pour qu’il fasse de même. Évidemment, il lui épargnerait qu’il avait quasiment mis toutes ses économies pour faire venir ces guerriers. “En bien Ma Dame.” Conclut Balgor dont la tête dépassait largement celle de Migaro. Tous attendaient les instructions de la cheffe avant de s’installer aux alentours. Ils étaient en tout cas, bien calmes. Des piafs, des Zora, des Goron, tous venaient d’horizons différents, des mercenaires certes mais pas dénués de morale. Ce combat était juste et peut-être leur dernier. L’issue restait incertaine. Mais une chose était sûre, Migaro avait tenu sa promesse. Le voilà ici, prêt à se battre jusqu’à la mort pour défendre l’île. Fuir n’était plus possible.

Il ne voulait plus fuir. Ses sentiments, son île. Il était temps de faire face à ses vieux démons, quitte à s’en brûler les ailes. Ah, ce que l’on faisait par amour…

(c) DΛNDELION

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An 1000, Lune 6, Jour 16

La lettre de Migaro arriva comme une surprise. Mélody n'avait pourtant pas oublié ce qu'il lui avait dit ; qu'il viendrait à son aide dans ce combat contre Kevan Cantell ; mais avec ce qu'il s'était passé pendant le mariage, avec ces sentiments involontairement renouvelés, surgissant du passé sans y être invités, elle avait un peu... Comment dire, non pas oublié, mais éclipsé la pensée. Elle avait peut-être inconsciemment supposé que Migaro refuserait de tenir promesse après ce qu'elle avait fait. Elle l'avait abandonnée en quelque sorte, une fois de plus, même si ce n'était pas dans cette pensée qu'elle était partit.
Elle avait fuit en réalité. Couarde, fuyarde. Elle n'acceptait pas ces sentiments.

Elle était mariée, mère de famille. Comment le pourrait-elle ?

La piaf ignorait si elle devait penser que Migaro ne lui en voulait pas en recevant cette lettre. Il tenait promesse ; elle devait avant tout penser au bien-être de son île et de ses habitants et pour cela, elle devrait mettre de côté cette petite... mésaventure et simplement aller de l'avant. Elle ne pouvait pas se préoccuper de ce que son cœur voulait pour l'instant. Le plus important était là : son île. Elle devait la protéger coûte que coûte et l'aide de Migaro, avec ses camarades, était on ne peut plus la bienvenue. Ses petits émois ne pouvaient pas entraver la route à une aide aussi précieuse.

Aussi, le jour où il devait accoster à l'île, Mélody se fit force et courage pour aller accueillir ce groupe de personnes. Les habitants insulaires avaient été prévenus de ce qui les attendait et les plus aptes à se battre s’entraînaient déjà depuis quelques jours. Des abris commençaient à être creusés dans la montagne afin d'y cacher les plus vulnérables. Ce n'était pas grand-chose, mais ils improvisaient à leur façon pour se défendre.
L'annonce avait été difficilement accueilli. Ils ne pouvaient croire qu'on leur veuille du mal. Mélody avait été forte et Johan avait gardé la tête droite devant les quelques indignés qui ne comprenaient pas. Fort heureusement, la poussière était retombée et maintenant, tout le monde y mettait du sien.

Elle hésita à emmener Colin, mais finalement, elle laissa le petit au marché du village avec d'autres enfants et se déplaça vers le port pour accueillir Migaro et les siens. En dépit d'une façade calme, son cœur battait à tout rompre et menaçait de la laisser défaillir. Elle sentait le sang qui tambourinait dans ses tempes et déglutit nerveusement lorsque les premiers arrivants descendirent sur le pont, Migaro à leur tête.
Il souriait et semblait détendu, ce qui lui permit de s'apaiser un peu. Ses salutations étaient naturelles. Elle sourit.

« O-oh, ma foi, je ne m'attendais pas à ce que tu ramènes tant de volontaires... » Comme Migaro était mercenaire, Mélody songea sur l'instant qu'elle devrait peut-être les payer, mais ce n'était pas le moment de penser à ça. Son île valait tout l'or du monde, elle trouverait moyen de les payer si besoin. « Je vous prie d'accepter mes plus sincères remerciements. Tout aide est la bienvenue. » Son regard balaya la bande de combattants. Ils semblaient tous tout à fait apte à se défendre, et si Migaro les connaissait, elle supposa pouvoir leur attribuer une certaine confiance.

Elle garda un sourire assuré, en dépit de sa nervosité camouflée.
« J'ai déjà fais installer quelques tentes dans la périphérie du village. Ce n'est pas grand chose mais j'ose espérer que cela vous conviendra. Étant donné les raisons pour lesquelles vous êtes ici, n'hésitez pas à demander aux marchands de vous fournir en nourriture si vous le désirez. Vous n'aurez pas à débourser quoi que ce soit. » Ils avaient suffisamment de nourriture pour se permettre une telle chose de toute façon. Indirectement, Mélody les invitait donc à rejoindre le village, que l'on pouvait apercevoir au loin. « Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à vous adresser directement à moi. » Elle tendit le bras pour faire comprendre que la voie était libre. Si son regard passa sur Migaro, elle ne plongea ses yeux dans les siens qu'un instant, avant de sourire poliment aux mercenaires qui passaient, voyant sans doute pour la première fois cette grande île...

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avec @Mélody Mallery

An 1000, lune 6, Jour 16
Comment pourrait-il lui en vouloir ? La Piaf n’y était pour rien si sa vie avait pris un autre tournant, si elle avait épousé un autre. Pendant longtemps, il avait maudit le monde entier pour le terrible sort. Pendant un temps, il avait maudit la jeune femme, et il se rendait compte à présent qu’il avait eu tort de la blâmer pour quelque chose qu’elle ne contrôlait pas. Son silence l’avait heurté, lui avait fait du mal et il avait ouvert les yeux, se sentant subitement si égoïste. Au-delà de leur histoire d’amour avortée, ils avaient été amis. Malheureusement, Migaro avait été incapable d’occulter toute sa rancoeur, aujourd’hui oubliée. Totalement balayée par cet amour qui le dévorait depuis toujours. Alors oui, malgré tout, il tenait promesse. Homme de parole et d’honneur, il ne devait pas laisser ses sentiments interférer, bien que c’était aussi pour cela qu’il voulait défendre ardemment son île. Il ne se voilait plus la face désormais, mais jamais, ô grand jamais il n’attendait quelque chose de la cheffe. Mère de famille, épouse, elle avait une existence bien remplie dans laquelle le mercenaire n’avait qu’une petite place. Si cela ne lui avait pas suffit, il s’en accommoderait tant bien que mal. Rien que pouvoir lui parler, s’assurer de sa sécurité était déjà un grand pas. Évidemment, accepter cette situation lui causait une grande souffrance. Mais il était las de la fuir, à présent, il désirait embrasser pleinement cette douleur qui ne tarissait pas. Rien ne pourrait changer la situation actuelle, alors autant l’accepter non ?

Il foulait de nouveau sa terre natale, aux côtés de mercenaires épuisés eux aussi par le voyage. Migaro devait l’admettre, il était soulagé de regagner terre après des heures de calvaire à être victime du mal de mer. Lui qui pensait ne pas souffrir de cela n’avait guère supporté le mouvement brusque des vagues. La mer avait été particulièrement déchaînée, oui, c’était sûrement pour ça qu’il avait été si malade… et non à cause de l'anxiété, non…ce n’était pas son genre de s’inquiéter ainsi, mais lorsque cela concernait Mélody, tout était décuplé.

Lorsque la silhouette de la cheffe apparut, il se contrôla pour ne pas montrer que sa nervosité montait en flèche. Il se montrait détendu, comme si rien n’était advenu entre eux, comme si les événements du mariage avaient été oubliés. Loin de là pour le mercenaire, hanté par ce baiser, par ses lèvres charnues ayant déposé un brûlant baiser…La scène n’avait cessé de repasser encore et encore dans son esprit. Lui, le cœur si solitaire ne demandait qu’à être aimé. Il n’avait qu’une amie depuis longtemps : la solitude.
Elle souriait, alors il l’imita. Tout allait bien, oui, aucun malaise ne subsistait entre eux. La survie de l’île était en jeu.

Surprise par le nombre de volontaires, Migaro esquissa un sourire fier, se tournant un instant pour détailler ses camarades. Ils venaient de tout Hyrule et étaient prêts à mourir pour la cause. Si certains avaient accepté sans paiement, d’autres s’étaient montrés plus prudents. Mais peu importait, le résultat était là, ils étaient aux côtés de Mélody. Tous remercièrent la cheffe, les réactions étaient unanimes, l’île était radieuse, et le village plus loin attira leur attention. Ils marchèrent alors vers ce dernier suite à son invitation, le Piaf resta en retrait, les laissant vaquer à leurs occupations, leurs regards se croisèrent, un peu trop intensément à son goût qu’il rompit le contact, par peur d’en dévoiler trop. Lorsque le groupe fut assez éloigné, il s’approcha de la jeune femme. “Merci pour l’accueil, ils seront sages.” Épaules contre épaules, il admirait la vue, ce village qui l’avait vu grandir. “J’aurais préféré revenir ici en de meilleures circonstances.” Un soupir laissant deviner un certain regret. Mais la réalité le rattrapa et il afficha un visage plus sombre. “J’ai eu des nouvelles de la part de mon informateur en Hébra.” Croisant les bras sur son torse, il reprenait la parole, d’une voix plus basse cette fois-ci. “Une tempête a frappé Hébra, apparemment la côte maritime n’a pas été épargnée tout comme la flotte de Cantell. Cette mésaventure retarde l’attaque et nous permet d’avoir plus de temps pour nous y préparer.” Mais une chose était sûre, le Roi mettrait tout en œuvre pour que tout soit reconstruit rapidement. Glissant un doigt sur son menton où poussait une barbe de quelques jours, il était pensif. “Comment se passent les préparatifs ?” Et surtout, comment les habitants ont-ils accueilli la nouvelle ? Jamais l’île n’avait été menacée. La paix qui existait depuis si longtemps ne tenait qu’à un fil désormais.

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An 1000, Lune 6, Jour 16

Les yeux de Mélody suivirent les mercenaires qui, intrigués par le village piaf de l'île du Dragon, se déplacèrent ensemble pour visiter les lieux. L'espace d'un instant, elle ressentit une fierté certaine à les observer circuler. L'île du Dragon avait quelque chose d'extraordinaire, mais ce n'était finalement qu'une île avec un petit village en son sein. Même si elle regorgeait de beauté, ce n'était qu'une île pour de nombreux habitants, surtout ceux venant du continent principal... Aussi, elle était fière ; rassurée ; de voir ces gens s'intéresser à ses terres.

Il ne resta que Migaro bientôt. Elle esquissa un regard dans sa direction, nerveuse, et le détourna rapidement pour contempler le village au loin, feignant de guetter l'avancée du groupe au loin. Le piaf s'approcha d'elle et affirma qu'ils seraient sages. Il parla ensuite des fâcheuses circonstances et Mélody secoua la tête.
« Ce n'est pas comme si nous avions le choix, Migaro... » Soupira-t-elle avec désolation. La triste réalité était ce qu'elle était. A ce sujet d'ailleurs, le mercenaire exprima avoir des nouvelles de son informateur situé à Hébra, poussant Mélody à se tourner dans sa direction, laissant sa nervosité de côté. Elle oublia l'événement du mariage royal le temps de l'écouter, attentive.

Vraisemblablement, une tempête avait frappée la flotte de Kevan Cantell, retardant l'attaque. La cheffe de l'île écarquilla les yeux, étonnée de cette nouvelle. « Par les Déesses ! » Le ciel lui souriait-il enfin ? Elle qui avait le sentiment d'être frappé d'infortune depuis l'annonce de cette terrible attaque par la chevalière de la reine Zelda... Lui donnait-on la chance de se défendre, cette fois-ci ?

Il demanda comment les préparatifs se déroulaient. Mélody dodelina de la tête. « Ehm... Petit à petit, les choses prennent formes. Nous avons de nombreux volontaires. » Elle tourna son regard vers le village, un masque d'inquiétude sur le faciès. « Tu sais bien que ce ne sont pas des combattants... Nous savons nous défendre, mais que pouvons-nous vraiment faire contre l'armée d'un royaume ? » Mélody savait qu'être négative n'aiderait en rien la situation. Elle regretta ses propos, soupira en baissant la tête. « Quoi qu'il en soit, nous faisons ce que nous pouvons. Nous n'abandonnerons pas. » Dans le 'nous', elle se considérait également. Elle entendait bien défendre son héritage également. Elle ne laisserait pas son peuple se battre sans elle à leurs côtés.

Sa main se leva pour indiquer des montagnes au loin.
« Hébra attaquera certainement le village, mais ils ne connaissent pas l'île comme nous. Tu te souviens des cavernes dans les montagnes ? Certaines cavités seront utilisés pour mettre les plus faibles et les enfants en sécurité... » Pas Colin cependant. Elle s'était déjà arrangée avec Helios pour qu'il emporte son petit si les choses devenaient trop dangereuses. Elle ne pouvait pas se permettre de courir le risque de le perdre... Pas le moindre risque...
Mais elle se garda de le signaler.

« Mais déjà, avec tous ces gens en plus... » Dit-elle plus légèrement. « ...nous avons plus de chance. Merci, Migaro. » Elle tourna un regard reconnaissant vers lui. Il fallait dire qu'au-delà de ce qu'ils ressentaient, de ce qui s'était passé, au-delà des non-dits et des silences, il y avait une seule vérité actuellement : grâce à lui, ils avaient une plus grande chance de l'emporter.

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avec @Mélody Mallery

An 1000, lune 6, Jour 16
Ils n'avaient guère le choix. Elle avait raison. Tout les poussait à réagir, à se préparer au pire. Lui qui avait quitté l'île un an plus tôt ne s'était jamais imaginé y retourner en de si graves circonstances. Sa terre natale n'avait connu aucun conflit, savoir que cette paix était menacée l'effrayait terriblement, autant que cela pouvait l'indigner. A quoi bon faire la guerre ? Celle-ci n'était bonne pour personne, y compris pour ceux qui l'initiaient. Même si les mercenaires avaient répondu présents, il ne savait si cela suffirait à faire face aux armées d'Hébra, un soupir traversa la barrière ses lèvres alors qu'ils étaient désormais seuls. Ses collègues partaient déjà pour trouver de quoi se sustenter auprès des habitants, le voyage fut long et quelque peu mouvementé avec un Piaf malade assez râleur. Presque exécrable, mais ça, il préférait le taire. Comment pourrait-il se réjouir de retourner ici alors que la guerre menaçait ? Il en était incapable.

Si l'attaque était repoussée grâce à la tempête ayant ravagé les côtes, Migaro savait que cela ne faisait que retarder l'évidence. Le soulagement serait de courte durée mais leur permettait au moins de parfaire les préparations. Cela permettait aussi aux armées d'Hyrule de réagir, si cela venait à advenir dans le futur. Tout était flou, le futur demeurait incertain, balayant son habituelle confiance. Tout comme elle, il scruta le village, au sein de la montagne qui leur faisait face. Il ne pouvait que le reconnaître, les habitants n'étaient pas des guerriers. S'ils n'avaient pas de compétences martiales, leur courage pourrait les y aider et peut-être une intervention extérieure. Hochant la tête, il serra le poing, hors de question d'abandonner désormais. "Si tu le souhaites, je pourrais leur donner quelques conseils pour se défendre le moment venu." Il ne savait pas s'il ferait un bon professeur mais cette année d'errance l'avait plus que renforcé. Il excellait toujours dans le tir à l'arc mais avait bien progressé au combat rapproché. Probablement que son expérience serait utile pour tous ces novices. Un sourire étira ses lippes face à sa détermination, visiblement communicative, alors, gentiment, il lui donna un léger coup d'épaule. "Là je te retrouve." Mélody, la combattive, celle qui ne baissait les bras devant aucun défi.

Puis, sa main se leva pour désigner la roche où se cachait leurs habitations. Utiliser les cavernes pour cacher enfants et fragiles était une bonne idée. Il s'en rappelait maintenant de ces cavernes, notamment l'une d'elle où il avait tant aimé s'isoler. "Bonne idée." Avoua-t-il sans détour, le regard s'ancrant dans le sien. Y voir toute sa reconnaissance le faisait sourire, le rendait heureux. Il était soulagé de savoir qu'à son échelle, il pouvait aider, se rendre utile. Au-delà des non-dits entre eux, leur amour pour l'île dépassait tout cela. Migaro était prêt à mourir pour cela. Autant pour elle que pour l'île, mais ça, il se tairait bien de le dire de vive voix. "J'ai passé un an à errer partout et nul part, à la recherche d'un endroit où j'ai ma place." Se confiait-il, le regard pensif, se perdant dans l'horizon. "Je me rends compte maintenant que cet endroit, c'est ici, ça l'a toujours été." Parce qu'elle était là. Sa maison, c'était ici, là où elle se trouvait. Ses opales s'ancraient ensuite dans les siennes, brillantes, tremblantes de sentiments refoulés et interdits. Avant de vaciller, il s'en détourna, s'éloignant légèrement.

Le Piaf reprit rapidement contenance, secouant la tête. Il ne devait rien montrer ou ne rien insinuer de plus. "Il y'a néanmoins quelque chose qui m'échappe. Pourquoi Cantell tient tant à envahir notre île ? Pour nos ressources ? Pour l'emplacement ? Parce que nous sommes du même peuple ?" Si Hébra était peuplé de piafs, Migaro avait la sensation qu'ils ne partageaient rien de plus. Cette question avait brûlé ses lèvres depuis longtemps, sans trouver de réponse.

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An 1000, Lune 6, Jour 16

Mélody appréciait les compliments de Migaro. Elle sentait une chaleur inhabituelle et, sans nul doute, inappropriée dans la poitrine sitôt qu'il la félicitait pour son ingéniosité. Elle souriait malgré elle, un sourire qu'elle s'efforçait d'étouffer en se mordant douloureusement la lèvre inférieure jusqu'à réussir à faire fondre cette expression reconnaissante pour retrouver un masque de neutralité certaine. Pourtant, elle avait beau noyer encore et encore ces sentiments, ils refaisaient trop facilement surface, que ce soit en l'entendant parler, en plongeant son regard dans le sien ou en s'autorisant, une seconde de trop, à être nostalgique.

Il y eut un silence, mais lorsque Migaro reprit la parole, la piaf se tourna vers lui, plongeant son regard dans le sien tandis qu'il déclarait qu'après avoir voyagé çà et là sans vraiment trouver sa place, il comprenait enfin que celle-ci se trouvait ici. Avec elle ? Pensa Mélody automatiquement, naïve et juvénile pour... une quelconque raison. Mais non, sans doute parlait-il de l'île.

Elle détourna le regard en même temps que lui.
« C'est ici que tu as grandi. C'est normal. » Dit-elle doucement, comme si cela pouvait tout justifier. « Je n'ai jamais douté que ta place soit ici... C'est toi qui est partit, après tout... » La dernière partie de sa phrase était toute discrète. Comme si elle lui en voulait, ou si elle en était navrée. Elle ne clarifia cependant pas le fond de sa pensée, le regard dirigé vers le sol, les bras refermés autour d'elle-même, nerveuse.

Le sujet de conversation bifurqua vers les projets de Kevan Cantell et le pourquoi il désirait tant l'île. Mélody fit demi-tour, tournant son attention vers l'horizon de la mer. Elle s'imaginait déjà la flotte de ce terrible roi approcher...
« Je n'en ai aucune idée. » Souffla-t-elle, une marque de fatigue dans la voix. Il était facile de deviner qu'elle avait tourné et retourné la question dans son esprit et ce, depuis que Asumi était venue la voir pour lui apprendre la terrible nouvelle. « J'ai supposé que... C'est étrange, mais je me suis permis de penser que Verona y était peut-être pour quelque chose. » Elle ne réalisa qu'à ce moment-là qu'il ne savait peut-être pas de qui elle parlait. « La femme à la tête de Mercant'île. Elle souhaite acheter l'île depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Lors de notre dernière rencontre, elle m'a dit que je regretterais d'avoir encore une fois refusé son offre... » Mais quel était le rapport avec Kevan Cantell ? Mélody ne parvenait pas à s'imaginer le lien.

« C'est la seule hypothèse que j'ai. Sinon, peut-être que l'île possède une position stratégique pour ses projets à venir... » Tout ce qui concernait les stratégies, les combats militarisés... C'étaient là des sujets de conversation qui échappaient à la piaf. La cheffe n'y comprenait pas grand chose. « Qu'en sais-je ! Quoi qu'il en soit, il va falloir se défendre, peu importe ce qui le motive. » Elle ne semblait pas convaincue. Son visage se mua, très brièvement, en un masque soucieux. Un regard rapide et précis l'aurait vu. Elle chassa cette expression de son faciès l'instant d'après.

Toute cette histoire... c'était difficile de savoir où mettre de la tête.

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avec @Mélody Mallery

An 1000, lune 6, Jour 16
Il pourrait énumérer encore tant de compliments la concernant. Non, il n'était pas forcément objectif, son regard en disait long sur son affection, pouvant même trahir ses sentiments loin d'être souhaitables. Mélody était mariée, avait une vie de famille bien remplie. Migaro le savait, il jouait à un jeu dangereux en étant aussi proche d'elle, à chaque instant, il craignait de vaciller, de ne plus pouvoir se contenir. Se mordant la lèvre inférieure à son tour, il tâchait de ne rien montrer, mais elle avait probablement deviné où il voulait en venir. Sa place était là où elle se trouvait. Son âme et son corps irrémédiablement attirés vers elle seule. Avec elle. Pour toujours et à jamais. Il semblait condamné à cette errance malheureuse. Les sentiments ne se choisissaient pas. Alors silencieusement, il avait accepté ce châtiment.

Grandir ici n'était pas la seule excuse évidemment, mais il préférait qu'elle pense cela. Dire un mot de plus serait le trahir, malgré l'envie qui lui brûlait les lèvres. Lui en voulait-elle d'être parti ? Ou était-elle plutôt désolée ? Le doute était permis alors qu'ils évitaient chacun le regard de l'autre en cet instant. Elle n'avait pas tort malgré tout, c'était lui qui avait tourné le dos à l'île, sa terre natale. Un coeur brisé qui avait préféré fuir tant la situation avait été insoutenable. Il regrettait ce choix qui manquait cruellement de courage. Mais il n'aurait pu supporter d'assister à son mariage, assister à cela alors que son coeur l'aimait encore. Alors, le Piaf se contenta de baisser la tête à son tour, serrant son poing. Lui qui était habituellement si fier n'en menait pas large. Elle était bien la seule à en avoir le pouvoir, avec sa défunte mère.

Alors, il tenta de bifurquer sur un autre sujet, tout aussi sensible cela-dit. Mais moins risqué pour lui. Les intentions de Kevan étaient obscures. Pourquoi désirait-il attaquer l'île à ce point ? Il l'ignorait, n'avait-il pas d'autres projets sur le continent ? Finalement, son amie lui révéla que la cheffe de Mercant'ile avait toujours souhaité s'accaparer l'île du Dragon. Cette femme était connue pour son avidité et n'avait évidemment pas échappé aux oreilles du mercenaire. Il eut un rictus de mépris en l'évoquant, la sombre réputation était connue de tous. Cette menace n'était visiblement pas en l'air. "Ce n'est pas impossible qu'elle se soit liée à Cantell pour parvenir à ses fins." Et elle apporterait surement une contrepartie à Hébra. Sa richesse abondante probablement. L'hypothèse paraissait folle, le monde semblait se lier contre eux. Pensif, il soupira finalement, acquiesçant à ses dires. "Tu as raison, ça ne change rien à notre situation." Secouant la tête, il la détaillait, remarquait l'inquiétude qui la rongeait, légitime. Il la connaissait suffisamment pour détecter cela, et en cet instant, il se sentait terriblement impuissant. Cette vision lui serra le coeur et la gorge.

Poussé par une envie irrationnelle de la rassurer, ses bras vinrent l'enlacer avec délicatesse, comme si cela pouvait la protéger des maux de ce monde. Son menton sur le sommet de son crâne tandis que ses opales se posaient sur l'horizon de la mer. Qu'allait-il advenir dans les prochains jours ? Allaient-ils survivre ? Rien de moins sûr. Il était effrayé à l'idée de ne rien pouvoir faire de plus. Effrayé par ses sentiments, effrayé de la perdre. Toutes ses émotions ne cessaient de maltraiter son esprit, le tourmentant, faisant tambouriner son palpitant avec vigueur. Elle pouvait certainement le sentir battre à tout rompre.

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An 1000, Lune 6, Jour 16

Il était évident que Verona avait quelque chose à voir avec tout ça. Mélody était intimement convaincue que c'était le cas, même si elle laissait une marge d'erreur dans sa réflexion, car après tout... Irait-elle jusqu'à l'attaquer ainsi ? Jusqu'à s'allier avec un homme comme Kevan Cantell pour parvenir à ses fins ? En réalité, Mélody ne connaissait Kevan que par des on-dits ou des lettres qu'elle recevait à son poste. Elle n'avait jamais été aux premières loges de ses actes et ne pouvait que le juger sur ce qu'elle savait et ce que Asumi avait put lui dire. C'était largement suffisant ; il comptait s'attaquer à elle et elle n'avait pas besoin d'en savoir davantage.
En revanche, Verona s'abaisserait-elle à une chose pareille ?

« S'abaisser à pareille monstruosité... » Soupira-t-elle avec un mélange de tristesse et de confusion. Elle ne participerait sans doute pas mais elle avait une telle capacité financière qu'elle serait apte d'engager des mercenaires et des soldats par centaines. Nulle doute que cela n'irait pas à leur faveur.

La conversation paraissait s'être écoulée toute seule. Mélody sentait le poids du silence sur ses épaules. Elle grimaça presque en supposant que c'était à présent le moment de guider Migaro au village pour lui remontrer ces endroits qu'il n'avait pas vu depuis longtemps... Elle ignorait comment agir, quoi faire. C'était si gênant, plus encore depuis le mariage où elle avait laissé filer ses émotions sans trop faire attention.
Migaro trouva la solution, ou pensa la trouver, en s'approchant d'elle pour l'enlacer. De suite, malgré elle, Mélody se raidit, ignorant trop comment réagir. Sur le moment, elle resta crispée. Dans sa tête, des dizaines de pensées s'entrechoquaient en brouhaha incompréhensible. Elle pensait comprendre qu'elle devrait se reculer maintenant. C'était bon, c'était fini.

Ses épaules se détendirent progressivement, allant à l'encontre de ses propres réflexions. Elle s'abandonna à l'étreinte dans un soupir, préférant ne pas lutter. Y avait-il quelque chose de mal à trouver un peu de réconfort avant la bataille ? Ce n'était rien de plus qu'une étreinte amicale. Chaleureuse, réconfortante et affectueuse. La piaf ferma les yeux, croyant entendre le cœur du mercenaire tout près, jusqu'à ce qu'un raclement de gorge ne brise le bruissement des vagues et du vent.

« Oh, Johan... » Dit-elle en se reculant, reconnaissant le visage de son mari qui se tenait là. Il ne paraissait pas particulièrement outré par la scène, si ce n'était surtout confus. Mélody se recula lentement de Migaro et joignit ses mains ensemble, mal à l'aise. « Que puis-je pour toi chéri ? »
« Les mercenaires prennent leurs aises et je me demandais où tu étais comme je m'imaginais que tu les accompagnerais pour leur faire visiter les lieux. » Mélody redressa le dos et hocha de la tête. Il n'avait pas tort. Elle était la cheffe de l'île tout de même... C'était son rôle. Elle tourna le regard vers Migaro et lui adressa un sourire.
« Il a raison, je devrais peut-être m'y mettre... Tu viens ? »
« Colin te cherchait aussi. »
Elle sentit une pointe de réprimande dans sa voix. Fronçant légèrement les sourcils, Mélody ramena son attention vers son mari et mit quelques secondes avant de hocher du chef, incertaine de ce qu'elle devait comprendre. L'instant d'après, Johan retournait vers le village, le pas décidé.

Mélody serra les lèvres. Cette histoire commençait à la ronger. Son affection familial pour son mari, son fils, sa famille, et cet amour réprimé, étouffé, qui refaisait surface pour ce mercenaire d'autrefois. Si les choses démarraient ainsi juste avant une bataille comme celle qui les attendait...
Non, ce n'était pas le moment.

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avec @Mélody Mallery

An 1000, lune 6, Jour 16
Sans trop qu’il ne puisse le contrôler, ses bras l’avaient enlacé comme pour tenter d’apaiser un peu son esprit tourmenté. L’impuissance du mercenaire le frustrait plus qu’il n’aurait pu l’imaginer. Alors il tâchait de faire de son mieux et parfois les mots ne suffisaient pas pour montrer son soutien. Cette situation était désespérée inimaginable quelques lunes auparavant. Une monstruosité à la mesure du roi d’Hébra qui osait s’en prendre aux Îles Libres en paix depuis des années. Migaro était terriblement frustré de ne pouvoir en faire davantage, les quelques alliés à ses côtés ne faisaient pas le poids contre l’armée de Cantell, il le savait. Cela ne permettait pas d’assurer la sécurité des siens, d’alléger la conscience de la cheffe. Cette étreinte sembla durer une éternité et probablement aurait-il souhaité qu’elle ne s’arrête pas de sitôt. Ses yeux s’étaient fermés, profitant de cet instant pour faire le vide dans sa tête, tâcher de ralentir les battements de son cœur effrénés. Et, pendant quelques secondes, il se sentit serein, loin du brouhaha de questionnements de son esprit, de ses sentiments inavouables et contradictoires. Tout n’était que doux, calme, apaisant telle une bulle. Plus aucun bruit ne filtrait, plus rien n’importait à part cette connexion entre eux. Une parenthèse tendre et douce, salvatrice. Durant ces quelques secondes, il avait oublié tout ça et était redevenu ce petit piaf naïf et amoureux…

Mais cette époque était révolue. Et brutalement, il regagna la terre, l’arrivée de Johan étant semblable à une gifle en guise de réveil matin. Il se recula plus vivement que sa partenaire, ses opales croisant celles de son époux. Lors de leur adolescence, les deux piafs s’étaient toujours vu comme des rivaux, une relation compliquée qui le devint encore plus lorsqu’il épousa la jeune femme. Car bien sûr, Johan n’avait pas ignoré leurs premiers émois. Oh diantre, Migaro se sentait gêné, comme s’il venait d’être pris en flagrant délit. Pourtant, cette étreinte n’était qu’amicale, non ? Il ne savait pas, ne savait plus mais au vu de son palpitant qui s’accélérait, c’était tout autre. Tâchant de retrouver un tant soit peu de contenance, le mercenaire hocha la tête avec respect à sa proposition. Il se mordait l’intérieur de la joue et poussa un soupir discret. Il ne faut pas qu’il se laisse ainsi aller, elle avait une vie, une famille. A défaut de contrôler ses sentiments, il se devait de les garder pour lui.

Les mercenaires ne connaissaient rien de l’île ou des endroits réservés pour eux. La cheffe tournait son regard en sa direction, son sourire faisait écho au sien. “Avec plaisir.” Mais son sourire disparut lorsque Johan reprenait la parole, évoquant cette fois leur fils. Il baissa la tête, se grattant l’arrière du crâne, trahissant sa gêne, il décelait une légère tension entre eux, dont il était peut-être la cause ? Oh ça commençait bien… Serrant les dents, il salua une dernière fois le Piaf qui partit vers le village. “Bon hé bien, allons-y !” Disait-il dans un grand sourire, balayant le léger malaise qui venait d’advenir sous ses yeux.

Tous deux rejoignirent alors le groupe de mercenaire avec à sa tête Balgor. Ils discutaient, attendaient la visite guidée et ne se firent pas prier, ils suivirent Mélody jusqu’au village, tant pour les présenter au peuple que pour leur faire visiter les lieux.

[...] Le soleil commençait à chuter, offrant un paysage aux couleurs chaudes. Désormais les mercenaires vaquent à leurs occupations. Certains étaient logés à l’intérieur et d’autres dans des tentes à l’extérieur. Bon nombre étaient partis dormir, épuisés. Ne restaient que Balgor et Migaro qui dînaient en compagnie de villageois. Voilà plusieurs jours que le mercenaire n’avait pas mangé à cause de son mal de mer. Il ne voulait pas dormir sitôt, retrouvant des têtes familières, lui qui avait grandi ici. Une liesse partagée autour d’un bon plat chaud. Il aperçut la silhouette de Mélody, qui s’était absentée - la pauvre avait tant de responsabilités, probablement avait-elle vérifié que tous les mercenaires étaient bien installés. “Vous savez nous accueillir.” Disait-il dans un sourire en levant son verre, Balgor l’imita. “Merci encore.” Conclut-il à l’égard de la jeune femme mais aussi des quelques piafs à leurs côtés.

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An 1000, Lune 6, Jour 16

Migaro prit les devants, brisant la glace qui semblait s’être installé en l’espace de quelques secondes. Il s’avança vers le village, laissant Mélody embarrassée mais également frustrée. Pendant une minute, elle avait cru redevenir cette jeune adolescente frémissante de vie, pleine de volonté, d’un amour juvénile et stupide, une jeune fille la tête pleine d’idylle et de rêves, avant que Migaro ne disparaisse et qu’elle ne rencontre Johan.
Elle aimait son mari, n’allez pas croire le contraire. C’était bien malgré elle que ces sentiments refaisaient surface, comme s’ils étaient inachevés, frustrés de ne pas s’être exprimés correctement. Mais comme l’arrivée de Johan le lui rappela ; il était trop tard et elle devait s’enlever cela de la tête.

Mélody fit visiter le village aux mercenaires, Migaro le connaissant déjà, il n’en avait pas besoin ! Elle parla surtout des festivals, des marchés et des traditions des lieux en démontrant la grande place, les maisons traditionnelles et les habitants qui, gênés mais curieux, observaient ces visiteurs. Ils savaient, à présent, que leur île courait un grand danger et que des étrangers venaient les aider. Ils n’étaient pas à l’aise, mais pour le bien de leurs enfants, de leurs demeures, ils consentaient à cette situation.

[…]

Suite à une longue journée, on installa un feu sur la grande place, ainsi que des tentes pour les mercenaires qui préféraient dormir en toute quiétude aux abords du village. Quelques maisons vacantes virent débarquer de grands gaillards bien costauds pour les occuper.
Mélody alla gérer quelques détails mais et surtout entretint une lourde conversation avec Johan qui exprima sa méfiance quant à ces mercenaires. Si la piaf tint tête à son époux, celui-ci grommela qu’elle manquait de jugement à cause de Migaro, ce qui laissa Mélody bien penaud dans ses bottes. Plutôt que d’insister, Johan affirma être fatigué, s’excusa et s’éclipsa. La cheffe soupira.
Cette situation la dépassait complètement…

Elle rejoignit Migaro et son compagnon d’arme, Balgor. Elle sourit poliment et s’installa tandis que son ami la remerciait de l’accueil. Mélody baissa la tête, un sourire aux lèvres. Elle était encore sur le coup de l’émotion de cet échange avec Johan, mais elle le camouflerait avec brio, ça, nul doute.
« C’est normal. Tu as tenu parole, et tu es venu accompagné de braves guerriers prêts à nous aider, quand bien même ils ne nous connaissent pas, et ne nous doivent rien. » Elle adressa un regard reconnaissant à Balgor, un éclat de tristesse dans le sourire. Elle se souciait de ces gens, de ce sacrifice qu’ils faisaient en venant ici au péril de leur vie. Qui sait ce que Cantell réservait vraiment à l’île du Dragon ? Mélody préférait ne pas y penser. En dépit de l’incertitude, ces gens étaient venus. Pour la gloire ou par affection pour leur ami mercenaire, ils étaient là. « C’est moi qui devrais tous vous remercier. Rien ne vous obligeait à venir. » Le ton de sa voix se baissa. « Rien ne t’obligeait à revenir… »
Mais tu es revenu quand même.

Perturbée à nouveau par ses sentiments, maintenant que Johan était ailleurs, que Colin était couché, Mélody se sentit vulnérable. Embêtée, elle tendit la main et cueillit un bock qu’elle remplit de vin. On avait servi de délicieux fruits locaux mais également de la bonne viande. N’ayant pas mangé – la discussion avec son époux lui avait un peu coupé l’appétit – elle comptait bien en profiter pour se sustenter un peu quitte à être ici.

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An 1000, lune 6, Jour 16
En revenant ici, et en côtoyant la cheffe, il redevenait ce petit plein de vie aux pensées innocentes. Des sentiments inachevés qui revenaient avec force. Le mariage de la Reine l'avait convaincu de ne plus se leurrer quant à son amour. Il avait accepté que celui-ci ne le quitterait jamais, que son âme continuait de lui être dédiée malgré tout. Une souffrance latente l'obligeant à la solitude, de plus en plus lourde à porter. Le mercenaire se résignait : peut-être l'avait-il cherché, peut-être méritait-il ce châtiment, lui qui était incapable de s'en détourner ou de l'oublier après tant d'années. Il n'était qu'un idiot...songea-t-il en observant la jeune femme les guider parmi les allées du village de l'île dont il connaissait les moindres recoins. Même à se souvenir de l'endroit de leur premier baiser. Quel idiot... Il secoua la tête pour chasser ses flashs qui échaudaient encore son âme d'adolescent. Ce n'était pas le moment ni l'endroit. Il était là pour se battre. Une fois sa mission effectuée, il regagnerait le continent et reprendrait sa vie de chasseur de monstres.

La grande place se vidait peu à peu de ses habitants, tous vaquaient à leurs occupations. Migaro avait retrouvé des amis et des frères avec plaisir. Il renouait avec une partie de sa vie, abandonnée prématurément. De quoi lui donner du baume au cœur. Lui faire oublier un peu ses propres tourments. En compagnie de son ami Balgor, le guerrier luttait contre le sommeil mais fut happé par les nombreuses anecdotes du Goron. Il n'avait franchement pas beaucoup mangé, étant encore indisposé par son mal de mer. Les deux hommes furent rejoints par la jeune femme désormais seule. Entre les responsabilités de cheffe et de mère de famille, et épouse, il n'osait imaginer et se doutait que parfois, elle pouvait se sentir dépassée. Encore plus maintenant que la guerre menaçait son havre de paix. Néanmoins, elle ne montra rien de sa discussion houleuse, bien que Migaro tenta de la sonder, seul son regard pouvait la trahir, ou presque car il l'évitait - bien malgré lui. Balgor leva son verre à l'égard de la piaf dans un grand sourire. "Ce monde a bien besoin de gentillesse et de bienveillance." Disait le Goron dans un soupir. Il était vrai que les personnes aux motivations désintéressées étaient rares. Voire inexistants, mais leur présence prouvait le contraire.

Le Tanel acquiesçait silencieusement, opinant du chef avant de poser son regard noisette sur son amie. Il crut défaillir lorsque leurs regards se croisaient, et l'émotion lui serra la gorge. Je reviendrais toujours. Aurait-il pu dire mais il en fut incapable, le souffle court, lui aussi se sentait perturbé, les nerfs à vif. "Je ne pouvais pas laisser tomber de vieux amis." Dit-il avec détermination, tâchant de faire fi de ses émotions contradictoires. Par miracle, ce fut à cet instant où Balgor reprenait la parole. "Et si je vous proposais de jouer un peu pendant que nous buvons et mangeons ?" Il sortit des cartes de sa poche, Migaro en était presque soulagé, il semblait sentir une certaine tension palpable. D'abord hésitant, il posa un œil sur la jeune femme avant de consentir. Et les voilà qui commencèrent à jouer avec ces cartes étranges aux quatre couleurs. Entre le Poker et la Belote. A la différence que celui ou celle qui perdait devait boire. De quoi faire monter l'alcool rapidement à la tête, déjà fatiguée du piaf dont les joues étaient devenues plus rosies au fur et à mesure. Balgor était néanmoins épuisé et dû écourter la soirée pour se coucher, marchant avec difficulté jusqu'à sa tante. L'alcool ou la fatigue ? Nul ne le sait mais Migaro ne put retenir un léger rire, avant de tourner la tête vers sa voisine, souriant comme un benêt. L'alcool lui montait au cerveau.. Ou autre chose ?

"Il est génial, pas vrai ? Je lui demanderai de me trouver un jeu de cartes. A toi aussi si ça t'intéresse." A ses mots, il se levait en quête de la bouteille de vin - certainement pas la première ni la dernière. Servant leurs deux verres, il s'asseyait lourdement sur le rond de bois, manquant de basculer en arrière, dans un rire. "Malgré les années, j'ai l'impression que l'île n'a pas changé. Après des lunes d'errance sur le continent, ça fait du bien de vous retrouver tous." Te retrouver toi. Mais ses derniers mots ne sortaient pas. Il n'était pas totalement saoul. Enivré de sentiments amoureux interdits certainement, mais pas encore assez de la boisson pour délier sa langue.

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Le goron qui accompagnait Migaro fit une impression des plus positives sur Mélody. Elle sourit lorsqu’il parla de la nécessité de la bienveillance dans ce monde et hocha de la tête, tout à fait d’accord avec ses propos. Elle avait sincèrement le sentiment que la bonté n’était pas donné à tout le monde, mais lorsqu’elle avait croisé Migaro dans cette taverne, elle avait su qu’elle pourrait compter sur lui dès qu’elle avait posé le regard sur sa personne. Il avait toujours fait preuve de gentillesse à son égard – sans trop de surprise lorsque l’on connaissait leurs antécédents – aussi elle avait eu confiance. Et avec raison.

Elle remercia Migaro d’être revenu, poussant ce dernier à dire qu’il n’abandonnerait jamais de vieux amis. Elle serra les lèvres dans un sourire quelconque. Des vieux amis… Était-ce donc cela ? Elle crut sentir la morsure de la déception lui grimper à la gorge lorsque l’ami de Migaro reprit la parole, proposant de faire un jeu pendant qu’ils partageaient le repas.
« Volontiers. » Ravie, surtout, de pouvoir échapper à ces étranges sentiments qu’elle ne voulait pas – ou peut-être, elle ne parvenait pas à comprendre où était situé son cœur et son esprit actuellement – Mélody accepta de suite. Ils partagèrent des jeux, des rires, un peu trop de beuverie. Mélody ne buvait pas souvent, mais pour une fois… Cela lui permettait d’oublier ses tracas, même si ce n’étaient que quelques minutes. Oh, Johan serait sûrement fâché de la voir revenir alcoolisée, mais n’était-elle pas une adulte apte de réfléchir par elle-même ? Le poids qu’elle avait sur les épaules s’évaporait rien qu’un peu… Cela faisait énormément de bien…

Balgor les abandonna pour aller dormir, abandonnant les deux piafs devant un feu devenu timide. Migaro alla chercher la bouteille de vin en disant vouloir un jeu de cartes, puis commenta l’île, notant qu’elle n’avait pas changé. Cela lui faisait du bien de revenir là et de les retrouver tous. Tous ? Allons. Mélody doutait que le visage de Johan lui soit agréable. Elle attrapa son verre et prit une gorgée.
« Les îles ne changent pas… » Dit-elle en regardant le vin qui ondulait dans le contenant. « Les gens qui y vivent, si. » C’était dit de façon presque mélancolique, ou triste. Difficile à dire. Il fallait dire qu’avec l’alcool, les mots se mélangeaient aux émotions parfois.

S’il en fallait plus pour délier la langue de Migaro, Mélody ne se gêna pas. Lorsqu’elle termina cul-sec son verre, en quête idiote d’oublier ses problèmes, comme si le fond du verre dévoilerait l’ultime solution à cette guerre, elle regarda Migaro avec une certaine insistance avant de parler.
« Pourquoi as-tu accepté de me venir en aide ? » Une question brutalement posée, directe et sans détour. C’était normal, évidemment qu’il l’aiderait ! Quelle question ! N’avaient-ils pas été amis ? Mais Mélody n’était pas stupide. Elle savait qu’il y avait bien plus que cela. Enivrée, son cerveau la poussait à insister dans cette direction. Qu’il le dise, qu’il soit honnête. Qu’il parle. Oh, Mélody, mais dans quel pétrin es-tu en train de te mettre ?

« Tu pourrais mourir. » Ajouta-t-elle sans le quitter des yeux. « Tes amis aussi. Mais tu es venu quand même. » Elle fronça les sourcils, cherchant à faire sens de tout ceci. « Même si les gens de cette île t’ont rejeté, autrefois… Pourquoi ? »

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avec @Mélody Mallery

An 1000, lune 6, Jour 16
L'alcool déliait les langues, à n'en point douter que la cheffe de l'île n'y échappait pas. Pour l'instant l'ambiance était bon enfant, Balgor leur faisait découvrir un jeu de cartes tout droit sorti de son imagination débordante. Le Goron l'étonnait toujours, l'on ne s'ennuyait jamais avec lui et probablement que cela avait facilité leur entente. Si ce dernier les quitta pour aller dormir, les deux piafs ne semblaient pas encore prêts à l'imiter. Même si Migaro sentait la fatigue le happer, lui qui avait été malade durant le trajet, se découvrant le mal de mer. Quelle douce ironie pour un natif de l'île du dragon. Les trois jours de bateau avaient été affreux, un calvaire qui l'avait empêché de manger convenablement ou de dormir paisiblement. A dire vrai, la maladie n'avait pas été la seule chose qui l'avait privé de sommeil. L'inquiétude, ses sentiments...Tant de tourments qui l'assaillaient une fois qu'il était seul, en proie à ceux-ci.

Il était assez pensif lorsqu'elle évoqua le peuple de l'île, qui à défaut du lieu, pouvait changer. La tristesse de ses mots était palpable, et il ne pouvait qu'abonder dans son sens. Le temps, les épreuves vécues étaient capables de changer un homme ou une femme. Dans le bon comme dans le mauvais sens. A dire vrai, le mercenaire en était le parfait exemple. En une année d'errance sur le continent, il avait senti ce changement s'opérer. Autant physiquement que mentalement d'ailleurs. Migaro fut néanmoins tiré de ses réflexions avec brutalité. Il buvait une gorgée de son verre calmement, surpris de voir son amie boire le sien cul-sec. L'alcool ne faisait malheureusement pas oublier les problèmes, il le savait mieux que quiconque.

Entre ouvrant la bouche pour répondre, elle renchérissait aussitôt. Migaro sentit son cœur s'emballer de peur, comme pris sur le fait, poussé dans ses retranchements. Il sentit son souffle se couper, comme s'il s'étouffait. Ses muscles quant à eux, se crispaient, tout comme sa prise sur son verre. Durant un instant, il imagina qu'elle savait tout de ses sentiments interdits. "Au moins, ma mort aura un sens." Disait-il en haussant les épaules, avant de se mettre à rire nerveusement. Puis, il but une nouvelle gorgée, se cachant presque dans son verre pour ne pas croiser son regard. Il n'abdiquait pas, pas encore. L'alcool ne déliait pas encore assez sa langue pour passer outre sa raison. "Je le fais pour notre amitié Mélody, car elle m'est chère. Et aussi pour tenir ma promesse." Il la fixait, disant cela avec gravité, se montrant convainquant, du moins il l'espérait. Mais il était un piètre menteur et détourna ses opales sombres. Diantre qu'il était mal à l'aise. "Rien de plus." Enfoncer le clou, encore et encore, même si cela lui brisait le cœur, même si cela l'engluait encore plus dans l'étau du mensonge. Haussant les épaules, il était en train de se noyer dans sa propre mauvaise foi, mais avait-il le choix ? Il espérait naïvement qu'elle abandonne, mais c'était mal la connaître. Mélody ne serait pas Mélody sans son obstination légendaire, non ? Levant un doigt qui tenait sa boisson, il préféra changer non subtilement de sujet, venait il de se trahir ? "Et techniquement il n'y a que ton père qui m'a rejeté." Et quelques autres, mais tous ne l'avaient pas pointé du doigt pour son statut de bâtard.

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An 1000, Lune 6, Jour 16

Au moins, sa mort aurait un sens ? Mélody fronça les sourcils, à deux doigts de lui donner une gifle. Elle se retint, surtout par respect, mais si elle s’était écoutée… Toutefois, elle bougea négativement la tête comme le ferait une mère déçue. Comme s’il avait compris qu’elle ne considérait pas sa réponse comme recevable, il insista en disant qu’il le faisait en l’honneur de leur amitié. Ainsi, il mourrait pour leur amitié d’autrefois ? Mélody sentait bien qu’il y avait anguille sous roche. Elle trouvait que c’était une raison si… faible. Mourir pour la gloire, pour l’amour, pour l’honneur… mais par amitié ?
Peut-être ne comprenait-elle simplement pas vraiment ce que cette amitié représentait pour Migaro.

Elle baissa le regard vers son bock, se faisant seulement maintenant la réflexion qu’elle avait bu une quantité loin d’être raisonnable et qu’elle se sentait un peu trop insistante auprès du mercenaire. Lui-même avait bu son quota il fallait dire ! Mais quelque chose la dérangeait… Elle ne voulait pas lâcher le morceau. Elle avait le sentiment que le danger pesait lourd au-dessus de leurs têtes et que, peut-être, ce soir-là serait le dernier qu’ils partageraient l’un avec l’autre. La guerre n’était pas pour demain, mais qui sait pour quand elle était ?

Peut-être était-ce demain, après tout.

Il poursuivit en disant qu’il n’y avait que son père qui l’avait rejeté.
« Et aujourd’hui, il est mort. » Elle avait répondu de manière si machinale, un tac-o-tac qui surprend. Elle-même se figea un instant, repensant à ce qu’elle venait de dire. Elle avait tant souffert de la mort de ses parents… et voilà qu’ivre, elle en parlait comme si ce n’était rien du tout. Un rire la quitta. Nerveux, quelconque. Une main passa sur son visage avant qu’elle ne soupire. L’alcool changeait vraiment la manière dont certains sujets étaient abordés… pour le meilleur comme pour le pire.

« Je suis heureuse que tu sois ici. Ne te méprends pas. » Mélody renifla en déposant son bock, jugeant préférable de ne pas boire davantage. « A vrai dire, j’aurais voulu que tu ne partes jamais, mais ma foi… » Les mots partaient trop vite. Même si elle avait décidé d’être raisonnable et de ne pas continuer à boire, l’effet était là : c’était indéniable. Voilà que ses yeux piquaient de larmes discrètes. Elle se leva d’un bond, provoquant un tournis temporaire qui la fit chanceler sur l’instant, mais bien vite, la cheffe se rattrapa.

Un profond soupir de lassitude et de fatigue lui échappa.
« Il se passe beaucoup trop de choses. Beaucoup trop… et je n’arrive pas à avoir le contrôle. Je ne peux rien contrôler. J’ignore ce que demain apportera. Je n’aime pas cela… » Elle s’éloigna de quelques pas, fermant les yeux au contact du vent frais qui vint lui cajoler le visage, calmant temporairement l’ivresse. Dans la pénombre, pleurer était facile. On ne la voyait pas. « J’ai l’habitude de planifier ce que demain sera. J’ai l’habitude des horaires, des visites prévues… et depuis de trop longues lunes, je dors avec la crainte de voir des voiles apparaître à l’horizon… sans jamais savoir quand cela se produira… » Depuis la visite d’Asumi, Mélody était terrifiée à chaque nuitée. Maintenant encore, elle était effrayée.

Elle se tourna vers Migaro, les épaules basses, découragée, abattue par la réalité. L’alcool venait de faire céder le masque. Sa main passa sur son visage, mais cette fois, les larmes ne pouvaient être arrêtées. Elle prit une inspiration dans le vain espoir d’apaiser ses sentiments, mais lorsqu’elle expira, un sanglot lui échappa. C’était un échec.
« Je n’en peux plus… Je ne sais pas quoi faire, où aller, quoi penser… Je ne sais plus… rien… »

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An 1000, lune 6, Jour 16
Il préférait qu'elle ne comprenne pas ce que cette amitié symbolisait pour lui. Il préférait qu'elle demeure dans cette incompréhension, car lui avouer la vérité était prématuré, ce serait trop égoïste de lui affliger de nouveaux tourments à la veille d'une bataille décisive. Alors oui, le mercenaire les enfermait au fond de son coeur, car il savait qu'elle avait désormais une vie de famille, un époux et un enfant aimants, tout ce qu'il n'avait pas et n'aurait jamais en ce bas monde. Par amour, il renonçait à cela, par amour, il s'obligeait à une vie de solitude. Si cela lui permettait d'être heureux, alors soit, il s'y pliait de bonne volonté. Elle n'y était pour rien s'il était incapable de l'oublier. Si par le passé, il avait tenté de passer outre, de se convaincre qu'il ne restait plus rien de cette flamme, aujourd'hui, il avait capitulé face à son intensité.

S'il avait bu, ses nombreuses lunes d'errance en Hyrule lui avait permis d'acquérir une certaine habitude de la boisson. Il en ressentait moins les effets dévastateurs et n'avait pas encore le corps engourdi, ni l'esprit. Quant à son amie, cela ne semblait pas être le cas... Et la facilité avec laquelle elle évoquait son père lui serra le cœur, lui faisant songer au deuil de sa mère, dont il n'avait pas encore digéré la perte. Surpris par sa réponse, il cligna des yeux. L'alcool déliait vraiment les langues, pour le meilleur mais surtout le pire. Face à cela, le mercenaire se sentait bien impuissant et un peu coupable aussi, de l'avoir poussé au vice.

Elle n'avait pas voulu qu'il ne parte...Une révélation qui l'étonna une fois encore. L'entendre de sa bouche manqua de lui faire avaler sa salive de travers. "Mélody...Tu sais bien que j'étais de trop." Avoua-t-il avec une certaine fatalité. Aurait-il supporter la voir se marier sous ses yeux ? Aurait-il supporter la voir vivre ce qu'ils auraient pu vivre tous les deux ? Non, il n'avait pu et s'était enfui, comme un lâche. Lorsqu'elle se releva d'un bond et visiblement titubante, il fit de même, prêt à la soutenir. Mais elle se rattrapa, tel un navire face au vent, pour s'éloigner de quelques pas. Il ressentait les doutes qui la traversaient, ses tourments qu'elle laissa échapper de vive voix. Cette vision ne manquait pas de serrer sa gorge. Migaro se sentait terriblement impuissant. Que pouvait-il dire ou faire pour apaiser ses peurs ? C'était la première fois que la paix de l'île se voyait menacée. Un chamboulement total pour un peuple qui n'avait pas l'habitude de la guerre et de ses conséquences. Personne ne savait à quoi s'attendre avec Kevan Cantell, ni quand il débarquerait sur les plages de l'île. L'horizon était bien incertain, teinté de nuages et de désespoir. Celui-ci résonnait en lui, tel un écho. Il savait que Mélody se devait de faire bonne figure devant ses habitants, et qu'en cet instant, elle parlait à cœur ouvert.

Sa détresse lui déchirait le palpitant et son âme lorsqu'elle se tournait vers lui. Il crut défaillir, le souffle coupé. Impossible de rester insensible à sa détresse pour autant.

Mais il se rapprochait, ses mains venant se glisser dans les siennes, il les tenait fermement, comme pour l'empêcher de sombrer un peu plus. Comme pour l'empêcher de se noyer dans son chagrin. "Personne ne peut tout contrôler, pas même la Reine d'Hyrule, pas même ce foutu roi de pacotille. Nous ne sommes pas des dieux, l'avenir est incertain et le sera toujours. A défaut de le connaître, nous pouvons nous y préparer, et c'est pour ça que nous sommes là. Il y a une chose que nous savons tous les deux : tu es Mélody Mallery, cheffe de l'île du dragon et que tu es prête à tout pour la protéger ainsi que ses habitants. Tu as des alliés, ton époux sur qui t'appuyer, tu n'es pas seule dans ce combat." Le voilà qui portait une détermination sans faille. Car évidemment qu'il était aussi effrayé par ce qui les attendait mais ils avaient une raison valable de se battre : leur maison, leur foyer. "Avoir peur n'est pas un mal, l'affronter est une preuve de courage et c'est que tu fais, chaque jour." Ses mots avaient été dits à voix basse alors qu'il l'attirait contre lui, l'entourant de ses bras pour la réconforter. Déposant un baiser sur le haut de son crâne, il tâchait d'être la bouée dont elle avait besoin, imparfaite, certes, mais toujours là. "Ma mère disait toujours que tout ce que nous avons à décider, c'est quoi faire du temps qui nous est imparti."

(c) DΛNDELION

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Be still, my foolish heart

An 1000, Lune 6, Jour 16

L’alcool était bien connu pour faire tomber des masques, pour fissurer les fausses apparences et faire éclater la vérité. Devant son peuple, devant les habitants de l’île, Mélody était bien obligée de garder la face. Elle devait garder la tête haute, les épaules droites, l’échine levée. Elle devait être leur tête de proue et leur montrer que demain n’était pas incertain. Elle devait montrer que demain, ils s’en sortiraient.
Mais pourraient-ils vraiment s’en sortir ? Était-elle capable d’y croire ?

Migaro la rejoignit dans la pénombre en la devinant si fragile. Il attrapa ses mains avec une fermeté bienvenue. Mélody, le regard baissé, tenta de deviner leurs mains jointes dans le noir. L’alcool, les larmes et la fatigue embrouillaient tout. Elle ne devinait qu’une vague silhouette, mais elle pouvait sentir la chaleur de ses doigts. Ses mains tentèrent de s’accrocher aux siennes aussi fort que possible, comme si elle risquait de se noyer si elle venait à lâcher prise.
Elle l’écouta. Elle l’écouta l’encourager, lui rappeler qu’on ne pouvait pas tout contrôler, que même la reine d’Hyrule ou Kevan Cantell ne pouvaient pas avoir le contrôle sur absolument tout. C’était impossible ; il fallait l’accepter. Elle devait surtout se souvenir qu’elle n’était pas seule, qu’elle avait des alliés.

Mélody leva un regard inquiet vers son ami. Elle savait qu’il avait raison, mais tout semblait si noir et nuageux actuellement qu’elle peinait à vraiment y croire, bien qu’au fond d’elle-même, elle savait qu’il disait la vérité. Être effrayé n’était pas un mal, disait-il, et elle avait le courage d’affronter cette peur chaque jour depuis l’annonce de cette terrible nouvelle.
La cheffe renifla en laissant sa tête tomber en avant, loin d’être convaincue.

L’instant d’après, elle se retrouva enfermée dans les bras forts de Migaro, qui poursuivit en lui rappelant un adage de sa mère ; qu’il fallait savoir quoi faire du temps qui nous était alloué. Sans timidité ni retenue, elle enfouit son visage contre sa poitrine, où se mélangeait un parfum de forêt, de feu, de sueur et de mer. Elle était fatiguée ; épuisée de lutter, chaque jour, contre cette peur. Est-ce que cela la rendait plus courageuse ? N’était-elle pas en train de baisser les bras en s’écroulant ainsi contre lui ? Ou, au contraire, n’était-ce qu’une halte dans la bataille, qu’un havre de paix pour mieux reprendre la lutte ensuite ?

Elle resta muette ainsi pendant de longues minutes, à tel point que l’on aurait put croire qu’elle s’était endormie debout, soutenue par les bras du mercenaire. En réalité, elle avait posé l’oreille contre sa poitrine et regardait, au loin, ce qu’elle pouvait deviner de la mer, des étoiles et du ciel. Le temps paraissait presque s’être arrêté. C’est la brise fraîche, qui la fit frissonner doucement, qui lui rappela que l’heure tournait et qu’elle devrait sans doute rentrer chez elle…

A regret.

« …Je devrais y aller… » Parvint-elle à dire d’une voix faible, fatiguée. L’alcool l’avait fait franchir une limite en la laissant s’abandonner de cette façon contre lui. Ce n’était qu’une étreinte, mais elle avait quelque chose… d’innommable. De chaud, d’intime, de sécuritaire, de vrai. Elle ne pouvait pas rester là, comme ça. Elle devait rentrer. Voir son mari. Voir son fils. « …Je dois aller dormir… »
Elle se recula, juste assez pour relever la tête. Sans doute aurait-ce été le moment propice pour briser toute convention et simplement lui bondir aux lèvres. La pensée lui effleura l’esprit. Elle se revit au mariage de la reine d’Hyrule, lorsqu’elle avait daigné lui accorder un baiser à la commissure des lèvres avant de s’esquiver. Elle déglutit.

Non.
C’est non.

D’un geste qui lui demanda une lutte interne improbable, Mélody se recula, se délogeant des bras de Migaro pour pouvoir regagner son foyer. Elle échangea avec lui un regard plein de regret, et d’excuses, avant de hocher de la tête en allant timidement se sécher les yeux du revers de la main.
« Bonne nuit, Migaro… à demain. » Un reniflement, et elle lui tourna le dos. Même atteinte par l’ivresse, elle saurait retrouver son chemin. Mélody connaissait l’île par cœur. Ses pas la menèrent automatiquement sur les routes qui lui permettraient de regagner le village. A mesure qu’elle s’éloignait, les sanglots lui bloquèrent la gorge d’une force douloureuse. Le masque était tombé. Rien n’y faisait.
Alors elle pleura sur le chemin. Ainsi, ne pleurerait-elle pas une fois chez elle.

(c) DΛNDELION

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« There's good in this world. It is worth fighting for. »

KoalaVolant

Be still, my foolish heart

avec @Mélody Mallery

An 1000, lune 6, Jour 16
Les mots ne suffisaient pas toujours à réconforter les tourments, en cet instant, Migaro se sentait atrocement impuissant. L'alcool faisait tomber les masques, à juste titre, Mélody se laissait aller à des confidences inédites, qu'elle ne réservait qu'à un cercle restreint. En tant que cheffe, elle se devait de ne jamais rien montrer de ce doute qui l'habitait, elle n'avait pas le droit de plonger, mais si elle était là pour les autres, qui était là pour elle ? Le mercenaire sentait son cœur se serrer en la voyant ainsi. Pouvait-il réellement lui dire que tout irait bien ? Non. Ils n'étaient plus des enfants. Ce qui les attendait demain demeurait incertain. Il ne pouvait promettre l'impossible, mais lui rappeler qu'ils s'y étaient préparés.

Ses encouragements ne parvenaient pas à la convaincre totalement, malgré toute l'énergie mise dans l'exercice, ses mains jointes aux siennes comme pour le lui transmettre. Alors, les mots furent subitement futiles, les gestes parlaient parfois d'eux-mêmes. Ses bras vinrent encercler la fine silhouette de la piaf. A défaut de la protéger, il voulait lui montrer son soutien, infaillible du début à la fin. Dans un sens, il ne la voyait pas avec pitié, non, mais avec admiration. Ses larmes ne faisaient que montrer son envie de bien faire, son envie sincère de protéger les habitants de l'île. Une compassion dont Kevan Cantell semblait dépourvu et qui pourtant, faisait d'elle une grande cheffe. Qu'il suivrait jusqu'à la mort sans hésiter. Dans ses bras, il se sentait serein, complet, en dépit d'un palpitant indiscipliné, échaudé par cette proximité, ses opales scrutaient l'horizon. La lumière de la lune reflétant sur les ondulations de la mer offrait un spectacle doux, loin du tumulte de la journée. Il aurait pu rester éternellement ainsi, la garder égoïstement pour lui, continuer d'humer ce parfum teinté de fleurs et d'herbe. Cette étreinte lui apportait une douce chaleur, lui faisant oublier sa si longue solitude.

Mais ce fut sa voix fluette qui le ramena à la réalité. Elle devait partir...Oui, une famille l'attendait. "Oui bien sûr." Disait-il avec un certain fatalisme, la tête baissée alors qu'il la laissait se reculer, lui n'en n'avait pas eu la force. Ses doigts avaient pourtant serrés légèrement le tissu de sa robe, mais ce fut aussi furtif, sa raison le rappelant à l'ordre. Le bord des lèvres sembla le brûler, en souvenir de ce baiser à l'orée de la nuit, celui qui avait manqué d'achever ses bonnes résolutions de l'oublier. Ce baiser qui lui avait ouvert les yeux quant à ses sentiments. Face à ce regard empli de regret et de tristesse, il se sentit terriblement mal et coupable. "Bonne nuit Mélody." Souffla-t-il avec un léger sourire, tandis qu'elle se détournait. Le poing contre les lèvres, le piaf soupira avant de faire de même, regagnant sa tente, le cœur lourd.

Les jours suivants, il ne manquera pas de l'éviter soigneusement...Ils n'étaient pas là pour ça et jamais plus il ne voulait lui infliger cela. Bientôt, Kevan Cantell allait lancer l'assaut...

FIN.

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