Legends in the flesh | PV Zarina

C’est les deux mains levées en signe de victoire vers le ciel que notre jeune homme atterrit triomphalement aux portes de la Cité d’Ordinn en descendant enfin de la caravane, ne se souciant pas le moins du monde des regards et rictus qu’il pouvait peut-être attirer. Pourtant, son périple n’était pas encore terminé. En effet, il devait retrouver une personne très spéciale. Son père l’a chargé d’une mission de la plus haute importance en ce jour ! Il devait trouver un nouveau contrat qui leur permettrait de garder la ferme à flots sans devoir la vendre, même s’il était plus ou moins tout seul pour tenir la barre désormais et qu’il était de plus en plus demandé à gauche et à droite … mais il trouverait une solution ! Les Patel n’abandonnent jamais !

Par contre, son enthousiasme à toute épreuve se retrouva bien vite confronté à un obstacle de taille : la chaleur qui lui faisait ralentir la cadence. Le Piaf était toujours aussi impressionné par la proximité du volcan, lui, il aurait sûrement tout le temps peur d’une éruption soudaine de cendre et de roche ! Il avait bien vite enlevé son écharpe qui le protégeait de la fraîcheur du vent sur la plaine. Il essuya la sueur sur son front du revers de la main. Il plaignait ces pauvres brebis franchement … C’était le monde à l’envers, bien loin du climat au pied des montagnes d’Hebra qu’il avait l’impression d’avoir connu toute sa vie.

Le travail n’attend pas. Robyn consulta à nouveau sa carte de la région afin de décider où faire son premier arrêt. S’il ne trouvait personne qui s’intéresse à son projet ici, il pouvait toujours continuer sa route jusqu’au village de Cocorico, bien qu’il doutait fortement que le Conseil Sheikah daigne lui accorder la moindre importance, tout comme la régence en place, d’ailleurs. C’était avec les autres marchands qu’il fallait établir un partenariat, à son avis. Il se demandait simplement si on verrait une utilité à ses services. Bof, une bonne plaisanterie et ce serait gagné d’avance !

Il suivit ainsi le sentier rocailleux pour se rapprocher des habitations en pierre sans se laisser démonter. Pour être honnête, le voleur en herbe avait surtout été attiré par une bonne odeur de pâtisserie et d’autres victuailles fumées. C’est sûr que ce n’est pas avec ses brochures qu’il allait pouvoir se remplir l’estomac … Sauf qu’il n’avait pas beaucoup de rubis sous la main … Bon sang, comment faire pour résister ? C’était tout bonnement impossible. Quoique une boisson fraîche serait aussi un bon choix, si seulement ça existait dans le coin. Il en avait déjà l’eau à la bouche. Robyn plissa les yeux, évaluant le terrain et ses options d’ici, la main en porte-vue, pendant que son estomac criait famine et le forçait à grimacer encore plus. Il avait pourtant promis de se tenir à carreau. Chassez le naturel et il revient au galop …

Que faire ? Il avait vraiment très soif après ce long voyage, alors qu’il aurait pu se laisser porter par les courants du vent jusqu’ici, mais s’il se faisait prendre la main dans le sac – ce qui, soyons réalistes, n’arrivait pas souvent, mais c’était bel et bien déjà arrivé, bien que la chance avait été de son côté jusqu’à présent pour ce qui de se sortir de ces situations épineuses – il pouvait dire adieu à tout espoir de sauver la ferme. Et alors, il ne pourrait plus manger du tout, pire, il décevrait son père une fois de plus. Ses réflexes risquaient d’être moins aiguisés à cause de la chaleur et de la fatigue. Bordel, il n’était vraiment pas bien préparé pour ce passage à la montagne. Honnêtement, ça lui donnait presque envie de rentrer à la maison. Il frotta négligemment un petit mouchoir contre son visage, ce n’était pas le moment de se mettre à pleurer ! Il allait juste devoir compter sur la générosité de ces étrangers … Allez, encore un petit effort. Un pas à la fois.

C’est alors que Robyn venait de prendre sa décision et donc de se tirer de ses pensées cependant qu’un homme s’approcha de lui avec une expression plutôt intense sur le visage. Oh bon sang. Oh bon sang. Il était grillé ! Hélas, ses jambes tout comme ses ailes n’avaient plus la force de le porter. Était-ce donc ainsi qu’allait s’arrêter sa grande carrière de chapardeur ? Quelle tragédie ! Ce n’est pas comme cela que son histoire serait gravée à jamais dans la pierre.

« Oh ! Merci. »

Il regarda le verre d’eau encore quelques secondes, tout étonné, presque méfiant que cela allait disparaître comme une mauvaise blague ou un mirage quand il porterait le verre à ses lèvres, à moins que cela contienne un mélange au goût étrange, avant de prendre enfin une petite gorgée. Ah c’est que ça fait du bien par où ça passe ! Il regrettait les champignons glagla de sa région d’origine et les melons frais. Rien n’égalait une pomme grillée, mais c’était dans ces fruits bien plus ronds et juteux qu’il avait trouvé réconfort pendant sa convalescence, sa mère à son chevet, rassurée qu’il avale enfin quelque chose pendant qu’elle lui partageait quelques chansons et autres épopées lyriques. D’ailleurs, la région du coin ne manquait pas de légendes non plus, si la plupart concernaient plutôt le mystérieux clan Sheikah.

Le Goron qui venait de débarquer à ses côtés lui demanda ensuite d’examiner sa carte. Robyn tendit le bout de papier sans vraiment poser de questions. Elle était très bien sa carte. D’accord, c’était une représentation un peu grossière faite sur un vieux parchemin usé, mais ce n’était pas grave puisqu’il n’avait pas fait ce chemin tout seul ! Ah, mais ses compagnons de route l’avaient laissé tout seul maintenant, bon point … Un peu embarrassé et découragé, il baissa légèrement la tête en se mordant les lèvres dans une petite moue. C’est alors sans trop se faire prier qu’il suit le grand homme comme un petit chiot perdu, n’oubliant pas cependant de jeter des regards à gauche et à droite pour noter de potentiels acheteurs dans un coin de sa tête. Ce n’est pas si loin du compte de toute façon. Visiblement, il pourra profiter d’un peu d’ombre sous le toit d’une boutique. Sauf qu’une fois la porte passée, il oublia un peu tout ce qui l’amenait ici tout comme les autres questions qu’on risquait de lui poser sur les motifs de sa visite, après tout, les gens étaient méfiants depuis la Lune de sang et autres malheurs qui s’étaient succédés.

Bordel, mais il était tombé où ? On dirait le pays des merveilles. Ça brille de partout. Il y en a de quoi lui donner le tournis. Le soleil doit avoir eu raison de lui et de sa carcasse desséchée. C’est la seule explication plausible ! Bon sang, c’est de la tentation à l’état pur … D’un autre côté cependant ces personnes lui étaient techniquement venues en aide, il se sentirait donc un peu mal à l’aise de leur voler un trésor. Le souci, c’est que son autre problème ne risquait pas de se résoudre tout seul à moins que la patronne accepte d’écouter son discours de vente ? Pour le moment, il tournait sur lui-même, la bouche entrouverte de surprise, visiblement impressionné ou alors il avait juste l’œil le petit.

« Bonjour. » finit-il par dire timidement au personnel, en serrant un peu nerveusement son mouchoir entre ses mains avant de se frotter la nuque, en regardant à gauche et à droite. Pour sûr, on n’avait pas besoin de son aide, c’était dommage puisqu’il leur en devait une. Il ne devait vraiment pas avoir l’air d’être dans son élément, lui qui était pourtant si confiant d’habitude, pourquoi avait-il choisi de venir en Ordinn déjà … ? Son regard finit par s’arrêter sur un immense marteau et son visage prit un air plus pensif. Ça lui disait vaguement quelque chose, mais quoi ? Ça lui reviendrait bien à un moment où l’autre, pour le moment, il avait la vivacité d’une limace et son cerveau avait encore un peu de mal à carburer. Il détourna donc encore le regard et laissa un petit sourire timide s’installer sur son visage, fouillant dans ses poches pour vérifier qu’il n’avait rien perdu d’essentiel en chemin.

Robyn était plutôt impressionné de découvrir tous les moyens qui existaient pour se tenir au frais dans la région. Il supposait après tout qu’il était plus facile de se réchauffer bien qu’il n’avait jamais vécu dans les grandes villes qui auraient pu le familiariser avec les remèdes. Il découvrait toujours de nouvelles choses pendant ses voyages.

Il compta sur ses doigts les rubis qui lui restait. Ce n’était sûrement pas suffisant pour acheter une tenue complète et il ne savait pas s’il reviendrait dans la région ou si un message par coursier ou pigeon suffirait à établir un partenariat. Néanmoins, il devait en avoir suffisamment pour se permettre d’acheter une potion qui le garderait au frais et en vie. Il en but une petite gorgée et se sentit tout de suite beaucoup mieux, poussant un soupir de soulagement. Il allait avoir la force nécessaire pour faire le trajet de retour, surtout s’il pouvait vraiment manger une bouchée. Il en avait assez du pain sec.

« Je comprends mieux pourquoi tout le monde à bord de la caravane me dévisageait maintenant. Ça aurait été sympa de leur part de me prévenir plus tôt. »

Robyn haussa vaguement les épaules, ses plumes suivant le mouvement, deux ou trois trop vieilles et séchées tombant même au sol, ce qui ne risquait pas de plaire au monsieur sévère. La compétition était rude. Autrefois, les commerçants se serraient les coudes et faisaient de nombreux échanges, mais aujourd’hui, la plupart des gens étaient plus concentrés sur leur propre survie en ces temps sombres. Il était conscient que sans porter le nom de son père, et sa bonne réputation, la vie serait bien plus rude encore. Une bijoutière ne devait pas être tourmentée par ce genre de soucis avec une clientèle prête à payer le plein prix pour briller parmi les étoiles. Cela expliquerait pourquoi cela ne la dérangeait pas de faire des compromis pour un pauvre fermier perdu. Il valait peut-être mieux changer de sujet.

« J’ai beaucoup entendu parler d’Ordinn mais c’est la première fois que j’y mets les pieds ! Vous avez des histoires incroyables … Comme celle de Hema le doré ! Mon amie aime bien cette légende. »

Son sourire s’émietta tout doucement à cette pensée et son regard s’égara vers le sol quelques secondes, comme s’il portait le poids du monde sur ses épaules. C’était encore dur pour lui de continuer sans la présence rayonnante de Jodariel, mais c’était une raison de plus pour sauver la ferme. Il fallait bien qu’elle puisse rentrer quelque part à son retour et les gens de la Citadelle ne lui avaient apporté que des ennuis ! Il ne pouvait pas laisser cet événement lui transpercer le cœur à chaque fois qu’il pensait à elle comme s’il n’allait plus jamais la revoir, elle non plus, n’est-ce pas ? Il releva donc la tête avec un regard plus déterminé que jamais, même si le papier de vente qu’il tendait avait été légèrement froissé dans sa poche. Au besoin, il pouvait s’expliquer à voix haute maintenant qu’il avait de l’eau.

« Bref. J’espérais pouvoir vendre quelques produits en ville mais ce n’est peut-être pas le meilleur moment ? »

Sans doute avait-il l’air bien sot ou étourdi en avouant qu’il n’avait guère prêté attention à l’annonce du mariage royal. Ce n’était tout simplement pas pour les gens comme lui, tout ça. Oh, les honnêtes paysans savaient parfaitement organiser de grandes célébrations ! Leurs traditions étaient juste légèrement différentes, loin du protocole étouffant de la bourgeoisie.

Robyn hocha la tête à la question qui lui fut posée, comme s'il n'avait rien remarqué de l'atmosphère légèrement tendue qui venait de s'installer dans le magasin. Il l'avait pourtant bien remarquée. C'est avec son regard attentif qu'il prouve sa valeur de voleur après tout, même si être habile avec ses mains ou encore courir très vite ce n'était pas mauvais non plus, avec une bonne distraction. Il ne voyait pas de mal à donner cette information. Après tout, cela ne déclinait pas pour autant l'identité de son amie, surtout si ces Gorons imaginaient qu'elle venait également de cette grande cité. Il se demandait si le nom des Comédiens Enchantés s'était déjà rendu jusqu'ici. Et puis, à ce qu'il sache, Jodariel ne cherchait pas particulièrement à se cacher puisqu'elle était comédienne de métier et rêvait d'une grande scène ! Il essayait encore de la trouver, pour tenir sa promesse, quand elle reviendrait. Elle lui reviendrait. Il voulait y croire.

Le sujet du mariage royal le laissa pantois, la bouche entrouverte sous la surprise. Melka n'était pas très loin de la Citadelle d'Hyrule, pourtant, il n'avait pas entendu parler de ce grand événement. Ce n'est pas le genre de détails qui est facile à oublier après tout. Il devait avoir la tête ailleurs. Encore. Son père le lui reprochait souvent d'avoir la tête dans les nuages. Robyn se contentait de hausser vaguement les épaules et de promettre de faire des efforts, mais son insouciance reprenait bien vite ses droits dans son cœur. Qu'est-ce qu'il y avait de mal à s'intéresser à tout et à avoir quelques rêves d'ailleurs ?

Avec de la chance, tout cela leur rapporterait un vent de fraîcheur du côté de leur clientèle. Le Piaf accueillit les encouragements de Zarina avec un grand sourire. Il n'allait pas se laisser décourager pour si peu ! De toute façon, qu'est-ce qu'il pourrait faire jusqu'à la fin de la journée dans le cas contraire ? Il ne risquait pas de s'éloigner au risque de s'effondrer au bord d'un ravin sans personne pour se porter à son secours cette fois. La chance avait ses limites. En fouillant frénétiquement dans ses poches, il finit par trouver un papier qui n'était pas complètement illisible et il le pressa dans les mains de cette bonne âme. Il se demanda furtivement s'il serait possible de l'afficher quelque part en ville mais il ne devait pas abuser non plus.

« Alors voilà nous avons ici une merveilleuse ferme d'élevage de moutons et de chèvres ! Ah ... je suppose que vous n'avez pas besoin de vous tenir au chaud ... mais ça peut toujours être utile pour la couture je pense ... nous vendons aussi du lait frais et ... euh ... Dites, vous avez des chèvres de montagne dans la région ? Je suis sûr que oui. J'espère qu'elles ne vous causent pas trop d'ennuis ! »

C'était à son tour d'être un peu embarrassé et de chercher à changer de sujet. Il aurait pu mentir, mais il n'aimait pas le faire en ce qui concerne les affaires de la famille, alors il se rabattait sur l'idée de pouvoir donner des conseils pour éviter tout danger ou donner un coup de pouce pour mettre en place une solution, même si ce n'était pas grand-chose, s'assurer qu'il y ait de quoi les nourrir pour éviter qu'elles s'approchent des maisons, par exemple. Il faudrait en toucher deux mots aux hautes instances dans l'idéal, mais Robyn n'était qu'un simple marchand et un étranger en plus, et c'était très bien ainsi pour éviter de se faire trop remarquer. Certes, cela ne devait pas être difficile pour les Gorons de gérer une bête parfois farouche et bien plus forte qu'elle en avait l'air, mais qu'en était-il des autres races, et des enfants ? Il était presque dommage qu'il ne vienne pas d'un village de pêcheurs, sinon il aurait pu offrir plus de produits utiles, sauf que cela ferait tout un long voyage pour se rendre jusqu'ici. Mais c'était peut-être plus rapide en se laissant porter par les cours d'eau. Il faudrait qu'il pense à poser cette question à son grand complice dès son retour à Melka. Il y en avait une bien plus importante qui lui brûlait les lèvres en ce moment précis. Une question qu'il n'aurait probablement pas dû poser.

« Je me demande quand même ... N'avez-vous pas peur que quelqu'un en profite pour voler vos précieux bijoux ? »

Dans quoi était-il en train de mettre les pieds encore ? La curiosité était parfois un bien vilain défaut. Au moins, il n'avait pas joint le geste à la parole.