Avant qu'il soit trop tard rattrapons les retards feat.Migaro

L’atmosphère sur l’île du dragon est calme et paisible ce soir. C’est du moins la réflexion que se fait Azriel, alors qu’il ose enfin poser un pied à terre. Il y a néanmoins quelque chose de pesant au beau milieu de l’obscurité, maintenant que la nuit est tombée. Les rues, autrefois animées et remplies de vie sont maintenant silencieuses et vides, donnant un sentiment de solitude et de mystères. Les lumières des maisons sont même presque toutes éteintes et pendant quelques secondes, le jeune Piaf se demandent si les habitants n’ont pas tous déserté l’île.

Ce ne serait pas étonnant avec ce qui se prépare, et la tension dans l’air le prouve. Alors qu’il avance discrètement à travers les ruelles sombres, une cape sur les épaules et une capuche recouvrant son visage, les rares mouvements qu’il peut percevoir dans cette nuit noire, sont ceux de personne s’affairent à des tâches de préparation. Certains portent en effet des sacs de provisions, d’autres des armes. Oui, tout le monde se prépare pour  … la guerre.

Le vent qui souffle sur l’île est alors soudainement plus frais, apportant avec lui une sensation de malaise. Même la nature semble savoir qu’une chose terrible va se produire. Les vagues, quant à elles, s’écrasent contre le rivage avec une force inquiétante, comme si elles prévenaient les habitants de l’île que quelque chose de grave approchait. Dans cette atmosphère oppressante, l’île parait encore plus isolée qu’elle ne l’est en réalité et un frisson parcourt le dos du pirate avant qu’enfin, il n’atteigne la demeure de sa très chère mère. Son cœur se met à battre la chamade alors qu’il pousse la porte pour entrer, sans même frapper. Cela fait des années qu’il a quitté cette île et sa mère. Pourtant, la maison n’a pas changé. Les meubles sont toujours les mêmes, aux même places et la génitrice du pirate lit un livre au coin du feu qui éclaire faiblement la pièce. Le visage, fatigué et inquiet de la Piaf s’illumine tout de même lorsqu’elle reconnaît son fils. « Mère - Azriel, c’est toi ? Mais qu’est-ce que tu fais ici ? » Ils se prennent alors dans les bras, et tandis qu’il se blottit sa tête sur le haut du crâne de sa mère, il lui murmure. « Je ne pouvais pas rester loin sachant ce qu’il se préparait ici… Maman, il faut que tu te mettes en sûreté ! » Le Piaf aux ailes noires expliqua son plan, et même si au début, la vielle femme semblait réticente à mettre les pieds sur un bateau pirate, Azriel la rassura. Lui et tout son équipage étaient venus pour défendre l’île, pour mettre les innocents en sécurité.

Finalement, elle accepta et en quelques minutes, ils rassemblèrent tous les deux les quelques affaires de la brune et quittèrent la maison. Attrapant sa mère par le bras, Azriel la guida à travers les rues, direction la plage de l’autre côté de l’île ou le Silent Dragon était amarré. C’est au milieu d’une rue étroite et sombre qu’un groupe d’hommes masqués, surgirent devant eux, brandissant des armes et leur bloquant le passage. Ces hommes, qui semblaient hostiles et agressifs, commencèrent alors à accuser Azriel d’être un espion d’Hebra et de chercher à kidnapper les habitants de l’île. « Je ne suis pas votre ennemi et cette femme est ma mère ! Je ne lui ferais jamais de mal, je cherche juste à la mettre en sécurité. » Avait-il protesté en montrant les dents. Peut-être n’aurait-il pas dû laisser ses deux grandes ailes noires s’écarter dans son dos, car se montrer aussi menaçant ne sembla pas convaincre les brigands…

La situation s’envenima et très vite et le pirate n’eut d’autres choix que de se défendre quant à sa mère, elle préféra fuir que de se retrouver au milieu de cette bagarre. Azriel sortit donc son sabre et repoussa un premier homme en lui entaillant le bras. Cependant, quatre autres lui tombèrent dessus et il ne leur fallut pas bien longtemps pour plaquer la Piaf au sol et le maîtriser. Il s’était pourtant battu avec détermination, mais un coup bien placé directement dans les tempes l’avait sonné. Toujours dans les vapes, alors qu’il sentait qu’on l’attrapait par les épaules, le pirate entendit quelques phrases de ses assaillants, plutôt fier de leur capture. « Homme - Ahah ! On va l’raporter à Mig’. Ça lui pass’ra l’envie d’nous mentir ! » Leurs rires gras furent les dernières choses qu’Azriel discerna vraiment.

Être entraîné de droite à gauche sans avoir les idées en place ne fut pas vraiment une partie de plaisir pour le brun… Loin de là, et malgré son état à moitié inconscient, il gronda lorsque sa jambe se cogna dans quelque chose qui traînait par terre. Bon sang, ces bandits auraient au moins pu se montrer un minimum délicat ! Mais non. Riant, fiers de leur prise, il leur fallut quelques minutes pour apporter le pirate au fameux « Mig ».

Azriel ne retrouva ses esprits que lorsqu’il fut assis sur une chaise qui lui fit aussitôt mal au dos et le Piaf du détendre ses ailes. Réouvrant les yeux, il fut ensuite un peu aveuglé par la lumière, bien que cette dernière soit assez faible, il faut dire qu’il avait marché de longues minutes dans la nuit noire, faisait expressément attention à ce pas être vu. Examinant l’endroit où il se trouvait, avant de reposer son regard noir sur ses assaillants, Azriel devina assez aisément qu’il se trouvait dans une tente de fortune. Il n’y avait rien autour de lui qui indiquait qu’il se trouvait dans la tente d’un commandant, d’un chef de guerre ou autre… C’était déjà ça, il pourrait s’échapper plus facilement !

« Migaro - Azriel ?! » Entendant son nom, le pirate releva les yeux, très surpris, pour observer intensément celui qui venait de prononcer son nom. En détaillant le Piaf qui venait de le reconnaître, toutes les pièces s’assemblèrent dans le cerveau du pirate. Mig’ était Migaro ! Évidemment qu’il était là ! Prêt lui aussi à défendre son île ! L’expression austère qu’affichait le second du Silent Dragon jusqu’à présent laissa alors place à un grand sourire ! Il se leva même en faisant un pas vers son vieil ami. « Migaro ! Je n’en crois pas mes yeux ! » Sans aucune hésitation, Azriel prit son ami dans ses bras et lui donna une accolade amicale en lui tapant dans le dos. Alors qu’il le serrait dans ses bras, il ressentit une immense joie, tandis que les hommes qui pensaient avoir fait un prisonnier de voix se retrouvaient tout pénaux…

Migaro congédia d’ailleurs ses hommes, avec une certaine autorité, ce qui fit, pendant un court instant arqué un sourcil au pirate, intrigué par leur obéissance. Le Piaf aurait-il un certain statut finalement ? Se souvenant de son leadership plus jeune, une telle possibilité n’était pas plus choquante que cela, et Azriel était même fier pour son ami !

Enfin seul, le Tanel s’excusa pour le comportement des mercenaires envers le pirate. C’était difficile de leur en vouloir vu le contexte et en entendant cela le Piaf maudit baissa la tête et se gratta un instant la nuque. « Je ne peux pas leur en vouloir… Ils ne pouvaient pas savoir. » Ils auraient peut-être au moins pu écouter le pirate, mais leur peur ne leur avait pas permis… Chose qu’Azriel pouvait tout à faire comprendre. Attrapant le verre que lui tendait son vieil ami, le brun ne put cependant pas cacher sa joie plus longtemps. Lui qui était souvent impassible et froid, il affichait pour une fois un grand sourire, sincère lorsqu’il prit la parole. « Comme ça me fait plaisir de te revoir ! Ça doit faire quoi maintenant ? Dix ans qu’on ne s’était pas croisés ! Je pensais sincèrement que tu étais parti faire ta vie loin de cette île ! » Dit-il avant de se réinstaller sur sa chaise, un peu plus confortablement, en repliant ses deux grandes ailes de chauve-souris dans son dos. Si en quittant l’île, le pirate avait réussi à avoir quelques nouvelles de certains de ses amis, de sa famille, il n’en avait jamais eu aucune de Migaro, ce qui rendait ses retrouvailles encore plus émouvantes, malgré ce sentiment de nostalgie à l’idée d’avoir des années d’amitiés a rattraper.

Assis en face de Migaro, les souvenirs de son enfance et des jours insouciants revenaient en mémoire du pirate, mêlant ainsi un peu de nostalgie à ses joyeuses retrouvailles. Heureusement, le bonheur de cette réunion ne s’estompa pas complètement pour Azriel alors que Migaro lui expliquait la raison de son retour sur l’île du Dragon. Alors comme ça, il l’avait quitté, mais avait recroisé Mélody sur le continent. La perspective d’une guerre imminente planant sur leur terre bien-aimée était donc également la raison du retour du Tanel. L’évocation du conflit à venir fit soudainement perdre son sourire au brun et son visage, redevenu impassible dissimulait assez mal sa préoccupation grandissante. Elle expliqua donc à son tour : «  Cela faisait plusieurs lunes que la rumeur d’une attaque sur l’île du Dragon parcourrait la mer des Cieux. » Il avait beau mené une vie de pirate, il avait toujours aspiré à ce qu’elle ait plus de sens que simplement piller et se battre. « Quand j’ai compris que la menace était bien réelle, j’ai su que je devais agir. J’ai réussi à convaincre ma capitaine de me laisser venir ici. Elle a finalement décidé de prendre part au combat elle aussi et l’équipage a suivi ! » Le second du Silent Dragon avait réussi à convaincre une bonne partie de ses hommes que cette guerre était en partie la leur, car l’attaque de ce roi du continent au milieu de la mer des cieux n’était qu’un début, et qu’après tout, ils devaient défendre leur mer, leur maison, de l’envahisseur ennemi.

Le pirate maudit ne l’avait pas dit clairement, mais ses vêtements et sa façon de parler avait suffi pour que son ami apprenne qu’il était devenu un bandit des mers. Au lieu de la peur ou du jugement, l’expression de Migaro était celle d’une curiosité intense mêlée à une pointe d’étonnement. Il le questionna même sur ce qu’était la vie de pirate et le Piaf sentit un poids immense se soulever de ses épaules alors qu’il réalisait que son ami ne le jugeait pas. Il allait pouvoir être lui-même, sans masquer une partie importante de son passé. C’était une sensation libératrice et réconfortante. Il ne s’offusqua d’ailleurs absolument pas de la curiosité de son ami qui le fit doucement rire. « Tu n’as pas à t’excuser. Je peux comprendre que ce ne soit pas… Commun. » Répondit-il avant de lui aussi, prendre une gorgée dans son verre de vin.

Azriel partagea donc avec son ami tout juste retrouvé sa vie de pirate et ses expériences au cœur de la mer agitée. Son regard s’illumina d’une lueur passionnée alors qu’il évoquait son existence en tant que marin sur la mer des cieux. « La vie de pirate, Migaro, c’est une liberté que je n’ai jamais trouvée ailleurs. » commença-t-il, la voix empreinte d’une émotion profonde. « Le vent dans les cheveux et dans les ailes, le grincement des cordages et la sensation du navire glissant sur les flots, c’est comme si la mer elle-même m’appelait à chaque instant. » Le piaf maudit marqua une petite pause, laisser ses souvenirs aller, sans penser que l'évocation de ses ailes de chauves-souris allait peut-être provoquer quelque questionnement chez son ami. « Les horizons lointains, les terres inexplorées, c’était comme si chaque lever de soleil apportait une nouvelle aventure, une chance de découvrir des merveilles cachées, des trésors enfouis. » On pouvait sentir l’amour que portait le pirate à la mer dans chaque syllabe qui sortait de sa bouche. « Mais tu sais que la mer peut aussi être impitoyable, pleine de tempêtes dévastatrices, de vagues gigantesques, mais même dans ces moments-là, elle est d’une beauté sauvage qui me fascine ! » Les yeux bruns d’Azriel s’illuminèrent d’une étincelle de nostalgie tandis qu’il ajoutait « Et puis, il a les nuits étoilées Migaro. C’est comme si chaque étoile dans le ciel avait sa propre histoire, sa propre légende. Elles se reflètent toutes sur l’eau quand elle est calme et.. Je me sens toujours si petit face à l’immensité de l’univers, pourtant, je me sens toujours connecté à quelque chose de plus grand, d’indéfinissable. Et puis.. Il y a l’équipage. Ces hommes et ces femmes qui sont devenus ma famille en mer. Nous partageons tout, les rires, les peines, les victoires et les défaites. Chaque jour est une aventure à vivre ensemble et je ne suis jamais vraiment seul quand je suis avec eux. »

Azriel réalisa soudainement qu’il s’était laissé emporter par ses émotions en dévoilant autant de son intimité à son ami. Ce n’était pas dans son caractère de se livrer autant, et il se sentit un peu gêné d’avoir été si ouvert. Il baissa donc les yeux pour fixer son verre et chercha ses mots pour se justifier. « Pardon… Je ne suis pas habitué à autant parler. La mer a cette façon de m’envoûter… J’ai juste… J’avais envie que tu comprennes pourquoi j’ai finalement suivi cette voie… Et pas que tu me prennes pour un de ces pourris sans foi ni loi qui parcourt les mers seulement pour le pillage », avoua-t-il, cherchant à dissimuler son malaise derrière un léger sourire.

Azriel, d'ordinaire réservé, s'était transformé en un conteur enflammé, partageant avec Migaro les délices et les défis de sa vie de pirate. Ses yeux brillaient d'une passion contagieuse alors qu'il décrivait la mer déchaînée, les vagues dansant au rythme des vents capricieux. Les nuits étoilées prenaient vie dans ses mots, chaque constellation devenant une épopée mystique. Il narrait avec ferveur les batailles épiques, chaque membre de son équipage devenant un héros dans ses récits. Les canons rugissaient comme des créatures marines, l'équipage manœuvrant avec une précision acquise à travers des mers inconnues.
Un moment de gêne passa néanmoins sur le visage du brun, lorsqu'il réalisa l'ardeur avec laquelle il partageait son amour pour la mer. Ses ailes, habituellement fièrement déployées, se replièrent instinctivement, et il détourna le regard.

Heureusement, Migaro sourit, et vint poser une main amicale sur l’épaule du pirate. Son discours lui donnait presque envie de le rejoindre ? Il serait chaleureusement accueilli par tout le monde, à n’en pas douter ! Mais lorsque le Piaf lança malicieusement la question : N'y-a-t-il que la mer qui a capturé ton cœur ? Un éclat de surprise traversa le regard d’Azriel. Une lueur inattendue, un mélange de trouble et de retenue, s'installa dans ses yeux. Migaro, tout en étant curieux, ignorait l'impact de ses mots sur l'intimité profonde de son ami. Azriel détourna brièvement le regard, ses ailes frémissant légèrement comme pour dissimuler son trouble. Il se racla la gorge, cherchant les mots justes. « La mer... est la seule qui a une place dans mon cœur. »

Le soulagement éclaira les yeux sombres du pirate, lorsque son ami passa à autre chose. Un sourire reconnaissant naquit sur les lèvres d'Azriel alors qu'ils reprenaient tous les deux une gorgée de vin. Le second du Silent Dragon acquiesça silencieusement, touché par la compréhension de Migaro. Ils partageaient une soif commune d'aventure, une pulsion qui les poussait à naviguer sur des mers inconnues. Pourtant, le pirate maudit sentit un frisson parcourir son échine à l'évocation des monstres de la Première Lune de Sang. Il était fasciné par la nouvelle vie de Migaro, la manière dont il avait canalisé son esprit aventureux dans une quête de justice. « Chasser des monstres, hein ? Une tâche noble et dangereuse. Tu es devenu un véritable protecteur finalement. »

Le regard du Piaf croisa celui du mercenaire et une lueur de compréhension passa entre eux. Migaro brisa le silence avec un sourire sincère, évoquant le fait que leurs parcours n’étaient pas si différents. Azriel observa son ami, un sourire mélancolique sur les lèvres. « C'est vrai. Nous sommes tous les deux des âmes en quête d'aventure, mais nos routes nous ont simplement guidés vers des horizons différents ! »

Alors que les deux amis semblaient rattraper le temps perdu, un sentiment de gêne persistait chez le Piaf maudit, comme une brise délicate perturbant la quiétude de l'instant. Il détacha son regard de son verre pour rencontrer celui de Migaro, puis, après une hésitation perceptible, il déclara d'une voix douce : « Il y a quelque chose que je souhaite faire avant le début des combats. » Azriel chercha ses mots avec précaution. « J'aimerais revoir Melody. Avant l’attaque d’Hebra. Je me demandais si, peut-être, tu saurais où je pourrais la trouver ?  »