Mince. Mince, mince, mince et encore mince! Rien n'allait plus pour Jodariel, absolument rien! Pourquoi avait-elle voulue participer à cette foutue réunion? Pourquoi avait-elle décider d'ouvrir sa grande bouche? Pourquoi tout allait à chaque fois de travers? Sa vie, Hylia, la Chance ne pouvaient pas lui offrir une foutu fleur de temps à autre ou alors était-elle destinée à pourrir dans le malheur? A quoi cela servait-il de prier une divinité qui vous foutait dans la mouise tout les ans depuis votre naissance? Un mélange de rage, de détresse et de honte recouvrait le coeur de la fille Embarr qui était sortie après la fin de la réunion sous les ordres de Ganondorf.

Melka serait attaqué et Robyn risquait d'être blessé.  Le tout en ayant appris que son ami, Talirian faisait partie des Yiga et qu'il participerait au foutage de feu? Elle devra participer à une mission de déstabilisation criminelle et EN PLUS sous les ordres de Zael?! Puis son surnom de Jo était sorti au milieu de tout le monde, comme ça! Elle avait dû parler devant tout le monde pour proposer un plan... Et tout se retournait contre elle! La respiration de la comédienne devenait de plus en plus lourde, son cœur battait de manière endiablé, son estomac semblait si lourd comme s'il allait vomir... C'était une crise de panique qu'elle devait gérer et surtout cacher, il y avait encore tant de ces imbéciles de Yiga autour d'elle... Et Sorcha n'était nulle part! Enfin, c'était peut-être mieux, dans son état elle risquerait de passer pour quelqu'un de terriblement suspecte...

Au moins Einar n'était pas là non plus, ce rustre aurait été le clou sur le cercueil. En plus, pas la moindre trace d'alcool pour pouvoir se plonger totalement dedans et s'évanouir dans l'alcoolisme comme elle a l'habitude de faire... Pourquoi avoir acceptée cette mission... Pourquoi avoir décidée d'être une espionne parmi les Yiga... Pourquoi aimer quelqu'un que l'on quittait pour peut-être mourir? La respiration devenait de plus en plus difficile, comme si la jeune femme manquait d'aire alors qu'elle respirait presque à grande goulée. En regardant autour de sa personne, Jodariel semblait ne pas voir quelqu'un qui s'intéressait à elle. Sûrement trop occupé à apprécier leurs nouveaux ordres donnés par un tyran esclavagiste. Et tant mieux, même si la fille Embarr ne pouvait pas crier ou exploser, elle pouvait agir un peu plus en écart des normes de la fameuse Vivianne sans réellement intéresser qui que ce soit.

C'est après avoir marché un peu plus loin, pour s'éloigner de ce qu'il restait du clan, qu'elle trouva un mur sur lequel poser son dos, l'espionne ferma ses yeux, essayant alors de respirer et de calmer son corps. Ce n'était pas que du stress à ce niveau là. L'impression de voir tant de choses lui échapper, encore pire que lors de la première Lune de Sang. Fermant ses poings le plus fort qu'elle pouvait, elle murmura alors pour elle même, utilisant un timbre de voix assez bas pour être sur que seul quelqu'un de très proche d'elle puisse entendre :

- Hylia... Pourquoi m'as tu maudite, moi? Qu'ais-je fait pour mériter ça?

Difficile de ne pas ressentir de l'aigreur pour la Déesse de la Lumière quand cette dernière semblait vous condamner aux ténèbres. Finalement, Ni Dieux, Ni Maitre s'était peut-être pas le dicton le plus idiot quand elle voyait ce que le cumul des deux lui apportait... Mais voilà, impossible de faire autrement pour "Vivianne" la parfaite et charmante Yiga que de souffrir pour le moment.

Quand le calme aura repris cours dans son corps, elle rentrerait, picolerait jusqu'à oublier son nom afin de se réveiller avec la gueule de bois la plus violente qu'elle n'a jamais eu dans sa vie. Pas l'idée la plus intelligente, mais au moins celle qui lui ferait du bien. Juste espérer qu'on continue de l'oublier, qu'elle puisse se concentrer, respirer, vider son esprit...

- Survivre... Survivre... Je vais survivre... Tout le monde va survivre...

Pourtant, cela ne semblait pas fonctionner, quelque chose clochait... Comme une présence, trop proche. Comme une forme terrifiante qui se trouvait de l'autre côté de ses paupières fermées. Tel un serpent vicieux qui n'annonçait rien de bon. Vraiment rien de bon...

Si la vie de Jodariel devait être une pièce de théâtre, nul doute que ce serait une tragédie. Dont l'auteur aurait un cruel et malin plaisir à faire souffrir son personnage principal sur la totalité des actes et des scènes. Pour la pauvre Goron qui avait eu l'horreur de subir affront, revers de fortunes et de sentir la brûlure du danger sur son âme durant la réunion, il devait normalement y avoir un peu de répit après une chute aussi difficile. Mais Hylia n'était pas de cet avis. La personne remplissant la tapisserie de la destinée de notre espionne ne l'était pas non plus. Car la fin catastrophique d'une scène donnait une entrée catastrophique pour la suivante. La peur qui régnait dans son coeur, dans son corps, dans son âme... Cette sensation désagréable, étouffante... Celle d'une présence dangereuse... Ce n'était pas qu'une simple sensation, c'était une réalité.

Réalité qui vint à faire sursauter Jodariel en entendant la voix d'un des membres les plus importants du Clan. La Main. Angelo. Ouvrant alors ses yeux dans un mélange de surprise et de peur, n'ayant même pas réussie à utiliser ses talents de comédienne pour cacher le tout, l'espionne vint à se retrouver face à un des personnages les plus dangereux des Landes... Et ce dernier avait planté son regard dans le sien, amplifiant encore plus la peur de notre pauvre Goron. En face d'elle, ce n'était pas Zael et ses pitreries. Ce n'était pas l'amitié douce et guerrière de Sorcha. Ni même encore la sauvagerie lente d'Einar. Non, c'était bien au dessus de tout cela. Essayant de reprendre une mine plus neutre, la fille Embarr se mit droite avant de s'incliner respectueusement devant Angelo, baissant son visage le plus bas possible pour annoncer son respect le plus total. Mais voilà, on lui avait posé des questions, et énoncé un fait. C'était un test, et elle se devait de trouver les bons mots pour ne pas faire capoter sa couverture... Car sinon... Il ne valait mieux pas imaginer le sort de ceux qui tombaient dans le creux de La Main du Roi.

"Vous... Vous avez raison. Malgré mes craintes, je me dois de les surpasser. Si ma vie peut servir l'Avatar, je... Je me ferais une joie de la donner..." Une légère hésitation frappa rapidement Jodariel qui, en s'en rendant compte essaya de se rattraper. "Je cherche juste à servir le Clan et l'Avatar le plus longtemps possible, bien entendu...Sans provoquer de honte... C'est un immense honneur d'être la. Je ne veux juste pas tout gâcher."

Difficile de savoir si passer pour une potentielle incompétente était mieux que de passer pour une traitresse aux yeux d'Angelo. Mais une chose était sûr, la blonde n'avait aucune intention de mourir. Ou de finir ses jours comme une esclave. Ou pire, s'il pouvait y avoir pire. Mais en voyant tout ce qui était possible dans cette antre de l'horreur, parier sur le contraire n'était définitivement pas une bonne idée. Maintenant, la grande question serait plutôt de savoir ce que la Main ferait de ce que venait de dire la pauvre comédienne se retenant de toute ses forces de trembloter de peur et finalement si ridicule à côté d'une haute autorité.

Mais si la fille Embarr espérait passer cette discussion avec seulement ce test la, elle se trompait lourdement. Angelo semblait l'avoir suivit pour une raison précise, pas juste pour tailler un brin de causette avec la Goron. Le sujet de Melka, la sortie du silence de l'espionne d'un coup d'un seul alors que c'était pourtant une âme si tranquille habituellement... Bon sang, vouloir protéger Robyn lui coûtait extrêmement cher... Et il allait falloir faire attention au moindre mot employé...

"Oh, c'est que tout ce qui concerne les opérations militaires sont si complexe pour moi... J'avais honte d'élever la voix afin de parler pour ne rien dire face à notre Roi."

Commença t'elle alors, le regard suppliant mais se voulant sincère. Timide, mais se voulant fragile afin d'appuyer ses propos.

"Alors que pour ce qui concerne les routes et villes d'Hyrule... J'ai de par ma vie passée une grande connaissance sur ces sujets. Melka m'est familière, comme Elimith. Je me devais de partager ce que je savais, pour le Clan. Pour notre Roi. Pour l'Avatar."

Elle mit son poing contre sa poitrine, un visage un peu plus fermé, se tenant droite pour espérer montrer son implication.

"Veuillez m'excuser si cela puisse paraitre curieux, je voulais juste offrir mes maigres capacités de la meilleure des façons possible..."

Baissant son poing, elle s'inclina de nouveau. Elle espérait que, peut-être, en faire trop sur les courbettes lui serait bénéfique sur cette situation très tendue...

La peur, l'angoisse, la crainte. Ce genre de sentiments accompagnent si souvent la vie des artistes, que cela devient parfois si facile de les oublier quand on obtenait le Saint Graal de la célébrité mais... Jodariel ne s'en était jamais réellement séparée. D'avoir si souvent eu la vie capable de lui rappeler qu'être heureuse n'était pas un acquis, mais un combat constant, l'on oubliait jamais vraiment ce trio qui créaient si facilement : Le doute.

Pourquoi est-ce que la vie lui rappelait donc sans cesse ses faiblesses? Lui rappeler sans cesse que survivre avait un prix? Celui de jouer la comédie, de se battre, encore et encore. Qu'avait-donc ainsi souhaitée cette maudite Hylia en lui infligeant le face à face avec Angelo? Ne pas le craindre? Ne pas avoir peur de lui? Ne pas angoisser? Ne pas douter? Impossible.

Chaque pièce de la comédie se devait être une première représentation, avec les mêmes sentiments initiaux, que l'on soit dans sa première danse, ou, peut-être ici... La dernière. Au moins la fille Embarr avait toujours été douée pour improviser, chercher dans son cœur les mots qui semblaient juste. Combien de personnes avait-elle conduit dans son lit, en tant que Poussières d'Etoiles en trouvant les mots justes? Combien de femmes avait-elle conduit au chantage par les bonnes déductions? Ici encore, il lui fallait trouver les clefs de sa survie.

Et non pas trouver les clefs des chaînes. Ou de la tombe.

Avalant difficilement sa salive face aux paroles de la Main, la Goron avait peur de s'être trompée. Nul doute que si elle continuait dans cette direction sans y trouver une parfaite pirouette, elle serait probablement exécutée pour hérésie... Au mieux. Trouvant le réflexe pour afficher l'indignation en faisant passer cela pour quelque chose de naturelle, Jodariel reprit directement.

"Douter de ses choix? Absolument pas! Je vous pris de m'excuser si mes pauvres mots pouvaient laisser présager un tel affront. Je suis juste simplement touchée par un si grand honneur."

Pour amplifier ses mots, la comédienne avait légèrement écarquiller les yeux, mis une main sur le haut de sa poitrine en inspirant profondément avant de parler. Créant ainsi une certaine, mais fausse, façon de sembler choquer qu'on puisse la croire pour une quelconque perdue dans la foi.

Tout du moins, s'il devait y avoir un foi qui l'avait perdue, c'était probablement celle d'Hylia, vue comment la merveilleuse lumière aimait la condamner aux ténèbres...

Reprenant ensuite un visage un peu plus neutre, essayant de cacher ses craintes qui se développaient au faite d'être observer de haut en bas comme un vulgaire morceau d'humanité à jeter en pâture. Craintes confirmés quand on lui jeta en pleine figure qu'elle montrait clairement de la peur.

Bon sang, c'était elle d'habitude qui était douée en micro-expression. Toute sa vie avait été faite pour travailler sa façon d’interagir avec les gens, et voilà qu'un serpent lui mordait la jambe pour prouver sa supériorité dans cette façon de faire. Pourquoi n'arrivait-elle pas à faire de même dans l'autre sens?

Car elle avait peur, tout simplement. D'Angelo, de ce qu'il pouvait lui faire... C'était clairement assez comme arguments. Que pouvait donc dire Jodariel à ce moment? Nier? C'était clairement stupide. On peut nier une supposition, une question. Mais plus difficilement une affirmation. Surtout que cette fois-ci, la fille Embarr n'avait pas réagit à l'instinct contre les paroles de la Main. Cela aurait fait trop faux, en plus de poser des soupçons sur le jeu global de l'espionne. Jouer la sincérité, pour une fois? Probable... Les meilleurs mensonges sont enrobées de vérités.

"C'est que... Vous êtes clairement une personne impressionnante... Que suis-je à côté de vous? En plus en face à face comme cela, après une telle réunion..."

Vrai regard fuyant, tête légèrement baissée par respect, mains jointes dont les doigts jouaient pour inspirer la notion de peur... Il fallait juste espérer que cela puisse laisser Angelo sur cette route et pas une autre...

Mais ce n'était clairement rien face aux questions et insinuations de la Main. Demandant alors des précisions sur son temps au sein des Yiga, la jugeant sur son arrivée, semblant s'amuser de tout cela, soulignant de potentielles qualités. En regardant ainsi droit dans les yeux du serpents, tout ce que pouvait voir Jodariel, c'était le faite d'être une proie dans ce petit jeu. Une proie qu'on analysait, pour savoir s'il fallait mordre en pleine gorge... Ou laisser couler.

Même en essayant de faire tout les efforts possible pour ne rien laisser transparaitre, quelques-uns de ses doigts se mirent à trembler, légèrement. La lèvre inférieur à se décaler de la supérieur dans un léger bruit presque inaudible... Avant que la comédienne ne reprenne la main de sur son propre corps. Retrouvant sa mine plus sérieuse, balayant devant elle d'un léger coup de main, décalant sa tête pour faire légèrement voler sa longue crinière. Peur, elle? Oui. Mais un numéro se doit d'être terminé par l'artiste, pas par le public.

"Je comprend votre jugement sur ma jeune présence. Quatre Lunes, c'est peu, et je ne peux contre-argumenter dessus. Mais j'offre une grande qualité dans ma façon de gérer mes tâches à la lettre. J'offre un service total." Il fallait mettre de la confiance dans sa voix, une pointe de flamme dans ses yeux. "Je ne dis pas que je suis parfaite, car ce serait insulter bien des choses, et je comprend mes faiblesses comme je vous en fais part sur le côté militaire... Mais j'utilise chaque jour mes forces dans cet entourage, pour l'Avatar et notre Seigneur."

Posant ensuite sa main sur son coeur, relevant la tête de nouveau, essayant d'afficher une grande fierté, elle reprit.

"Je suis dévouée, Angelo. Je fais ce que j'ai à faire, et je ferais toujours ce que l'on me demande de faire. J'obéis, et je le fais avec toute ma volonté."

Maintenant, il fallait juste espérer que cela fonctionne bien, comme discours... Et surtout, ne pas trembler de nouveau...

Quitte à être une feuille, autant ne pas être arracher de l'arbre.