Take me to the top |ft Ejo

Voilà que Vetio était rassuré de l'entendre, ils allaient pouvoir passer aux choses sérieuses. Cependant, quelques plis d'inquiétude ridaient le front de l'aîné en portant plus d'attention au visage d'Ejo. Il semblait épuisé, et quiconque aurait pu s'en rendre compte en posant le regard sur lui. Pas étonnant, après ce qu'il venait de vivre. Personne ne se remettait aussi facilement de la perte d'un ami, pas même un Kokiri. Lui-même avait passé des nuits à ne pas dormir, d'autres à pleurer, et d'autres encore à errer en espérant que le sommeil l'apaiserait. Au final, seul le mouvement avait fini par le tirer de cet éternel cauchemar. L'action avait réussi à embrumer assez son esprit pour qu'il pense à autre chose. Aujourd'hui, il espérait que son entraînement ait le même effet sur Ejo. « Bien. » souffla t-il simplement, se mettant déjà en place pour la suite.

Vetio observa son apprenti s'entraîner, curieux de connaître l'histoire. Raconter ce qu'on a vu de terrible peut avoir un effet bénéfique sur le cerveau. Quand le brun aura expié tout ce qui le tracasse, il aura l'esprit plus clair pour se battre, le Kokiri en est persuadé. Il continua à virevolter, son bâton suivant le mouvement fluide de ses bras, tout en l'écoutant. « La chance n'est pas un paramètre à prendre en compte. » commente t-il, commençant implicitement la leçon qu'il voulait lui donner. « Les alliés, en revanche, oui. » On est toujours plus fort quand on est plusieurs à attaquer. Même si l'un est plus faible que les autres, il peut compter sur leur aide pour s'en sortir. Avoir des alliés, c'est avoir l'avantage du nombre et la possibilité d'établir une stratégie pour vaincre l'adversaire.

Se taisant à nouveau, Vetio écoute la suite de son récit. Il imagine bien les mercenaires, nombreux et rusés, qui attendaient depuis longtemps que l'ennemi mette un pied dans leur piège. Il ne faut que quelques secondes de plus pour que Vetio ne comprenne ce qui avait terriblement manqué à Ejo lors de cette lutte, et ce n'était certainement pas le courage ni le manque d'entraînement. Il lui manquait l'expérience du terrain, des combats et des guerres. Il y avait un enjeu quand il a défendu ce Piaf, c'était de lui sauver la vie. Tuer ces mercenaires n'en provoquait aucun, puisqu'ils avaient été enrôlés sûrement contre leur gré. Mais Vetio sait qu'on ne peut pas engager quelqu'un contre son gré. Ces mercenaires avaient été volontaires, et savaient qu'ils risquaient leur vie.

Poussant un soupir, le blond cessa de gesticuler pour s'approcher d'Ejo. Il posa une main attendrie sur son épaule, tandis que le plus jeune se mettait déjà en position de défense. Bien, il avait encore les bons gestes et bons réflexes. « Ce n'est pas une question d'être un monstre ou non, crois-moi. » Avait-il déjà de lui-même tué quelqu'un dans sa vie ? Il ne s'en rappelait pas, ne s'en étant pas fait une formalité. « Ce genre de batailles va recommencer, ce ne sera pas le premier piège dans lequel tu vas tomber. La peur peut te tétaniser pendant un combat, alors il va falloir apprendre à la dompter. La mort n'est pas agréable à donner, je sais. Mais ces mercenaires connaissaient le prix à payer pour leur engagement. La seule différence entre eux et toi... » Il fit une pause dans son discours, fit le tour d'Ejo l'air de rien, et lui donna un coup de pied dans le dos pour l'envoyer à terre et lui sauter dessus pour le bloquer face contre terre. Tenant le bâton contre sa nuque, Vetio se met à rire, visiblement amusé. « C'est qu'ils sont sans pitié. » vient-il souffler à son oreille.

Il se relève presque aussitôt après, et se met en position d'attaque à quelques mètres d'Ejo. « Relève-toi. » ordonne t-il, son expression du visage affichant un air terrible. Cette fois, il était prêt à se battre, à ruser, et à mettre son jeune apprenti au tapis. « Dompte ta peur, dompte ta douleur. Les combats ne pourront jamais être totalement à ton avantage. Observe les alentours, observe ton adversaire, et trouve les clés pour le défaire. » conseille t-il assez vaguement pour ne pas donner un plat tout prêt à Ejo. S'il veut apprendre, il va devoir y mettre un peu du sien.

Vetio plisse les yeux, tente de comprendre le raisonnement d'Ejo. Malheureusement, le Kokiri, après tant d'années à fouler ce Royaume, a bien du mal à changer d'avis. Si la flèche n'a pas été plantée dans son cœur, mais à côté, c'est parce que celui qui l'a lancé est mauvais. Mais Ejo aurait pu ne pas être touché s'il avait été plus entraîné, ça, il en est certain. Savoir observer son environnement pour comprendre d'où viennent les risques est important. Si on en oublie un, on meurt. Alors non, la chance n'a jamais existé aux yeux du Kokiri.

Ce qu'il doit reconnaître, en revanche, c'est le courage de son élève d'avoir tenté de protéger au péril de sa vie ses camarades, qui ont fait de même avec lui. Mais intérieurement, l'Éclairé craint que la gentillesse et la bonté d'Ejo ne lui jouent des tours un jour. Exactement comme celui qu'il venait de lui faire, lui donnant l'impression qu'il discutait dans le vide pour avoir sa confiance et l'attaquer ensuite. Un sourire éclaira le visage enfantin, et il se permit même un petit rire diabolique en entendant son élève tousser et recracher la terre qu'il venait de goûter amèrement. Non pas qu'il veuille l'effrayer, mais il prenait toujours trop de plaisir à se battre pour entraîner ses rares élèves. « Je sais, c'est injuste. Mais c'est comme ça que je fonctionne. Parfois, il faut savoir tirer tous les avantages du combat. La ruse est la mienne. » reconnaît il face à l'intelligence de son acte.

Il le laissa ensuite prendre en main le combat, attendant l'attaque du Zora tranquillement. En le voyant foncer vers lui, face à face, il fut facile de l'éviter et de l'empêcher de porter son coup en s'écartant à la dernière seconde. Un frisson d'excitation parcourut les jambes du Kokiri qui sautillait presque sur place. Encore une dépense d'énergie inutile dont il ne pouvait pas se passer. « C'est pour ça que tu seras un bon combattant. » commente Vetio, sincère. On défend mieux les autres quand on a pas peur d'y perdre la vie. C'est agréable d'entendre le jeune Jotaro le prononcer fièrement, d'ailleurs. Ils s'attaquèrent à nouveau, et Vetio continuait d'asséner des petits coups de bâtons rapides et réfléchis. Au bout d'un moment, voyant que son élève est désemparé, il s'arrête. « Ejo. » Le nom de l'initié est prononcé avec la dureté de la pierre, juste une fois, pour le forcer à se concentrer. Poussant un soupir, Vetio vient poser son bâton contre le mur et revient vers lui. « Moi, quand j'ai peur, je me cache. » avoue-t-il en haussant les épaules. C'est vrai qu'il a de la chance, de pouvoir disparaître grâce à la magie. « Baisse les yeux. » Il se penche pour ramasser de la terre entre ses doigts et ouvre sa paume devant son visage. Il souffle la terre dans le vide puis jette un regard entendu à Ejo. « Même dans un endroit qui semble vide, tu as des armes. Si tu te retrouves enfermé, sans eau pour t'en sortir, n'oublie pas que la terre te répondre aussi, même sans magie. » Un sourire bienveillant finit par éclairer son visage ravi. « J'appelle ça le "fais manger de la terre à tes ennemis". »