Voilà une lune qu’elle n’avait pas eue de nouvelles de Trascer, ni de Xanto ou de ses suppos. Elle ne s’attendait pas à en avoir tout de suite car une traque prenait toujours du temps Son ex-conseiller devait être occupé à se terrer dans un trou à rats, le temps que la tension ne retombe et qu’il puisse de nouveau comploter pour la faire abdiquer. Il n’y avait plus de couronne à voler, plus de fragment à désirer. Elle gardait sa place de régente de Metzli même si elle ne faisait pas l’unanimité. Il fallait que Trascer se débrouille particulièrement bien pour lui mettre la main dessus. Elle espérait tout de même ne pas avoir trop à attendre. Il lui faudrait prendre une décision bien assez tôt. Elle avait donné sa sentence lors de ce funeste retour. Pouvait-elle revenir sur ce dernier ? Décider de le garder en vie malgré tout ce qu’il avait fait ? Malgré les mots qui la scarifiait encore et qui continuaient de la hanter dès qu’elle fermait les paupières avant de s’endormir et de revivre ce moment dans ses cauchemars. Il devait mourir. C’était le prix de sa trahison.

« — Votre Majesté. » La voix d’un homme la tira de ses pensées. « Les préparatifs avancent bon train pour déblayer la salle du trône. » L’informa-t-il d’une voix calme.

Midona ne réagit pas tout de suite. Le corps tourné vers la grande fenêtre de la salle qui lui servait de salle du trône désormais, elle gardait son regard tourné vers le reste du château, et sur les ruines qu’elle n’apercevait pas entièrement de son point de vue. Ses paupières papillonnèrent un instant tandis qu’elle revenait dans le moment présent et qu’elle prenait conscience à nouveau de toutes les réparations que les éboulements avaient nécessité dans son Royaume. Elle avait entendu que des bâtiments s’étaient élevés de certains éboulements, ces derniers s’étaient déroulés dans tout Hyrule. Ce ne pouvait pas être l’œuvre de Xanto, mais y avait-il quelqu’un derrière cette puissante magie ? Et si cela avait un lien avec la salle qu’ils avaient découvert sous le château d’Itzal ? Les interrogations s’amoncelaient et ne faiblissaient guère. Il était plus que temps qu’elle se rende en expédition dans cette étrange cave.

« — C’est trop lent ! Il faut impérativement que la voie soit libre dans les prochains jours. » Répondit-elle d’une voix autoritaire sans se tourner vers l’architecte.

Elle vit la silhouette de l’homme faiblir un peu, surpris par le ton de la Reine, mais il ne s’éloigna pas pour autant, signe qu’il avait autre chose à lui dire. Midona tourna la tête un peu, toujours sans lui adresser de regard.

« — La reconstruction du port d’Abyssal a débuté également. Nous espérons pouvoir revenir à un fonctionnement normal avec tous les quais opérationnels dans quelques lunes. » Poursuivit-il d’une voix qui se voulait rassurante.

À cela, Midona éructa un soupir et le ton de sa voix se radoucit. Il était hors de question que le port de Metzli ne fonctionne qu’à bas régime alors que son peuple souffrait des ravages de son absence. Les vivres et marchandises devaient pouvoir être affrétées efficacement si elle voulait que son pays puisse se relever de cette épreuve.

« — Le plus rapidement possible. Engagez autant d’ouvriers que nécessaire pour être plus rapide. Qu’ils travaillent de nuit si nécessaire. » Ordonna-t-elle en réponse.

Il acquiesça puis fit une courbette avant de s’effacer rapidement pour retourner à ses affaires de bâtiment et de reconstruction. Elle pivota sur elle-même pour regarder l’homme sortir de la pièce puis retourna s’asseoir dans son siège pour recevoir le prochain plaignant, ou les prochaines informations. La journée était un peu lente et elle avait hâte de prendre congé pour aller se dégourdir les jambes en extérieur. Elle entendait la pluie taper contre les vitres des fenêtres, lui signifiant qu’il ne faudrait pas qu’elle craigne d’être mouillée si elle se décidait à sortir. La fin de l’année 1000 approchait, et avec celle-ci, l’hiver pointait doucement son nez. La saison des tempêtes revenait sur les terres de Metzli, ce qui n’arrangerait pas les semences et les récoltes. La salle était particulièrement froide en ce jour sombre et elle fit signe à l’un des servants de rajouter des buches dans la grande cheminée afin que la chaleur se répande davantage dans la pièce. Habillée d’une longue robe d’ébène au col de fourrure de renard argenté, elle ressentait le froid qui venait lui bruler les mains et raviver le rose sur ses joues pâles.

Une tempête se préparait en extérieur. Le vent se levait et frappait les vitres en bourrasques de plus en plus fortes. Ce n’était pas la dernière, ni serait la dernière. L’hiver apportait toujours son lot d’intempéries.

Soudain, la porte s’entrouvrit sur un garde pourpre dont les vêtements étaient sales, signe qu’ils étaient encore dehors peu de temps auparavant. Il se présenta à elle, s’agenouilla, et le cœur de Midona sembla s’arrêter lorsqu’il prit la parole, tant les mots énoncés avaient été désirés cette dernière lune.

« — Votre Altesse, Trascer Citeri a capturé le renégat Xanto Odair. » L’entendit-elle lui dire. « Comme convenu, nous vous l’avons ramené vivant. »

Midona se leva brusquement de son siège, se désintéressa du garde pour braquer son regard sur la grande porte qui allait faire entrer le traitre. Elle avait tant attendu que ce jour arrive, espérant chaque jour que ce soit le bon. Elle avait expressément ordonné à Trascer et aux gardes de ne pas la prévenir en amont pour ne pas risquer que le message soit intercepté.

« — Où est Trascer Citeri ? » Questionna-t-elle le garde avant de faire pénétrer le corbeau, puis elle se ravisa. « Peu importe, je verrai cela plus tard. Faites entrer le traitre ! » Exigea-t-elle d’une voix forte.

La grande porte en bois massif s’ébranla de nouveau et entièrement, laissant pénétrer dans la salle plusieurs gardes pourpres qui tenaient fermement dans leurs chaines, un homme amaigri et terne, aux cheveux sales et aux habits boueux. Alors qu’il était trainé devant elle, la Reine prit conscience qu’il était l’heure de prendre une décision. Il devait mourir pour ce qu’il avait fait. Il le devait. La rousse ne savait pas réellement quel sentiment elle éprouvait désormais. La colère était toujours bien présente, elle alimentait ses veines de ce même poison qui ne la quittait plus. Il y avait également du chagrin. Celui de devoir devenir le bourreau de l’homme qu’elle avait aimé.  

Les gardes autour d’elle se tendirent, ils hésitèrent à sortir leurs armes de leurs fourreaux, alors que le traitre était étroitement enchainé. Le voir ainsi acculé, affaibli, avait quelque chose de grisant. Il ne méritait que cela. C’était sa faute et uniquement la sienne s’il se retrouvait dans cette situation de soumission. Il avait tout tenté et il avait perdu. Il était un traitre, un odieux monstre qui l’avait humilié devant toute la cour de Metzli. Il méritait cette sentence. Il méritait de mourir comme un animal.

La Reine descendit les quelques marches d’où son siège se tenait pour marcher vers Xanto. Les gardes autour d’elle se rapprochèrent en anticipation. D’un geste de la main, elle leur intima de ne pas bouger. Son visage trahissait l’exultation du retour du traitre entre les murs du château d’Itzal. Dans un silence de mort, la Reine Crépusculaire fit le tour de Xanto tandis qu’il était toujours tenu par les gardes qui l’avaient emmené. Elle le dévisagea sans un mot, scruta ses habits, cherchant ses blessures. Il était en piteux état mais en un seul morceau.

Quand elle eut fini son tour, elle se posa en face de lui, à une certaine distance tout de même, plongeant ses prunelles de glace dans celle de son ancien ami.

« — Trascer a été bien clément, je t’aurais écrasé les membres un par un pour m’assurer que tu ne t’enfuies pas et que tu souffres le martyr au passage. » Cracha-t-elle. « En voilà au moins un qui ne finira pas dans la fosse commune. »

Le revoir provoqua une irrémédiable fureur et, sans parvenir à se contrôler, Midona réduisit la distance qui les séparait d’un pas rapide et le gifla. Si fort que le bruit résonna dans la pièce. Elle grimaça un instant, sentant sa propre main bruler.

« — Est-ce le retour que tu espérais, traitre ? » Le ton était glacial, comme l’étaient ses prunelles qui ne le quittaient plus désormais. « Est-ce de cette manière que tu comptes me hanter ? »

Le reste du château d’Itzal aurait bien pu finir de s’écrouler que Midona ne l’aurait pas vu, absorbée par les deux prunelles sombres de son ancien ami. Elle y voyait tant de sentiments nouveaux pour elle, des émotions qu’elle avait vu pour la première fois sur ce visage, lors de son retour un peu plus d’une lune plus tôt. Même acculé de la sorte, retenu par deux gardes, tandis que le dernier se tenait prêt à réagir au besoin, il gardait la tête haute. La rousse ne voyait plus les gardes. Du moment où il était entré dans la pièce, elle n’avait pas pu décrocher ses prunelles bouleversées de la silhouette claudicante qui avait marché vers elle. La rousse n’avait d’yeux que pour l’homme qui se tenait là, aux cheveux hirsutes et aux vêtements recouverts de sang séché et de boue. Elle ne voyait que cette âme en peine qui avait été ramenée de force vers son maitre pour en connaitre le jugement définitif de sa sentence. Il n’y avait plus rien qu’il ne puisse faire, ou qu’il ne puisse dire, car ce jugement était déjà scellé. Il l’avait été depuis qu’il avait retiré son masque.

Le visage du traitre s’était lentement retourné vers elle après la soudaine gifle. L’échange de regards fut glacial. Elle put lire dans celui-ci, et son langage non verbal, toute l’humiliation et la colère que cela engendra chez le Twili. La Reine Crépusculaire resta droite, se tenant inébranlable devant lui pour lui montrer à quel point elle était plus forte que ce qu’il imaginait. Pourquoi ne mériterait-elle pas d’être Reine ? Qu’avait-elle fait de mal, si ce n’était de ne pas avoir cru en sa réussite ? Midona soutint ce regard, peu impressionnée par la haine qui en transparaissait. Elle avait su à quoi s’attendre. Ce regard, elle l’avait déjà croisé à son retour d’Hyrule, lorsqu’elle avait cru retrouver un ami de confiance. Il l’avait alors hanté car jamais la jeune femme n’aurait pu imaginer pareille trahison de la part de son ami d’enfance.

L’homme, qui était face à elle, était un étranger. Étroitement et lourdement enchaîné, il conservait un air dédaigneux dégoulinant d’amertume. La dernière lune à se cacher comm un fugitif n’avait probablement rien arrangé à cela. Cet homme avait tout perdu. Qu’avait-il encore à perdre aujourd’hui ?

« — Il y a erreur ? » Elle rit. Un rire spontané, incontrôlable. Quel culot ! Elle n’avait qu’un geste à faire, qu’un mot à prononcer, pour qu’il se noie dans son propre sang.

Elle continua de rire, devant le regard circonspect des gardes qui s’observaient en s’interrogeant sur ce qu’ils devaient faire. La rousse ne s’en intéressa pas, elle passa une main sur son visage, sentant le froid de celle-ci sur ses joues désormais brulantes. Elle trouvait cela particulièrement drôle qu’il se permette de se comporter de la sorte alors qu’elle le tenait sous son joug. Il était entièrement à sa merci quoiqu’il puisse en dire.

« — Je crois que je ne t’aurais pas donné tort quelques lunes auparavant. » Répondit-elle avec un sourire triste. « Nous savons tous les deux que je ne me voyais pas gagner l’Épreuve des Héritiers. Et pourtant, c’est sur moi que la Couronne s’est posée, et c’est moi qui l’aie supportée. » Elle croisa ses bras. « Après tout ce temps, tu n’arrives toujours pas à accepter ta défaite. » Midona fronça le nez. « Il était hors de question que je ne combatte pas. Ce n’est pas ma faute si j’ai été plus forte que toi. Tu n’avais qu’à être plus fort. »

L’homme qui se tenait là, était tout à la fois un étranger, qu’un ami cher. Il utilisait des mots qu’elle connaissait, l’appelait comme elle avait été jadis surnommée. Mais ce n’était pas la personne qui les avait utilisés en ce temps-là. Cela avait alors été un jeune homme plein de promesse, fier et orgueilleux, qui avait hâte d’en découdre. Un jeune homme qu’elle avait chérie auprès d’elle mais qu’elle n’avait jamais aimée comme il aurait voulu l’être. Des sentiments, elle en avait eu, mais avaient-ils été suffisants ? Probablement pas. Elle n’était pas certaine d’avoir un jour ressenti de l’amour pour lui. Les choses auraient-elle été plus simples si cela avait été ?

« — Peut-être ne devrais-je pas en avoir, de la pitié, après la façon dont tu m’as humiliée. Mais oui, tu as raison, j’ai pitié de l’homme que tu es devenu. » Toute hilarité l’avait désormais quittée, et elle le fixait d’un visage qui n’exprimait aucune expression. Elle était à l’image de ce qu’elle ressentait en ce moment : elle se sentait vide. « J’ai pitié que ton orgueil et ta fierté se soient toujours trouvés entre nous. »

Elle ne releva pas son attaque sur ses cheveux de feu. Elle se souvenait bien de ses mots qu’il prononçait quand ils étaient jeunes. Elle avait tant aimé qu’il l’appelle comme ça, en ce temps. Ce n’était qu’une fenêtre vers le passé, un temps révolu qui n’existerait plus jamais. Pas après ce qu’il s’était passé. Pas après qu’il eut essayé de la poignarder dans le dos.  

« — J’ai compris, lors de mon retour, que tu avais toujours joué un acte depuis mon couronnement. J’imagine que les seules fois où tu fus honnête avec moi, furent lorsque nous étions plus jeunes, quand il n’y avait pas encore d’enjeux imminents, lorsque nous parlions comme si nous pouvions décider de notre destin. » C’était une autre époque, un autre monde presque, tant la réalité était toute différente. « Tu n’as jamais accepté que Midona, l’héritière qui rêvait plus d’aventure que de palais, te ravisse tes espoirs de royauté. »

Elle marcha un peu sur le côté, les bras toujours croisés, tandis que ses gardes le tenaient étroitement dans ses fers. Il était plus vulnérable qu’il ne l’avait été. Cela ne serait pas difficile de lui ôter la vie, juste comme ça, comme si c’était facile. Comme s’il n’y avait jamais eu aucun lien entre eux. Elle n’aurait qu’à prendre une lame, n’importe laquelle, une épée ou une dague, et lui trancher nette la gorge. Bien qu’elle ne soit pas une bonne combattante en corps à corps, elle savait où était la jugulaire. C’était à cet endroit que l’on égorgeait les bêtes pour qu’elles se vident de leur sang.

Il était bien un animal. Son regard n’avait plus rien d’humain. Elle n’y discernait que de la bestialité dans ses prunelles obscures. Malgré tout, méritait-il de mourir comme un chien ?

« — Que ferais-tu, à ma place, Xanto ? »

L’homme enchainé qui se tenait face à elle, restait immobile, campé sur des jambes certainement épuisées. Elle aurait peut-être pu lui proposer de s’asseoir pour discuter entre gens civilisés mais la rousse n’avait pas confiance en lui, et elle n’avait pas envie de lui attribuer ce confort après tout ce qu’elle avait vécu par sa faute. Toutes ces nuits d’insomnie qu’elle avait supporté, tous ces cauchemars qui l’avaient angoissé, il en était responsable pour la plupart. Elle lui en voulait. Oh, elle lui en voulait tellement. Son visage transparaissait ce certain dégoût qu’elle ressentait envers cet homme. La culpabilité, elle la ressentait également envers elle-même. Peut-être aurait-elle dû voir quelque chose, ou être davantage méfiante. Elle avait cru pouvoir faire confiance à Xanto. Voilà cinq ans qu’elle était Reine de Metzli. Cinq ans qu’elle avait gardé son ami proche d’elle. Seulement pour obtenir la trahison de ce dernier quand elle désirait sa présence le plus ardemment auprès d’elle.

Midona s’était arrêtée à nouveau, face à lui. Son regard cherchait à le sonder tandis qu’il reprenait d’une voix presque moqueuse, sur le sort qu’il se serait réservé. La rousse en vint à s’interroger sur ce qu’il aurait fait d’elle, Reine déchue, si son coup d’état avait porté ses fruits. Aurait-il pavané la tête épouvantée de la jeune femme dans tout le Royaume pour montrer sa puissance ? L’aurait-il renvoyé en Hyrule pour continuer à vivre comme un rebus de la société ? Il était capable de tout, non ? La rousse ne croyait pas en une méchanceté innée chez son ami. Elle ne pouvait pas avoir imaginé tous ces moments passés ensemble. Avait-il réellement été un menteur pendant toutes ses années ? N’y avait-il jamais eu aucune vérité entre eux ? L’homme qu’elle avait adoré n’était-il qu’un mensonge, après tout ?

Elle peinait à le croire. Non, elle refusait d’y croire.

Mais elle lui en voulait tant.

« — C’est vrai. » Sa voix lui semblait étrangère à sa personne. « J’aurai aimé que ce soit différent entre nous. » Elle réfléchit et se reprit. « Ou plutôt, que rien ne change. » Elle conservait un sourire triste sur les lèvres, en pensant aux années de son enfance où les deux Twilis avaient été inséparables.

Midona était peut-être faible après tout. Car elle espérait que son ami ne serait pas la personnalité qu’elle avait retrouvé à son retour d’Hyrule. Un conflit interne se jouait dans son esprit. Elle voulait croire en cette amitié, mais ne pouvait décemment plus lui faire confiance. Du tout. Cette ombre resterait toujours sur ses épaules. L’incertitude des mensonges, les doutes sur ses intentions. Comment pourrait-elle un jour vivre à nouveau à ses côtés ?

Elle l’avait condamné à mort. Et il l’était, un peu, à ses yeux. Car la personne qu’il avait été pour elle, était bel et bien morte et enterrée.

« — Et pourtant, je t’ai condamné à mort ce soir-là, Xanto. » Souffla-t-elle en baissant les yeux momentanément, comme si elle regrettait d’avoir dû faire cela. « Est-ce cela que tu appelles de la clémence ? » Un soupir s’échappa de ses lèvres. Elle l’avait condamné alors qu’elle ne désirait pas sa mort. « Et je l’ai désiré, ta mort, ce soir-là. Oh, je t’aurais tué sur le champ. » Sa mâchoire se serra ainsi que ses poings, revoyant la scène d’alors. « Je t’ai détesté… Je t’ai détesté pour avoir oser te jouer de moi, me trahir au moment où j’avais le plus besoin de mon ami. » Prise d’un élan de rage, la rousse l’attrapa par le col, rapprochant son nez du sien et plongeant son regard dans le fond de ses prunelles. « N’ai-je jamais été bonne avec toi ?! Je t’ai donné la meilleure place possible, dans mon conseil restreint. Je t’ai écouté, même quand je n’étais pas d’accord avec toi. J’ai suivi tes conseils. Je t’ai fait pleinement confiance ! Et pour quoi ? Pour qu’à la première possibilité, tu cherches à tout me reprendre ! Tu n’es qu’un imbécile. » Elle le relâcha brusquement, fit volte-face en expirant fortement de sa bouche. Ses épaules se détendit et elle baissa la tête.

Il fallait qu’elle conserve les épaules droites, qu’elle garde la tête haute et fière. Montrer sa faiblesse à Xanto, c’était lui montrer qu’il avait encore une chance de lui faire du mal, de la renverser, alors qu’il l’avait tant scarifiée de ses mensonges et de ses actes. Elle ne voulait plus lui permettre de la blesser comme il l’avait fait ce soir-là. Mais l’exercice était difficile. Son cœur combattait sa raison et elle ne savait plus tout à fait à qui se vouer à cet instant. Elle ressentait toujours tant de haine, qui se mêlait à la tristesse de devoir être, peut-être, le bourreau de son meilleur ami.

« — Oh, j’y ai réfléchis et c’est ce que je voulais faire. » Sa voix grondait doucement, comme les grognements d’un animal. « Afficher à tout le Royaume la tête décapitée de l’homme qui avait osé défier la Reine de Metzli. Quoi de mieux que cette dernière humiliation pour le grand Xanto Odair ! » Elle se retourna vers lui, scruta son visage pâle. « C’est tout ce que tu mérites, après tout. J’ai juré que je le ferais. J’ai juré que je te tuerais. » Et ce temps était arrivé.  

La colère qu’elle avait ressentie était toujours là mais semblant doucement s’étioler à mesure que son regard tombait sur le visage de son ancien ami. Elle était faible quand il s’agissait des personnes qu’elle avait aimé. Midona ne pouvait pas s’imaginer qu’il ne soit réellement que mauvais. Elle ne l’avait pas connu comme cela autrefois. Oh, elle l’avait haï cette dernière lune, plus qu’elle n’avait jamais haï quelqu’un auparavant. Le désir de mort à son endroit énoncé le jour de son retour avait été réel. Mais alors qu’il se retrouvait face à face, la rousse prenait surtout conscience qu’elle ne savait pas comment faire pour mettre à mort son ami sans tuer un petit morceau d’elle-même au passage.

Condamner Xanto à mourir, c’était faire le deuil d’une partie d’elle-même. C’était dire adieu à bon nombre de souvenirs qui deviendraient alors trop douloureux à se remémorer. Par ce geste ultime, elle réduisait l’une des familles de Metzli les plus puissantes, au statut d’ennemi de la couronne. Mais les parents Odair devaient-ils subir son courroux alors que seul le fils était coupable de haute trahison ?

« — Vous ! » Elle se tourna brusquement vers l’un des gardes dans la pièce, qui se redressa brusquement devant le soudain appel de la régente. « Allez me chercher le commandant de la garde. » Il hésita mais le regard de glace de la souveraine finit de le persuader.

Le garde sortit rapidement de la pièce et Midona reporta son attention sur Xanto. Elle avait pris sa décision.

« — Me hais-tu vraiment ? » Lui demanda-t-elle après un silence.

La décision de la rousse de faire mander le commandant de la garde marqua un changement de comportement chez son ancien ami. Peut-être était-il finalement conscient de sa chute imminente, et des enjeux auxquels il devait désormais faire face en revenant à Itzal. Il n’était pas stupide et devait savoir depuis le début ce qu’il encourait lorsqu’il croiserait de nouveau sa route. Était-il honnête ? Envers elle et envers lui-même ? Se jouait-il d’elle à nouveau en arborant le visage de la surprise, simplement pour qu’elle le prenne en pitié et le sauve de ce mauvais pas ? Midona ne pouvait plus lui faire confiance après tout. Cette confiance qu’elle lui avait attribuée presque aveuglément, si naïvement, elle ne pensait plus pouvoir la donner à nouveau à quelqu’un tant elle avait été démolie. Elle était parfaitement incertaine des émotions qu’elle pouvait lire sur le visage de Xanto à ce moment précis. Ce qui lui avait semblé évident par le passé ne l’était plus du tout.

Le corps parjure sembla se recroqueviller, comme sidéré par l’épée de Damoclès qui se rapprochait peu à peu de sa tête, prêt à la trancher à tout instant. Des émotions traversaient son visage et son esprit, à mesure que le silence s’installait et que seules se distinguaient les respirations de chaque témoin de la disgrace de l’ancien conseiller de la Reine. À la fois arbitre de ce trépas, victime de ses complots et persécutrice, la rousse resta interdite. Ce spectacle, elle n’avait jamais voulu poser un jour les yeux dessus. Ce n’était pas la Reine qu’elle avait désiré être, ni celle qui devait mener Metzli. Mais devait-elle se sentir mal de le condamner à payer ses propres actions ? Devait-elle s’interdire de le punir pour toute la souffrance qu’il lui avait provoqué ? Pourquoi serait-ce à elle de pardonner ces cinq ans de mensonge ? Il s’était moqué d’elle. Il méritait son courroux. Il méritait de crever comme un chien. Et pourtant, son cœur se serrait, ainsi que sa gorge, à la vision de son ami qui se mortifiait face à elle.

Quand il la regarda à nouveau, elle ne savait plus très bien quoi reconnaître dans ses prunelles cristallines, autrefois noircies d’antipathie. Elle avait l’impression d’y discerner du doute, du regret même. Mais elle ne pouvait pas en être sûre. Xanto lui avait montré à quel point il avait usé de manipulation pour arriver à ses fins. Et s’il la manipulait à nouveau, pour se sauver de la mort que Midona pouvait lui donner à chaque instant ? Elle chercha son regard quand il baissa le sien. Oh, elle s’était attendue à se faire insulter avec la plus grande véhémence, à se faire cracher dessus, à raviver des choses qui ne lui plairaient certainement pas. Elle avait anticipé la tempête, le dos droit, mais elle ne s’était pas attendue à entendre ces mots de ses lèvres.

Il l’avait aimé.

La rousse ne sut pas comment accueillir ces paroles. Si une partie d’elle lui murmurait qu’elle l’avait toujours su, l’autre lui rappelait qu’elle ne pouvait pas faire confiance à tout ce qui sortait de la bouche de ce félon. Il jouait sa vie, bien sûr qu’il n’allait pas attiser sa colère. Elle grimaça et fronça le nez, adressant un regard courroucé au garde qui se permit de souffler de façon outrée. Il ne le croyait pas. Est-ce que la Reine le croyait ? La jeune femme se mua dans un silence douloureux. Elle tenta d’arborer son masque d’impassibilité, de faire comme si cela ne la touchait pas, comme si elle ne pouvait pas le croire. Mais elle en était bouleversée, et lorsqu’il releva le visage pour la regarder de nouveau en face, elle l’écouta.

Imbécile.

Les gardes qui le tenaient toujours étroitement, le forcèrent à se mettre à genou tandis que la colère grimpait dans son torse et ravivait les échos de sa voix contre les murs de la grande pièce. Midona accueillit ses mots, droite, sans le quitter de ses prunelles bleues. Elle entendait. Elle comprenait. Mais les mots étaient comme des aiguilles qui s’infiltraient précisément dans son cœur. Sa gorge se serra et elle avala douloureusement sa salive. Oh, elle avait envie de le gifler une nouvelle fois. Pour avoir gardé ça pour lui. Pour le lui dire maintenant, alors qu’elle n’était pas certaine de pouvoir faire confiance à un traitre mot de ce qu’il lui disait. Autrefois, elle aurait aimé entendre ces mots de sa bouche. Elle aurait eu du mal à les accepter, s’en serait protégée peut-être, mais elle aurait aimé entendre de la bouche de son ami, qu’il avait des sentiments pour elle.

Elle n’aurait jamais pu lui rendre ces sentiments car la rousse n’avait pas ressenti cet amour pour l’homme ténébreux qu’il était. Elle l’avait adoré, si fort, si passionnément, mais elle ne l’avait jamais désiré pour en faire un amant. Non, elle l’avait aimé comme le frère qu’elle n’avait jamais eu. Elle avait certainement eu tort de lui promettre qu’ils pourraient régner ensemble, que leurs familles pourraient s’unir. Ses paroles dénuées de conséquence l’avaient blessé. Mais aurait-il seulement accepter une place à ses côtés sans être Roi lui-même ? Elle avait dit à son père, lorsqu’elle l’avait vu, qu’elle était persuadée que Xanto n’aurait jamais accepté un simple rôle de Roi Consort, et elle en restait fermement persuadée. Les mots avaient été trop durs à extirper de sa gorge. Elle s’en voulait de son silence. Combien de fois avait-elle scellé ses lèvres alors qu’elle aurait dû parler ? Xanto était fier, elle s’était toujours sentit un peu étrange après son couronnement. Il y avait eu un malaise. Elle avait gagné où il avait échoué. Et la déception avait fait place à la haine. Elle avait été dans le déni de tout ceci, et pourtant elle aurait dû le savoir. Elle aurait dû s’en rendre compte. Quelle piètre amie elle avait été.  

Les larmes auraient pu s’écouler de ses yeux et ne jamais s’arrêter de rouler sur ses joues. La seule fois où elle avait versé des larmes avait été devant la destruction de la Couronne des Ombres, et face à lui. Alors qu’elle scrutait son visage, elle eut l’irrémédiable envie de se déverser de toutes les émotions qu’elle ressentait et qu’elle ne parvenait jamais à sortir. Si elle avait commencé à pleurer, elle n’aurait jamais pu s’arrêter. Elle avait perdu son ami. Et la tristesse qu’elle ressentait à ce moment était désarmante et accablante.

Malgré tout, Midona entendait à nouveau sa voix lorsqu’il lui avait proféré toutes ces menaces, ce soir-là. Lorsqu’il lui avait craché tout son fiel et qu’elle avait perdu tant de choses. Elle avait conservé sa place de souveraine mais elle avait perdu beaucoup de choses. Beaucoup trop pour qu’elle n’en ressorte indemne. Et son regard… Il l’avait hanté. Par moment, elle avait eu le sentiment qu’il la fixait dans l’obscurité, qu’il était là, au-dessus de son épaule à la scruter. Pouvait-elle faire confiance à cette ombre qu’elle avait désormais, à genoux, face à elle ?

La rousse se mura dans le silence sans cesser de regarder son visage. Indécise quant à ce qu’elle devait ou pouvait répondre. Les gardes s’étaient immobilisés devant l’absence de réaction de la Reine. Elle était bouleversée et il était difficile pour elle de le cacher sur son visage pâle.

« — Je t’ai aimé aussi… » Répondit-elle d’une voix vide de toute émotion. Elle ouvrit la bouche pour poursuivre, quand la porte s’ouvrit et fit pénétrer le commandant de la garde. Je t’ai aimé comme le frère que je n’ai jamais eu. Tu m’as donné la force. C'est grâce à toi que je suis là.

L’homme habillé de son armure pourpre s’avança vers elle d’un pas déterminé. Il adressa à Xanto un regard froid et un sourire satisfait, puis reporta rapidement son attention sur sa Reine devant laquelle il montra ses respects.

« — Votre Majestée ? » Dit-il d’une voix interrogative.

Elle ne détourna pas son attention du félon. Sa décision était prise. Il la redoutait. Mais Midona n’était pas le souverain que Xanto aurait été. Elle n’était pas une Reine vengeresse dénuée de toutes émotions. Et elle ne pouvait pas condamner à mort l’imbécile qu’elle pleurait.

« — Xanto Odair… » Articula-t-elle en le dévisageant. « …Je te condamne aux cachots d’Itzal. » Sa voix forte se voulait sans appel, sans faiblir. Elle se sentait un peu dissociée tant elle était vide. Ce n’était pas à la mort qu’elle le condamnait mais la sentence n’en était pas moins tragique pour l’enfant qu’elle avait été à ses côtés.

Les gardes autour d’elle semblèrent la dévisager, se questionner sur la raison de cette décision à laquelle ils ne s’étaient pas attendus. Midona avait explicitement désirée la mort de Xanto le soir de son retour et ne s’en était pas cachée. Elle n’avait pas vu d’autres moyens pour le faire taire qu’en le faisant disparaitre, qu’en le tuant de ses propres mains. Et la rousse avait encore eu ce désir quand il avait passé la grande porte de son château. Elle avait désiré le tuer et le faire taire à jamais. Et voilà qu’elle en était pourtant bien incapable.

« — Votre Majestée… » La voix du commandant de la garde s’éleva après avoir croisé le regard des deux autres. « …Cet homme est l’ennemi de la Couronne, vous avez tous les droits de… » Il n’eut pas le loisir de terminer sa phrase que la Reine lui attrapait les joues d’une main et les serrait entre ses doigts, plantant ses ongles dans la peau.

« — JE décide ! » Gronda-t-elle en le relâchant avec fureur. « Je veux qu’il soit gardé par plusieurs gardes à chaque instant, qu’il soit privé de sa magie, et qu’il ne quitte pas sa cellule. » Elle savait qu’il pouvait se téléporter même s’il n’en était probablement pas capable dans son état actuel.

Les deux gardes pourpres qui tenaient le félon enchaîné n’ajoutèrent rien et tirèrent de concert sur ses liens pour l’obliger à se relever sans ménagement. Midona n’avait pas bougé de sa place, et n’avait quitté Xanto des yeux que pour menacer son commandant de lui percer la peau à l’aide de ses ongles. Elle se retrouva toujours face à lui, avec l’envie de le gifler autant que de le prendre dans ses bras. La rousse se mordit la lèvre et fit un pas en arrière, rejoignant ses mains vers elle.

« — Je ne peux m’y résoudre. » Murmura-t-elle en lui adressant un regard anéanti. « Par amour... »

Pour l’amour qu’elle lui avait jadis porté, elle ne pouvait pas lui donner la mort.

Elle s’était crue assez forte et assez froide pour aller au bout de sa condamnation. Combien de nuits avait-elle passé à se persuader qu’il avait mérité son sort et qu’elle ne faisait qu’appliquer la suite logique de sa trahison ? Si la personne condamnée n’avait pas été Xanto, elle n’aurait eu aucun scrupule à aller au bout de sa promesse de le tuer. Il était question de la traitrise à la couronne et d’une tentative de coup d’état. Il avait été considéré comme le plus grand félon, comme l’ennemi à abattre lors de cette dernière lune. L’ancien conseiller de la Reine méritait de mourir pour ce qu’il avait fait, ou plutôt pour ce qu’il avait tenté de faire.

Le corbeau resta silencieux comme s’il avait été assommé par la sentence. Elle voyait à son regard que ce n’était pas celle-ci qu’il avait anticipé. Le fil de l’épée aurait dû passer dans sa nuque pour le faire disparaitre à jamais. Mais la Reine Crépusculaire en était incapable, elle ne pouvait pas le tuer. Les gardes pourpres le poussèrent en avant et le prisonnier fut bien forcé de les suivre. Il ne quittait pas la rousse des yeux, et celle-ci ne le pouvait pas non plus. Le visage cerné par le chagrin, elle le regarda jusqu’à ce que la porte se referme derrière lui et que le silence l’enveloppe de nouveau. Un silence douloureux et amer.

Son regard s’arrêta sur les nervures du bois de la porte et elle sentit son cœur se serrer cruellement, assourdie par le soudain silence. Elle manquait d’air. Il fallait qu’elle sorte. Et tant pis si le vent frappait contre les vitres, tant pis s’il pleuvait des cordes, tant pis si on l’attendait ailleurs. Elle devait sortir de la pièce. Elle devait sortir du château.

Un garde s’approcha d’elle et Midona leva une main pour lui intimer l’ordre de s’arrêter et de ne rien dire.

« — Assez. » Articula-t-elle sans tourner son visage vers l’homme qui s’était approché. Si elle en disait plus, sa voix se briserait.

Et sans rien dire de plus, elle s’extirpa de la pièce d’un pas rapide et déterminé, pour rejoindre directement les écuries où elle y retrouva son cheval. Un palefrenier s’affaira et elle lui ordonna de sceller sa monture sans y mettre les formes. Quelques minutes plus tard, elle bondissait sur le dos de sa grande jument d’ébène et la dirigeait vers la cour qui menait vers les étendues autour du château. D’un claquement de langue, elle envoya sa jument en avant qui partit au grand galop dans un carillon de sabots contre les pavés, et sous le regard médusé du garde qui s’occupait de sa sécurité. Elle lui avait ordonné de ne pas la suivre. Elle voulait être seule. Il aurait eu bien du mal à suivre le rythme effréné de sa jument, de toute manière.

Le vent et la pluie la giflèrent avec violence lorsqu’elle partit au galop et que sa jument lutta pour s’élancer avec force à travers les bourrasques. La rousse n’avait pas changé ses vêtements, elle portait toujours une robe réhaussée d’un col en renard argenté. En quelques minutes, elle fut entièrement trempée, ses cheveux collants à ses joues et à son cou. La sensation qui aurait dû être désagréable eut un effet particulièrement apaisant pour la jeune femme. Elle avait le sentiment que le ciel craquait avec elle et l’accompagnait dans sa douleur. Elle s’évadait dans la tempête.

Elle aurait dû ressentir de l’exultation et de la satisfaction, d’avoir enfin enfermé le traitre à la couronne. Elle aurait dû en être heureuse et soulagée, et se sentir bien plus en sécurité. Alors pourquoi était-elle accablée par cette infinie tristesse ?

Contre les vents, elle continua de galoper jusqu’à ce qu’elle se sache assez loin pour exprimer toute sa rage, sa frustration et sa douleur. Elle hurla. Et les larmes qui se mirent à couler vinrent se mêler à la pluie froide qui lui battait le visage. Grâce au vent qui lui balayait les cheveux, sa voix serait déformée, étouffé ou portée au loin comme un cri venant d’un autre monde. Elle n’en avait que faire, personne ne se trouvait près d’elle. Personne ne verrait à quel point elle était anéantie par un tel bouleversement. Elle n’avait pas tué Xanto mais elle l’avait tout de même perdu, d’une certaine manière, parce que rien ne serait plus comme avant. Elle avait le sentiment de devoir faire le deuil de son ami d’enfance, alors qu’il n’était même pas mort. À moins que ce ne soit le deuil de tout ce dont elle venait de prendre conscience, toutes les paroles qui avaient été échangées, si elles étaient vraies, toutes ces années ?

Son cheval qui continuait à galoper finit par ralentir au bout d’un moment et la rousse se recroquevilla en boule sur l’animal, ses bras autour de son encolure pour se soutenir et ne pas tomber d’épuisement sur le sol spongieux de la plaine. Elle resta un long moment comme cela, la joue contre le poil chaud de Twilight, à sangloter.