Seeing is believing | PV Shin

Deux longs mois depuis la lune de sang. Deux longs mois à sombrer dans ce village.

Ses blessures guérissaient petit à petit, on lui avait dit que son bras était presque entièrement guéri (tant qu’il ne forçait pas). Beaucoup de cicatrices restaient sur son corps, et Shin ressentait constamment de la douleur. Mais, on lui disait qu’il allait bien, qu’il serait bientôt complètement sur pieds, et que dans les prochaines semaines, il serait bon pour reprendre la route, s’il le désirait.

Il n’avait plus aucun désir, maintenant.

Beaucoup de ses journées étaient au lit, en douleur, réfléchissant à la deuxième lune, et puis la première, et puis toutes ces années perdues. Si Makoto n’avait pas été tuée, seraient-ils encore dans ce village ? Peut-être qu’elle aurait même trouvé un époux. Peut-être qu’il serait oncle maintenant. Jamais il n’aurait essayé de jouer aux héros. Il se serait simplement occupé de sa famille, s'assurant qu’ils allaient bien, sans jamais voyager, sans jamais se soucier de la vie en dehors du village. Une longue vie de quiétude, simple, le plus grand malheur étant un coup d’orteil dans un meuble.

Non… peut-être que les nobles auraient ruiné leurs vies… Et puis, il aurait fallu défendre sa famille pendant les lunes de sang… Et ils seraient tous morts vu son incompétence…

― « Putain, Baasan, ferme-la ! »s’écria-t-il, percevant au loin la voix de sa grand-mère. Il vivait avec ses grands-parents depuis son « retour » au village. Il n’avait aucune autre maison ici. À tous les jours, sa grand-mère le forçait hors du lit, et ça devenait des chicanes quotidiennes à propos de son état, mais il réalisa que cette fois-ci, la voix ne s’approchait pas de sa chambre. Elle ne s'arrêtait pas de jaser, comme si elle avait soudainement pris goût à sa voix. Mais à qui parlait-elle ? Il entendait le grincement de la chaise berçante de son grand-père à l’intérieur de la maison. Était-elle soudainement devenue folle ?

Avec grande peine, il se leva enfin du lit, s’approchant de la fenêtre pour voir sa grand-mère raconter sa vie à un Piaf qu’il ne reconnaissait pas. Bien. Elle allait le remplacer avec un pigeon. Une autre journée fantastique qui commençait. En grande douleur, et avec attitude, il saisit une chemise qu’il ne prit pas la peine de mettre sur le dos, et quitta la maison par la porte d’arrière, donnant sur le jardin de citrouilles que sa grand-mère préparait pour la saison chaude. En ce moment, Shin n’était pas vraiment intéressé à la voir se faire un nouveau petit-fils, et ça ne serait pas par ici qu’il allait trouver la paix.

Miséreux, il tenta d’enfiler sa chemise ; avec un bras enveloppé, collé à son torse le temps que la fracture se répare, il lui était parfois difficile de s’habiller. Il réussit néanmoins à glisser son bras à travers une manche, et à jeter le reste de la chemise sur son épaule immobile. Il n’en avait rien à foutre qu’il n’était présentable, il n’avait aucune intention de se présenter à qui que ce soit, de toute façon. Il s’approcha de l’entrée du village, se posant contre un poteau, et soupira. La douleur devint sourde. Il balança son regard vers l’extérieur du village, où il avait passé la majorité de sa vie. L’idée d’y… retourner lui semblait si incohérente.

Tout d’un coup, il entendit quelqu’un s’approcher derrière lui, et il tourna la tête rapidement ― un peu trop. Avec une grimace de douleur, il vit le même Piaf qui parlait avec sa grand-mère s’approcher. Il soupira, détourna le regard, n’ayant aucunement l'intention de lui parler, jusqu’à ce qu’il l’entende dire le mot magique.

― « Trésor ? Quel trésor ? » Se plaçant dans le chemin du Piaf, il bloqua sa route, aucunement intéressé par l’impression qu’il donnait avec ses vêtements piteux, ses multiples pansements, et ses cicatrices à découvert. « Qu’est-ce que ma grand-mère vous a raconté ? » demanda-t-il avec exigence. Sérieux ? Sa grand-mère l’avait déjà remplacé comme ça ? Elle réservait ses histoires de trésors à des gens plus méritants ? Il servait à rien, lui, maintenant ? Elle envoyait des purs étrangers à sa place ?

Une affaire de famille…? Pas vraiment… C’était plutôt une affaire personnelle. Une affaire de sa… dignité. « La vie d’un étranger… » Shin se sentait tellement comme un étranger par ici. Il avait passé la majorité de sa vie en dehors du village, dans une région qui n’était même plus le même royaume. Une région de Piafs, d’ailleurs. N’était-il pas un étranger, alors ? Il avait passé toute son adolescence auprès de Piafs, dans le royaume de Hébra. C’était presque un miracle s’il connaissait les traditions sheikahnes. Makoto n’avait même pas un seul souvenir du village.
Mais il supposait que ce Piaf n’avait pas le même sang que sa grand-mère.

― « Un acolyte ? » répéta-t-il à nouveau, avec incrédulité. Comment ça, un acolyte ? Lui ? Oh, putain… Oui, il aurait adoré cela, mais avec son bras…  Non, il ne devait pas faire d’excuses. « ... Donc elle vous a vraiment demandé d’aller trouver un trésor ? » réalisa-t-il, en soupirant, exaspéré, découragé. Zéro confiance, par ici, vraiment génial ! Il lança un regard mauvais au Piaf, au « Robyn Patel », peu importe qui il était ― hm ? N’avait-il pas déjà entendu parler de ce nom ? « Les Patel de… Melka ? » songea-t-il à voix haute.C’était ces fermiers qu’il avait entendu parler, non ? Il avait été près de ce village, il y a fort longtemps… Oui, quand exactement ? C’était un souvenir si lointain, mais ― ah, non. C’était pas la ferme. Enfin, si, mais c’était quelqu’un qui lui avait parlé d’un Piaf qui l’avait aidé.
Intéressant.

― « Je, euh, j-je peux probablement vous aider. Qu’est-ce que ma grand-mère vous a raconté exactement ? Un trésor dans le coin ? » En vrai, Shin doutait fortement qu’il pouvait faire quelque chose pour lui, outre que de le guider sur une carte. Avec toutes ses cicatrices. Son bras presque guérit. Sa fièvre qui tombait.
Peut-être… peut-être qu’il pouvait quitter le village pendant quelques heures, après tout.

Un acolyte... Jamais il n'avait pensé à une telle idée. Il avait toujours été seul, solitaire, au loin des autres, jamais à sa place. Peut-être que sa place était d'accompagner un héros, comme ce Piaf le disait si bien. Après tout, n'avait-il pas toujours rêvé de trouver un héros, et de l'aider à sauver le monde ?
Après, est-ce que cet homme avait vraiment la figure d'un héros ? Non, il ne devait pas juger. C'était bien cela, après tout, le miracle de trouver un héros ; on ne pouvait jamais savoir à quoi en ressemble un.