Secrets et trésors.. [ PV Shin ]

La vie au village était la seule chose qu'il connaissait. Quelques habitants le voyant de façon régulière, comme celui qui lui avait offert le poulain de Kana par exemple. Il avait grandit avec quelques gamins, mais avait alors fini par s'éloigner après la mort de ses parents. Embrassant la solitude pour ne plus sentir son coeur s'écrouler de la moindre perte. Accumulant les livres dans les pièces de la maison, cela ressemblait plus à un immense bureau de recherches qu'une banale habitation. D'ailleurs, il parvenait toujours à se trouver quelques ouvrages plus ou moins rares grâce à d'autres villageois ou des gens de passage.

Ces derniers temps, son intérêt était un peu plus porté sur le sanctuaire et ce qu'il renfermait. Une des anciennes du village Cocorico avait retrouvé un bouquin intéressant pour lui d'ailleurs et Kaname lui avait alors promis de ramener de quoi prendre un petit goûter ensemble. Cette vieille dame était toujours très gentille avec lui, depuis bien longtemps. Par moment, il ne pouvait s'empêcher de se demander si la gentillesse de certains ne serait pas du à la perte de ses parents. Avant d'essayer de mettre ses doutes de côté et de simplement profiter de ce qu'on lui offrait.

Ayant passé une petite heure à cuisiner quelques gâteaux aux fleurs sucrées, il les dépose encore tout chaud dans un plat et le recouvre d'un torchon. Une petite vérification de sa tenue et que ses cheveux soient également impeccable, être toujours bien présentable était important pour Kaname, surtout envers ses aînés. Sortant de chez lui, il se dirige vers la maison de la grand mère qui l'avait invité.

Une inspiration et il affiche un sourire sur les lèvres avant de frapper à la porte. Toujours dans le bien paraitre et ne voulant pas afficher la convoitise de cet ouvrage qui l'intriguait tant. Le vieille dame le fait entrer en le saluant chaleureusement, s'excusant que la maison ne soit pas très bien rangée depuis la présence de son petit fils. Cependant, bien qu'il regarde partout, Kaname ne dirait pas que la maison était en désordre.. S'installant sur la chaise en face, il dépose le plat et retire le torchon.

- Je vous ai apporté de quoi grignoter comme promis.

Les deux s'échangent un sourire, celui de l'ancienne plus doux que le sien un peu trop automatique. Elle prépare du thé et le sert une fois que c'est prêt, commençant à discuter de tout et de rien. Le temps, les nouveautés du village, son petit fils ou encore les récoltes. Kaname écoute avec patience, répondant de temps à autre, sagement sur sa chaise. Est ce que cela aurait été ainsi s'il avait encore ses grands parents ? Ou même simplement ses parents..? Sa mère avait toujours cette tendance à lui préparer une boisson lactée chocolatée et des petits gâteaux. Il avait apprit à les faire pour passer du temps avec elle, ainsi il n'était pas toujours uniquement à l'inquiéter de s'entrainer trop.

Il n’arrivait plus à suivre les journées. La fièvre accompagnant ses blessures était si élevée qu’il ne voyait même plus les semaines passer. Et la douleur était si intense qu’il aurait pu se faire dire que cela ne faisait que trois jours depuis son retour sans le moindre doute. Il aurait même pu se faire dire qu’il allait mourir dans les prochaines minutes qu’il ne l’aurait pas douté.

Jamais il n’avait connu une douleur si intense depuis cette lune. Peu importe la torture qu’il avait subi en prison, peu importe le désespoir qu’il avait ressenti en voyant sa sœur assassinée, ces douleurs revenaient et repassaient dans ses moments de paix, et il ne se souvenait pas quand est-ce qu’il avait pu songer à ces violences. C’était à peine s’il arrivait à penser en ce moment.

Dans son demi-sommeil, Shin entendit la toux de son grand-père, suivi de la voix de sa grand-mère. Et puis un étranger. Il ouvrit les yeux. Qu’est-ce qui se passait…? Il tenta de bouger la tête, mais la douleur en fut si intense qu’il en gémit. Il commençait à avoir terriblement chaud… Et il avait si soif…

― « Baasan? » appela-t-il sa grand-mère, mais après quelques secondes, il vit qu’elle ne l’avait pas entendu. Avec grande peine et misère, il réussit à se lever, s’accrochant au bord du mur. Il glissa la porte de sa chambre sur le côté, faisant face à son grand-père qui sommeillait sur son futon, pour faire changement. Il le dévisagea un moment, comme si le jeune homme était perdu dans ses pensées. Avait-il rêvé qu’il y avait un étranger, si son jiisan était au sol comme ça?

― « Qu’est-ce que tu fais là !? Retourne au lit ! » Sa grand-mère s’approcha de lui, colérique. Shin lui lança un regard las, et elle lui donna un coup de balai pour le pousser vers sa chambre. Le jeune homme eut néanmoins la chance de voir qu’il y avait bel et bien un invité dans la demeure, assis devant une tasse de thé et quelques pâtisseries.

― « C’est qui, lui ? » demanda-t-il, dévisageant le jeune inconnu, avant de se prendre un coup de balai à la figure. « Respecte tes aînés ! Kaname est un grand guerrier, tu ferais bien d’apprendre de lui ! » s’écria sa grand-mère, furieuse. Shin lui jeta un regard mauvais. Ses « aînés », alors qu’il avait passé la majorité de sa vie à l’extérieur du village… N’était-il pas normal qu’il ne connaisse pas les gens par ici ?

― « Excusez notre petit-fils, il nous a toujours causé des ennuis ! » se permit de dire Emi, la grand-mère. Shin en détourna le regard, comme s’il était habitué à être humilié tous les jours. « Retourne dans ta chambre, Shin, tu es indécent ! » s’exclama-t-elle en voyant que son petit-fils était toujours dans les alentours, malhabilé. « Lâche-moi, j’ai soif… » marmonna-t-il en marchant douloureusement vers la cuisine, cherchant quelque chose de… frais. Il avait si chaud aussi… Pas question de boire du thé. Ses habits étaient tout trempés tellement qu’il était en sueur.

Une voix semble se faire vaguement entendre, pourtant la grand mère ne réagit pas.. alors il se dit qu'il l'a sans doute imaginé sur le moment. Avant d'entendre un bruit de porte. Relevant les yeux alors que la vieille femme se rapproche, un balai dans les mains, afin de chasser celui qui se tenait dans l'encadrement. En bien mauvais état de ce qu'il en comprenait, les cheveux collés par la sueur sur son front et les vêtements tout froissés. Bien loin de la tenue impeccable que lui même s'imposait, il n'en tenait pourtant pas rigueur à celui qu'il comprenait être le petit fils et qui avait assurément l'air malade.

Silencieux et en pleine observation, il croise cependant le regard de l'autre homme alors qu'il demande à sa grand mère qui il était, sans le moindre respect. Kaname se sent flatté par les mots de la grand mère et esquisse un sourire courtois avant de se lever de sa chaise par politesse. Il incline légèrement la tête avant de le regarder à nouveau.

- Excusez moi pour ne pas m'être présenté plus tôt, je m'appelle Kaname Yamaoka. Ravie de faire la connaissance du fameux petit fils dont j'ai déjà tant entendu parler.

Ce n'était pas la première fois qu'il venait prendre le thé dans cette maison et qu'il discutait avec l'ancienne. Ce n'était donc pas tout à fait un inconnu sous ses yeux, bien qu'il ne l'ait encore jamais vraiment rencontré jusqu'ici. Shin avait passé la plupart de son temps en dehors du village, tandis que Kaname y était presque toujours resté.

- Oh mais, vous n'avez pas à vous excuser voyons. C'est normal de s'inquiéter d'un inconnu dans la maison de sa famille après tout. Et puis, il a l'air un peu mal en point, alors j'imagine que cela n'aide pas à avoir l'esprit clair.

Kaname contourne la table et s'approche un peu alors que la grand mère tente à nouveau de le chasser, mais que le petit fils lui dit avoir soif. Toujours dans le bien paraitre et souhaitant toujours se montrer aimable envers cette famille qui avait été un de ses soutiens toutes ces années, il se propose alors pour aider Shin.

- Attendez, je vais vous aider à venir sur une chaise. J'ai apporté des petits gâteaux, est ce que cela pourrait vous faire plaisir d'y goûter ?

De plus près, Kaname voyait bien que l'autre garçon avait du avoir très chaud et ce fut donc logique pour lui que boire était surtout synonyme de se rafraichir. Un bras vient soutenir le blessé, lui laissant bien évidemment le choix de le repousser s'il préférait se débrouiller seul, malgré que ce ne serait surement pas la meilleure chose à faire d'ailleurs.

- Dame Emi, est ce que vous auriez quelque chose de frais pour votre petit fils ? Il semble avoir eu bien trop chaud.

Jamais il ne se permettrait de se servir alors qu'il n'était pas chez lui et préférait donc demander. L'aidant à prendre place sur une chaise, celle se trouvant près de la sienne sans vraiment y réfléchir. Kaname ne laisserait pas tomber l'un des siens et s'il était le petit fils de Emi, alors c'est qu'il était forcément un Sheikah. Donc l'un des siens, à qui il devait soutien. S'il faisait tant de recherches sur le sanctuaire après tout, c'était bien pour sortir son clan de cette allégeance dont ils n'avaient pas réellement besoin. Un moyen de sauver ceux qui devaient vivre au crochet d'une couronne incapable de les protéger..

Le respect absolu que l’étranger, dénommé Kaname Yamaoka, lui donna prit Shin complètement au dépourvu. Bouche bée, il se laissa guider vers une chaise, ignorant superbement la douleur, comme si elle avait été chassée par cette gentillesse qu’il ne connaissait que très rarement. Ce, guerrier? était très patient avec lui, au grand plaisir de ses blessures. Il lui était souvent assez difficile de s’asseoir avec son bras brisé collé au torse, le privant de support supplémentaire pour s’abaisser sans causer une vive douleur dans ses nombreuses blessures. Il leva les yeux vers Kaname ; à en juger son état, il n’avait pas eu à se battre contre des monstres pendant la Lune de Sang.
Shin ne s’était jamais demandé jusqu’à maintenant s’il aurait préféré subir ce cauchemar à la place de toutes ces blessures. Peut-être que s’ils avaient échangé leurs places, Kaname aurait pu sauver plus de villageois, et Shin serait déjà de retour sur la route…

― « Mer… merci. » Sa bouche était particulièrement sèche. Finalement, peut-être que du thé aurait été bien pour lui. « Humph ! Bon à rien ! » rouspéta Emi, tout en se dirigeant vers la cuisine. Shin l’entendit lui préparer de quoi à boire, et peut-être à manger. C’était au moins cela… Il soupira, détendant ses muscles lentement, évitant le plus de douleur possible. Il avait l’impression qu’il ne s’en sortirait jamais. Ses yeux se posèrent éventuellement sur les gâteaux de Kaname, quelque chose qu’il n’avait jamais vu auparavant, et qui semblaient assez alléchants en ce moment. Il fut rapidement replacé dans la réalité lorsqu'il entendit sa grand-mère faire du bruit dans la cuisine avec quelques malédictions.

― « Elle a toujours été comme ça, n’est-ce pas ? » demanda–t-il, suivi d’un soupir. « Elle a toujours été super gentille avec les étrangers, mais très sévère avec sa famille. » C’était probablement quelque chose que Kaname ne savait pas, à bien y penser. Après tout, sa grand-mère n’avait que son mari à ses côtés, maintenant. « Je me demande si ma mère serait restée au village, si ma grand-mère n’avait pas été aussi difficile avec nous... » Un autre soupir. Sûrement que Makoto serait encore en vie si leur mère ne les avait pas amenés sur la route…

Il leva la tête vers Kaname, sans le moindre souci des règles ou s'il était impoli ou pas. Même si sa mère lui avait longuement appris les règles du village, et que sa grand-mère lui avait souvent tapé sur les doigts pendant sa tendre enfance, Shin avait passé tellement de temps dans des cultures complètement différentes que ces règles, en ce moment de douleur, lui étaient d’aucune importance.
Putain, il avait des blessures partout sur le corps, son bras était brisé, lâchez-le un peu avec les règles de bien vivre.

― « Elle en parle souvent, de nous ? De ma mère, de ma sœur ? » En vrai, il était surtout intéressé de savoir ce qui le rendait si « fameux », mais connaissant sa vie, il ne serait pas étonné que sa grand-mère n’ait que des plaintes envers lui. Comme quoi il n’était pas un vrai érudit, un vrai guerrier, qu’il faisait honte à son clan, qu’il ne voulait jamais être à la maison… Comme si c’était de sa faute que sa mère était morte et qu’il devait élever sa sœur dans une autre région.

Il réalisa soudainement qu’il devait avoir l’air très piteux, et même lui pouvait réaliser que ce n’était pas ce qu’il y avait de plus joyeux à voir quand on visitait un voisin. « Ce sont des gâteaux à quoi ? » demanda-t-il, à la fois de façon innocente et par véritable intérêt. Il n’avait jamais vu de gâteaux aussi… adorables.
En même temps, il n’y avait aucun gâteau en prison.

Un bras en écharpe contre le torse, le reste du corps semblant pas dans un meilleur état, Kaname ne se doutait pas un instant que c'était du à la lune de sang survenu au moins précédent. Il savait par la grand mère qu'il voyageait beaucoup et ne souhaitait pas spécialement vivre au village, mais elle ne s'en était pas plaint plus que de nécessaire. La voyant un peu plus dure cette fois en face de son petit fils, mais sachant voir lorsqu'ils sont en tête à tête, le manque que provoquait sa famille dans son coeur. Sa fille décédée ou ses petits enfants loin d'elle. Des choses qu'elle semblait certainement considérer comme faiblesse pour ne pas vouloir en toucher un mot à Shin. Ca le fit un peu sourire, mais il se montra tout aussi courtois qu'il l'avait toujours été. Aidant l'autre Sheikah a venir s'installer sur une chaise près de la sienne. A nouveau assit une fois qu'il eut demander à la grand mère si elle n'avait pas quelque chose de frais.

- C'est souvent plus simple de se montrer adoucit avec des inconnus, parce que nous faisons toujours plus attention au paraitre devant ceux que l'on ne connait pas. Tandis que le naturel est là face à sa propre famille. Je me dis que c'est une belle preuve d'amour, de rester soit même.

Kaname n'avait pas offert cette fameuse "preuve d'amour" à qui que ce soit depuis la mort de ses parents pour sa part.. Gardant ses pensées, la plupart de ses activités et de ses envies, pour lui même. Espérant qu'un jour il parviendrait au bout de ses recherches pour sauver les siens. Assouvissant son besoin de connaissances et de reconnaissances. De son point de vue, l'aimer serait une perte de temps, parce qu'il n'avait rien à offrir. Enfin si, des idées pas toujours très douces, de l'amertume du passé, de la douleur cachée.. Personne ne saurait supporter tout cela, n'est ce pas ?

- Elle me parle de vous à chacun de mes passages ici. Ce n'est pas si souvent ou si régulier, mais c'est suffisant pour que je sache qui vous êtes. La perte d'une personne chère est toujours difficile à digérer, il ne faut pas lui en vouloir d'être aussi dure lorsqu'elle vous voit.

C'est ce qu'il disait, mais lui même ne savait pas comment Emi serait si sa fille n'était pas partit et si son petit fils n'était pas comme un vagabond. Kaname l'observe un peu plus, avant de se lever pour prendre son torchon qu'il avait utilisé pour couvrir ses gâteaux et venir l'humidifier dans de l'eau fraiche. Revenant ensuite vers Shin, il vient lui passer sur le front, décollant les mèches  accrochées avec sa sueur.

- Ce sont des gâteaux aux fleurs sucrées, voudrais tu en goûter un ?

La grand mère semblait toujours affairé dans la cuisine. Venant donc poser le torchon sur le côté de la table, il vient prendre l'un des petits gâteaux et le dépose devant Shin avec un léger sourire aimable.

- Je les ai fais avant d'arriver, j'espère que ça te plaira.

Non pas que ce soit important de correspondre aux goûts de tous, mais c'était toujours agréable de manger quelque chose que l'on appréciait. Kaname ne sait pas grand chose de ce que faisait Shin avant d'arriver ici ni comment il avait pu se blesser à ce point. Se disant qu'il avait du être prit dans une embuscade ou une bataille contre des voleurs ou des monstres.

Être au naturel… « Au point qu’ils quittent…? » Il en soupira. Pour lui, la grand-mère de Shin avait toujours été cette personne qui cherchait à tenir les apparences, à ne pas perdre la face, et à forcer les siens à faire pareil. Il allait toujours se souvenir d’à quel point il pleurait après les leçons de l’aînée, et à quel point sa mère en semblait inquiète. Anxieuse.
Sa mère avait été parfaite, mais Shin avait toujours fuit la perfection. Peut-être était-ce pour cela qu’il n’avait jamais tenté de ramener sa sœur au village.

― « C’est vrai que j’ai toujours aimé ses histoires. Elle me racontait des légendes à tous les jours, dans le temps. » Emi avait toujours été derrière le hobby favori de Shin. Depuis qu’il était bébé qu’elle lui racontait des légendes et des mythes, qu’elle lui expliquait l’histoire de toutes les divinités, et autres récits sacrés. Il ne lui serait pas étonnant qu’elle lui exige de rester au village et de devenir un érudit, tant qu’à être handicapé. En soit, il n’était pas contre l’idée ; tout comme elle, il adorait plus que tout les histoires des divinités, et tous leurs artéfacts. Mais ce n’était pas en restant à la maison qu’il allait trouver ces reliques. Ce n’était pas en restant ici à ne rien faire qu’il allait protéger le village contre les futures lunes de sang.
Il ne pouvait s’imaginer la pression que Dohgo, le gardien du sanctuaire, devait ressentir, face à tous ces dangers.

― « Ah… merci, » marmonna-t-il, après avoir réalisé que Kaname lui épongeait le front. En vrai, cela lui faisait un bien fou. Pas surprenant que sa grand-mère adorait ce jeune homme autant… « O-oui, j’aimerais bien, merci, » ajouta-t-il alors que Kaname posa un gâteau devant lui. Il leva son bras valide, et une douleur le força à avaler sa salive. « J’ai besoin de boire quelque chose avant, » s’expliqua-t-il, avant que sa grand-mère lui pose des bols de thé, soupe, riz, et umeshu. Naturellement, Shin saisit l’alcool en premier.

― « Mal élevé ! » se plaignit Emi, avant de placer un livre sur la table. Si Shin n’avait pas remarqué le livre, il lui aurait fait une scène, mais la couverture lui avait immédiatement rappelé de vieux souvenirs. « C’est le livre sur la Triforce, non ? » s’exclama-t-il, se penchant légèrement de l’avant, jusqu’à ce que la douleur le barre. Qu’est-ce qui se passait ? Elle allait leur raconter une histoire ?

Naturel au point de vouloir quitter sa famille ? C'était une question à laquelle il ne pouvait malheureusement pas répondre.. Lui même n'aurait sans doute pas voulu quitter ses parents, mais il ne pourrait l'affirmer réellement puisqu'il les avait perdu depuis un long moment maintenant. Kaname préféra donc rester silencieux pour ne pas dire de bêtises et il sourit un peu plus naturellement lorsque Shin lui confie qu'il aimait lorsque la grand mère lui racontait des histoires et des légendes anciennes. C'est vrai qu'elle semblait bonne conteuse, prenant parfois un peu de son temps pour parler des écrits qu'elle avait pu lire dans les bouquins qu'elle finissait par lui prêter ou lui échanger.

- Ce sont ses histoires qui vous ont donné envie de voyager ? J'imagine que ce doit être un autre frisson de partir à la découverte de merveilleux trésors que l'on ne connait pas encore.

Est ce que lui partirait pour trouver les reliques qui l'intriguent ? Peut être pas. Déjà bien assez occupé avec ses recherches poussées, il ne sait s'il aimerait quitter le village pour ne pas être certains de revenir. Et puis, il visait une place bien précise par ici, alors ce n'était pas le moment de quitter les lieux. Devenir gardien du sanctuaire semblait être une très bonne idée pour découvrir ce que renfermait ce dernier. Découvrir plus sur l'artéfact qui pourrait sauver les siens. Pourtant, c'était un autre homme qui se trouvait en possession des clefs qu'il désirait tellement.

Venant l'aider un peu plus, il prit la peine de venir humidifier le linge pour essuyer le front en sueur de Shin. Avant de le reposer pour prendre un des petits gâteaux lorsqu'il lui demande ce que c'était, lui expliquant que c'était à base de fleurs sucrées. La grand mère revient avec plusieurs bols lorsqu'il dit avoir besoin de boire avant de manger. Kaname se permet de venir poser une main sur son poignet en le voyant attraper l'alcool en premier.

- Ce serait plus judicieux de prendre quelque chose qui ne vous brulera pas la gorge. Pourquoi ne pas commencer par un peu de thé ou quelques gorgées de soupe ?

Doucement, il attrape le bol et le repose avec un sourire pour lui tendre plutôt un des deux autres. Avant que son regard ne soit attiré par le livre posé sur la table par la grand mère. Sa main s'écarte donc pour venir vers le bouquin, un peu intrigué de le parcourir.

- En effet, c'est sur la Triforce. L'avez vous déjà lu ? Votre grand mère à proposé de me le laisser pour que je puisse l'étudier.

Attirant l'ouvrage à lui, ses doigts parcourt la reliure et la couverture, fasciné de l'avoir enfin entre les mains et impatient de pouvoir le dévorer.

La politesse de son aîné le prenait vraiment au dépourvu. Peut-être que c’était parce que Shin avait passé tant d’années en prison, ou parce que toutes ces années après sa fuite avaient été ses années les plus… merdiques, et que tous les gens qu’il avait rencontrés étaient méfiants de nature ― non, c’était sûrement qu’il n’avait pas l’air normal pour ces gens. Et pourtant, une telle… gentillesse de base, cela ne lui était pas quelque chose de familier, mais il sentait qu’il pouvait s’y habituer.

― « Non, ce n’était pas… » Il soupira, se laissant se faire éponger le front, pendant qu’il réfléchissait à la question. « Ma mère nous a amené à voyager sur les routes pendant des années, et… » Comment dire ? Devait-il lui dire « ouais j’ai vu à quel point les nobles sont des salauds et j’ai décidé de sauver le monde » ? Dit comme ça tout haut, c’était ridicule. C’était… absurde. Même lui voyait bien comment c’était une désillusion. Surtout dans son état actuel… Après sa cuisante défaite contre les monstres de la lune de sang, il ne savait plus quoi penser. Il était si… honteux de sa faiblesse. Peut-être que sa grand-mère avait raison, finalement, et qu’il devrait rester à la maison. Après tout, ce n’était pas comme s’il s’imaginait un jour guérir de ses blessures. L’idée d’être capable de reprendre la route lui était si étrange en ce moment.

― « … mais oui, vous avez raison. C’est toujours si exhilarant de trouver des trésors, des reliques. Ce n’était pas toujours la raison pour laquelle je prenais la route, mais entendre parler de toutes ces légendes locales qui amenaient à des trésors, et trouver les objets en question, c’était… » Le regard bas, il eut un vague sourire sur ses lèvres, comme s’il se rappelait d’un lointain souvenir, un peu comme un aîné songeait à son enfance. « C’était génial. » Son sourire se détendit rapidement, alors qu’une énorme tristesse l’envahissait. C’était génial. Mais c’était le passé. Maintenant, il était faible, blessé, et bon à rien.
Il n’avait même pas de trésors intéressants à montrer, après tout. Il n’avait jamais été un bon chasseur de trésors.

Shin fut surpris que Kaname l’arrête, l’empêchant de boire l’umeshu. En temps normal, il lui aurait probablement dit d’aller se faire voir ailleurs, mais la quiétude de son aîné l’avait complètement désarmé. Il prit le bol de thé qu’il but assez rapidement, sa gorge brûlant face à la réhydratation soudaine. La douleur était trop grande. « Le saké, c’est pour la douleur, » répondit-il après quelques instants, s’attaquant à l’alcool qu’il but d’une traite, suivi d’un soupire de soulagement. La brûlure était différente, familière, réconfortante ― sûrement parce qu’il buvait quasiment tous les jours, vu que c’était sa médecine la plus efficace.

― « Tu n’auras pas plus que cela ! » l’avertit sa grand-mère, qui voyait bien que Shin ne voulait que se rendre soûl. Le petit-fils roula ses yeux. Il s’attaqua à la soupe, alors qu’Emi servait un nouveau bol de thé, ainsi qu’un bol d’edamame pour la table.

― « J’ai lu ce livre il y a fort longtemps, quand j’étais gamin― »
― « Comme si tu te souvenais de quoique ce soit ! »
― « Oh, arrête ! Lâche-moi ! » râla-t-il, en détournant le regard pour l’éviter de la voir. Elle n’arrêtait pas de lui faire des reproches, au point même où elle déniait qu’il savait lire. Elle avait sans doute raconté à Kaname que son petit-fils était un imbécile illettré qui était la disgrâce du village entier à ce point.

― « J’ai lu plusieurs livres sur la Triforce, j’ai entendu beaucoup d’histoires sur celle-ci, » continua-t-il, insistant fortement qu’il avait lu plus qu’un livre, un point qu’Emi ne pouvait débattre. « On raconte que seule une personne qui mérite la Triforce peut l’obtenir, mais rien n’indique en quoi une personne mérite une Triforce. » Évidemment, Shin n’avait jamais cru qu’il la méritait. Il s’était toujours dit que si jamais il réussissait à la trouver, il partirait alors à la recherche de son champion. « Ce livre raconte d’ailleurs que si une personne troublée touche la Triforce, elle sera alors séparée, peut-être même détruite. »

― « Tiens, tu as de la mémoire, toi ! » répliqua la grand-mère, ce à quoi Shin émit un grognement.