Blood on water ⊰ PV Eluna

Blood on water

An 1000, Lune 2, Jour 13

Un craquement sinistre raisonna dans la pièce sombre. Un mouvement brusque de la part du zora soulagea sa nuque. Le combat n’avait pas été une mince affaire… Son adversaire était un homme redoutable qui, si sa ruse et sa souplesse n’auraient pas été en sa faveur, aurait très certainement pu l’achever. S’il avait subi quelques blessures et coupures, il s’en sortait relativement indemne.

Angelo soupira profondément, repoussant ses cheveux vers l’arrière. Le sang était si épais, coincé dans sa tignasse, que celle-ci tint, tirée vers l’arrière en une coiffure qui dégageait complètement son faciès rougit par l’hémoglobine. La jugulaire de ce pauvre yiga avait éclaté, aspergeant notre homme ici présent, non pas à son plaisir. Angelo était quelqu’un de propre… et à l’heure actuelle, il ressemblait à une bête sauvage couvert de sang qui venait de terminer une chasse rudement bien menée.

Sa tenue, abimée et déchirée lors de l’affrontement, fut abandonnée sur le côté, jetée à la nature. Nu comme un ver, il étira son dos, provoquant un nouveau craquement satisfaisant avant de se diriger vers les bains qui, habituellement publics, étaient pour le moment réservés pour la nouvelle Main du Roi.
Sitôt qu’il pénétra dans l’eau tiède, celle-ci devint rouge. Il frissonna de dégoût en sentant le contact de l’eau contre sa peau, devinant le picotement habituel de sa nature revenir dans ses jambes. Il n’avait pas repris sa forme de zora depuis de nombreuses années… Si longtemps en réalité, et pourtant. Pourtant ! Cette nature lui chatouillait encore les jambes sitôt qu’il entrait dans l’eau.

Il plongea sous l’eau, nettoyant sa chevelure qui retrouva son teint blond et dégageant son visage du sang qui le souillait encore. A nouveau, il s’adossa contre le bord du bain, le souffle profond. Il était incapable de se détendre… l’eau le rendait nerveux. Toutefois, s’il y avait une chose qui l’embêtait plus encore que le contact de l’eau, c’était d’être sale.

Après quelques minutes, ses oreilles sifflèrent doucement. Il sentait un regard pesé sur lui.
« Montre-toi. » Sa voix fit écho dans la salle vide. Il ne tourna même pas la tête dans la direction en question. Il attendit simplement, aux aguets, prêt à se défendre s’il le fallait. Bien qu’à vrai dire, après la prestation qu’il venait de faire, il doutait que qui que ce soit oserait…

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Eluna & Angelo

An 1000, Lune 2, Jour 13 ー (Tenue)

La nuit était tombée sur les Landes Sauvages, laissant place à une brise fraîche bienvenue. La journée fut plutôt longue et Eluna était passée par plusieurs émotions tout au long de celle-ci. Le tournoi pour élire la nouvelle Main du Roi avait été un franc succès, divertissant, bien que le cœur de la belle Zora était encore pincé par la perte de la précédente. Non, elle ne lui vouait pas une passion dévorante, mais pour elle, les personnes les plus hautes gradées parmi les Yigas sont souvent comme des figures spirituelles, des modèles à suivre. Peut-être les a-t-elle déjà élevés au rang de semi-dieux dans ses rêves les plus profonds... Alors, apprendre la mort inattendue et brutale de l'ancienne Main avait résonné en elle. Ce tournoi... Était autant une bénédiction de l'Avatar autant qu'une malédiction ! Car cela symbolisait réellement les adieux du précédent bras droit du Roi, mais également la bienvenue au prochain. Oh ? Si Eluna y a participé en tant que candidate ? Certainement pas. Les ombres qui entourent le cœur et l'esprit de la Zora l'empêchent d'être réellement ambitieuse malgré tous les loyaux services qu'elle rend aux Yigas depuis tant d'années. De plus, un tel poste ne l'intéresse pas, être exposée ainsi, ce n'est pas pour elle.
Mais désormais, il n'y a plus aucune raison de se torturer l'esprit. Les Yigas avaient une nouvelle figure essentielle. Une nouvelle Main avait été nommée et pas n'importe laquelle.

Silencieuse et dans ses pensées, Eluna s'est volatilisée des rues de la Cité Gerudo où elle réside pour effectuer une marche solitaire. Le clair de lune est si lumineux, ce soir, qu'il éclaire aisément les pas de la Zora qui se promène librement sur les hauteurs de la ville. Ses pas sont silencieux et sa démarche à la fois gracieuse mais également discrète, la fait passer inaperçue. De toute évidence, la rouquine n'a point envie de discuter en cet instant, seulement être seule ― comme elle l'a toujours été. Mais cette condition lui convient parfaitement bien, ça évite bien des tracas et des prises de têtes inutiles. Autant garder son énergie pour une autre cause qui vaille la peine de se démener, réellement.

Puis, Eluna descend les escaliers menant aux rues principales de la Cité Gerudo, se promenant dans l'ombre naturelle des palmiers et autres arbres face au clair de lune. La rousse évite au maximum d'être visible, portant des habits de couleur foncée, se déplaçant avec aisance loin des regards. Elle se faufile entre les rues et les petites ruelles, jusqu'à parvenir aux bains publics. Ce lieu lui rappelle inévitablement sa condition de Zora qui parfois, est insupportable en journée. Bien que la Cité offre un confort non-négligeable au quotidien, le froid des Hauteurs Gerudos éternellement enneigés lui manque... Le besoin de s'hydrater très régulièrement, de s'immerger dans l'eau d'un bain, c'est une obligation de survie bien désagréable et lourde à supporter à la longue. Une faiblesse qui ne doit jamais être exposée à autrui. Mais Eluna est comme ça, née Zora, elle n'y peut rien si ce n'est, devoir s'y faire. Et elle sait parfaitement bien qu'elle n'est pas la seule à porter ce fardeau sur les épaules quotidiennement.

Perdue à nouveau dans ses pensées, Eluna prend sa dague dans la main et se distrait en la faisant tournoyer entre ses doigts puis en lui faisant faire quelques sauts en hauteur. Jonglant avec sa lame, cachée dans l'ombre, dos à un mur, c'est toutefois un bruit d'immersion dans l'eau qui trouble sa concentration un bref instant. En quelques pas, toujours dissimulée dans l'ombre, Eluna parvient finalement à découvrir la silhouette de la personne qui se trouve non loin. Quand enfin, une voix qu'elle reconnaît bien, lui ordonne de se montrer. Silencieusement, Eluna expire profondément, baissant légèrement son visage vers le sol pavé des bains publics. Toujours s'amusant avec sa dague, ― un moyen de chasser l'ennui et de la concentrer sur autre chose que sur ses émotions défaillantes et chaotiques ―, la Zora se présente qu'à moitié. Le clair de lune illuminant seulement une partie de sa silhouette, sa chevelure rousse exposée faisant contraste avec ses habits foncés.

« Rares sont ceux qui peuvent se vanter de sentir ma présence dans leur dos, » dit-elle d'une voix calme, jouant toujours avec sa petite dague à la main. Bien que pour le coup, elle ne cherchait pas réellement à se dissimuler pour observer, il n'y a ici, que la coïncidence de leurs présences respectives seulement. Eluna reconnaît là, son ami d'enfance, celui avec qui elle partage la difficulté d'un quotidien au sein des Landes Sauvages. Quelqu'un qui lui ressemble en quelques points. « Il semblerait que je ne sois pas la seule à éviter la foule, ce soir... » soupire-t-elle, sur un ton amical.
À vrai dire, jusqu'à hier, Eluna se sentait plus ou moins à l'aise à l'idée de discuter et partager quelques mots avec Angelo. Après tout, ils se connaissent depuis leur tendre enfance, partagent une même nature et ses besoins, mais désormais ? Il n'est plus seulement un ami, peut-être même qu'un réel fossé immense s'est formé entre eux, bien au-delà des points communs. Ne sachant plus comment s'adresser à lui, Eluna se renferme dans le silence, attendant simplement, alors qu'elle se présente entièrement au Zora immergé dans les bains publics. Ses prunelles se posant un très court instant sur lui et sur l'eau dont la couleur s'est teinte de rouge.

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Blood on water

An 1000, Lune 2, Jour 13

Il était rare que des gens osent se glisser discrètement derrière Angelo. Même s’il n’était pas la Main du Roi avant ce jour, les autres membres du clan Yiga connaissaient ses affinités avec Kaarbjorn, qui possédait ce poste juste avant, et le favoritisme dont il avait le privilège au sein du groupe. Personne n’oserait l’enquiquiner, ni le surprendre ; et on parlait ici d’un fin stratège qui, non pas à lui seul mais presque, avait permis de remporter la bataille de la Cité Gerudo. Qui voudrait être dans ses mauvaises grâces ? Personne, honnêtement.

Et ainsi dans un bain, nu comme un ver, il était vulnérable. Une cible de choix. Mais bien qu’il se sente observé, Angelo ne sentait pas de menace. Bientôt, des pas se firent entendre, légers. Une femme. Le zora tourna légèrement la tête pour reconnaître, au clair de lune, la chevelure rousse de son amie d’enfance, Eluna. Il n’eu aucune réaction particulière, mais savoir que c’était elle le soulagea ; n’importe qui aurait pu tenter de se glisser ici pour l’abattre dans sa plus vulnérable position.
En tant que zora, il était en effet obligé de s’hydrater. Il détestait pourtant l’eau, mais aujourd’hui, il n’était pas là pour humidifier sa peau. Il avait beau détester ce liquide, il avait une sainte horreur d’être sale et ce sang appartenait à un misérable Yiga qui n’avait pas su se défendre convenablement. Un insecte à ses yeux, désormais écrasé. Il se devait de nettoyer cela de son épiderme.

Eluna s’étonna qu’il l’eu repéré. Angelo esquissa un sourire discret.
« Aucune ombre ne pourrait efficacement te camoufler de moi, Eluna. Car tes ombres sont les miennes. » Ils étaient discrets, l’un et l’autre, ils partageaient cette capacité que trop peu de yigas pouvaient se vanter d’avoir. C’étaient tous des brutes épaisses qui luttaient avec force, intensité et bruit. Eluna et Angelo préféraient la discrétion des ombres, des hauteurs, des cachettes. Frapper là où il le fallait, quand il le fallait. C’était bien plus efficace que de foncer dans le tas, arme en main, cri de guerre au cœur.

D’un mouvement gracieux, le zora roula des épaules, puis fit craquer sa nuque d’un mouvement rotatif lent, juste alors que la belle disait ne pas être la seule à éviter la foule. Ils festoyaient tous ; ils avaient une nouvelle Main du Roi ! quel bonheur ; mais Angelo n’était pas de ceux qui s’acoquinait de la foule et qui nageait dans les éloges. Il voulait la paix. Ce n’était pas étonnant qu’ils se soient entendus lorsqu’ils étaient enfants. Eluna était pareille.

« La foule n’a rien d’attractif pour moi, tu le sais bien. » Il se leva, dévoilant son corps jusqu’aux hanches. La pudeur n’était pas quelque chose qui l’avait souvent étranglé. Un corps n’était qu’un corps ; il n’y voyait rien de symbolique. Il était bien davantage fasciné par une lame pénétrant la chair que l’aspect charnel d’une silhouette. S’il connaissait la luxure et en avait profité, pour lui, ce n’était pas une question corporelle. Ni spirituelle.
C’était une histoire de possession et de dominance.

« Tu peux rester dans ma solitude si tu le souhaites. Ta présence ne me perturbe pas. » Un cadeau rarement donné. Artémis et Eluna faisaient parties des rares qui en avaient le droit. Il fallait dire que les "proches" d’Angelo se comptaient sur les doigts de la main. « Et ne cherche pas à agir autrement avec moi. » C’était dit avec une fermeté presque autoritaire. Angelo quitta l’eau, attrapant un peignoir en soie rose et bleu qu’il enfila et ferma soigneusement. « J’ai bien assez de ces insectes effrayés. Tu n’as pas à t’abaisser à leur niveau. » D’une main, il repoussa ses cheveux blonds en arrière, avant de se tourner pour observer Eluna. Toujours à demi dans l’ombre. Elle ne changeait pas…

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Eluna & Angelo

An 1000, Lune 2, Jour 13 ー (Tenue)

En vérité, qu'avait-elle à y gagner en assassinant la personne qui se rapproche le plus d'un ami d'enfance et avec qui elle partage bien des points communs au-delà de la dévotion envers le Clan et l'Avatar ? Il est sans doute presque le seul à la comprendre sur certaines de ses facettes, et de plus, elle n'a jamais cherché la gloire à vrai dire. Une part d'elle se contente très bien de rester dans l'ombre, de toute manière. Alors Angelo pouvait rester tranquille, il ne risquerait rien en sa présence, bien au contraire, ses couteaux voleraient aussi vite qu'une flèche si quiconque tenterait quoi que ce soit. Angelo, au-delà d'être son supérieur hiérarchique désormais, est un ami d'enfance, il est comme une ombre jumelle avec laquelle Eluna ne se sent pas mal à l'aise. Au contraire, elle s'y sent comme chez elle. Les ombres jumelles se comprennent, s'entraident et Eluna à sa manière, apprécie la présence d'Angelo dans son petit entourage.

Alors, oui, comme il le dit si bien, aucune ombre ne pourra la cacher de lui : ils partagent les mêmes. La rouquine ne peut retenir un léger sourire, presque soulagée de savoir qu'il est toujours fidèle à lui-même malgré la conclusion honorable de cette journée. Les obscurités sont de très bonnes amies, des alliées même, lorsque cela est nécessaire et tous les deux cohabitent aisément avec celles-ci. C'est pourquoi Eluna reste tout de même partiellement à l'ombre du clair de lune, se sentant presque bête d'avoir prononcé ces mots. « J'ai été stupide de dire ça... nos ombres sont communes, tu as raison » dit-elle un peu soudainement, prise un peu par surprise. Tous deux se connaissent depuis si longtemps, il n'y a qu'en présence d'Angelo que la belle Zora se sent à l'aise, peut-être même un peu plus elle-même. Face aux autres, c'est un visage bien plus fermé qu'elle préfère afficher.

Le né Arlaeron se lève finalement de son bain suffisamment teinté de rouge après s'être lavé, sa silhouette dénudée se dévoilant un peu plus par conséquent. Si Eluna connaît le point de vue d'Angelo à ce propos, elle ne peut s'empêcher de détourner légèrement le regard pendant un court instant. Contrairement à certains, la rouquine n'a que très peu connu les contacts charnels et ne se connaissant pas encore tout à fait concernant la pudeur, elle ne peut se retenir de regarder ailleurs.
Et de plus, comment allait devenir leur relation désormais ? Y'a-t-il réellement un fossé s'étant creusé entre eux ? Deux Zoras du même âge, ayant grandi ensemble et partageant tant de points communs... Angelo, à partir de maintenant, n'était plus au même niveau qu'elle : il s'était élevé bien au-dessus. S'il lui ordonne quoi que ce soit, elle exécuterait les ordres sans poser davantage de questions ; la dévotion et la loyauté d'Eluna sont acquises pour toujours et à jamais. Bien qu'elle ne pourrait empêcher cette part discrète d'humanité sentimentale qui subsiste en elle de se demander s'il la voyait maintenant comme une simple arme ou pion, en oubliant l'amie de toujours qu'elle a toujours été et qu'elle sera toujours.

Bien vite, les doutes et les questions qu'elle se pose trouvent des réponses.
Eluna relève subitement son visage lorsque le Zora lui fait comprendre qu'elle peut rester elle-même avec lui, ce dernier quittant alors le bain pour se vêtir. La rouquine expire un profond soupir discret, comme pour extérioriser un soulagement certain qui lui tourmentait l'esprit. « Quoi qu'il arrive, sauf si tu m'en ordonnes le contraire, je resterai à jamais la même que tu connais depuis l'enfance, » dit-elle, comme si une part d'elle est à présent rassurée. Ce qui est le cas, en vérité. Néanmoins, il lui faudrait un certain temps pour s'habituer à cette nouvelle nomination qui est celle d'Angelo désormais. Après tout, il n'est pas devenu n'importe qui...

Telle une ombre, Eluna fait quelques pas pour se rapprocher de l'Arlaeron après qu'il se soit vêtu. Arrivée à sa hauteur, le clair de lune dévoile finalement un peu plus la silhouette de la rouquine qui se dissimule encore un peu sans pour autant chercher à être entièrement invisible. Les prunelles de la Zora se posent alors sur Angelo qu'elle se permet alors de questionner suite à ses dernières paroles. « Leurs regards ont changé, depuis ? » demande-t-elle alors qu'elle peut aisément imaginer la réponse. Après tout, elle-même se sent encore un peu impressionnée face à Angelo et le nouveau titre qu'il peut porter avec fierté.
« Permets-moi d'ailleurs de te féliciter, je n'avais eu le temps jusqu'à ce soir, » dit-elle enfin, une part d'elle avoue être admirative mais également ravie les honneurs reçus par Angelo aujourd'hui. Elle tenait depuis le départ à le féliciter, à se réjouir pour cette ombre jumelle.

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Blood on water

An 1000, Lune 2, Jour 13

Stupide ? Qu’elle ne s’insulte pas ainsi, par l’Avatar. Angelo retroussa légèrement le nez, mais ne démontra rien de particulier. Il était vrai qu’ils partageaient les mêmes ombres, mais au contraire, n’était-ce pas normal pour une personne aussi discrète qu’Eluna d’espérer pouvoir faire mieux ? Il ne pouvait que l’encourager, et le jour où elle parviendrait à se faufiler derrière lui sans qu’il ne s’en rende compte, alors il pourrait simplement la féliciter— ou même ressentir de la fierté.

En réalité, maintenant qu’il y pensait, il espérait qu’Eluna ne change pas vis-à-vis de lui. Il savait que les autres membres du clan avaient dorénavant un nouvel œil sur sa personne. Certains le craignaient, d’autres étaient dégoûtés de ce choix. Il avait gagné sa place, mais aux yeux de bien des participants ou de certains hauts gradés, il ne méritait pas d’être là.
Il n’était pas fort et endurant comme les grands guerriers Yigas qui avaient luttés contre lui. La clef de sa réussite résidait en les mêmes armes qu’Eluna : la discrétion, la rapidité et la fluidité de ses mouvements. Être une grosse brute épaisse n’avait pas que des avantages, mais dans un milieu où la loi du plus fort régnait en maître, il était difficile de prouver être le plus puissant en ayant une taille de guêpe. Et pourtant ! Voilà qu’il avait prouvé le contraire.

« Ne change pas. » Répondit-il simplement en nouant la corde de son yukata bleu et rose. Sauf s’il le lui ordonnait, alors elle ne changerait pas. Dans ce cas… Voilà son ordre. Car s’il y avait un regard qu’il ne voulait pas voir différent, c’était le sien. Et justement, elle s’intéressa à ce propos.

« Je ne suis pas sot, Eluna. » Il tourna le regard vers l’extérieur, où la lune grimpait déjà bien haut dans le ciel. Il avait une sensation étrange, anachronique, complètement détaché de la notion du temps. Il pouvait entendre les autres Yigas qui festoyaient au loin. A croire que ce n’était pas le plein cœur de la nuit. « Je ne suis pas Kaarbjorn. Je suis son antithèse. Je sais qu’ils sont nombreux à douter de cette élection. Pourtant… » Il baissa le regard vers ses mains. Sans ses griffes, il avait des doigts particulièrement fins et délicats. Rien à voir avec les mains calleuses de son père de cœur. « L’Avatar m’a choisi. J’entends bien remplir mes fonctions et faire payer quiconque doutera de moi. » Il n’hésiterait pas une seconde à intimer le respect qu’il méritait. Car telle était sa place.

La rouquine le félicita, ce qui attira son regard sur elle. Ses yeux plongèrent dans les siens, il resta muet un instant, puis hocha de la tête, la remerciant sans le dire. ‘Merci’ n’était pas exactement dans son vocabulaire. Pas lorsque cela venait du cœur. Il estimait énormément l’avis d’Eluna et ses félicitations représentaient quelque chose de positif pour lui. Avoir l’aval de son amie d’enfance quant à sa situation était important – même s’il aurait fait sans si elle avait estimé que c’était une erreur.

Il tourna les yeux vers la fenêtre, laissant la lueur lunaire fait scintiller ses opales céruléennes.
« Kaarbjorn m’a choisi pour lui succéder. » Il ne doutait absolument pas de sa position. Jamais il n’aurait souhaité la mort de son père de cœur, évidemment. Il était sans doute le seul être qu’il ‘aimait’ profondément et pour qui il vouait un respect sans borne. Toutefois, les choses étant ce qu’elles étaient, il lui avait semblé évident de prendre sa place. En son honneur. En sa mémoire. « Cette place ne mérite-t-elle pas d’être mienne ? » Ce n’était pas comme si elle oserait lui dire le contraire. Il le savait bien.

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Eluna & Angelo

An 1000, Lune 2, Jour 13 ー (Tenue)

Alors, elle ne changerait pas.
D'un hochement de tête silencieux, Eluna affirme indirectement à Angelo qu'elle ne changerait pas, comme il vient de le lui demander ― ou ordonner, tout dépend. Rares sont les personnes qu'elle ne souhaite pas décevoir, Angelo en faisait parti depuis bien longtemps ; et cela n'est pas prêt de changer désormais. Elle le verrait toujours comme un ami d'enfance, un confident, quelqu'un qui partage beaucoup de points communs et qu'elle estime énormément... Il lui faudrait toutefois certainement un peu de temps pour s'habituer à s'adresser à Angelo et de ne pas voir en lui uniquement « la Main du Roi ». Mais Eluna promettait silencieusement à son ami d'enfance qu'elle serait toujours la même, cette même amie qu'il connaît depuis toujours. Et avoir une place aussi privilégiée auprès d'Angelo la rassurait dans un sens. Eluna aurait certainement mal vécu le fait qu'une grande distance se crée entre eux après tout ce temps.

Au loin, on peut entendre une ambiance décontractée, festive et très bruyante, surtout. Dans un sens, la Zora ne regrette pas de s'être éclipsée pour rester dans les quartiers plus calmes et déserts de la Cité Gerudo. Surtout si cela lui permettait d'avoir une discussion honnête et amicale avec Angelo. Qui sait, peut-être aurait-il moins de temps à partir de maintenant, alors Eluna veut profiter de chaque instant.
Angelo confie finalement ce qu'il ressent au fond de lui. Le regard des autres a assurément changé, il en reste persuadé, semblerait-il. Se sentant concernée désormais par les confidences glissées de son ami d'enfance, la Zora fronce les sourcils. Attentive, elle le laisse parler en restant muette. De quelques pas gracieux et légers, elle marche à ses côtés, silencieuse. Toutefois, Angelo semble sûr de lui et compte bien imposer le respect qu'on lui doit, ce qui rassure dans un sens Eluna. Mais elle ne peut s'empêcher d'imaginer les pires scénarios dans son esprit... C'est plus fort qu'elle.

Toutefois, elle n'en dit pas un mot. Ayant posé simplement ses prunelles sur Angelo, la jeune femme l'écoute toujours attentivement se confier à elle. Il peut absolument tout lui dire, elle a toujours été quelqu'un de loyal et de fidèle alors ainsi, elle se sent soulagée qu'il lui fasse toujours autant confiance. Eluna s'est toujours sentie prête à mourir en emportant avec elle tous les secrets, toutes les confidences. Il n'y a rien de plus gratifiant de mourir sans avoir trahit les siens. Alors, personne ne saurait de ce que les deux Zoras se disent, ce soir.

« Tu as été choisi, ce n'est pas par hasard. » Dit-elle d'une voix claire, sûre d'elle. La Zora réajuste alors les boucles de ses ceintures au niveau de ses hanches, allant remettre sa dague dans son étui de cuir. « Je dirai même qu'ils sont inconscients de remettre en question la parole et le choix de l'Avatar. » La Calamité sait ce qu'elle fait, et si le Néant a décidé de laisser Angelo reprendre le flambeau de son père adoptif, qu'il en soit ainsi. La rouquine peut sentir alors une petite colère bouillonner timidement en elle, comme si les braises de son cœur étaient sur le point de s'enflammer. Eluna tourne alors son visage vers Angelo, l'observant et lui faisant comprendre que quoi qu'il arrive, elle serait de son côté.

« Nous ne sommes personne pour remettre en question le choix qui a été fait. Paix et honneurs à Kaarbjorn Sverdaudr, » dit-elle, en posant une main sur son cœur comme pour rendre un énième hommage à l'ancien bras droit du Roi. « Dans un sens, je trouve même ça magnifique, tu as été choisi pour lui succéder, il n'y a rien de plus honorable. » Sverdaudr, étant sans nul doute retourné auprès du Néant aux côtés de l'Avatar, peut-être avait-il pu glisser des prières et des souhaits à ce dernier. Eluna en est convaincue. « Tu es là où tu étais destiné à être. »

Puis, la Zora se permet de soupirer doucement. Elle marche quelques pas avant de s'adosser brièvement contre une grande colonne juste à côté. Ses prunelles se tournent ensuite vers Angelo, non loin.
« De toute évidence, peu de gens prennent le temps d'estimer les compétences dont tu as fait preuve. Notre force ne réside pas dans le frontal ni dans la brutalité, elle est ailleurs et beaucoup ont tendance à la sous-estimer. » Bien évidemment, Eluna sait de quoi elle parle, combien de Yigas ont douté d'elle, beaucoup la voient comme une faible qui ne présente aucune force physique. Mais par l'Avatar, que diront-ils si un jour ils se retrouvent à la merci de ses dagues mortelles en un battement de cils ?

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An 1000, Lune 2, Jour 13

Remettre la volonté de l’Avatar en cause était passible de mort chez les Yigas. Il allait de soi que d’entendre quiconque douter des choix de leur bien-aimée divinité donnerait à Angelo une opportunité en or de trancher des têtes et d’arracher des membres. Il ne se gênerait pas, en réalité ; il n’avait aucun sentiment particulier vis-à-vis des esclaves. Il les considérait comme des cloportes. Il pourrait les tuer un à un, tous les éradiquer, sans l’ombre d’une hésitation. Ce qui l’empêchait de le faire, c’était bien qu’ils étaient… utiles, oserait-on dire. Pratiques, surtout. Comme de vulgaires outils.

Eluna rendit honneur à Kaarbjorn, ce à quoi Angelo répondit en baissant légèrement la tête et en fermant les yeux deux secondes, prêtant ses pensées à son père adoptif décédé. Elle disait que ce choix ne pouvait être contesté et qu’il était presque poétique qu’il ait la place qu’occupait autrefois le gerudo. Pour une rare fois, Angelo se laissa plonger dans ses souvenirs en l’entendant prononcer ces mots.
« J’aurais pu mourir à Célesbourg, ce jour-là. » Déclara-t-il en considérant l’horizon. « Son intervention était en toute évidence la volonté de l’Avatar. Notre Déité savait qu’un jour, je serais digne de prendre la place de mon père. » Il en était convaincu. Un instant de plus, et un Yiga furieux aurait pu tout simplement décapiter le brave enfant égaré qu’il était. Et pourtant ! Kaarbjorn l’avait récupéré. Ce n’était pas un hasard.

Comme le disait si bien Eluna ; il était destiné à être à cette place.

Son commentaire suivant le fit sourire ; chose rare ; car elle était somme toute bien placée pour dire que la force n’était pas que brutale ou frontale. Elle résidait aussi dans la discrétion des choses.
« Il est tellement plus plaisant de trancher la gorge de quelqu’un qui ne s’y attend pas… » Dit-il avec une expression légère, fasciné et amusé par cette idée. Il était de ceux qui égorgeait dans le sommeil. Il n’avait aucun honneur particulier à effectuer un combat de front avec ses adversaires. Le but était le même : tuer. Peu importe les moyens.

« Quoi qu’il en soit, je sais que mes hyènes s’occuperont des langues trop pendues. Je ne me fais pas de souci. » Il avait une confiance complète en ce trio qui, à présent, avait une mission de la plus haute importance ; respecter et protéger le Seigneur-Main. Ils accomplissaient déjà cela avec brio, aussi Angelo ne se faisait pas trop de souci.
Il tourna ses yeux glacés vers la zora.

« Je sais que je peux te faire confiance. » Ce n’était pas particulièrement dit avec chaleur, mais Angelo n’était pas de ceux qui faisait dans le sentiment. « Que ce désert soit notre nouveau fleuve, ma sœur. Et bientôt, ce monde deviendra notre océan. » Une brise gelée vint les caresser à cet instant, comme si l’Avatar soutenait ses propos. Dehors, l’agitation battait son plein. Angelo prit une profonde inspiration, satisfait de la journée, satisfait de cet échange. Satisfait.

« Notre Roi parviendra à ses fins, Eluna. J’en fais le serment. »

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Eluna & Angelo

An 1000, Lune 2, Jour 13 ー (Tenue)

La destinée peut parfois revêtir différentes couleurs, différents paysages et nous amener vers un chemin opposé de celui auquel nous pensions être destinés. Et le tout-puissant Avatar du Néant sait ce qu'il fait, Eluna en est convaincue. Il ne fait rien au hasard, et même les événements les plus troublants sont certainement arrivés pour une bonne raison. Alors, c'est un sourire fier et admiratif qui s'étire sur les lèvres de la Zora lorsque Angelo se replonge dans ses souvenirs d'enfance. Le fait qu'il soit conscient qu'il aurait pu y laisser la vie si Kaarbjorn n'avait pas été là, n'est pas le fruit du hasard, c'est bien certain. Non, de toute évidence, Angelo est là où il était destiné à être et Eluna le répétera aussi longtemps qu'il le faudra parce qu'il s'agit là, de sa profonde conviction.

Mais ce que les deux Zoras partagent, en plus de leurs natures communes, c'est bien leur force : celle-ci réside dans la surprise, la discrétion. Eluna préfère être dans le dos de ses adversaires, tapie dans l'ombre en attendant le meilleur moment où ôter une vie. Au moment où l'on s'y attend le moins. Un sourire presque trop cruel se dessine discrètement sur ses lèvres. « Il y a quelque chose de particulier lorsque je peux voir le regard de mes victimes rempli d'incompréhension une fois qu'ils sentent que la mort est venue pour elles. » La Zora considère ses manières d'assassiner comme un art, il s'agit de quelque chose de très précis et elle déteste avoir l'impression d'avoir agi comme un brouillon.

Elle tourne alors son visage vers Angelo quand il évoque ses « hyènes », ce trio de Yigas qui ont toujours été connus pour être des proches du Zora. Eluna hoche la tête en guise de réponse, plutôt rassurée sur le fait que l'Arlaeron soit aussi bien entouré, plus encore maintenant qu'il est devenu la Main du Roi.
Toutefois, quand Angelo avoue placer sa confiance en elle, Eluna est surprise. Elle n'est pas vraiment habituée à ce qu'on lui dise de telles choses, même si ce n'est pas dit avec chaleur, cela reste une reconnaissance. Des mots qui résonnent en elle et qui, intérieurement, lui font plaisir. Eluna n'avouera jamais à haute voix qu'elle est heureuse de l'entendre, mais son petit sourire qui se dessine sur ses lèvres en est la preuve. Elle qui donne tant pour le Clan Yiga, savoir que même en étant Main du Roi, Angelo lui fasse à ce point confiance, est presque un honneur. Et être appelée « ma sœur » par son ami de toujours fait naître en elle une chaleur qui réchauffe un peu son cœur de glace.

« Cet océan magnifique qu'il me tarde de découvrir de mes propres yeux... » murmure-t-elle, abaissant son regard vers l'horizon qui se dessine au-dessus des murailles de la Cité des Landes Sauvages. « Tu pourras toujours compter sur moi au sein de cet immense fleuve, mon frère. Et je continuerai de me dévouer pour ce bel océan qui nous est promis. » Même la faucheuse peut avoir une famille, des gens qu'elle parvient à considérer comme sa propre famille. Et Angelo en fait parti. La rouquine tourne finalement son visage vers le Zora, l'admirant quelques instants avant de faire quelques pas devant lui. Leur échange fut très plaisant, il lui a permis de reprendre une agréable bouffée d'air frais ; elle est plus déterminée que jamais désormais. Eluna s'incline alors respectueusement, une main sur le cœur avant de se redresser lentement.

« Tu le sais depuis toujours : si tu as besoin de moi, tu sais où me trouver. Ma loyauté et mes illusions seront pour toujours et à jamais au service de notre cause. Au même titre que mon amitié envers toi sera toujours fidèle, » dit-elle en prenant un air beaucoup plus sincère, sérieux. Eluna a bien du mal à faire dans les sentiments, mais pour une fois, chose rare, les paroles d'Angelo lui avaient inspiré l'envie de lui faire une confidence des plus honnêtes. « Je vais me retirer, si tu me le permets, » dit-elle en reculant de quelques pas sans jamais tourner le dos à Angelo. « Je te souhaite de passer une bonne soirée. Et n'oublies jamais : tu es là où tu étais destiné à être. Si tu en doutes, je viendrai te le rappeler aussi longtemps qu'il le faudra. »
La belle rouquine se redresse lentement et adresse un dernier regard à Angelo, plein d'espoir. « Cet océan nous tendra les bras un jour, et il sera à nous. »

À ces mots, Eluna s'éclipse, passant au-dessus d'un muret avec une agilité maîtrisée jusqu'à disparaître à nouveau dans les ombres. Il était temps pour la faucheuse flamboyante de se retirer.

(c) DΛNDELION

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