I hope you know we have everything ー Cirilla & Aymeric.
An 1000, Lune 7, Jour 19.

Des heures sombres se profilent à l'horizon. Ces derniers jours, Cirilla a bien du mal à trouver la sérénité dans toute cette confusion. Elle ne sait exactement ce qu'il se trame, elle n'est pas au courant des plans qui se projettent pour les jours à venir, mais la Grande Sage a pu en entendre des échos plus ou moins précis. Bon nombre de fidèles se sont rendus à l'Amphithéâtre en allant directement prier auprès de l'autel de Valoo ces derniers jours, les visages fermés, les poings serrés jusqu'à s'en faire rougir la peau. Quelque chose s'est terni mais Cirilla ignore quoi. Elle n'a pas osé non plus interroger qui que ce soit à ce sujet, préférant les laisser dans leurs pensées méditatives. Mais son cœur lui hurle que quelque chose ne va pas, quelque chose est sur le point d'arriver. Elle ne sait pas si c'est le résultat de ses longues journées dans une ambiance parfois pesante ou bien si Valoo lui-même lui envoie ces ressentis, mais Cirilla a eu quelques nuits agitées ces derniers jours. Le vent ne lui caresse plus les plumes de ses grandes ailes de façon agréable, il y a comme de la mélancolie, quelque chose d'attristant. Se pourrait-il que Valoo en personne se sente mal en point ? Le cœur de la prêtresse se serre à chacun de ses réveils, elle cherche sans véritablement chercher des réponses à ses interrogations...

Mais pourtant, dans cette période préoccupante, Cirilla parvient tout de même à garder la tête haute. Si sa foi l'aide énormément à garder espoir et la force de se lever chaque jour qui passe... Il y a désormais quelqu'un, un homme au cœur pur, la bienveillance incarnée et au charme indéniable : Aymeric s'est fait peu à peu une place importante et essentielle dans la vie de Cirilla, si bien qu'elle n'avait pas hésité à lui montrer le chemin vers sa demeure. Les deux amoureux semblent filer le parfait amour, une idylle nouvelle et les regards rivés vers l'avenir en appréciant chaque instant de leurs rencontres. Chacune de leurs retrouvailles était merveilleuse, agréable et Cirilla se redécouvrait un peu plus chaque jour.

Puis, comme tous les matins, la belle Piaf s'est levée aux aurores, se préparant comme à son habitude. Auriel est très bavarde ce matin, elle chante et vole un peu partout dans la maisonnée jusqu'à se poser sur le coin de la table principale. Cirilla entame alors un dialogue avec sa petite hirondelle, s'amusant à la caresser et à la faire sautiller sur la table. Aujourd'hui, la Piaf a tout son temps, elle n'est attendue par personne à l'Amphithéâtre et l'agitation de ces derniers jours l'ont forcée à se reposer un peu au sein de sa demeure.

Plus tard, quelqu'un toque à la porte.
Cirilla, toute vêtue de ses vêtements chauds et confortables, se dirige vers l'entrée et ouvre. Elle sourit lorsqu'elle s'aperçoit qu'elle a l'agréable visite de son aimé. Aymeric est là, juste devant chez elle, espérant ne pas la déranger. La Piaf hausse un sourcil, un peu étonnée avant de s'approcher de ce dernier et de venir déposer un tendre baiser sur sa joue. Elle réserve ses baisers les plus amoureux lorsqu'il sera à l'intérieur, tout du moins... s'il a le temps.

« Bonjour, mon amour ! Bien-sûr que non, tu sais très bien que tu ne me dérangeras jamais. Comment vas-tu aujourd'hui ? » demande-t-elle avec la plus grande sincérité dans sa voix. À cet instant, Cirilla ne se doute de rien, agissant simplement comme habituellement : heureuse de recevoir la visite d'Aymeric.
Ainsi, elle s'écarte légèrement de l'entrée pour laisser passer son aimé s'il souhaite entrer et rester un petit peu. « Es-tu pressé ? Sinon tu peux entrer si tu veux » dit-elle en l'invitant d'un petit geste de la tête. « Je peux même nous préparer une tasse de thé ou bien une salade de fruits ? Ils sont frais du marché ! » demande-t-elle, un peu naïvement. Elle est très loin de s'imaginer ce qui accable actuellement son tendre Aymeric, et même si elle sent que quelque chose est différent de d'habitude, elle préfère agir comme si tout est normal. Au fond d'elle, Cirilla peut sentir sa gorge se nouer doucement.

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An 1000, Lune 7, Jour 19.

Rayonnante comme à son habitude, Cirilla a tout tenté pour dissimuler l'appréhension qui s'installe petit à petit dans son cœur. Comme si son instinct lui hurle qu'une ombre plane au-dessus de sa maisonnée, au-dessus d'elle, au-dessus d'eux. Aymeric a tout de même l'air d'être comme à son habitude, à la différence près que dans ses belles prunelles azurées, il y a comme une noirceur. Quelque chose... d'inhabituel. Néanmoins, Cirilla ne laisse rien transparaître et sourit tendrement à son aimé quand il lui affirme qu'il a tout le temps du monde pour elle. Ils filent le parfait amour depuis une lune maintenant, Cirilla n'ose pas imaginer un monde sans Aymeric désormais, ils sont comme liés par un lien impossible à briser...

Les grandes ailes argentées de la Grande Sage s'abaissent alors doucement quand son prénom est prononcé. Ciri. La porte se referme doucement derrière eux, les laissant dans un cadre bien plus intime mais également bien plus angoissant. La grande blonde retient son souffle, espérant ne pas être la destinataire d'une sombre nouvelle à laquelle elle ne serait pas préparée... L'aura brillante et chaleureuse de Cirilla se fane inévitablement, laissant place à de l'inquiétude, beaucoup d'incompréhension. Elle peut même sentir son cœur s'affoler et sentir la chaleur envahir son être.

« Bien-sûr, Aymeric... » lui dit-elle alors qu'il lui annonce devoir lui parler. À cet instant, Cirilla en oublie aussi bien son thé que sa salade de fruit, même Auriel se tait. L'hirondelle ne chante plus et part plus loin, ne reste alors plus que les deux Piafs devant l'entrée qui semble subitement si étroite. La prêtresse ne sait comment réagir, intérieurement, elle est plus que perdue et son être tout entier est envahit par l'inquiétude. Ce sentiment atroce d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, sans savoir ce qu'Aymeric doit lui dire... Silencieuse, Cirilla observe calmement ― de l'extérieur tout du moins ― le beau brun dont l'aura chaleureuse l'avait quitté dès lors que ses prunelles exprimaient toute la souffrance de ce qu'il lui pèse sur les épaules. La prêtresse comprend que quelque chose ne va pas... mais quoi ?

Naturellement, Cirilla se saisit de la main d'Aymeric. Inconsciemment, elle la serre encore plus entre les siennes, comme si elle craignait qu'il ne disparaisse à jamais sous ses yeux. Les sourcils froncés, la Piaf observe longuement son aimé, inquiète. Elle pose alors sa seconde main sur la sienne. Lentement, elle les guide vers son salon, près de la majestueuse cheminée où le feu ne réchauffait plus la maisonnée. Cirilla avait presque trop chaud. Elle n'avait jamais vu Aymeric dans un tel état, sa voix sonne si grave, si lourde, ses épaules semblent porter quelque chose d'un poids inimaginable. Cirilla regrette alors de ne pouvoir avoir de pouvoirs magiques pour chasser tout cela du regard de son bel aimé, il ne mérite pas ça... Non.

« Viens, allons nous asseoir... » murmure-t-elle, incapable désormais de parler à voix haute. L'inquiétude gagne toujours plus de place dans son cœur et son esprit. Cirilla s'assoit alors lentement sur la large banquette en ne quittant pas du regard Aymeric. Le visage tiraillé par l'angoisse, elle ne peut cacher l'angoisse sur son expression faciale. « Je t'écoute, parles-moi... » finit-elle par murmurer à nouveau, prête à l'écouter et à entendre ce qu'il avait à lui dire. Enfin, prête est un bien grand mot, mais personne n'est jamais prêt à entendre de sombres nouvelles aussi subitement n'est-ce pas... Elle n'a même pas le cœur à placer une petite blague et ne trouve pas les mots justes pour réconforter son aimé... « Tu peux tout me dire, tu le sais... » Voilà la seule chose qu'elle veut pouvoir lui faire comprendre... Qu'a-t-il de si important à lui dire ? Elle craint tant de nouvelles, qu'elle ne sait pas ce qu'elle aimerait entendre ou non...

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An 1000, Lune 7, Jour 19.

Les mots manquent à Cirilla qui ne peut qu'être soumise à cette longue et douloureuse attente de connaître enfin la vérité ; ce qu'Aymeric a de si important à lui dire. La Grande Sage en a le cœur serré à l'idée qu'une terrible nouvelle les frappe alors qu'ils vivaient de jours heureux depuis quelque temps maintenant. Pourquoi fallait-il leur priver de cette joie de vivre si soudainement ? Dans l'esprit de Cirilla, ce sont mille scénarios qui s'inventent et elle imagine des tas de choses alors que le silence envahit le salon habituellement chaleureux et réconfortant. À cet instant, la pièce paraît étroite, voire étouffante pour Cirilla qui reste muette, attentive et patiente.

Quand Aymeric évoque leur Roi, la prêtresse se racle la gorge, comprenant alors qu'il s'agit d'une affaire entre les deux frères. Ou peut-être de plus profond et inquiétant encore. Les mots suivants donnent de nouveaux indices à Cirilla, lui faisant comprendre le sens du "opération" puisqu'elle est, en effet, chargée de prier Valoo pour le bon déroulé des événements. Le Roi Cantell le lui avait demandé, et en tant que Grande Sage, la Piaf avait dû bien évidemment accepter. Toutefois, n'ayant pas tous les détails de cette opération militaire de grande envergure, Cirilla ne pouvait pas comprendre toutes les nuances et de tout ce que cela impliquait mais intérieurement, elle avait un mauvais pressentiment. Plus encore lorsque qu'Aymeric a reçu lui aussi, semble-t-il une demande de la part de son frère, le Roi. Inquiète, Cirilla hausse un sourcil, cherchant le regard de son aimé pour essayer de le réconforter, mais ce dernier semble la fuir. Ses prunelles se perdent alors quelques instants sur le tapis au sol, alors que son cœur tambourine à cause de sa nervosité grandissante. Instinctivement, la Piaf relève son regard vers Aymeric quand il passe sa main libre sur son visage, comprenant que les mots peinent à lui parvenir. Doucement, elle lui murmure : « Aymeric... » pour essayer de le rassurer du mieux qu'elle le peut alors qu'elle-même, ne se sent plus du tout soulagée.

Aux derniers mots d'Aymeric, la prêtresse ouvre grand ses yeux, choquée.
Le temps s'arrête pendant quelques secondes, il n'y a plus aucun bruit, plus aucune couleur, plus aucune odeur. Le noir absolu enveloppe l'esprit de Cirilla qui est bouleversée au plus profond de son être. Figée sur place, la Piaf peut alors sentir son cœur se briser en mille morceaux comme un arbre perdrait ses feuilles une fois sa mort venue. Le feu céleste qu'elle incarne s'éteint alors doucement à l'intérieur d'elle alors que les flammes dansantes s'apaisent jusqu'à ne devenir que des braises.

« ... » Les mots lui manquent, et quand brutalement, Cirilla revient à la réalité, elle ressent un puissant tremblement dans tout son corps. Les larmes aux yeux, la prêtresse se redresse subitement et se jette littéralement dans les bras d'Aymeric. Elle le serre de toutes ses forces, jusqu'à presque s'étouffer alors qu'elle tremble de tout son être. « C'est injuste... injuste... » Elle répète ces mots plusieurs fois alors que sa voix commence à trembler elle aussi. « Par pitié, dis-moi ce que je dois faire, ce que je peux faire... Pas toi, non... Tu ne mérites pas ça ! » À cet instant, Cirilla sent une profonde colère monter lentement en elle, lui donnant tout simplement l'envie de hurler alors qu'elle garde toujours Aymeric dans ses bras. Elle pose alors sa tête dans son cou et laisse descendre finalement une main dans le dos du Piaf.

La colère gronde. La tristesse et ce sentiment d'injustice se logent définitivement dans le cœur de Cirilla alors qu'elle laisse finalement une larme couler le long de sa joue. « AU DIABLE ! » S'exclame-t-elle d'une voix rancunière en plantant son regard vers une fenêtre face à elle donnant sur l'extérieur. Son regard s'assombrit d'une lueur mêlant le chagrin, le désespoir et la colère d'une femme qui ne peut concevoir de laisser son bien-aimé partir à la guerre de façon si injuste. La place d'Aymeric n'est nulle part ailleurs que sur les magnifiques marches de l'Amphithéâtre de Valoo pour y chanter ses chansons et jouer des mélodies en l'honneur de l'Esprit du Ciel ! Pas sur un champ de bataille où il pourrait y perdre la vie. « Je suis désolée... Je ne prierai jamais pour une telle chose, je ne peux prier cette fois-ci pour un homme tel que lui... Pas en sachant ce qu'il te fait subir une nouvelle fois... » soupire-t-elle, la voix grave. « Si je ne parviens pas à te faire sortir de là, je jure sur ma propre vie que je prierai chaque instant Valoo quitte à m'en épuiser pour que tu me reviennes sain et sauf. Je continuerai jusqu'à ce que nous nous retrouvions. » Cirilla se rend compte qu'elle y est allée peut-être un peu trop fort et elle relâche tout doucement son étreinte sur Aymeric pour lui laisser un peu d'air. « Mon amour... » murmure-t-elle, enfin.

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An 1000, Lune 7, Jour 19.

C'est comme si son monde s'écroulait à cet instant. Telle une apocalypse auquel elle ne pouvait rien y faire si ce n'est accepter une fatalité incertaine. Oh, si c'était dans ses capacités, Cirilla irait jusqu'aux confins de l'univers, décrocher la lune, défier les étoiles maudites, hurler toute sa peine et montrer à quel point le chemin de la vie est cruel. Mais hélas, dans son simple rôle de mortelle et prêtresse de Valoo, Cirilla ne peut rien y faire. Et aller essayer de raisonner le Roi n'est pas une option envisageable ; surtout si cela devait mettre Aymeric dans une situation encore plus difficile et délicate. Au contraire, la grande Grande Sage compte bien essayer de faire en sorte, à son niveau, d'épargner son bien-aimé des horreurs de la guerre.

Bien qu'elle s'est laissée aller quelques instants, soumise à une profonde colère alors que sa haine pour l'injustice s'est manifestée. Cirilla le sait très bien, la place d'Aymeric n'est certainement pas sur un champ de bataille, il n'a jamais été un soldat comme ces Gardes Argentés qui se pavanent dans leurs brillantes armures, protégeant un sombre idiot qui ne sait rien de ce qu'est un véritable roi. Non, Kevan Cantell vient de définitivement perdre le peu d'estime que la Grande Sage éprouvait pour lui dès l'instant où elle a apprit qu'il n'avait pas donné le choix à son frère, l'envoyant dans une guerre dans laquelle il n'a pas sa place. Toutes ces fois où il fit la sourde oreille, toutes ces fois où il entailla le cœur bon et pur d'Aymeric.

Dans ses bras, Cirilla sent les tremblements naturels parfois contenus de son aimé tout contre elle. Doucement, elle tente de le bercer alors qu'il la resserre à nouveau quand elle s'apprête à s'éloigner. Comme s'il ne veut pas que cela se termine maintenant, qu'il veut rester ainsi. Le souffle chaud et la peau bouillante d'Aymeric donnerait presque trop de chaleur à la magicienne de feu. Devinant qu'il est sans doute en train d'extérioriser ses craintes, ses peines, en lâchant quelques larmes discrètes, Cirilla ne dit rien. Même si elle peut aisément comprendre qu'il pleure, la Piaf ne bouge pas, ne fait aucun commentaire et agit comme si elle ne se doute de rien.
Fronçant les sourcils, la prêtresse caresse délicatement le dos de son bien-aimé quand celui-ci s'excuse, lui fait des promesses, n'acceptant pas de la laisser seule dans ce grand monde cruel. Cirilla fait non de la tête, posant tendrement sa tête contre celle d'Aymeric ensuite. S'ils doivent se parler ainsi, enlacés et ne pouvant admirer le visage de l'autre, qu'il en soit ainsi. En cet instant, la prêtresse est loin de penser à elle et à son confort. Avant tout, la Piaf souhaite réconforter son aimé, c'est plutôt à lui de penser à son bien-être.  

« Je ne t'abandonnerai jamais, et si je dois prier nuit et jour pour toi, je le ferai sans aucune hésitation. » Pour lui, elle est prête à tant de choses. Surtout si c'est pour lui assurer sa survie, un retour paisible et, elle espère, sans blessures qu'elles soient physiques ou morales. « Cesse de penser à moi, pour une fois, j'aimerai que tu penses également à toi. Je t'en prie... Je ne craindrai rien ici, je te l'assure. » Les simples pensées de voir le corps sans vie d'Aymeric ramené à Hébra, devant elle-même lui donner les derniers honneurs et les funérailles brisent le cœur de Cirilla qui ne peut accepter cette possibilité. Elle réprime un sanglot et serre fort contre elle Aymeric, les berçant tous les deux dans une pièce devenue bien trop petite pour ces deux âmes chagrinées. « Tu me reviendras, je le sais. Valoo ne peut pas t'abandonner et moi non plus. Nous pourrons ensemble sourire à nouveau à ton retour, partager un beau repas sur un balcon, nous embrasser et s'enlacer toute la nuit jusqu'à ce que l'aurore n'arrive. » Son regard se perd à nouveau sur le beau paysage que la fenêtre face à elle laisse apercevoir au loin. « Et tout ce malheur sera derrière nous. Nous aurons droit à nos jours heureux, je le désire de tout cœur. »

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An 1000, Lune 7, Jour 19.

Si cette bulle dans laquelle tous deux baignent en cet instant semble avoir figer le temps, bien vite, la cruelle destinée les rattraperaient. Rassemblant tout son courage, Cirilla se doit être plus forte que jamais ; Valoo ne lui prendra pas Aymeric. Il n'en est pas question. C'est impossible. Il y a quelques lunes, on lui avait déjà arraché son père adoptif, celui à qui elle devait la vie, pourquoi Valoo voudrait-il malmener et faire souffrir douloureusement sa prêtresse ? Cela n'aurait aucun sens. Bien qu'il puisse donner des obstacles à traverser pour rendre plus forte encore la Grande Sage, n'est-elle pas mortelle à l'origine ? Son cœur, son esprit, tout en elle n'est qu'humain. Et Cirilla ne pourrait pas concevoir de perdre l'amour de sa vie. Aymeric était devenu au fil du temps beaucoup trop important pour elle.

Les mots de son aimé la fait sourire. C'est un sourire tendre, ému, presque trop nerveux. Pour eux deux, la Piaf se doit d'être forte, elle ne peut accepter de se présenter larmoyante et désemparée face à lui. Aymeric ne mérite pas ce qu'il lui arrive, tout ce malheur, il n'est pas fait pour une vie de soldat. Sa place est ici, auprès d'elle, sur les marches de l'Amphithéâtre, à chantonner et créer de nouvelles mélodies. Alors, Cirilla se fait la promesse de ne pas quitter Aymeric les larmes aux yeux mais au contraire, plus forte que jamais. Leur couple n'en sortira que plus soudé encore après toutes ces affreuses épreuves.

« Je t'attendrai aussi longtemps qu'il le faudra sur ces marches. Je t'en fais la promesse Aymeric. A ton retour, tu me trouveras à l'Amphithéâtre. Je serai là pour t'accueillir. » Et ce, même si elle devait y rester nuit et jour. Pour son amour, pour cet homme, Cirilla était désormais prête à bien des sacrifices. Pour lui. Pour eux.
Les paroles d'Aymeric bouleversent la prêtresse qui sent son cœur bondir plus fort encore dans sa poitrine. Elle jurerait qu'elle était presque à deux doigts de faire un arrêt cardiaque quand il lui demande de se marier, de fonder une famille à son retour. La prêtresse bat des cils rapidement, prise par surprise par une telle demande si inattendue de la part de son aimé. Un rire confus se fait entendre, puis des excuses. Toutefois, malgré son envie de répondre à Aymeric, aucun mot ne parvient à franchir la barrière des lèvres de la jeune femme. Comme devenue muette face aux demandes si étonnantes, si... inattendues.

Les prunelles de la Piaf se perdent alors dans le regard azuré d'Aymeric lorsque celui-ci encadre tendrement son visage à elle entre ses mains. Une larme chassée d'un geste doux du pouce, Cirilla observe longuement son noble aimé en lui laissant alors le temps de comprendre à quel point son regard exprime toute la peine qu'elle ressent. Mais aussi tout l'amour qu'elle lui porte et la peur de le perdre à jamais... Voudras-tu m'épouser, Cirilla ? Cette simple demande achève définitivement la jeune femme qui reste totalement immobile. Elle est sous le choc. Une multitude de sentiments la traversent alors alors qu'Aymeric poursuit sa demande en lui confiant y avoir réfléchi malgré que l'instant choisi n'est pas le plus indiqué.
Mais la guerre ne les séparera pas. Jamais. C'est impossible.

Toujours muette, Cirilla est bouleversée. Elle n'aurait jamais cru recevoir une telle demande, c'est comme si tout son monde était sur le point de changer profondément alors qu'Aymeric lui tend une de ses grandes plumes. La jeune femme trouve tout de même la force de saisir ce précieux cadeau, l'admirant ainsi quelques secondes avant de redresser son regard vers le noble.

« Je ne peux imaginer ma vie sans toi Aymeric. Je ne peux pas, je ne veux pas... » Envahie par l'émotion, Cirilla pose une main sur son front puis sur sa bouche. Elle tente de garder une respiration calme et apaisée. Car en dehors de cette dernière conversation avant le départ de son noble aimé, celui-ci venait littéralement de demander sa main. De la demander en mariage. De se promettre de vivre une vie de famille dès son retour. « Oui, je le veux » Dit-elle en hochant la tête doucement tout en regardant Aymeric dans les yeux. « Je n'ai jamais formulé de vœu de célibat, je suis donc libre de... » Admirant encore un instant la magnifique plume châtain entre ses doigts fins, tremblants. « De me marier, d'avoir des enfants, de fonder ma famille comme bon me semble. » Son père adoptif avait également eu une vie de couple avec Hestia bien qu'ils n'eurent jamais d'enfants, il avait tout de même adopté la petite Cirilla, tout juste née.

Pendant quelques secondes, le temps semble se figer tout autour, Cirilla reposant ses prunelles sur le visage d'Aymeric qu'elle admire avec tendresse. De son autre main libre, la prêtresse vient poser celle-ci sur la joue du noble, lui souriant malgré l'émotion qui l'étreint. « Oui, je veux t'épouser, Aymeric. » Mais ne devraient-ils pas penser à ce que la Cour pourrait penser ? Elle vient alors poser délicatement son front contre celui de son aimé. « Et tu as désormais une raison supplémentaire de me revenir en vie. »

Et si Aymeric ne revenait pas, son cœur lui appartiendra pour toujours, à lui, à ce charmant noble dont elle est tombée amoureuse. Il a su la comprendre, l'aimer, la faire se sentir aimée et lui redonner des ailes pour vivre une vie pleine de sens et de bonheur dans un monde qu'elle arpentait seule.

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An 1000, Lune 7, Jour 19.

Pour lui, pour elle, pour eux, pour cet avenir radieux, Cirilla allait devoir être forte. Compter sur elle-même, prier avec encore plus de piété et de conviction, faire en sorte que les jours passent le plus rapidement possible et espérer qu'enfin, Aymeric lui revienne sain et sauf. Elle pourrait tomber autant de fois que nécessaire, la prêtresse se jure de se relever à chaque fois, et ce, jusqu'au retour de son rossignol. Et à son retour, ils pourraient enfin se tourner vers l'avenir, vers leur avenir. Maudit soit Sa Majesté d'Hébra pour les séparer ainsi, faire souffrir la prêtresse et peut-être briser ce bonheur qu'ils construisaient petit à petit.

Il n'en avait pas le droit. Et pourtant, oui, la vie est bien cruelle. Rassemblant tout son courage, Cirilla essaie sincèrement de ne pas envisager le pire, elle ne s'autorise pas y penser un seul instant. Aymeric a en effet, toutes les raisons du monde de revenir en vie et en bonne santé à Hébra, auprès d'elle. Ce baiser, elle aurait espéré qu'il puisse durer encore et encore, mais malheureusement, la réalité vient la frapper à nouveau en pleine figure.
Il ne peut pas rester.
La prêtresse le comprend, l'entend et s'en doutait déjà. Mais elle refusait d'y penser, peut-être pouvait-il encore rester, quelques minutes, quelques heures... Une nuit était impossible. Aymeric le lui confirme indirectement puisque le départ est prévu pour le lendemain. Baissant à son tour la tête, Cirilla expire longuement.

« Demain... » murmure-t-elle tout bas de façon presque inaudible. C'est si soudain, si brutal.

A croire qu'elle attendait toujours et encore la chute, qu'il lui dise que ce n'était qu'une mauvaise blague ou un mauvais rêve. Mais il n'en est rien. L'instant d'après, c'est le geste soudain d'Aymeric qui sort Cirilla de ses pensées alors qu'il se lève et se détache complètement d'elle. Restant pendant quelques secondes sonnée et prostrée près du canapé sur lequel ils s'étaient assis pour discuter, la Piaf relève finalement la tête pour voir la silhouette d'Aymeric s'éloigner. C'est vrai qu'il est peut-être préférable pour eux de ne pas s'attarder plus, qu'il faut couper le cordon le plus soudainement possible, car peut-être, à terme, elle ne l'aurait pas laissé partir.

« Aymeric ! » s'exclame-t-elle soudain, en se levant du canapé. Droite dans ses bottines, la Piaf se tourne vers ce dernier qui est déjà près de la porte.

Elle le regarde silencieusement, serrant entre ses doigts fins la plume que lui avait donné son aimé un peu plus tôt. Elle la caresse délicatement, la manipulant avec une grande tendresse. Aymeric s'est immobilisé près de la porte, se tourne alors vers elle et enfin... Je t'aime.
Se rappelant ce qu'elle s'est juré, Cirilla redresse la tête, fièrement, confiante, le sourire aux lèvres bien que ses yeux rougis trahissent des larmes qui menacent à tout instant de couler. Elle ancre dans sa mémoire les traits d'Aymeric, bien qu'il soit nerveux et fatigué sans doute, elle veut pouvoir se rappeler de son visage. À jamais.

« Mon rossignol... Moi aussi je t'aime, éternellement. »

Et lorsque la porte s'ouvre, faisant alors disparaître la silhouette réconfortante d'Aymeric, le cœur de la prêtresse semble rater un battement. La scène, déchirante, lui serre la gorge et quand la porte se referme dans un lourd silence étouffant, elle porte une des mains sur sa poitrine.

Il est parti. Et il ne reviendra pas tout de suite. Mais il lui reviendra. Il avait toutes les raisons pour le faire alors, il ne brisera pas leur promesse d'un avenir commun.

Sa main posée sur son torse vient alors se porter sur sa bouche, comme pour étouffer ses sanglots à venir et elle tombe finalement à genoux au sol. Elle s'est sans doute fait mal, mais la douleur morale à cet instant est bien plus forte que le reste qu'elle ne ressent rien d'autre qu'une solitude pesante et l'angoisse de ne plus jamais revoir son cher et tendre. Serrant fermement la plume entre ses doigts, elle la porte de sa main libre contre elle, finissant alors par éclater en sanglots dans sa maison redevenue silencieuse. On entendait alors plus que ses larmes, ses pleurs et ses sanglots. « Je te... promets... de prier... pour toi... mon amour... » murmure-t-elle entre deux lamentations.

Pour eux, elle resterait forte. Lorsque la tempête passera, elle se relèvera et attendra le retour d'Aymeric, courageuse comme jamais elle ne l'a jamais été.