I'm killing myself from the inside out and now my head's been filled with doubt • Talia Vajanska

— An 1000, Lune 8, Jour 13
@Talia Vajanská

La journée était déjà bien entamée et le soleil commençait doucement à décliner, tapis derrière l’épaisse couche de nuage qui le voilait quotidiennement dans le Crépuscule. Midona avait passé une bonne partie de la journée dans le château, rencontrant des nobles pour des affaires dont Remna avait dû se saisir et qu’elle avait tenté de gérer le mieux possible. Mais rien ne valait mieux que la Reine pour s’occuper de ces affaires, et les nobles n’aimaient guère être traités par des subalternes. Ils se gargarisaient de la présence de la tête couronnée auprès d’eux, même si elle croisait parfois des regards qu’elle peinait à décortiquer. Impossible de se reposer sur des conseillers pour le moment. Elle était seule.

Debout à l’extérieur du château, elle se tenait non loin de l’aile qui s’était effondrée, les yeux rivés sur le trou qui naissait sous son trône. Des gardes pourpres étaient immobiles tout près des éboulis, ils avaient pour ordre de ne jamais laisser les lieux non gardés. Elle s’assurait régulièrement que ce soit bien le cas, prête à voler dans les plumes au premier qui osait discuter ses ordres. Mais personne ne le faisait. On la respectait. On la regardait un peu différemment que lorsqu’elle s’était présentée ce soir-là lors son retour. Ceux qui avaient discutés ouvertement son pouvoir étaient démis de leurs fonctions ou au cachot si nécessaire. Elle avait dû reprendre sa posture de Reine froide, et assumer ses responsabilités. Sans couronne pour le moment, elle n’avait pas encore été confrontée à d’autres difficultés. Les journées passaient vite. Le travail ne manquait pas. La nuit venue, elle tombait d’épuisement dans ses quartiers et n’en émergeait que le lendemain aux aurores, pour reprendre une nouvelle journée de la même manière.

Elle grimaça lorsqu’elle fit un pas de côté, son corps endolori lui remémorant l’enseignement féroce qu’elle avait reçu de son vieil instructeur. Il n’y était pas allé de main morte et elle sentait encore douloureusement le poids de sa magie dans ses chevilles et ses mollets à certains moments. Elle aurait besoin de plusieurs jours de plus pour s’en remettre entièrement. La rousse devait bien avouer qu’elle était rouillée et qu’Aleksander avait été impitoyable avec elle. Il n’avait jamais été particulièrement doux d’ailleurs. Et pourtant, elle conservait un grand respect pour lui, ainsi qu’une admiration qui ne faiblissait pas.

Midona avait appris, quelques jours auparavant, que sa cousine s’était éveillée. Heureuse de l’apprendre, elle n’avait pourtant pas été la première à lui rendre visite. Était-ce la culpabilité qui la retenait d’y aller trop vite ? L’angoisse de l’entendre dire que tout ceci n’était que de sa faute ? La Reine avait pensé que sa cousine aurait voulu voir son frère, ses parents, avant elle-même. Et elle savait qu’elle ne pourrait pas s’empêcher de lui parler de tout ce qu’il s’était passé. Or, c’était de repos dont elle avait besoin. Alors, elle s’était abstenue.

Mais la rousse avait besoin de voir la jeune femme et de s’assurer de ses propres yeux de la bonne santé de cette dernière. Tant pis si elle lui en voulait. La dernière fois qu’elle avait vu sa cousine, elle s’apprêtait à rentrer dans la fosse aux lions. Les angoisses d’alors avaient désormais fait place à d’autres, tel un incessant ballet de tourments.

Ses pas la conduisirent de nouveau dans le château où sa cousine avait été installée le temps de son coma, et pour sa convalescence. Il avait été hors de question qu’elle ne retourne dans le domaine Vajanska, Midona ne l’aurait pas accepté. Talia devait être à Itzal, auprès des médecins qui s’occupaient de la cour, auprès de ses propres sorciers. Cela aurait été dangereux de la déplacer jusqu’au domaine, bien que ce ne soit pas très loin. Arrivée devant la porte de la chambre, elle hésita. Elle brandit une main jusqu’à la poignée, et fut surprise lorsque celle-ci se déroba sous ses doigts. Une jeune servante fut pétrifiée de faire directement face à la Reine. Midona lui adressa une grimace qui se voulait être un sourire rassurant. La pauvre fille balbutia une excuse et fila avant que la rousse n’ait eu le temps de réagir correctement. Elle la regarda disparaitre dans le couloir, l’air hébété. Puisque la porte était ouverte, elle ne put pas hésiter davantage. Alors elle entra.

« — Talia ? Est-ce que je peux entrer ? » Demanda-t-elle doucement en poussant la porte, tandis que ses yeux s’habituaient à l’obscurité naissante de la pièce. « Zarg m’a prévenu que tu t’étais réveillée. Je suis si soulagée… » Verbaliser son soulagement provoqua un élan d’émotion car elle prit conscience de l’angoisse qui lui tordait le ventre depuis une dizaine de jours. Qu’aurait-elle fait si elle avait perdu sa conseillère et cousine alors qu’elle venait d’être trahie par son conseiller et ami ?

Il régnait dans la pièce une odeur de fleurs, mêlée à celle des tisanes censées requinquer plus vite sa cousine. Elle fronça le nez et s’approcha de la fenêtre à pas feutrés, comme si Talia dormait presque et qu’il fallait être discrète.