When the darkness creeps in • Libre

— An 1000, Lune 4, Jour 12
LIBRE

« — Midona Vajanska, je vous condamne à l’exil ! » Ordonnait d’une voix forte et dur son ami d’enfance, Xanto Odair. Il adressait à la jeune femme un regard de glace tandis qu’il arborait un sourire satisfait.

Placé sur le trône d’Itzal, il portait sur sa tête une grande Couronne d’Ombre dont les extrémités semblaient réalisées de ronces. Le menton haut et les épaules droites, il ordonna d’un geste de main à ses gardes pourpres, qui se mirent tout de suite en mouvement pour saisir les épaules de la jeune femme et la retenir alors qu’elle s’apprêtait à se jeter sur lui. Elle hurla mais aucun son ne franchit la barrière de ses lèvres. Elle voulut pleurer mais n’y parvint pas. Seuls la colère et le désespoir, subsistaient dans son cœur meurtris. Midona repoussa violemment les gardes, leur cracha à la figure et fit un pas vers l’homme qui se tenait désormais comme le Roi de Metzli, à sa place, dans son Royaume, sur son Trône.

« — TU NE PEUX PAS FAIRE ÇA ! JE SUIS LA REINE ! » Hurla-t-elle finalement à l’adresse de cet homme, puis elle se tourna et fit face à la foule de son Royaume.

Des hommes et des femmes qu’elle ne connaissait pas se tenaient là. Ils riaient. Ils criaient. Ils la huaient et lui hurlaient de partir. Parmi eux, elle crut discerner des visages qu’elle chérissait. Ceux de sa famille, des familles qui lui avaient toujours été loyales, de son protecteur Lord Hamell. La Reine déchue recula devant ce déferlement de haine. Ses jambes se déroba sous ses pieds et, avant qu’elle ne tombe, les gardes étaient de nouveau sur elle et la retenaient par les bras. Elle se débattit comme une lionne mais leurs prises étaient de fer et son corps lui semblait si faible.

« — Tout est de ta faute, Midona. » Une voix résonna, indéfinissable. Venait-elle de Xanto ? De la foule ? Elle ne pouvait pas l’entendre clairement. Elle semblait venir tout droit de son esprit. Elle résonnait en elle, battait dans ses tempes.

Les gardes la lâchèrent et Midona tomba à genoux devant le Roi. Elle tomba les mains à plat au sol et se pencha jusqu’à ce que son front touche le carrelage froid de la salle du Trône. Les larmes lui montèrent aux yeux et coulèrent sur son nez. Elle essaye de parler mais sa gorge était nouée et cela serait trop douloureux de dire quoi que ce soit. Une vive douleur lui prit le cœur, lui donnant envie de rendre, et elle crut de nouveau ressentir l’acier froid du trident transperçant sa poitrine.

La rousse battit des paupières, détacha son regard de l’horizon et dispersa les restes de son cauchemar par la même occasion. La Lune de Sang était encore particulièrement lourde dans son esprit et il arrivait qu’elle songe de nouveau, à peu de choses près, au cauchemar dans lequel elle avait été enfermée. Elle avait vécu la trahison de son ami d’enfance dans ce cauchemar, et l’humiliation de tout Metzli. Même si cette perspective l’angoissait particulièrement, elle était persuadée que ce cauchemar n’avait été qu’un terrifiant mensonge qui n’arriverait pas. Xanto n'était pas parfait mais il ne pouvait pas être un traitre.

Elle entrait dans Célesbourg, juchée sur le dos d’une petite jument alezane. Elle se frotta les yeux comme pour essayer de se débarrasser de ses angoisses. Cela faisait douze jours qu’elle essayait de se débarrasser de ce terrible cauchemar et elle sentait toujours autant le poids de l’effroi sur ses épaules à chaque fois qu’elle fermait les paupières pour essayer de dormir un peu.

Aujourd’hui, elle fêtait son anniversaire.

Pour l’occasion, la jeune femme s’était extirpée de la Citadelle d’Hyrule en s’excusant poliment auprès de la Reine du Royaume de Lumière. Elle ne voulait pas passer ce jour au sein d’un autre château. Elle avait besoin de penser à autre chose, de se changer les idées et d’oublier un peu qu’elle était coincée ici depuis déjà quatre lunes. Habillée de vêtements simples, elle espérait passer incognito et se mêler à la foule.

Quatre lunes et rien n’avançait. Elle était bien allée à Ordinn la lune dernière, espérant trouver la piste d’un fragment mais elle n’avait trouvé que des suppositions et des rumeurs, des légendes d’un temps ancien, qui ne prouvaient absolument pas l’existence de ces dits pierres d’ombre. Ordinn avait été la piste la plus intéressant depuis qu’elle avait commencé ses recherches après son réveil plusieurs lunes plus tôt. Elle était en colère de prendre conscience qu’elle était simplement revenue au point de départ et qu’il lui faudrait faire d’autres recherches pour flairer une nouvelle piste.  

La rousse mit pied à terre, noua les rênes de son cheval à un poteau et prit sa besace où elle gardait au chaud sa couronne, incapable de la laisser loin d’elle. De peur de la perdre, ou de ne plus être tout-à-fait Reine sans elle. Midona n’avait rien prévu de spécial. Ses anniversaires n’avaient jamais été très joyeux car ils marquaient aussi la perte de sa mère. Elle avait toujours fêté un tant soit peu l’évènement. Ses pas l’emmenèrent à une petite échoppe. En fin d’après-midi, de nombreuses personnes étaient là pour boire un coup et profiter d’un peu de repos avant de rejoindre leurs maisons. Les odeurs de bière et de viande la submergèrent et elle eut le réflexe de placer le dos de sa main sur son nez. Le tenancier de l’échoppe la regarda entrer. Midona s’approcha de lui pour commander une boisson locale. L’homme lui proposa une bière assez forte et la rousse accepta. Après l’échange de monnaie, elle prit la boisson et alla s’installer un peu plus loin, dans le brouhaha général.

Elle n’était encore jamais rentrée dans un établissement tel que celui-ci. Elle se sentait particulièrement mal à l’aise mais, avec un peu de chance, elle entendrait des choses intéressantes sur des légendes. On lui avait souvent dit que le peuple connaissait beaucoup de rumeurs et de légendes, et que celles-ci n’étaient, bien souvent, pas si fausses que cela.

Midona porta le verre à ses lèvres et lécha du bout de la langue la boisson qu’on lui avait servie. Elle grimaça lorsque le goût lui vint aux papilles. C’était amer et fort en goût. Comment allait-elle réussir à finir ce truc ?