[LIBRE] Sentinelles

Malgré l’entrée prochaine dans la neuvième lune de l’année, un air lourd et pesant flottait sur le château en ce vingt deuxième jour lunaire. Le bruit des bottes du prince et de son écuyer résonnaient dans les couloirs du château, pressés. Alors que Gabriel était entrain de s’occuper de quelques formalités avec le capitaine de la Garde au sein du quartier général de la Garde Blanche, un des domestiques royaux était venu l’informer de terribles évènements. Leurs ennemis avaient encore frappé, répandant la terreur et la mort sur les territoires que la Couronne avait fait le serment de protéger.

Le domestique était entré dans l’aile de la Garde et le bureau central, sans demander la permission et qui plus est d’un pas vif. Gabriel avait dégainé son épée :

- Qui t’a autorisé à entrer comme cela ?, grogna-t-il en voyant arriver un jeune domestique essoufflé, et visiblement au teint de sa peau, angoissé. Réponds !

- Mon … mon seigneur, ce n’est que moi, un serviteur fidèle au château. Je viens vous apporter une nouvelle que je crois bon que vous entendiez, fit le jeune domestique en tentant de reprendre son souffle. Mon prince, un noble est arrivé à la cour, ce matin. Il prétend que Melka a été la cible d’une violente attaque des Yiga, mon prince. Des rumeurs parlent également de massacres à Elimith. L’Avatar est derrière tout cela.

Tandis qu’il entendait le récit des événements de la bouche du domestique, Gabriel baissait sa garde alors que son esprit s’assombrissait. Une rage montait en lui. Encore une fois, Hyrule était blessé. Sans réponse ferme, que valait l’autorité de la Couronne ? Il cogna la table qui lui faisait face, faisant dans le même temps sursauter le jeune serviteur. Son cœur était ouvert, battant d’une force improbable. La colère montait en lui. Tous ces nobliaux qui gravitaient autour du pouvoir royal, que des vautours ! Des singes dansants, des animaux de cirque !

Dans la colère qui montait en lui malgré sa tempérance naturelle, Gabriel s’empressa de mettre de côté ce qu’il était entrain de faire et s’engouffra au dehors du bureau, le domestique et son écuyer, qui gardait la porte, sur ses pas. Le prince ne lui jeta même pas un coup d'œil. Il marchait à vive allure vers le château, vers l’aile royale. Où il comptait confronter Zelda et tous les membres du haut conseil qu’il trouverait face à l’information déroutante qu’il venait de recevoir.

Derrière lui, son écuyer faisait tout ce qu’il pouvait pour l’atteindre mais décidément, le prince marchait bien vite pour lui. Ce n’était pas là, un effort physique naturel mais la trace de la magie sacrée qui habitait son corps et qui s’activait malgré lui.

- Mon prince, implora-t-il.Que comptez-vous faire, lui cria l’écuyer alors que le trio passait la grande porte du hall central du castel. Seul le silence répondit à la question angoissée du serviteur de Gabriel. Il ne l’avait jamais vu dans une telle hargne.

Les pas pressés, les bottes qui résonnaient, la colère qui montait, Gabriel semblait hors de lui, proche de l’effondrement mental. Ce qui était loin d’être dans son naturel. Il montait les marches des grands escaliers, sous le regard hagard des soldats et des domestiques du château. Le serviteur qui l’avait prévenu de cette information, regardait tout le personnel d’un air excusé tandis que l'écuyer tentait de retenir le prince. Il lui attrapa le bras, dans un mouvement désespéré, ce qui fit déborder le vase princier.

- Cesse !, hurla Gabriel alors qu’ils se trouvaient à deux pas devant l’Observatoire du château. Dans ses yeux, une lueur colérique brillait. Le prince n’acceptait pas, n’acceptait plus la manière dont le royaume se délitait de jour en jour. Tout cela est de la faute de mon frère et de sa fille, grogna-t-il. Tu me feras le plaisir de t’en tenir à ton rôle. A moins que ton petit esprit étriqué ait soudain une idée de génie pour nous sortir de cette impasse ?!

Sur ces mots, Gabriel poussa violemment l’écuyer dans l’Observatoire. La lumière dorée du soleil qui entrait là, lui brisa la vue quelques instants. Il ne s’était pas rendu compte de la vitesse avec laquelle il avait fait le chemin jusqu’ici. Le prince se sentit coupé du monde quand il réalisa toute la magie qu’il avait utilisé pour arriver aussi vite. Le sol vacilla un instant et le poussa à s'asseoir sur une des marches. Son écuyer, sonné par le coup que son maître lui avait assené, s’était relevé et d’un pas précipité avait fermé les portes du petit observatoire.