Je m'occupe de tout / PV Aleksander

Je m'occupe de tout

lune 4 jour 26

Cela faisait quelques temps déjà que père et fils n’avaient pas échangés. Sebastian avait sa propre vie après tout ; c’était un adulte aujourd’hui et Aleksander n’avait guère main mise sur son existence. Il n’était plus ce petit garçon trop précoce et intelligent qui traînait toujours dans ses pattes, désireux d’en apprendre toujours davantage et de devenir aussi fort que son cher papa.
Non, il était devenu un homme digne de ce nom, et Aleksander avait confiance en lui.

C’était bien pourquoi il lui avait demandé de venir le voir en ce jour. Il avait pris une décision qui nécessitait un éloignement de longue durée de leur demeure familiale et cela exigerait donc qu’il s’écarte de Fallon, toujours à la cour de Metzli, mais et surtout de Nilah.
Depuis les événements de la seconde lune, plusieurs jours avant, Nilah était faible. Elle peinait à bouger de son lit et à se nourrir. Malvina faisait de son mieux pour l’aider et avait contacté de nombreux médecins, mais ceux-ci n’arrivaient à rien. La pauvre s’affaiblissait de jour en jour et dans son cœur de père, l’impuissance brûlait silencieusement mais sûrement le précepteur.

Il entra dans le bureau quelques secondes après que son fils aîné eut remis le cadre à sa place. Un petit souvenir chaleureux d’une époque lointaine, mais qui n’était pas sans rappeler à Aleksander que son affection pour son épouse n’était que grandissante depuis ces nombreuses années.
« Toutes mes excuses pour l’attente, fils. Je m’entretenais avec un médecin pour ta sœur. » Un énième médecin, songea-t-il, mais Aleksander n’était pas de ceux qui se décourageait facilement. Il était convaincu qu’en insistant et en poursuivant leurs recherches, ils trouveraient moyen de remettre Nilah sur pied. « Je vois que tu as pris tes aises. »
Il esquissa un sourire en coin. Il avait remarqué que le petit cadre était à un millimètre à côté de sa place. Naturellement, ce n’était en rien pour le gronder. Il n’était pas là pour cela.

Il s’approcha mais ne se lança guère dans de grandes étreintes, même s’ils ne s’étaient pas vus depuis plusieurs jours. Il n’était pas du genre à exposer ses émotions, mais sa façon plus légère de lui parler – voire même de le taquiner – démontrait clairement leur proximité.
« C’est un plaisir de te voir, Sebastian. Je te remercie d’être venu si rapidement. » Son visage reprit une expression plus sérieuse. « Je t’en prie. » Il tendit la main pour l’inviter à s’asseoir au fauteuil devant le bureau, pendant qu’il contournait ce dernier pour s’installer sur son siège. Ils avaient à parler, mais peut-être que Sebastian souhaiterait lui parler d’abord, aussi Aleksander ne lança pas de suite le sujet principal de cet entretien.

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lune 4 jour 26

Sebastian esquiva volontairement le sujet de Nilah. Aleksander pouvait comprendre ; il était encore difficile pour toute la famille d’accepter que la demoiselle souffre d’une maladie aussi bien mystérieuse qu’incurable. Aleksander ne le démontrait pas, mais il était profondément affecté par la faiblesse de sa fille. Cela n’était pas sans lui rappeler Maeva, injustement décédée à la naissance pour des raisons qui leur échappait encore aujourd’hui, de nombreuses années plus tard. Il détestait le mystère autour de ce qui touchait Nilah, et c’était bien pourquoi il contactait de si nombreux médecins ; pour trouver des réponses.

Non, il demanda plutôt comment allait Fallon. Aleksander sourit légèrement.
« Elle va bien. Aux dernières nouvelles, elle s’est bien intégrée à la cour. » Ce n’était pas surprenant. Fallon était une âme qui attirait les autres. Sa bonne humeur, son entêtement et sa personnalité avenante donnaient envie de lui parler. C’était aussi une source de problème, cela dit. Un couteau à double-tranchant. « J’ignore si elle a eu de nombreuses propositions, mais j’entends bien lui suggérer une de mes anciennes pupilles. Un jeune homme de la famille Vundahr. »

La discussion poussa Sebastian à s’interroger sur comment ses parents s’étaient retrouvés ensemble. Aleksander inclina légèrement la tête sur le côté, observant son fils avec interrogation. Il trouvait sa curiosité très spontanée.
« Ta mère était l’héritière d’un haras réputé de Psysalis, et j’avais besoin d’un cheval. » Son sourire s’étira. Aleksander aimait se contenter de peu et laisser l’esprit de son fils gambader et s’imaginer ce qu’il voulait. En soi, ce n’était pas totalement la vérité ; Aleksander se plaisait simplement, entre deux études, à admirer les chevaux noirs qui gambadaient dans les prés des Royce. Malvina s’était retrouvé attirée par l’étranger qui venait si souvent et une chose en emmenant une autre…

Il croisa les jambes, s’accoudant à la chaise en joignant ses doigts ensemble.
« Tes questions m’intriguent, Sebastian. Aurais-tu quelque chose à me dire ? » L’aîné des Hesediel n’était pas du genre à partager ses émotions avec son père. Ils ne parlaient pas cœur à cœur, pas souvent. Toutefois, Aleksander mentirait s’il prétendait ne pas être déçu si son fils commençait à fréquenter quelqu’un et qu’il ne soit pas au courant !

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lune 4 jour 26

A son étonnement discret, Sebastian avait effectivement eu une femme à l’esprit. Non pas une épouse peut-être, mais en tout cas, une dame qui semblait avoir fait un effet sur son cœur que l’on disait parfois de glace ou trop silencieux. Il tendit l’oreille tandis qu’il expliquait ne pas savoir s’il était amoureux ; que l’aventure avait été trop brève pour le confirmer.
Aleksander inclina légèrement la tête, intrigué, alors qu’il disait que ce n’était pas important. Il esquissa un sourire discret devant le manque d’informations que son fils lui tendait, à l’image de miettes pour un sans-abri affamé. Ne venait-il pas de faire la même chose ?

Le twili expira de l’air lorsqu’il parla de sa personnalité, comme un rire évasif.
« Allons, si je suis parvenu à accidentellement charmer une femme aussi fière que ta mère, je suis persuadé que tu trouveras une promise digne de ce nom en temps et en heure. » Selon Aleksander, il ne fallait pas forcer les choses dans la vie… sauf en ce qui concernait l’éducation. C’était bien le seul aspect qu’il estimait indispensable de forcer à chaque instant de la vie. S’entraîner, étudier, pratiquer. Chaque jour, à chaque moment.
Une mentalité qui avait fait l’homme qu’il avait en face de lui.

Il ne posa pas davantage de cette question sur cette mystérieuse personne qui avait su percer le voile du cœur de son fils. Aleksander n’était pas un homme d’intimité ni de confessions. Il avait dû être là lorsque ses filles avaient besoin de se confier, que ce soit par peine d’amour, une difficulté scolaire ou une douleur physique, et il avait toujours fait en sorte d’être une bonne oreille ; cependant, Malvina était un meilleur thérapeute que lui.

« Quoi qu’il en soit, fils, je t’ai fais demander pour une raison précise. » Dit-il en adoptant une expression un peu plus sérieuse en se penchant sur le bureau pour s’y accouder, soutenant le regard de Sebastian avec insistance. « J’ai besoin de ton aide. »
Ce n’était pas une phrase qu’Aleksander prononçait souvent. En réalité, Sebastian pouvait sûrement compter sur les doigts de la main le nombre de fois où il avait entendu son père dire une chose pareille.

« J’ai pris la décision de quitter le domaine. Je ne risque pas de rentrer de sitôt. » Il joignit ses mains ensemble, baissant un instant le regard, insistant ainsi sur le poids et l’importance de son choix. « Cette Lune de Sang m’intrigue… Je dois en apprendre davantage si je souhaite guérir Nilah de son mal. » Sa façon de regarder autour, avant de ramener un regard plus doux vers son fils, témoignait de son inquiétude sincère et paternel pour sa fille. « J’ai passé de longues nuits à éplucher nos bibliothèques ; sans succès. Je dois chercher ailleurs. Par-delà nos frontières. »
Il planta son regard dans le sien, attendant de voir ce qu’il en pensait. Il insinuait bien d’aller faire des recherches en Hyrule… non seulement pour cette Lune, mais aussi pour retrouver la trace d’Arianne. Il avait reçu une missive d’Eredas concernant la santé déclinante d’Alyx, mais cela, il le garda pour lui.

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lune 4 jour 26

Aleksander étira un sourire satisfait en entendant son fils acquiescer à sa demande si simplement. Il ne posa aucune question et n’exigea aucune explication. Comme un bon petit soldat, il se contenta des informations qu’il avait en affirmant qu’il s’occuperait des filles. Il allait de soi que pendant son absence, il deviendrait plus ou moins l’homme de la maison. Le twili n’avait aucune idée de la date même approximative de son retour.
D’ailleurs, il y pensa à cet instant, parmi tant d’autres détails qu’il devait fournir à Sebastian.

« J’ignore quand je reviendrai. Je tâcherai de te tenir au courant de mes recherches. » Comme il ne bougeait toujours pas de sa chaise, il était facile de deviner qu’il n’avait pas terminé de discuter avec son fils aîné.

Il baissa les yeux vers le cadre renfermant l’image de lui et sa femme. Il la devinait de dos, mais pouvait détailler dans son esprit le radieux sourire de Malvina tout de même. Plongé dans ses pensées, Aleksander revint vers Sebastian un instant plus tard, on ne peut plus sérieux.
« Au vu de l’état de Nilah, ta mère mange peu et dort encore moins. J’ai tenté de la raisonner, en vain. Tu la connais. » Malvina était une femme obstinée. Lorsqu’il s’agissait de ses enfants, elle ne parvenait pas à quitter leur chevet lorsqu’ils étaient souffrants. Sebastian était un enfant très rarement malade, mais la seule fois où il avait eu de la fièvre, Malvina n’avait pas quitté son fils pendant des jours, au péril de son rythme de sommeil et même de sa santé. Il n’avait pas huit ans encore.

C’était plutôt ironique. Combien de fois avait-elle grondé Aleksander parce qu’il s’entêtait à s’entraîner, dans le but aussi bien noble que normal de protéger les siens, au point de parfois s’effondrer et de physiquement en payer le prix ? Et voilà qu’ils échangeaient de rôle.
Plus pour quelques temps, en son absence.

« Je compte sur toi pour la persuader de prendre soin d’elle. A défaut d’écouter son mari, sans doute entendra-t-elle raison si son fils adoré lui parle. » Le twili lui accorda un sourire complice. Malvina était profondément fière et aimante vis-à-vis de son fils. Elle avait toujours eu peur qu’il devienne une sorte de soldat froid avec l’éducation d’Aleksander, aussi était-elle bienheureuse de voir ce qu’il était devenu. A ses yeux, il avait une meilleure expressivité de ses émotions que son père, tout en gardant sa maîtrise et sa rigueur— un parfait mélange de ses parents, autrement dit.

Il joignit ses mains ensemble sur le bureau.
« Quant à Nilah… Un médecin vient la voir tous les jours, le matin et le soir. Tu constateras qu’elle a tendance à se murer dans le silence lorsqu’il l’interroge. » L’on pouvait deviner une certaine inquiétude dans son expression. Le genre qu’il ne réservait que pour sa famille. « J’ignore ce qu’elle a vécu dans ce Cauchemar, Sebastian… Mais quelque chose l’a profondément blessée. » Il inspira profondément et expira lentement, le regard dressé vers la fenêtre, tout près. Une note de frustration se devinait dans sa façon d’être.
Il se sentait impuissant. Il ne pouvait pas aider Nilah. Ses grands pouvoirs et son intellect n’y pouvaient rien.

Et cela le heurtait au plus haut point.

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