Always waiting on a miracle
I'm sick of waiting on a miracle
Am I too late for a miracle ?Robyn serrait la main de Fallon tellement fort qu'il craignait presque de lui faire mal.
Il n'y avait plus que quelques pas qui le séparaient de sa mère. Juste quelques petits pas pour se lancer et lui dire la vérité. Il était son fils. Mais par quoi commencer ? Les secondes s'écoulaient. Assise devant sa fenêtre entrouverte, cheveux au vent, Lyssandra s'était tournée dans leur direction, car elle avait entendu le bruit de leurs pas. Il savait pertinemment qu'elle ne pouvait pas les voir, mais cela forma malgré tout une nouvelle pointe d'inquiétude au fond de lui. Les mots ne lui venaient pas. Étrange pour un homme qui avait la réplique facile. Il ne voulait pas rebrousser chemin. Il ne pourrait pas repousser éternellement ce moment. Alors, il se mit à chanter.
Cela commença par un simple air fredonné du bout des lèvres avec timidité. Au fur et à mesure, les souvenirs envahissaient son esprit alors que les émotions emplissaient son coeur. La mélancolie et la tristesse laissaient la place à la reconnaissance et la joie. Sa voix douce prit plus d'assurance et il se mit à ajouter les paroles. À son étonnement, la voix de Lyssandra rejoignit la sienne. Tant mieux. Il chantait faux. Cela avait toujours fait rire sa mère ; un oisillon qui ne sait pas chanter ? Allons, comment était-ce possible ? Les rires s'étaient fait plus rares avec le temps.
Le silence s'installa de nouveau dans la pièce. Robyn relâcha les mains de la Twili en hochant la tête. Il était prêt. Il lui laissait la liberté de se placer en retrait discrètement dans un coin de la pièce, en silence, là où elle pourrait se glisser parmi les ombres, pour lui laisser ce moment d'intimité avec la divinatrice. Il savait qu'elle ne se trouverait pas très loin derrière la porte s'il en ressentait le besoin, ou s'il se faisait chasser par la voix hystérique de Lyssandra.
« Comment avez-vous appris cette berceuse ? » demanda-t-elle, visiblement surprise et troublée.
« Tu me la chantais tout le temps ... »Il s'avança pour prendre avec une certaine hésitation les mains fragiles de sa mère dans les siennes bien plus grandes et fortes alors que c'était tout le contraire autrefois. Il ne voulait pas l'effrayer. Heureusement, ce n'était pas leur tout premier contact depuis qu'il était arrivé à Itzal. Il les porta d'abord contre son cœur. Ensuite, il les déposa sur son visage. Il lui laissa le temps de parcourir ses traits de manière plus détaillée cette fois, de ses cheveux en pagaille, à ses joues rondes, en passant par les poils courts recouvrant son menton, sans oublier la forme de ses yeux rieurs et de ses lèvres chaudes. Elle fronça légèrement les sourcils.
« Je suis désolée ... »Elle ne le reconnaissait pas, mais Robyn secoua vivement la tête, encore entre ses mains. Elle n'avait pas à s'excuser. Ni maintenant, ni pour le passé. Rien de tout cela n'était sa faute. Il ne lui en avait jamais voulu. Ses regrets étaient uniquement les siens. Il aurait tellement aimé pouvoir l'aider davantage au lieu de se sentir aussi démuni face à sa détresse. Il ne connaissait pas très bien ces émotions, à l'époque, après tout. Tant de choses avaient changé en si peu de temps.
« Je sais que tu ne te souviens pas de moi. »Il sourit tristement. Qui le saurait mieux que lui-même ? Le sombre magicien qui avait jeté cette malédiction, sans aucun doute. Qu'avait-il bien pu raconter à Lyssandra ? Le voleur aurait aimé le savoir. Seulement, il n'était pas certain de lui laisser l'opportunité de répondre ou de s'expliquer s'il se retrouvait face à face avec cet individu. Il ne ferait que lui raconter plus de mensonges de toute façon. Robyn lui aurait réservé une mort lente et douloureuse. Il broyerait chacun de ses os, un par un, jusqu'à les réduire en poussière et lui faire goûter le centième de la douleur qu'il leur avait infligée. Il n'était pourtant pas un partisan de la vengeance. Mais toute sa famille avait été détruite. On ne se moquait pas impunément de lui ainsi. Oh, le Piaf savait apprécier une bonne farce. Il était même le premier à en préparer. Néanmoins, il fallait que cela reste léger et innocent en tout temps. Profiter de la vulnérabilité de sa mère et l'obliger à se séparer d'elle, c'était cruel. Ça ne lui donnait pas du tout envie de rire devant les facéties d'un vieux pervers.
« C'est ... C'est moi ... »Sa voix tremblait un peu. Il avait tant de choses à lui dire, mais une seule avait vraiment de l'importance.
« C'est Robyn ... Maman ... »Sa voix se fissura sur la fin de ce mot qu'il avait bien cru ne jamais pouvoir redire un jour. Il ne parvenait pas à retenir ses larmes plus longtemps. Il voulait juste qu'elle le voit. Ses crimes étaient peut-être trop nombreux pour lui accorder cette grâce, si ses dieux les observaient vraiment, et ses simples doutes étaient suffisants pour qu'il ne soit pas entendu de toute façon. Il la serra dans ses bras comme si c'était la toute dernière fois. Il suivait le cours de ses émotions avec sa sincérité désarmante habituelle. Le corps de Lyssandra se tendit et il faillit la relâcher dans l'instant en s'excusant à son tour avec empressement, cependant, elle lui rendit son étreinte, d'abord un peu maladroitement, avant de prendre finalement appui tout contre lui.
« Cette odeur m'est si familière ... » chuchota-t-elle, la voix fébrile.
Les sanglots de Robyn redoublèrent et reprirent de plus belle. Cela laissait de nombreux pans d'ombre à expliquer et il y avait certaines informations qu'il préférerait ne pas lui dire pour la tourmenter inutilement. Lyssandra ne lui demandait pas non plus de le faire. Il fallait faire les choses à leur rythme. Cela leur demanderait de la patience à tous les deux. Au moins, elle acceptait de l'écouter. Elle lui laissait sa chance. Elle lui accordait le bénéfice du doute et sa confiance. C'était déjà un pas dans la bonne direction. Peu à peu, lentement, Robyn finit par sécher ses pleurs, réconforté par cette étreinte qu'il avait l'impression d'avoir attendu depuis des siècles. Cela lui avait terriblement manqué ...
Assis côte à côte, la discussion entre la mère et son fils se poursuivit jusqu'à la tombée de la nuit sur le royaume de Metzli. Robyn aurait bien voulu rester plus longtemps encore, mais la journée avait été rude en émotions pour lui. La fatigue revenait à l'assaut. Il devait également laisser un peu de temps à Lyssandra pour méditer à tout ceci. Avant de la quitter, il lui promit de revenir passer du temps avec elle aussi souvent que possible pour qu'elle puisse apprendre à le connaître de nouveau, si elle était d'accord, bien entendu. Il s'efforcerait de garder espoir. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir.