See you on the other side ⊰ RP Solo

See you on the other side

An 1000, Lune 2, Jour 5

Kaarbjorn était mort.

Cette idée flottait dans l'esprit d'Angelo comme quelque chose d'irréel. Il n'était pas homme à démontrer ses émotions, aussi bien seul qu'en public. Il préférait tout garder en lui. Ses troubles, ses colères, ses pensées, ses plaisirs. Il donnait toujours le sentiment d'être un individu froid et lointain, n'ayant cure pour rien, pas même sa propre vie.
Pourtant, il n'était pas une coquille vide. Il était un être humain, quand bien même cette fatalité l'agaçait par moment. Il possédait une âme, un cœur. Il ignorait peut-être comment s'en servir, mais c'était là, quelque part, au milieu du brouillard noir et du sang auquel il était bien plus habitué.

Le bûcher funéraire était derrière lui. Son pas, lent mais déterminé, le poussa à s'éloigner des festivités. A mesure qu'il s'éloignait des grandes flammes qui emportaient le corps inerte de son paternel de cœur, Angelo sentait le froid de la nuit venir mordre sa peau. Le zora qu'il était ne dépréciait en aucun cas les fraîcheurs des hauteurs Gerudo. C'était bon, il devait l'admettre. Lui qui avait toujours prétendu être un homme du désert pour ne pas démontrer que les températures arides des lieux le perturbaient grandement, il ne pouvait camoufler, ce soir, ici et maintenant, que la morsure du froid nocturne lui était rassurante. Personne ne le voyait de toute façon. Personne n'était ici, avec lui.

Bientôt, il n'entendait plus rien. Ni le crépitement des flammes, ni le son du verre s'entrechoquant, ni rien. Il leva le regard vers les cieux, distinguant la lune dans ce panorama sans nuage, et n'eut pas même à tourner les talons pour deviner qu'il s'était grandement éloigné du bûcher. Même l'éclat des voix, il ne les entendait plus.
Il était à présent seul. Un profond soulagement lui remplit la poitrine à cet instant.

Il ferma les yeux, concentrant toute son attention sur les alentours. Il entendait le vent, il sentait la brise venir cajoler sa peau. Ce même vent transporta ses pensées. Comment Kaarbjorn avait-il put mourir si aisément ? Un homme si fort, qui était même parvenu à passer outre le bouclier du roi Rhoam lors du Millénaire ? Il ne comprenait pas. Comment avait-il put être pris au dépourvu par une bête pareille ? Avait-il été trop arrogant ? Lui qui était si réfléchis, lui qui lui avait appris toutes ces choses... Quelque chose ne tournait pas rond...
Angelo rouvrit les yeux lorsque le rouge du sang de son père lui revint en mémoire. Il le voyait là, couché sur le sol, inerte, son corps tel une étoile prête à disparaître dans une toile carmine. Défiguré, abîmé, effacé. Qu'avait-il ressentit à ce moment-là ? Angelo ne saurait même pas le dire. Il n'était pas doué avec ces choses-là, même s'il avait, parfois, parlé de ce genre de choses avec Kaarbjorn. Les émotions. C'était si complexe et inutile. On s'attachait, on devenait faible. La sagesse – la connaissance – était mieux à ces piètres sentiments.

Il fronça les sourcils. Ce tiraillement lui déplaisait. Ce conflit interne le rendait nerveux. Il n'était pas de ceux qui défaillait si facilement. Mais la réalité commençait à s'immiscer sous sa peau, dans ses veines. Cette mer de sang dans laquelle son père baignait soulignait son décès et, inéluctablement, sa disparition de leur vie. A n'en pas douter, aussi indépendant soit-il, il lui manquerait.

La voilà, la vérité.

Ses oreilles sifflèrent légèrement. Des pas feutrés derrière lui. Peut-être était-ce l'énervement de tout ce à quoi il venait de se confronter, mais Angelo ne fit pas de cadeau au curieux. Il se tourna brutalement, main tendue devant, de la foudre quittant ses griffes métalliques. Le pauvre esclave, véhiculant sans doute un message de la part de quelqu'un à son adresse, se retrouva pris en laisse par le fouet foudroyant. Ses yeux devinrent blancs, gorgés de sang, son corps sembla se zébrer de marques, comme un arbre frappé par la foudre. Angelo lâcha prise, étonnamment, le laissant en vie. Mais juste assez. Juste assez pour s'approcher de lui et poser un genou au sol alors qu'il agonisait, tremblotant sous l'effet de l'électricité qui torturait son corps.

« Ten... Tene... e-elle... » Angelo pencha la tête sur le côté. Oui, il se doutait que Tenebrae souffrait le martyr actuellement. Pauvre chamane enceinte. Il se demandait encore pourquoi Ganondorf la gardait avec eux dans un état pareil. N'était-ce pas dangereux ? Parvenait-elle encore à entendre l'Avatar malgré sa situation ? Il l'ignorait. Il devinait néanmoins qu'elle devait être dans un état lamentable actuellement. La mort de Kaarbjorn en avait affecté plus d'un, Tenebrae sans doute plus que les autres.
Il ignorait ce que cet esclave avait voulu lui dire. Peut-être avait-il voulu être aimable en voulant prévenir Angelo de l'état de sa belle-mère. Si on pouvait l'appeler ainsi. Le zora esquissa un sourire invisible et leva le menton de l'homme agonisant.

L'instant d'après, il utilisa l'un de ses couteaux pour trancher la gorge du malheureux. La jugulaire se fendit et le sang fila directement sur le visage du Yiga, souillant sa peau au niveau de sa joue gauche et de son cou. Peu importuné, Angelo abandonna le corps de l'esclave et lui tourna le dos pour s'éloigner un peu plus dans la Fosse, son couteau ensanglanté dans la main. Il ne s'arrêta qu'une fois au milieu de la grande arène qu'était leur charmant territoire et leva l'arme pour l'observer. Étincelante, ruisselante de rouge. Magnifique.

Le chaos n'est pas une fosse, le chaos est une échelle. Seule l'échelle est réelle. Seule l’ascension importe. Ces mots... Ces mots, Angelo s'en rappelait bien. Ils se tenaient ici, dans cette Fosse, si bien nommée, et Kaarbjorn, parmi ses nombreux enseignements, avait glissé ceci. Ses leçons étaient multiples, mais celle-ci parmi les autres avait été marquante.
Il admira un instant l'important décorum en se rappelant ce qui lui tenait le plus à cœur : mener à bien les intentions de son père adoptif. Il lui avait offert une vie, une véritable vie, loin de ces Arlaeron qui ne voulaient pas de lui.

Alors tiendrait-il parole ; alors trouverait-il Aurore ; alors honorerait-il les vœux de Kaarbjorn en menant à bien la mission de l'Avatar, la mission de Ganondorf. Pour cela, il devrait grimper dans cette fameuse échelle. Le plus beau chaos qu'il pourrait être après tout, ce serait le bras droit de leur bien-aimé maître à tous. Main du Roi... Mais ici, il devrait le mériter. Sa détermination ne manquant pas, Angelo était persuadé d'y arriver. Il lui suffirait de se prouver... et jusqu'à présent, cela n'avait jamais été un problème.

« Chère sœur... » Souffla-t-il en abaissant son arme sanguinolente. Son index alla caresser la lame, essuyant l'hémoglobine au passage. « Nous nous rencontrerons bientôt. » D'un mouvement habile, mais lent, il rangea la lame nettoyée et considéra un dernier instant le panorama avant de lui tourner le dos pour rejoindre le bûcher funéraire. Il comptait bien y rester jusqu'à ce que la dernière flamme soit éteinte.

Il observerait sa traversée vers l'Avatar, jusqu'à la fin.

(c) DΛNDELION

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Most people are nothing but pawns on a chessboard led by an unknown hand.

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