When does a man become a monster ? ↬ PV Cardan

When does a man become a monster ?

I'm just a man who's trying to go home. Even after all the years away from what I've known, I'm just a man who's fighting for his life

An 1000, Lune 8, Jour 4

Que s’était-il passé ?

Tout n’était qu’un brouillard dans son esprit. Un brouillard sombre, avec des silhouettes qui s’agitaient, la colère qui lui bourdonnait dans les oreilles, son sang qui battait dans ses tempes, son cœur qui, au bord de ses lèvres, menaçait de lui transpercer la poitrine tant il battait à tout rompre. L’extase, l’anticipation, l’appréhension, l’excitation d’enfin parvenir à son objectif. Enfin, elle était là, sa chère et précieuse couronne. Elle était là, il allait pouvoir la toucher, la porter.
Puis, plus rien.
Comment était-ce possible ? Comment avait-il pu si lamentablement échoué même après avoir si méticuleusement prévu son attentat ? Rien ne correspondait. Midona était-elle donc responsable pour ce tremblement de terre ? Il ne pouvait même pas dire si c’était le cas, ou pas. Dissimulait-elle donc un tel pouvoir ? Avait-elle des alliés ? Ou était-ce complètement extérieur ? Mais dans ce cas… qui ?

A l’heure actuelle, une seule chose obnubilait Xanto : sa vengeance. Le pourquoi du comment viendrait en temps et lieu. Fort heureusement pour les habitants de Metzli – et Metzli elle-même – Cardan parvint à le raisonner, au moins suffisamment pour le faire quitter les lieux. Le château s’était à moitié effondré tandis qu’ils attrapaient des chevaux pour s’esquiver de la ville crépusculaire où, dorénavant, ils étaient fichés comme des traîtres à la couronne.

Conscient de ne plus pouvoir pénétrer au-delà des frontières d’Itzal, Xanto poussa leur fuite jusqu’au village Cocorico. Cardan le suivait simplement, craignant peut-être qu’il ne fasse quelque chose d’idiot dans son état d’esprit actuel. Ensemble, ils rejoignirent le village sheikah alors que la nuit était tombée depuis plusieurs heures.
Pourquoi ici ? Xanto y avait été formidablement bien reçu. Qui plus était, il supposait qu’aucune information parvenant de Metzli ne serait venue jusqu’ici, et puisqu’il devait assurément s’entretenir avec Cardan sur les événements passés, il devait trouver un endroit tranquille où échanger avec son ami. C’était le premier refuge qui lui était venu à l’esprit.

Abandonnant sa monture à l’entrée du village, Xanto fut accueillit par une soudaine pluie chaude qui le poussa à s’immobiliser. Le sort s’abattait-il donc sur lui ? Lâchant un profond soupir, il laissa enfin tomber ses épaules et leva la tête. Il la jeta en arrière, laissant l’eau lui passer sur la figure, chassant la saleté et le sang de l’apocalypse crépusculaire qu’ils venaient de traverser. Le silence semblait presque extraterrestre après toute cette cohue…
Penchant la tête en avant, il se passa une main sur le visage, avant de tourner ses yeux vers Cardan. Il ne voyait même pas quoi lui dire. Il jonglait entre la colère, la confusion, l’injustice et un goût prononcé pour un éternel exil. Entre la disparition – et sans aucun doute décès – de son épouse, la mort de son enfant-à-venir et maintenant la destruction de sa bien-aimée couronne, que lui restait-il à faire, sinon emporter Metzli avec lui dans sa tombe ?

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La chevauchée avait été interminable et pleine de doutes. Cette fuite n'avait pas été prévu. Ils étaient persuadés de pouvoir réaliser ce coup d'État sans encombres, mais leurs efforts avaient été vains. Personne n'avait soutenu Xanto plus que Cardan, et ils en avaient payé le prix fort. Le couturier imaginait déjà leur Reine jubiler à l'idée qu'ils aient tout raté. De A à Z, lamentablement. Alors qu'ils fuyaient vers l'Ouest, Cardan ne cessait de se répéter qu'ils venaient de réaliser une erreur qui leur coûterait sûrement la vie.

Ce n'est qu'au bout de quelques heures, le dos endolori, sous le clair de lune, qu'ils arrivèrent au village Cocorico, destination choisie par Xanto. Cardan n'avait pas protesté, trop assommé par les événements et même s'il avait été lucide, il n'aurait pas choisi d'autre destination. Il ne leur restait plus que l'horizon derrière les montagnes pour espérer survivre, car Metzli ne les laisserait sûrement jamais revenir. A cette idée, alors que son cheval ralentissait, épuisé par leur course, le brun se retourna pour observer le chemin derrière lui. Chaque pas l'éloignait de chez lui, et il n'avait jamais quitté Metlzi, contrairement à son ami. Ici, personne ne le reconnaîtrait. Sa tante le croirait mort, du moins, il l'espérait. Et puis, au fond de son esprit, un autre nom s'imposa à lui. Il ne reverra pas Fallon avant d'être sûr qu'elle ne soit pas affublée du titre de complice. Malgré les quelques rendez-vous qu'ils avaient eu, il avait fini par s'attacher et par penser qu'ils avaient un destin devant eux. Désespéré, alors que les gouttes de pluie commençaient à dégouliner sur ses cheveux et ses épaules, il se pencha sur l'encolure de son cheval pour souffler doucement. Après quelques secondes, il descendit de la bête et la laissa fuir.

Lentement, alors que le regard du conseiller se pose sur lui, Cardan sent la colère venir envenimer ses veines. Il aurait mieux fait de rester derrière, de se laisser écraser sous le plafond du château plutôt que de rester en vie et de suivre celui en qui il avait jusqu'ici eu trop confiance. Ou s'il avait survécu, il aurait mieux été en prison, à savoir qu'il avait signé sa fin. Pinçant les lèvres pour éviter de hurler, il leva son regard vers le ciel et laissa son faible corps tomber au sol, les genoux en premier. Il se prit le visage dans les mains par dépit, incapable d'en vouloir à l'héritier Odair. S'il pétait un plomb maintenant, ce serait un nouvel échec. Tout ça, pour en arriver là. Il avait réfléchi pendant des années à son plan, avait été envoyé sur cette voie par son frère, qu'il avait impunément tué pour rien. Il sentit ses pouvoirs remuer au fond de lui, incontrôlables. Ses yeux le brûlaient mais il ne parvenait pas à pleurer. S'il avait encore un nom, ce ne serait bientôt plus le cas.

Il fallait qu'il parle. Qu'il se relève et qu'il éteigne ce feu qui brûle en lui. Parce qu'il n'abandonnerait pas tant que Xanto ne sera pas à l'abri. « Nous devons reprendre la route. » Il tente de se convaincre que c'est la bonne solution. Mais maintenant que l'adrénaline est retombée, il ne ressent qu'une immense fatigue. Péniblement, les jambes tremblantes, il se redresse du mieux qu'il peut. Ne pas s'arrêter de marcher. Continuer à faire tourner ses méninges autant qu'il peut. Il avance alors un pas après l'autre, comme un homme à demi-mort le ferait. « La partie n'est pas perdue. » Ajoute t-il en avançant à nouveau, jusqu'à se retrouver proche de Xanto. De là, il lève le bras pour poser sa main sur l'épaule de son ami avec la force qu'il lui reste. « Je... » Il déglutit, les mots se coinçant dans sa gorge. Comment avait-il pu raisonner Xanto quelques heures auparavant alors qu'il n'était plus que l'ombre de lui-même. « Je ne t'abandonnerais pas. Peu importe que tout le Royaume soit contre toi. Mon sang, mon âme, mon arme et mon Ombre sont te protègeront. » Yeux dans les yeux, il prononce une nouvelle promesse pour tout ce qu'ils ont encore à vivre. Il le relâche pour sortir un de ses couteaux de son fourreau et s'entaille aussitôt la paume de la main, soulagé de voir le sang couler sur sa peau crasseuse, car au moins, ça prouve qu'il est vivant. C'était une idée bête puisqu'il n'avait pas de quoi soigner sa plaie ensuite, mais se blesser lui a fait assez d'effet pour le réveiller. Après un court silence, il reprend. « Nous devons trouver une auberge, mon frère. » Il désigne du menton la direction dans laquelle ils étaient en train de se diriger. « Demain, nous troquerons nos vêtements contre des tenues moins luxueuses, et nous brûlerons ceux-là. » Ce sont les seules paroles censées qu'il est capable de prononcer pour le moment. Il ne cessera de réfléchir que lorsqu'ils seront à l'abri. Une grande aventure les attend.

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An 1000, Lune 8, Jour 4

La pluie pesait lourd. Elle chutait sur ses épaules comme des aiguilles qui s’infiltraient sous sa peau. D’un côté, c’était réconfortant ; cela lui rappelait qu’il était toujours en vie. Qu’il pouvait encore se venger d’elle. De cette… femme. De cette supposé-reine. D’un autre côté, cela venait aussi lui rappeler son cuisant échec. Il était si prêt… si près du but, si prêt de grimper sur le trône, tellement… Tellement préparé à enfiler cette splendide et magnifique couronne.
Oh mais qu’en restait-il à présent ? Dans sa rétine brillait encore le souvenir de ce couvre-chef en miettes, sur le sol, écrasé par un pan du plafond, tout cela à cause d’un vulgaire voleur trop téméraire. Ce tremblement de terre était certainement un signe, une complainte, mais de qui ? Des dieux, de Metzli elle-même ? Qui, qui donc cherchait à le punir pour ses plans ? N’avait-il pas suffisamment lutté ?
Ou était-ce Midona qui était la victime de cette punition ?

Peu importe comment il tournait la situation dans son esprit, Xanto ne parvenait pas à trouver satisfaction. Il n’y avait qu’un torrent de haine, de frustration et de regret, le tout mis sous silence. D’extérieur, l’on ne voyait qu’une chose ; la pluie, un homme muet, trempé jusqu’aux os, seul. Seul, mais l’était-il vraiment ?
Si près de lui, Cardan pesait ses mots, ses pas. Il cherchait quoi dire. Il ne pouvait pas le laisser s’enfoncer davantage dans les ténèbres. Il avait raison ; Xanto était à deux doigts de vouer la disparition de Metzli avec la sienne, quitte à imploser en son centre en utilisant quelque magie centenaire qu’il pourrait bien découvrir un jour pour faire disparaître la cité crépusculaire de la carte, ses habitants, et lui avec !
Était-ce vraiment la solution ?

La voix de son meilleur ami le poussa à rouvrir les yeux. Flou d’abord, le décor se précisa devant lui. Xanto reconnu Cocorico, et la réalité s’ancra en lui comme une paire de griffes acérées, gelées. Il prit une profonde inspiration, serrant les dents, il retint son souffle avant de l’expirer lentement. Un léger tournis le frappa. La fatigue le gagnait. Cette histoire l’avait éreinté.
La main de Cardan s’appuya sur son épaule. Xanto ne broncha pas tandis qu’il déclarait qu’il ne l’abandonnerait pas. Oh, il était sans doute le seul. Quelque chose lui disait… Oui, quelque chose lui disait qu’il avait perdu bon nombre de ses soutiens lors de cet échec. Misérables, tous. Une morsure le prit à la poitrine. Une colère certaine. L’envie de voir leur tête sur une pique. Tous. Anju, Trascer, ces ombres traîtresses, ailleurs. Tant qu’il n’aurait pas la preuve de leur infaillible soutien ; il les considérait à présent comme des ennemis.

Le regard dur, Xanto bougea enfin, cessant d’être cette statue gravée dans une réalité trop cruelle. Sa tête se tourna vers Cardan. Il posa ses yeux céruléens sur la main qu’il venait d’entailler. Le rouge du sang venait couler sur l’herbe verte, humide, sur laquelle ils se tenaient. Ses paroles étaient censées. Il avait raison. Il restait pragmatique, contrairement à lui. Une étincelle de vie revint dans le regard du twili.
« Tu es le seul qui me sois réellement fidèle, Cardan. » Sa voix était rauque, fatiguée. Trouver une auberge était une excellente idée. Mais pour Xanto, le repos semblait être une notion improbable actuellement. « Et cela, en dépit de mon échec. Explique-moi, mon frère… » Il soutenait son regard avec une telle intensité que l’on pouvait s’imaginer qu’il soit à un geste de lui trancher la gorge, ou de l’enlacer. C’était très difficile à lire, mais d’autant plus inquiétant pour son interlocuteur. « …Pourquoi ? Pourquoi t’exposer ainsi à un exil certain, voire une mort douloureuse ? Metzli ne te pardonnera jamais. » C’était sec, tranchant, réel. Il savait le traitement réservé aux traîtres. Le même qui lui était promis, s’il revenait en Metzli un jour.

« Mon avènement aurait dû être l’événement clef pour nous rendre tout ce que nous avions perdu. » Déclara-t-il en se mettant à bouger, s’éloignant un tantinet du couturier pour déambuler çà et là, sans précision, l’esprit encore torturé par les événements récents. « Pourtant, nous voici comme de vulgaires chiens, à fuir et se cacher. Balivernes !! » Sa patience effleura sa limite, un réflexe colérique lui fit lever la main, envoyant une puissante onde de choc sur le pan montagneux juste en face. De la poussière se souleva et quelques cailloux tombèrent, mais rien de dangereux. Xanto soupira, devinant que toute cette histoire l’avait réellement mis au bout du rouleau pour qu’il en vienne à s’énerver de la sorte. « …Foutaises… » Souffla-t-il avec hargne, laissant sa tête tomber en avant, profondément lassé.

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« parole »

Les mains du Twili se mirent à trembler. Le filet de sang continuait à couler, lui rappelant son état pitoyable et sa prochaine mort, s'il retournait en Metzli. Il fuyait le regard tranchant de Xanto, honteux. Sa gorge lui brûlait de souffler de terribles vérités, mais il n'y parvenait pas. Ses écailles monstrueuses sur les doigts lui rappelaient à quel point il avait toujours été détesté, lamentable, et terriblement seul. Seul, à s'user la chair avec les aiguilles, seul, à forger son destin en espérant que ce soit mieux. Seul, pour toujours et à jamais. Xanto ne pouvait pas comprendre cette part de lui, car il était au moins soutenu par une femme, capable de donner de l'amour en dépit de la noirceur de son âme. Cardan avait voulu s'en inspirer, en vain. « Tes promesses sont les seules choses auxquelles je peux me raccrocher. » Ce terrible constat lui déchirait le coeur.

Muet, parce que le conseiller ne l'écoute plus, Cardan garde le front baissé vers le sol. Il avait rêvé de tenir ce poste de conseiller auprès de Xanto si terriblement ces dernières lunes qu'il n'avait jamais imaginé l'issue de cette journée. Il ferma les yeux et sursauta quand il sentit la terre trembler, avant de se mettre à observer la falaise qui venait de remuser. « Tu veux savoir pourquoi je t'ai suivi ? » crache t-il en pinçant les lèvres, la colère perçant férocement dans son coeur. « Mon frère... » Oh non, là, ce n'est pas de Xanto qu'il veut parler. Il veut raviver des souvenirs douloureux de celui qui est né de la même mère que lui. Disparue depuis longtemps, l'ayant laissé seul à son triste sort. Sa tante avait plus le statut d'une mère à ses yeux que sa génitrice. « Je suis seul. Je ne suis personne. Il n'y a personne pour pleurer mon exil. Personne pour chercher mon corps si je meurs de l'autre côté du Royaume. Toute ma vie, la seule chose que j'ai fait, c'est attendre que les Trois Déesses m'envoient un miracle. Ce miracle, il n'est jamais venu, malgré les prières. Elles ne m'ont gardé en vie que pour que je reste spectacteur de ma misérable vie. Un couturier aux doigts d'Or, enfermé dans sa Tour jusqu'à sa pitoyable mort. » Ce n'est pas un conte, c'est son histoire. Il aurait préféré ne pas la raconter.

Se mettant à son tour à déambuler théâtralement pour suivre les mouvements incontrôlables de son âme, il cherche ses mots. Après de nombreux pas en silence à écouter la pluie et la nature continuer de trembler sur leur passage, il se tourne vers Xanto. Son regard a changé. Il n'arrive pas à le voir en égal, parce qu'il l'a toujours admiré pour de bonnes raisons. « J'ai tué mon frère ! » hurle t-il à la lune, haletant. Là, seulement là, sa voix se brise, révélant sa fragilité, abandonnant l'armure qu'il se donne en public. Même cet aveu, il ne l'a jamais confié à Xanto. Son regard vrille, le bleu devient plus sombre alors qu'il recule d'un pas. Il sent son Ombre s'agiter au fond de lui, au bout de ses doigts, dégouliner par tous les pores de sa peau alors que la honte l'envahit. « Il t'a soutenu, et pourtant, sa seule obssession, c'était de me placer sur le Trône. » Il secoue vivement la tête alors qu'un rire hystérique s'échappe de ses lèvres. « Je voulais l'en empêcher. Je préférais rester caché parmi les Ombres que d'avoir l'ambition de voler la Couronne. Je n'ai pas été le seul à être trahi. Talia, Midona, toi... » En quelques secondes, l'aura brillante de son frère venait de s'éteindre. « Quand il a su qu'il avait atteint le point de non retour, c'était trop tard. Il s'était condamné. »

Soufflant par les narines, il se retourna pour envoyer son Ombre se défouler sur l'herbe la plus proche, y déversant sa colère, jusqu'à ce qu'il atteigne ses limites. Plissant les yeux, il s'approche de Xanto et accroche cette fois ses deux mains à ses épaules pour le regarder fixement. « C'était lui, ou moi. » se plaint-il faiblement. « Il m'a supplié. Je n'ai pas compris ce qu'il se passait, dans l'agitation. Il m'a regardé droit dans les yeux et il a souri. Je n'ai pas eu le temps de sentir mon pouvoir s'activer qu'une Ombre lui tranchait déjà la gorge. » Il en avait vomi toutes les nuits pendant longtemps. « J'ai pensé à en finir moi-même plutôt que de les laisser m'achever pour ce crime. Mais tu étais là. Et tu es encore là aujourd'hui. » Il relâcha brusquement l'héritier, le repoussant malgré lui en arrière. Reculant de quelques pas, Cardan le pointa du doigt, brutalement. « Je me fous de crever pour toi si c'est ma seule façon de me repentir. Je ne te laisserais pas mourir. J'y laisserais ma tête si c'est le seul moyen pour que tu retrouves tes esprits. Alors, maintenant... Maintenant ! » Se mettre à crier ne sert à rien, mais il s'est trop contenu. « Tu vas bouger ton cul, Xanto Odair. Tu es ma dernière chance, la seule raison pour laquelle je suis encore en vie. Alors si tu décides de mourir parce que tu n'as pas les couilles de reconstruire tout ce qu'on a perdu, je meurs avec toi. Et je me fous de ton avis. Si j'étais conseiller à l'heure qu'il est, comme tu me l'as promis, je te dirais exactement la même chose. Parce que je ne ferais pas deux fois la même connerie. Je ne tuerais pas mon frère une deuxième fois. » Être aussi brutal et vulgaire n'était pas dans ses plans, mais Xanto ne lui avait pas laissé le choix.

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An 1000, Lune 8, Jour 4

Xanto n’était certainement pas le seul à être secoué par les événements récents – et leur nouvelle situation, qui plus était. Cardan en avait gros sur le cœur également et les demandes de son roi déchu avaient de quoi le pousser cette le précipice. Plutôt que de tout contenir, il décida d’être franc, de laisser parler ses pensées.
Le corbeau l’observa, attentif, presqu’étonné, tandis qu’il déclarait être seul. Il n’était personne, disait-il, personne ne viendrait pleurer sa disparition. Il fronça les sourcils, intrigué, tandis que comme un livre verrouillé depuis des millénaires, Cardan ouvrait ses pages et le laissait en lire son contenu.

Il le regarda déambuler, perdu, cherchant ses mots. Dorénavant immobile sous la pluie torrentielle qui venait habiller, dramatique, cette scène démoralisante, Xanto ne le quittait pas des yeux. Il attendait quelque chose. Que ce vase craque, que ses pages se déchirent, que la clef ouvre la serrure. Observateur et perspicace, le twili avait deviné que quelque chose débordait déjà des lèvres du couturier ; un secret si longtemps gardé, qui menaçait de quitter sa gorge.
Et c’est exactement ce qui se passa. D’un seul coup, avec pour seuls témoins Xanto et le ciel pluvieux, le Vundahr déclara avoir tué son frère. Une révélation qui laissa le corbeau dans un profond mutisme.
Était-il surpris ? Difficile à dire. Il ignorait comment réagir. Après avoir traversé ces épreuves, avoir vu sa couronne en miettes, être passé à quelques secondes de perdre la raison, voilà qu’il apprenait que son plus proche ami et confident avait tué son propre frère, un homme qui soutenait Xanto et qui pourtant… ne rêvait que d’une chose : voir Cardan sur le trône.

Lui aussi, laissa déferler sa colère, ses émotions. Son Ombre alla jouer dans l’herbe plus loin, agitée et rendue nerveuse par toutes ces révélations. Xanto ne quittait pas son ami des yeux, celui là même qui revint dans sa direction pour presser ses mains sur ses épaules, expliquant ce qui s’était passé. Passif, comme absent et pourtant tout à fait à l’écoute, Xanto emmagasina tout, jusqu’à ce que Cardan ne s’éloigne en s’adressant à lui avec une véhémence crue et honnête ; il se fichait de mourir pour lui.
« Par l’Arbre Obscur— » Il n’eut pas le temps de répondre. Non, ce n’était pas fini. Voilà que son fidèle confident reprenait de plus bel, criant au-delà de la pluie battante, pour lui ordonner de bouger, d’agir, car il était sa seule raison de vivre. Il ne tuerait pas son frère une seconde fois. Il ne l’abandonnerait pas, quitte à mourir avec lui s’il n’avait pas la force d’agir comme il se devait.

Xanto entrouvrit les lèvres, estomaqué. C’était bien la première fois depuis… toujours, que quelqu’un déclarait ainsi une telle affection à son égard. S’il s’était sut ou sentit important pour autrui jadis, ce ne fut jamais avec une intensité pareille. Enfant unique, l’idée d’un frère ne lui avait jamais vraiment effleuré l’esprit. Pourtant, en cet instant, il sentait ce lien qui les unissait. Quelque chose d’invisible et indéfinissable. Une véritable appartenance à l’un comme à l’autre, sans pour autant que cela ne se définisse par de l’amour – ou pleinement fraternel.
« J’ai perdu mon épouse, mon futur fils, et mon royaume. » Répondit-il après quelques secondes d’un lourd silence, tout en se rapprochant lentement de Cardan. « …mais toi, tu es encore à mes côtés. » Il s’immobilisa et leva une main pour la presser solidement sur l’épaule du couturier. Ses doigts serrèrent le jeune homme avec insistance. « Peu m’importe tes crimes. » Il jugea important de le soulever, au vu de ce qu’il venait de lui avouer. « Ta loyauté me suffit à garder les pieds sur terre. »
Ils ne s’étaient pas vus pendant de si longues lunes et pourtant, jamais il n’avait failli. S’estimant profondément chanceux et bienheureux de retrouver son ami, il tira sur cette épaule qu’il tenait et enlaça fermement le twili, dans une étreinte fraternelle aussi ferme que brève.

Il se recula l’instant d’après. La réalité lui revenait soudainement. Il sentait peser sur lui la fatigue, la lassitude. Ses yeux se tournèrent vers l’arche indiquant l’entrée de Cocorico.
« Pardonne mon égarement, Cardan. Tu as raison. » Admit-il sans ramener son regard sur lui. « Je ne peux te rendre Océrian. Mais je peux te donner un frère, ainsi qu’un roi digne de ce nom. » Enfin, ses yeux se tournèrent dans sa direction.
Si cela lui convenait… alors ils pourraient avancer. Ensemble.

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La tempête semble s'être éteinte, soufflée peut-être par un nouveau jour un vent bien plus fort mêlant vengeance, rage, et résilience. Il n'y a pas que lui qui a tout perdu mais pendant ces courtes minutes à cracher son venin sur le monde, il l'a oublié. Parce qu'il n'y a plus rien qui compte désormais à ses yeux que l'existence de Xanto. Un jour, peut-être, arrivera t-il à vivre en paix avec lui-même, s'il n'est pas mort avant cela. Sa mission sera de survivre pendant les prochaines lunes et de faire oublier son existence.

Un souffle s'échappe de ses lèvres et il prend seulement conscience qu'il en avait oublié de respirer quelques secondes. Autour de lui, le monde vibrait et il craignait que les démons endormis ne se réveillent pour venir droit sur eux. Ce qu'ils faisaient subir à leurs âmes et au monde autour d'eux était cruel et purement égoïste. Deux cœurs différents et pourtant taillés de la même pierre. Redressant le menton pour faire honneur à son Roi, le Twili essaie de ressentir quelque chose au fond de lui, mais il n'y a plus rien. Il vient de se débarrasser de ce qui lui pesait depuis tout ce temps. Xanto aussi a perdu bien des choses dans cette bataille. Cette famille qu'il construisait et contribuait à le rendre meilleur en faisait partie. Frères, sans héritiers, sans couronne, avec probablement une épée d'Atlas sur leur tête. Unis pour les mauvaises raisons et pourtant, ce sont les seules qui leur semblent valables.

Des épaules qui, pour Cardan, s'affaissent à la seconde où son frère lui pardonne de son crime. Il soutient son regard, hochant imperceptiblement la tête. Il lui est terriblement reconnaissant pour cela. Au moins, il ne portera plus ce fardeau tout seul et cette idée lui fait du bien, beaucoup de bien. Ce crime n'est peut-être pas le dernier. Il tuera pour ses yeux bleus de glace et pour sa couronne. Il n'est pas un héritier, il est un Roi. Il leur faudra le prouver au Royaume entier pour qu'ils se plient en deux et lui baisent les pieds, tous autant qu'ils sont. Qu'ils soient maudits, tous ceux qui pensent que personne n'est coupable en ce monde. Des crimes et des secrets, ils pourraient en déterrer à la pelle. Alors, il accepte cette courte étreinte, un sourire satisfait aux lèvres. Quand il s'écarte, Cardan a le sentiment que ce qu'ils viennent de partager les aidera à se soutenir. « Je te serais éternellement reconnaissant pour cela. » souffle t-il, le sujet balayé par un coup de vent dans la nuit.

Muet désormais, épuisé de s'être comporté ainsi alors qu'ils venaient de survivre à l'effondrement du château de Metzli, le brun apprécie le silence qui les entoure, signe qu'ils auront quelques heures de repos devant eux. Etant donné l'agitation qui avait secoué Metzli, ils auraient le temps de fuir avant qu'on ne les reconnaisse ou qu'on ne puisse retracer leur chemin. Ils devraient recouvrer toute leur énergie pour chevaucher à nouveau et trouver un endroit où trouver refuge chaque coucher de soleil. Et puis, s'il laisse le silence peser, c'est parce qu'il pourrait sentir jusqu'ici les rouages du cerveau de Xanto qui se remettent enfin à fonctionner normalement. Il ne veut pas le déranger dans sa réflexion ni interférer avec ses démons. « Je n'en doute pas. » conclut-il en hochant fermement la tête. Ses jambes se remettent enfin en route, et il fait quelques pas pour venir marcher aux côtés de son propre allié. « Et cela me suffit amplement. Allons-y, mon frère. » De l'espoir, oui, c'est ce qui peut le ramener à la réalité et lui donner envie de continuer à vivre pour eux. Côte à côte, ils franchissent l'arche d'entrée du village Cocorico, eux et leur but commun, eux et leur lien indéfinissable. Deux Twilis qui, à eux seuls, espèrent changer le monde qu'ils connaissent.

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An 1000, Lune 8, Jour 4

Ils étaient tous les deux épuisés, à n’en pas douter, l’heure n’était pas aux débats, aux confidences et aux grands discours. En dépit d’une évidente détermination chez les deux hommes, ils étaient tous les deux dans le même cas : fatigués, et lassés. Xanto devait bien l’admettre ; le discours, son retour échoué, la grande évasion, l’échec… Tout ceci pesait à présent lourd sur le twili qui ne demandait qu’une chose ; le repos.

Cardan le remercia, et l’encouragea à poursuivre sa route. Ils ne pouvaient pas rester ici, sous la pluie. Ils devaient avancer. Ils ne pouvaient plus reculer. Instinctivement, Xanto tourna la tête pour observer le noir horizon au loin, celui d’où ils venaient. Bien entendu, il n’y avait rien à contempler, outre l’infini abime vers lequel ils ne pourraient plus jamais retourner. Pas sans une arme solide, pas sans arguments.
Mais un jour, il reviendrait. Et sa vengeance serait terrible.

« Oui… avançons. » Répondit-il, vague et pensif, avant d’enfin détourner son regard pour suivre Cardan vers les grandes barrières de Cocorico.
En toute honnêteté, Xanto devait l’admettre, il n’avait aucun plan. Il avait méticuleusement planifié son retour en Metzli, travaillé si dur ces dernières années pour préparer son avènement, et voilà… Voilà qu’il était obligé d’essuyer un cuisant échec. Bien qu’il tentât de ne pas trop y penser, cette idée hantait son esprit. Il était revenu au bercail, triomphant, prêt, et tout cela pourquoi ? Pour qu’une puissance extérieure décide de mettre un terme à son objectif.

C’était aberrant.

C’est encapuchonné que le twili passa l’entrée de Cocorico. Le village dormait encore. En soi, il n’était pas méconnu des lieux. Il était déjà venu ici, en ami, voir Ari Otonari pour des informations sur les sheikahs, le tout sous le déguisement d’un brave conseiller royal qui se donnait du mal pour soutenir sa bien-aimée reine. Oh ! Plus jamais. Il n’était plus ici en qualité de twili serviable mais bien en bon égoïste cherchant à sauver sa peau— et celle de son plus fidèle acolyte.

« Nous devrions être en sécurité ici. Au moins un moment. » Il tourna un regard avisé vers Cardan. « Je suis déjà venu par le passé. La cheffe des lieux me connait. L’auberge nous offrira un confort suffisant pour l’instant. » Un gîte confortable, il ne pouvait pas le nier, en dépit de leur curieuse obsession pour tout met et boisson à base de citrouille.
La pluie ne promettait pas de s’arrêter, à l’image du tumulte qui battait son rythme en lui.

Il s’arrêta devant les portes dont l’architecture typique ne manquait pas de rappeler de lointains pays. A Cocorico, l’ambiance portait à croire qu’ils étaient à des kilomètres de tout ce qu’ils connaissaient, bien que ce ne fut qu’une illusion.
« Je peine à l’admettre, mais notre priorité à l’heure actuelle est de nous reposer. Demain, il nous faudra trouver de quoi camoufler notre identité… et réfléchir à la suite. » Il se mordait la langue à chaque mot. Le corbeau s’obligeait à mettre une halte à ses plans. Il devait rester logique. Sans un corps ressourcé, sans un plan… Il n’irait pas bien loin.

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Cardan hoche la tête, entendu. S'ils peuvent passer au moins une nuit dans le calme de la guerre avant de s'enfuir, cela leur ferait le plus grand bien. Depuis combien de temps n'avait-il pas dormi ? Il lui semblait que cela remontait à des siècles tant ses épaules étaient engourdis. Oh, et quelque chose le frappa. C'était la première fois qu'il quittait son cher royaume pour se rendre ici. Il envoyait n'importe qui livrer les tenues commander, ou on venait à lui, mais jamais il se rendait au-delà de la frontière. Se dire qu'il y était passé sans la possibilité d'y revenir ensuite lui fit froid dans le dos.

Pourvu que les messagers ne soient pas arrivés avant eux, pensa-t-il en soupirant de soulagement. Ils réussiraient peut-être à soudoyer la cheffe de l'auberge ou n'importe quel autre paysan tant qu'ils n'étaient pas mis au courant de la destruction de la royauté Metzlienne. Heureusement, ils n'étaient pas les seuls recherchés, car un individu mystérieux avait lui aussi pris sa part du marché en détruisant la couronne. « Ce sera très bien pour cette nuit. » commente t-il, un goût amer sur les lèvres. Il ne dormait pas dans d'autre lit que le sien. Pire encore, ce soir, il devra se contenter d'une paillasse s'ils souhaitent être discrets. Nul doute qu'ils s'engageaient dans une aventure qui les dépassait tous les deux.

Gardant ses craintes pour lui, le Twili suivit son fidèle allié à travers le village. Les bâtiments avaient leur architecture propre, l'odeur était différente, et même la pluie semblait faite de gouttes d'eau d'un autre temps. Tout était figé dans le calme de la nuit. Voyant que Xanto semblait enfin revenu à lui, avec des idées claires et un début de plan, Cardan esquissa un sourire. Il voyait là l'espoir de réussir, même s'il était infime, et que la folie de l'Odair pouvait revenir au galop. « Hmm. » grommelle-t-il pour valider l'idée. Il allait devoir sûrement abandonner son nom, et il n'avait plus de métier. Avec sa façon de marcher, si droite et si haute, il n'était pas le compagnon de voyage que tout le monde ignorerait. Gêné par cette idée, il se mit à se gratter les écailles sur son bras, à travers le tissu. Avec les habits de paysan, ce sera facile de deviner qu'il n'est pas d'ici. « Je vais avoir l'air d'un déserteur. Trouver une nouvelle identité ne sera pas aisée. Une potion pour me faire pousser les cheveux aurait été la bienvenue. » Avait-il un jour laissé son corps à découvert, et montré les écailles qui ornent ses bras jusqu'à sa nuque ? Il vit alors au mur d'une bâtisse un logo qui ressemblait à celui d'une auberge et le désigna du doigt. « Par ici, n'est-ce pas ? » Il fronce le nez malgré lui, et lâche un soupir. « Même la demeure de ma tante me paraissait moins hostile. » commente t-il en haussant les épaules.

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An 1000, Lune 8, Jour 4

Xanto supposait que le confort des lieux n’était pas celui rêvé par son collègue. Il connaissait trop bien Cardan pour s’imaginer qu’il soit à ses aises ici. Cependant, ce luxe primitif leur permettrait d’être tranquille, au moins pour la nuit.
Car il serait mentir que d’ignorer la fatigue qui rongeait actuellement le corps et l’esprit du twili.

Ils longèrent les bâtiments qui, par leur architecture, la pluie qui tombait et la nuit environnante, donnaient presque le sentiment d’appartenir à une autre époque, comme s’ils étaient dans un fin espace hors du temps. La quiétude qui les entourait laissait Xanto presque mal à l’aise. Il avait le sentiment de flotter dans l’atmosphère, incertain de ce qui était réel, ou non. Le calme donnait la fausse impression que la cacophonie précédente n’avait jamais eu lieu. Pour autant, les coupures à ses mains et les voix dans sa tête, elles, étaient bien réelles.

Il ouvrit la porte de l’auberge, scrutant immédiatement les lieux à la recherche d’ennemis imaginaires. Les lieux étaient pourtant déserts, avec seulement une femme somnolente derrière le comptoir. Cell-ci sursauta en entendant les pas des deux hommes et les dévisagea avec surprise, réajustant ses lunettes rondes sur son nez.
« O-oh pardonnez-moi ! Bienvenue… Vous souhaitez une chambre ? »
« En effet. » Il se garda de mentionner être un ami de Ari Otonari. Ce n’était pas l’entière vérité mais et surtout, cela risquait d’attirer l’attention sur lui. Autant rester discret. « Au risque d’abuser de votre hospitalité, serait-ce possible d’avoir des vêtements ? Nous venons de loin et avons malheureusement égaré nos effets personnels. »
La jeune femme aux cheveux blancs – clairement une sheikah de sang pur – dévisagea Xanto avec interrogation. Elle le toisa de bas en haut, de haut en bas, fit de même avec Cardan, puis haussa les épaules avec désinvolture. La fatigue devait peser lourd sur ses épaules, puisqu’elle ne semblait en aucun cas vouloir s’obstiner sur quelque détail qui soit.
« Je devrais avoir quelque chose en réserve… Tenez, dernière porte à gauche. Vous avez une salle d’eau si vous désirez vous rincer ou… quoi que ce soit. » Ses yeux se perdirent, semblerait-il, sur une blessure ou deux.
Non, elle ne voulait pas poser de questions.

Xanto récupéra la clef et s’inclina respectueusement, avant de faire un signe de tête à son allié afin de l’intimer à le suivre. Ils se dirigèrent dans un couloir linéaire, où s’alignaient plusieurs portes closes, avant de rejoindre celle indiquée.
Lorsqu’il l’ouvrit, il tomba nez à nez avec une petite chambre avec deux couchettes à même le sol. Une fenêtre rectangulaire laissait voir le ciel sombre, une lampe à l’huile décorait une petite commode modeste.
« Ce n’est guère le confort d’un roi, mais pour l’heure, cela suffira. » Soupira Xanto, loin de vouloir se plaindre. Il se défit de son manteau, n’ayant cure de laisser des gouttes d’eau tomber sur le sol en tatami. La fatigue rendait ses pas lourds et son intérêt dissipé.
Et pour autant… Il n’avait pas le sentiment de pouvoir fermer l’œil sans revoir ses espoirs se briser.

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En entrant dans l'auberge, Cardan se sentit légèrement plus soulagé qu'à l'extérieur. Il régnait une atmosphère certes paysanne mais relativement chaleureuse, qui lui donnait aussitôt envie de somnoler et d'oublier tout ce qu'ils avaient traversé. Se tenant droit, autant que sa hauteur le permettait, il observait les lieux avec une visible curiosité. Muet il n'osait même pas parler, laissant Xanto interagir avec l'aubergiste. Ce devait être étrange de voir deux hommes aussi grands, se ressemblant par leurs cheveux sombres et leurs yeux bleus, se promener ici. Ils n'avaient pas l'air du coin, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais au moins, elle ne posa pas de questions et accepta la demande du Twili. Poussant un soupir de soulagement, Cardan le suivit dans les couloirs de l'auberge.

La pièce était telle qu'il l'avait imaginée. Rustre, avec deux couchettes peu confortables qui arrachèrent un frisson d'horreur au couturier. Nul doute qu'il allait avoir besoin de temps pour s'habituer à une vie de vagabond, lui qui a passé sa vie dans le confort de sa maison. Enfin, ce n'est pas tout à fait vrai, puisqu'il a vécu chez sa tante. Cependant, elle avait fait en sorte d'accueillir chaleureusement son neveu en lui proposant un lit. Nostalgique, Cardan eut du mal à revenir au fil de la réalité. « Nous avons au moins de quoi dormir et nous restaurer. » commenta-t-il d'un hochement de tête, regardant Xanto retirer son manteau. Il hésitait. Pourtant, il finit par faire de même, et retira ses bijoux qu'il glissa dans ses poches, avant de défaire les boutons de manchette de sa chemise et de faire de même avec son col, poussant un soupir de soulagement à l'idée de laisser respirer ses écailles. Il détestait les montrer, et n'était pas sûr d'avoir un jour laissé son ami en apercevoir une seule, mais peu importe. « Tu devrais prendre la salle d'eau en premier. Cet honneur te revient, et tu as l'air davantage blessé que je ne le suis. » Il faut dire que ses écailles de Twili avaient au moins cet avantage de le protéger. En revanche, il se demande bien dans quel état peut être son visage, ou même ses cheveux. En tout cas, ses chaussures étaient foutues, et son pantalon également. Voir le tissu déchiré lui faisait mal au cœur. Il s'assit alors par terre, près de sa propre couchette, savourant le confort rudimentaire pour reposer ses muscles. Nerveux, un rire s'échappa de ses lèvres et il le laissa affluer dans la petite pièce, en proie à ses propres démons.

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An 1000, Lune 8, Jour 4

Le confort auquel ils avaient droit n’était certainement pas celui dont ils avaient l’habitude tous les deux. Xanto avait su s’accoutumer de pièces moins chics que celles de ses quartiers de Metzli depuis le temps, mais ce n’était peut-être pas le cas de Cardan. Malheureusement, il ne pourrait pas lui aménager un meilleur endroit pour le moment. Les récents événements avaient été épuisants. Il ne pouvait produire de miracle ici et maintenant.

Son frère d’arme lui proposa la salle d’eau en premier, rappelant qu’il avait subit des blessures. Ailleurs, Xanto dodelina de la tête avant d’acquiescer et de se diriger machinalement vers la petite pièce à côté. L’endroit était minuscule mais suffisant pour qu’il puisse nettoyer ses blessures et tenter de se donner meilleure mine.
Il passa devant une glace, constatant l’état misérable dans lequel il était. Noirci par l’humeur, mais aussi par l’effondrement, son visage avait gagné en poudre ébène et en poussières. Il comprenait mieux pourquoi la tenancière avait paru distante en les accueillant. Cardan n’était guère mieux ; ils avaient une tête de voyous qui fuyaient la nuit. Tout pour susciter la méfiance d’autrui.

On toqua à la porte alors qu’il n’avait que retiré ses bottes. Derrière, personne ; mais des vêtements soigneusement pliés. Il devina que c’était là une tenue locale ; un yukata noir d’une grande simplicité. Simple, oui, mais suffisant. Du moins, pour le moment, car voyager ainsi ne serait pas pratique. Cependant, pour la nuit, cela suffirait.

Ses pensées voguèrent tandis que l’eau chassait le sang et la poussière. Le picotement à sa main le ramenait à la réalité. Sa couronne bien-aimée, détruite, anéantie. Qu’allait-il faire à présent ? Sans couronne, son fragment était inutile. Ne pouvait-il plus prétendre au trône ? En était-ce fini de son merveilleux avenir ? Qu’allait-il devenir ?
Il ne pouvait pas abandonner si facilement et ce serait bien mal le connaître que de s’imaginer qu’il rebrousserait chemin. Or, pour l’heure, Xanto n’était pas en position de revendiquer quoi que ce soit. Il s’obligea à réfléchir avec logique et pragmatisme, ignorant les hurlements de son esprit et ses désirs de vengeance. Pour l’heure, il devait se remettre sur pied, et frapper lorsque l’occasion se présenterait.

Enfin propre, il déchira un tissu blanc pour entourer sa main blessée. Avec ce vêtement, il ressemblait presque aux citoyens du coin, exception faite de ses origines, on ne peut plus évidente en comparaison avec les sheikahs locaux.
Il se présenta à nouveau à Cardan, un yukata noir dans les mains.
« Nous chercherons une tenue plus adéquate pour le voyage demain. » Parvint-il à articuler, non pas sans une voix rauque, témoignage d’une longue fatigue accumulée. « Rafraîchis-toi. Il se fait tard. Nous devons dormir. » C’était machinal, presque un instinct de survie. L’homme désireux de lutter contre le destin n’était plus pour le moment ; il n’était rien de plus qu’un twili fatigué, lassé. Ce serait cependant une grave erreur que de s’imaginer qu’il abandonnait.
Car dans un coin de son esprit, l’idée persistait : il retournerait en Metzli. Et reprendrait ce qui lui revenait de droit.

Lui qui ne dormait que trop peu, pourtant, voilà qu’il s’allongeait sur le futon. Couché sur le dos, il fixa le plafond qui lui paraissait si lointain. Un léger tournis lui prenait la tête. Il n’avait pas même faim, ou soif. Son corps ne nécessitait qu’une chose : dormir. Cela exigeait qu’il baisse sa garde, bien sûr, chose inhabituelle pour Xanto. Mais les jours qui venaient de passer avaient enfin raison de lui. La mort de son enfant-à-venir, la disparition de son épouse, le retour de Midona, la destruction de la couronne…
Ses pensées s’emballaient, l’emportant au loin. Il ferma les yeux malgré lui et sombra dans un sommeil bien plus profond qu’à l’accoutumée. Quiconque ayant une arme aurait pu le soustraire à cette vie. Une vulnérabilité qui lui était bien étrangère, aujourd’hui…

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