Il devait le voir de ses propres yeux.

Les derniers rayons de soleil venaient de s'éteindre à l'horizon lorsque Zachary s'engagea enfin dans la crypte familiale. Le silence régnait sur la Citadelle comme en ce lieu presque sacré. La respiration du jeune prince et le crépitement d'une flamme ne suffisaient pas à troubler ce silence. Le tombeau se trouvait devant lui. Pourquoi hésitait-il ?

Il connaissait la réponse au fond de lui. Zelda était revenue de Fort-Lumière quelques jours plus tôt et pourtant son cousin n'avait pas osé se présenter devant elle. Il avait essayé de se convaincre que ce n'était rien : il ne pouvait tout de même pas porter ses vêtements qui étaient désormais trop grands pour lui. Il s'agissait de la nouvelle reine après tout. Ensuite, il avait été plutôt occupé par la situation d'Ondine qui souhaitait renouer avec son père. Dans le cas contraire, il aurait souffert de cette absence, car sa cousine n'était pas venue le trouver, elle non plus, comme personne n'osait plus le faire. Tout cela ne pouvait pas durer éternellement. Il le savait. C'était parfaitement ridicule. Il connaissait Zelda depuis toujours et il se doutait qu'elle n'oserait peut-être pas faire le premier pas par respect envers lui. En plus de devoir endosser toutes ses nouvelles responsabilités ...

De son vivant, son oncle lui avait souvent offert de sages conseils. À présent, il reposait aux côtés de Myranda. Il ne pouvait plus rien pour sa fille ni pour Zachary. Il était temps de lui dire adieu. Dans le silence de son cœur, il adressa une prière à la Déesse pour le repos de l'âme de ce grand homme. Pour autant ... Une part de lui espérait qu'il pourrait trouver du courage en ce lieu. Il n'était pas présent pour les rites des funérailles, alors il pouvait au moins veiller cette nuit, et en profiter pour continuer à mettre de l'ordre dans ses pensées.

Son offrande avait été soigneusement enveloppée dans un grand morceau de tissu. Il se pencha afin de laisser sa couronne argentée parmi les nombreuses gerbes de fleurs. Son regard s'égara aux alentours dans ce lieu, qui lui était peu familier, à regret. Une fleur unique avait été abandonnée quelques pas plus loin. Il réalisa tristement que c'était probablement la place qui lui aurait été réservée et il y déposa à son tour l'une de ses fleurs. Zelda l'avait-elle pleuré ?

« Je vous aurais suivi dans la mort, mon oncle ... mon Roi. »

Il était bien plus que son capitaine. Zachary déposa ses lèvres tendrement contre la pierre froide du marbre et laissa sa tête y reposer, en fermant les yeux, pour ravaler sa peine, ses doigts traçant chacune des lettres, vidé de ses forces. Il avait versé suffisamment de larmes. Il avait assisté aux derniers moments de Rhoam Nohansen. Combien de fois avait-il revu ces mêmes images dans son esprit ? Il n'était qu'à quelques mètres de lui. Pourquoi avait-il échoué ? Pourquoi avait-il survécu ? Il n'arrivait pas à se défaire de ce sentiment de culpabilité. Il cherchait la faille qui leur aurait permis d'éviter toute cette tragédie.

La partie plus rationnelle de son esprit savait bien qu'il se faisait du tort, malgré le fait qu'il ait tendance à l'ignorer. Qu'aurait-il pu faire pour refermer la plaie ou pour mettre fin aux jours du meurtrier d'un seul coup d'épée tandis que même la magie de Metzli n'avait pas été suffisante ? Tout ce qu'il avait pu faire, impuissant, c'était exaucer la dernière volonté de celui qui était comme un père pour lui, alors même qu'il luttait pour que les mots quittent sa gorge dans ses derniers efforts. Non, à chaque fois, il ne voyait qu'une seule autre issue tout aussi amère.

« Cela aurait dû être moi. » murmura-t-il doucement, comme s'il implorait le pardon.

Voilà pourquoi il ne pouvait pas imposer sa présence à Zelda. Chaque fois qu'elle poserait les yeux sur lui, ce qu'elle verrait, c'était le rappel de ce jour maudit. En y réfléchissant bien, il en allait de même pour son père et pour chaque personne qui vivait à la Citadelle d'Hyrule. Peut-être valait-il mieux qu'il parte dans ce cas. Nadë comprendrait. Il pouvait même prétendre qu'il s'agissait d'un simple voyage en direction de Lanelle. Il finirait par lui dire la vérité, évidemment, et il laisserait une note expliquant son départ. Il n'était pas cruel.

Le soleil venait baigner les marches de ses premiers rayons. Il était temps pour Zachary de prendre une décision. Il avait encore besoin d'un peu plus de temps avant de se relever cependant. Au milieu du silence étouffant, il ne pouvait s'empêcher de penser à cette femme qu'il se refusait de nommer à nouveau. Il s'était évadé et pourtant il avait la désagréable sensation d'avoir perdu.

C'était dans les moments compliqués que parfois, la reine d'Hyrule venait se recueillir en toute discrétion sur les tombeaux de ses défunts parents. Tous deux ayant rejoint la Déesse Hylia, Zelda ressent parfois le poids de la solitude, seule, sans parents bien qu'elle puisse toujours compter sur l'aide et la compagnie des autres membres de sa famille. Mais hélas personne en ce monde ne pourra combler ce vide laissé par les disparitions de Rhoam et Myranda. Chaque jour qui passe est un jour où l'hylienne garde la tête haute, ne laissant pas la moindre émotion transparaître sur son visage qui pourtant parfois trahit le poids des responsabilités qui sont les siennes à présent. Qui disait qu'être reine était une chose facile ? Zelda se souvient de l'époque où elle était princesse, tous ces rêves... elle avait longuement pensé à son règne, comment serait son quotidien, qui serait là, qui ne serait plus là, deviendrait-elle une bonne reine ? Mais ces derniers jours, Zelda avait l'esprit tourmenté par le fait qu'elle était peut-être une mauvaise cousine, une mauvaise alliée. L'incertitude avait étreint son cœur quand elle avait appris le retour inespéré de Zachary. Ce cousin, ce frère de cœur qu'elle n'avait plus revu depuis le Millénaire de l'Unification. Des lunes où elle a cherché une solution, prié Hylia et sans cesse essayer de trouver le moyen de libérer son cousin de cet enfer qui lui a été imposé. Sans doute rongée par la culpabilité de ne pas avoir réussi, Zelda n'avait pas osé se présenter devant Zachary. Pourrait-il la pardonner ? L'hylienne en a eu souvent la gorge serré rien qu'à imaginer leurs retrouvailles... celles où ils pourraient se parler à cœur ouvert. Et que dire à son oncle et à sa tante, Gabriel et Eleanor ? Quand elle y pensait, Zelda ne pouvait s'empêcher d'y voir là un de ses plus gros échecs personnels. Elle n'en avait pas dit un mot à personne, pas même à son époux. Sans doute trop déchirée par ses émotions pour oser les exprimer à haute voix.

Mais ce soir, peut-être qu'il s'agit d'un acte délibéré de la déesse de lumière elle-même. Guidée par le besoin de se recueillir une nouvelle fois sur les tombeaux de ses parents, Zelda avait quitté le château avec une escorte qui l'avait laissée à son intimité à l'entrée de la crypte familiale. Derrière elle, elle a même laissé Jacerys, ne lui ayant pas caché comme à chaque fois son besoin de solitude et d'aller rendre visite aux siens.

D'un pas lent, l'hylienne pénètre dans la crypte familiale des Nohansen. Les talons de ses bottines de cuir cachées sous sa longue robe noire résonnent dans l'escalier de pierre poussiéreux. Les ondulations de sa chevelure pâle se balancent au fil de ses pas et de sa descente, les torches et braseros illuminant son chemin à travers la pénombre naturelle de la tombée de la nuit. Sa longue robe noire forme une petite traîne derrière ses pas, et sa cape couvrant ses épaules de la fraîcheur nocturne de la Saison des Chaleurs flotte doucement dans son dos. Dans les mains de Zelda se trouvent deux magnifiques bouquets de fleurs fraîchement composés des préférées de chacun de ses parents.

Une fois arrivée au centre de la crypte, le cœur de l'hylienne s'arrête une brève seconde. La silhouette de Zachary près du tombeau de Rhoam l'arrête dans ses pas et elle ne sait où se placer, quoi dire, quoi faire. Elle prend ainsi une profonde inspiration, son visage exprimant aussitôt le deuil et un ton solennel.

« Bonsoir Zachary... » prononce-t-elle doucement, son incertitude est trahie par le timbre de sa voix tremblante. Instinctivement, elle passe une main sur son ventre ayant prit depuis quelques lunes une forme plus arrondie. « Je suis navrée de t'interrompre dans un tel moment. »

D'un pas lent, la reine s'avance pour déposer le premier bouquet de fleur destiné à sa tendre mère, Myranda. Elle lutte de toutes ses forces pour ne pas laisser ses larmes couler dans un moment d'une telle vulnérabilité que ça en devient presque douloureux. Une fois les fleurs déposées, Zelda se redresse lentement, poussant un profond soupir avant de tourner son visage vers Zachary. Elle aimerait tant lui dire... mais par où commencer ?

Le voyage depuis Cocorico avait été rude et Gabriel et son écuyer étaient fortement épuisés. De plus, la pensée de son épouse en plein questionnement sur sa disparition soudaine le tourmentait de plus en plus. Il avait le devoir de se tenir à ses côtés et ne souhaitait pas lui créer plus de malheur que possible. Le prince insistait pour s’arrêter devant chaque sanctuaire dédié à Hylia et la priait intéressement pour qu’elle garde son épouse et lui rende son fils. Car malgré tout cela, le prince hylien s’était obligé lui-même à se présenter devant sa nièce, avant de rentrer au domaine.  Plus qu’un époux, il était d’abord un prince qui servait la Couronne et cela l'obligeait à faire le rapport de ce qui s’était passé durant son voyage.

Sur le chemin, il convint d’un arrangement avec son écuyer (sans dire qu’il lui avait directement donné l’ordre). Celui-ci irait porté leur situation à la connaissance de dame Eléonore, afin de la rassurer. L'écuyer avait grimacé, non pas de dégoût, mais bien de terreur. Il craignait plus que tout l’ire de l’épouse du prince. Mais soit, l’hylien accomplirait cette besogne car c’était son devoir.

Les deux hommes chevauchèrent ainsi jusqu’à la tombée de la nuit, durant deux jours pour arriver le plus rapidement possible à la Citadelle. Gabriel ne se fit pas remarquer dans la ville mais à l’entrée de la demeure royale, les gardes le reconnurent. Bien sûr, le prince éclipsa leurs regards interrogateurs et se faufila au travers de ce château qu’il connaissait si bien. Le pas pressé il marchait mais bientôt les raideurs de son âge avancé et les traces de son voyage se firent sentir au travers de son corps. Il était hors de question pour lui d’user de ses pouvoirs, surtout dans l’état dans lequel il était. Gabriel ralentit sa marche, devenant plus attentif aux détails de son environnement. Chaque pas devenait peu à peu comme une marche vers ses souvenirs. Ici et là, le prince voyait à nouveau des scènes qu’il avait déjà vécu, petit enfant, adolescent fier … Puis soudain, la mémoire de son frère et de sa mère lui revint. Cela faisait longtemps, il est vrai, que Gabriel ne s’était pas recueilli sur leur tombe. Le désir de leur faire honneur grandissait dans son cœur à mesure qu’il marchait vers les portes de l’enceinte principale castrale. Passant devant un des arbres de l’allée, le prince se détourna de son chemin et fit route vers le mausolée royal. Il trouverait un peu de repos auprès de la fraîcheur de la pierre.

Lorsqu’il arriva près de la crypte, Gabriel eut la surprise de découvrir que les grilles n’en n’étaient pas fermées. “Sûrement une des jeunes recrues. Ils vont m’entendre, ceux-là !” pesta-t’il pour lui-même. Le prince passa les grilles et les couloirs de ce haut-lieu d’Hyrule puis descendit les marches qui menaient aux tombeaux de son frère et de sa mère. Les torches, comme toujours, étaient allumées et Gabriel eut le plaisir de noter que les lieux étaient toujours aussi propres. Les intendants de sa nièce, Zelda, prenaient la chose au sérieux et sûrement cette dernière devait-elle être pointilleuse sur le sujet.

Le prince hylien arriva au coin du couloir qui donnait sur l’ensemble où son frère et sa mère reposaient. Et c’est alors que son cœur se stoppa quand Gabriel remarqua sur le sol un détail étrange. Une ou plusieurs ombres s'étiraient de toute leur longueur sur plusieurs mètres. Il était difficile de dire s’il s’agissait d’une ou plusieurs personnes en vérité, car malgré les torches, la nuit était tombée depuis lors. Curieux mais prudent, il s’avança dans le couloir et ce qu’il vit le surpris. Une dame se tenait au milieu du chemin, tout près du mausolée de son frère, feu le roi Roham. Sa chevelure était magnifiquement blonde et se marier avec la tenue d’un noir opaque mais pur d’une manière qui ne pouvait être que difficilement imitable. Un sentiment de familiarité surgit dans l’esprit de Gabriel : ce n’était nul autre que Zelda. Alors, le prince s’avança vers elle, d’un pas pressé qui allait sûrement l’alerter de sa présence.

- “Ma nièce”, fit-il alors qu’il était à quelques pas d’elle et qu’il ployait le genou. Mais quelque chose clocha alors dans son esprit. Gabriel s’était tellement précipité vers Zelda qu’il n’avait pas remarqué la deuxième présence qui semblait l’accompagner. Le prince releva alors la tête mais son corps entier se stoppa sur place.

Là, tout près de sa nièce, semblait se tenir une illusion. Celle de son propre fils, ou du moins, quelqu’un lui ressemblant grandement. Gabriel avait peine à croire ce qu’il voyait devant lui, de telle sorte que la surprise de la situation le poussa à se relever. Des larmes lui montèrent instinctivement aux yeux et, faisant fi de l’étiquette, se mirent à ruisseler le long de ces joues. Tout cela était-ce seulement bien réel ? Le voyage ne l’avait-il pas rendu fou ? Tant de questions et de sentiments surgirent et agitèrent son esprit. - "Zachary ?", finit-il par demander, péniblement.

Qui pouvait bien venir visiter les lieux à une heure pareille ? Oh allons ... Qui d'autre si ce n'est une fille dévouée. Il n'était plus possible de fuir sans un regard en arrière à présent. Zachary ne se retourna pas afin d'accueillir sa cousine même si les pas se rapprochèrent de lui et qu'il attendait ce moment depuis la fin de son exil. Il avait peur. S'il demeurait immobile, peut-être rebrousserait-elle chemin. Peut-être croirait-elle qu'il s'était endormi. Cependant, les paroles qui lui furent adressées relevèrent le visage du prince en direction de la personne qu'il aimait le plus au monde, la surprise visible sur ses traits, sans aucun doute. N'était-ce pas plutôt à lui de s'excuser d'avoir pris la liberté de se présenter ici avant de donner un signe de vie ? Tout de même, cette simple phrase avait un petit côté familier et donc réconfortant : combien de fois lui avait-il répété de ne pas lui demander pardon ? Sa présence ne le dérangerait jamais. Ses questions non plus. L'innocence de cette époque n'était néanmoins plus qu'un vague souvenir. L'émotion noua son cœur, sa gorge, sa langue. Il devrait pourtant dire quelque chose.

L'arrivée de Gabriel lui porta le coup final. Comment le rescapé aurait-il pu retenir ses larmes plus longtemps devant celles de son père ? Une vision pareille était désarmante et lui coupa presque le souffle à son tour. Il croyait pourtant avoir versé bien assez de larmes, pour ça, pour lui-même. Pourquoi dans ce cas avait-il cette impression d'être redevenu le petit garçon un peu perdu d'autrefois ? Avait-il jamais cessé de l'être ? Elenore ne voulait déjà pas de sa présence au domaine familial, refusant de croire à ce piège, exprimant clairement par écrit qu'un homme ne pouvait pas revenir du pays des morts : il n'était pas son fils ! Zachary n'avait pas eu l'énergie d'affronter son hystérie, ni ses accusations, seul. Il aurait alors eu beaucoup de mal à le supporter si un autre membre de sa famille lui tournait le dos ou le chassait du château, son dernier sanctuaire, surtout l'homme qu'il était si fier de pouvoir appeler son père. Il fallait reconnaître après tout qu'il avait lamentablement échoué à suivre son exemple en perdant la lame de la Garde Blanche ... Il avait failli à tous ses devoirs. Sauf celui de rentrer sain et sauf, à peu de choses près.

« C'est bien moi. »

Il détourna son regard vers les ombres. Elles lui étaient devenues plus familières que la lueur des flammes. Comment devrait-il réagir ? Il ne le savait pas. Il était donc mal à l'aise. Le jeune prince se releva finalement pour approcher, tendant ses mains avec hésitation pour récupérer celle de Zelda dans l'une, celle de Gabriel dans l'autre, les serrant légèrement dans sa paume, précieusement, comme si c'était la seule et unique chose qui l'empêchait de s'effronder en mille miettes.

« Sept Lunes ont passé ... »

C'était un triste constat, plus qu'un véritable reproche. Inutile de leur détailler son charmant séjour dans le Camp Yiga en tant que prisonnier de guerre : il était plutôt facile d'imaginer qu'il n'avait eu aucun répit. La confusion et le chagrin se lisaient sur son visage, émotions conflictuelles qui cherchaient à dominer son cœur. Il méritait une explication. Il avait attendu tout ce temps à espérer le moindre signe de leurs forces espionnes, de leurs alliances, ou encore de leur armée qui viendrait libérer les victimes de leur Millénaire de l'Unification, un nom bien ironique désormais. Il avait prié Hylia sans relâche. Pourtant, Zachary était le seul qui s'en était sorti (à quel prix ?) et il n'avait reçu aucunes nouvelles, à part celle d'un mariage inespéré. Sans le courage d'une petite Hylienne condamnée injustement à la Tour du Jugement alors qu'elle n'était encore qu'un bébé, sans la mort de la chamane qui servait de pilier à l'influence des Yigas et qui le retenait étroitement entre ses griffes, combien de temps se serait-il encore écoulé avant qu'il puisse revoir la glorieuse Citadelle ? Combien de temps, exactement, avant qu'il ne soit perdu à jamais aux ténèbres ou à une mort certaine ? Il n'osait pas poser ces questions.

« C'était mon choix. »

Voilà la seule conclusion qui avait de l'importance. Il s’était déjà sacrifié plus d’une fois pour Zelda, et il le ferait encore, et encore, si c'était nécessaire. Là était le rôle d’un protecteur … et d’un grand frère, même si ce n’était pas le lien exact qui les unissait. Un sourire fragile fit son apparition sur les lèvres tremblotantes de ce pauvre homme.

Bien vite, la Reine d'Hyrule dépose le second et dernier bouquet de fleurs sur le magnifique tombeau de ses défunts parents afin d'alléger son esprit. Son ambition principale était enfin remplie, elle avait honoré Myranda et Rhoam des plus belles fleurs fraîchement rassemblées pour composer ses deux beaux bouquets. Et finalement, Zelda peut se tourner vers l'homme qu'elle a toujours considéré comme un frère. Les mots ne sortent pas, elle aimerait tant s'excuser, demander pardon, elle est face à son propre échec ; celui de ne pas avoir pu mettre en place les moyens pour libérer tous les otages y compris Zachary des griffes du Clan Yiga. Et le voilà finalement devant elle. Zelda ignore tout ce qu'il a vécu mais elle peut imaginer que l'Enfer est bien faible mot. La reine essaie de rester dans sa retenue naturelle exigée par une membre de la famille royale car elle craint qu'entre eux, tout est changé. La sensibilité de l'Hylienne la force à se retenir de se jeter dans ses bras et de laisser ses larmes couler. A la place, Zelda reste debout, les mains jointes devant elle, attendant qu'une éventuelle conversation débute.

Mais leurs retrouvailles sont troublées par l'arrivée d'une silhouette que Zelda parvient à reconnaître rapidement. Ses prunelles suivent les mouvements de son oncle à qui elle adresse un tendre sourire. Le cœur de la reine ne peut s'empêcher de se sentir ému à l'idée que tous soient réunis dans un tel endroit ; bien que la crypte familiale soit un lieu de recueillement, elle essaie d'y voir à présent une lueur d'espoir.

« Mon oncle... » murmure-t-elle quand Gabriel la salue poliment, d'une façon peut-être même trop protocolaire mais Zelda n'ose le contredire de crainte de briser cet instant de paix. Elle s'écarte ensuite d'un pas en arrière, laissant père et fils un instant pour se contempler. L'Hylienne reste silencieuse, retenant ses larmes qui menacent de couler à tout instant quand Gabriel et Zachary échangent quelques mots. Les voir aussi émus mais enfin réunis étreint la gorge de la reine qui tente de rester naturelle. Par respect, elle reste silencieuse ; une part d'elle ne sait quoi dire, quoi faire.

Mais quand Zachary de lui-même engage le premier contact physique, prenant les mains de Zelda et de Gabriel dans les siennes, ses émotions ont raison d'elle. Zelda autorise enfin une larme à couler le long de sa joue, larme qu'elle s'empresse de sécher avec sa main libre de crainte que son cousin ou son oncle l'ait vue.

« C'était sept lunes de trop... » Elle murmure tout bas avant de se permettre de serrer davantage la main de Zachary dans la sienne. La reine laisse un doux sourire illuminer son visage pourtant si fermé, tiraillé par les émotions fortes qui la traverse à cet instant. « Les Nohansen réunis en ce lieu si symbolique. Je prie Hylia pour que mes défunts parents puissent être témoins... » Poussant un profond soupir d'aise, Zelda essaie de se détendre et de s'apaiser, mais tout ce qu'elle retient en elle, tout ce qu'elle aimerait pouvoir dire, faire, la rend nerveuse et tendue. Zelda essaie de prendre plusieurs inspirations discrètes pour ne pas laisser ses émotions prendre trop de place. Pour elle à cet instant, rien n'a d'importance, ses prunelles et ses pensées sont focalisées sur son cousin, son oncle, sa famille.

Le père qu'il était n'avait, semblait-il, jamais perdu espoir de revoir son fils. Même face à l'adversité, Gabriel n'avait jamais cessé de baisser les armes, préférant la mort au combat, en servant la famille que le déshonneur d'une défaite. La Famille, voilà pourquoi Gabriel se battait. Et depuis la disparition de son propre fils, il n'avait cessé de vouloir se battre. Il serait sûrement devenu fou, un fou errant sur les terres sacrées d'Hyrule en quête de son propre sang.

Mais tout cela, tout ce conflit intérieur cessa dès l'instant où Gabriel posa les yeux sur son fils. Des larmes lui montèrent tandis que son fils parlait et dès qu'il eu finit il s'empressa de le serrer dans ses bras. Le vieux garde blanc ne prit pas la peine de chercher à retenir ses émotions. Zachary était vivant et il le tenait dans ses bras ! Un sourire illumina son visage, ce qui détonnait de l'émotion générale qui venait de son fils. Il avait l'air usé et Gabriel n'imaginait pas tout les sacrifices, tous les efforts que la chair de sa chair avait du consentir pour revenir ici, à la Citadelle, au château familial.

Il voulait tout savoir mais surtout, désormais que son fils était auprès de lui, le protéger et le ramener chez eux. La protection de sa famille était le ciment de son serment en tant que garde blanc. Son allégeance au trône ne reposait pas sur un fanatisme mais sur la compréhension que sans la famille des Nohansen, le royaume d'Hyrule sombrerait. N'est-il pas vrai que le sang de la Déesse coule dans leurs veines ? La vie d'un des siens est dès lors plus précieuse encore que la vie de tous les habitants d'Hyrule.

- "Grande Déesse", s'exclama-t-il, Zachary mon cher fils, je suis si heureux de te voir en vie. Ta mère n'y croyait plus, dit-il en lui adressant un regard paternel. Un regard qui tentait de sonder, d'estimer, tout ce que Zachary avait pu endurer. Tout ce que son retour impliquait dans leur vie et celle des affaires de la cour. Il souffla, relachant la pression en manifestant un petit rire nerveux. Le prince n'arrivait pas à croire que son fils se tenait près de lui, ni que les Nohansen avaient été réunis ici simplement par hasard.

Zelda prit la parole alors que leur étreinte cessait. Cette jeune princesse qu'il avait vu grandir arborait désormais la stature d'une reine véritable. Mais au-dela de cela, c'était aussi sa nièce et sa vie valait plus que la sienne.  

- "En effet, Zelda. Je pense que nos retrouvailles sont bénies. Ton père, notre roi Roham, mon frère seraient infiniment fiers de vous, quelques fussent ou seront vos erreurs. Toi, mon fils tout comme toi ma nièce. J'ai fait le voeu de servir notre famille et je ne peux pas ressentir de plus grande joie à nous voir réuni ici. Malgré la tempête, malgré la haine et nos ennemis." Alors qu'il disait ceci, Gabriel tenait fermement leurs mains. Il réalisa que son rôle et sa place était ici. Assurer l'arrière garde de sa famille car l'espoir et l'avenir de tout un royaume pesait sur eux. Il n'y aurai plus de place pour le doute et le repos dès que la vie d'une de siens seraient en péril. C'est cela que Gabriel avait envie de jurer.