Poison in my veins | PV Saoirse

Zachary avait toujours aimé la saison chaude. Il ne resplendissait jamais autant que sous le soleil glorieux d'Hylia. Aujourd'hui, son sentiment était plus mitigé. Il avait encore le goût de la poussière sur le bout de la langue et la sensation que la chaleur impitoyable du désert, gravée jusque dans sa chair, n'était pas aussi lointaine qu'il se plaisait à l'imaginer, même s'il grattait la peau jusqu'au sang. Il avait besoin d'une bonne distraction.

Ses pas l'avaient mené instinctivement en direction des écuries. C'était le seul endroit où le prince parvenait à se vider l'esprit. Lorsque personne ne venait l'interrompre, s'entend. Ses doigts s'enfoncèrent doucement dans la robe de cet étalon qu'il connaissait depuis son adolescence. C'était un contact simple, mais familier, et il n'y avait rien de plus rassurant en ce monde pour Zachary.

Ses pensées s'éparpillant au gré du vent, il songea à son père qui possédait de nombreuses connaissances à propos de l'art de la fauconnerie et autres oiseaux. Il devrait peut-être y réfléchir plus sérieusement. Il avait toujours aimé prendre soin des animaux. Il s'était présenté devant le temple d'Hylia avec l'intention de se recueillir dans la méditation et la prière, évidemment, mais le regard de la statuette de la Déesse lui semblait plus strict et rempli de jugement. Ou alors, c'était le reflet de ses propres doutes qui venait le ronger.

« Je suis désolé ... Je suis persuadé que nos longues promenades t'ont manqué, mon grand ... » murmura-t-il, en grattant affectueusement sa fidèle monture entre les oreilles, un léger soupir soulevant les muscles de son torse.

Cela lui manquait aussi, pour être honnête. Le château avait toujours été trop petit pour le prince ailé. Une légère pression de la tête de ce bon vieux Flamme contre ses épaules lui fit lever les yeux au ciel plutôt qu'être surpris ou tendu. Au moins, il ne lui avait pas fait perdre l'équilibre. Était-il prêt à se remettre en selle ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir. Dans tous les cas, son ami était bien trop docile pour s'éloigner au galop hors des murs de la Cité sans les ordres de son maître. Il n'y avait plus qu'à trouver le matériel nécessaire. Des murmures se faisaient entendre au-delà des murs de l'écurie, toutefois, il n'y prêtait pas réellement attention. La plupart des palefreniers savaient déjà qu'il ne servait à rien de tenter de convaincre leur prince de les laisser effectuer ce petit rituel à sa place. Toute autre personne devrait venir à sa rencontre ou attendre qu'il quitte le bâtiment.

Zachary se tourna légèrement en direction de la porte en l'entendant s'ouvrir. Il regrettait l'époque avant même la Lune de Sang qui lui évitait de devoir être constamment sur la défensive. L'horaire de la journée était entièrement libre. Si quelqu'un venait lui interdire de monter à cheval ... Il n'était pas certain de pouvoir le pardonner. Comment avoir mieux l'impression d'être un prisonnier dans sa propre maison ? Oui, voilà, un peu d'air frais, cela devrait lui changer les idées. Cela l'empêcherait d'envisager un renvoi expéditif.

Le doux visage de Saoirse Sadlyn le rassura légèrement à ce sujet, même s'il ne pouvait pas s'empêcher de se demander si cette conseillère n'était pas justement envoyée par les bons soins de la Reine afin de vérifier que son cousin ne faisait pas n'importe quoi, risquant par le fait même d'aggraver son état. Certes, il était têtu. Et si une seule personne ici pouvait comprendre ce qui l'affligeait, à l'exception d'Ondine, qui avait traversé un enfer légèrement différent toutefois, c'était bien la Goron, il le savait. Peut-être pouvait-il se confier. Il suffisait de trouver un cadre plus adéquat.

Zachary tiqua à l'évocation d'une convalescence prolongée, ses doigts se resserrant légèrement contre le cuir de la selle qu'il était en train de placer, et les muscles de sa mâchoire tressaillirent pour mieux le trahir avant de tourner la tête dans la direction opposée, tandis qu'il s'efforçait de rester poli au lieu de rétorquer que ce n'était pas à elle d'en décider. Saoirse n'avait pas l'intention de le froisser. Cela ne changeait pas le fait que c'était un sujet délicat et que ses belles intentions venaient de voler en éclats. Il faut savoir que même par le passé, il n'aimait pas être immobilisé par la maladie. Il faisait beaucoup d'efforts pour tenter de reprendre un rythme de vie normal et affronter ses démons au lieu de rester dans son coin à se morfondre ou à craindre le moindre bruit. Et il devait avouer que la perspective de pouvoir rendre visite à la douce Zora qui faisait battre son cœur plus vite, et ainsi répondre à sa charmante invitation, était terriblement tentante ... Mais franchement si tout le monde ne pouvait pas s'empêcher de remuer le couteau dans la plaie, il avait de la difficulté à saisir comment il allait parvenir à sortir la tête de l'eau.

« Votre sollicitude me touche, Dame Saoirse, mais je me porte bien, comme vous pouvez le constater. »

C'était un mensonge, bien entendu, il se mentait à lui-même, aussi bien qu'il mentait aux autres. À force de le répéter, sans doute espérait-il que cela s'avèrera être vrai, un jour. Un silence pesant s'installa quelques instants. Le prince finit par lui présenter des excuses en quelque sorte : en effet il n'avait pas encore répondu à sa question, et il ne comptait pas manquer à tous les préceptes de son éducation.

« Vous avez vu juste quant à mes intentions. Toutefois, si vous requérez ma présence pour une affaire, alors cela devra attendre ... À moins que vous ne souhaitiez m'accompagner. »

Il avait passé depuis longtemps l'âge à lequel il était nécessaire d'être supervisé par un chaperon, mais il pouvait accepter la présence d'une amie.