[FB] Moonlight Sonata | PV Saoirse

Une bruine fine tombait sur la Citadelle, ce soir-là, et il était difficile de voir les étoiles à travers les nuages.

Pourtant, une âme  errait encore sous la voûte céleste. Le protecteur d’Hyrule avait du mal à trouver le sommeil ces derniers temps. Entre l’ouverture des frontières, la Lune de Sang, les recherches qui n’avançaient guère pour sa tendre amie, les rêves de Zelda, le retour des Yigas dans les Landes des Gerudo, la fête du Millénaire qui approchait à grands pas… On peut dire qu’il avait l’embarras du choix quant à ses préoccupations, même si elles n’étaient pas toutes partagées. Il ne pouvait pas juste engourdir ses sens dans la taverne la plus proche pendant quelques heures. Les problèmes ne s’envoleraient pas du jour au lendemain. Ils avaient plutôt tendance à s’accrocher, pour le moment. Et si jamais le pire devait survenir… Il devrait être prêt.

De fait, Zachary avait préféré quitter ses quartiers pour trouver refuge sous le pavillon, afin de fuir les demons qui hantaient ses pensées. Avec de la chance, l’air frais lui changerait les idées. Il préférait éviter d’avoir besoin de compter sur une de ces concoctions au goût horrible pour rester en pleine possession de ses moyens. Il régnait déjà une ambiance paisible sur le château qui offrit un peu de baume sur son âme, mais ce n’était pas suffisant pour que le jeune homme rebrousse chemin, car cette tranquillité apparente était justement ce qui le tracassait. Il croisa la route de quelques gardes qui le saluèrent d’un bref geste de la tête, parfois avec un sourcil haussé, mais ce ne serait pas la première lubie du prince ailé, après tout. Il consentit à prendre un manteau, plutôt qu’une ombrelle ou une coiffe.

Dans ce sanctuaire au cœur de la tempête, le reste du monde semblait si loin, comme si plus rien ne pouvait les atteindre. Allait-elle se calmer ? Allait-elle s’aggraver ? Et s’agissait-il d’un présage envoyé au peuple d’Hylia, ou simplement de la saison ? Voilà les questions que Zac se posait en faisant jouer ses doigts distraitement contre la structure. Non, vraiment, il devait s’occuper ou il ne s’en sortirait jamais.

Le bout de toile sur son dos maintenant ouvert sur ses genoux, il redécouvrait la lyre de sa mère. Il aurait probablement dû la lui rapporter le plus tôt possible, mais sa curiosité avait eu le dessus. En vérité, Zachary se doutait qu’elle lui avait remis cette mission de récupérer l’instrument avec ses cordes neuves parce qu’elle le connaissait bien et devinait ce qu’il lui fallait pour apaiser le trouble en lui. Assis devant sa fenêtre, il n’avait pas osé y toucher, tout le monde pourrait entendre, mais désormais, protégé par ce rideau de pluie, la tentation était trop forte. Il aurait dû la laisser là-bas, plutôt que se brûler les doigts. Un fils de soldat ne devrait pas s’intéresser à la musique sans obtenir beaucoup de protestations en retour mais il n’y pouvait rien. Ce qu’il avait découvert autour des festivals et des feux de joie était trop agréable pour s’en priver éternellement.

Les notes étaient très hésitantes. Il avait eu quelques leçons de base pour les cordes, lors de son enfance. Depuis, ses mains ne maniaient plus guère que l’épée. Le regard perdu sur l’horizon, l’atmosphère déteignit sur les accords simples pour prendre une teinte plus triste, restant belle et douce, cependant. À moins qu’il ne se décide enfin à regarder la vérité en face et à ouvrir son cœur, pendant quelques minutes. Mais le cours du temps n’arrêtait jamais sa course, n’est-ce pas ?

Des bruits de pas rapides dans l’eau lui firent relever la tête. La mélodie s’arrêta au même moment, à l’affût. Un petit soupir souleva ses épaules en imaginant déjà que l’on insisterait cette fois pour qu’il rentre, inquiet pour sa santé, alors qu’il avait vu pire sur les chemins de traverse. Peut-être devrait-il commencer par s’excuser de leur avoir cassé les oreilles ? Non, il était encore temps de faire diversion ! Encore fallait-il déjà savoir à qui il faisait affaire, mais la silhouette commençait bien vite à se préciser.

Son corps aux réflexes de guerrier et déjà aux aguets s‘était détendu tout naturellement devant ce visage d’ange. Voilà quelqu’un qui ne chercherait pas à l’arrêter dans sa rêverie éveillée, le temps d’un simple moment d’égarement. Zachary ne pouvait pas dire qu’il se considérait particulièrement proche de la demoiselle, contrairement à sa cousine, puisqu’ils avaient peu souvent pu tenir une profonde discussion, tous deux fort occupés. Toutefois, son chant mélodieux suffisait à en faire une alliée de poids en cette soirée trouble. Et puis, il ne fallait pas négliger le fait qu’elle faisait partie du Haut Conseil. À défaut d’être digne de confiance pour ce titre à lui seul, cette douce colombe était assurément de bonne écoute. Saurait-elle le conseiller lui aussi, s’il en éprouvait le besoin ? Voilà qui méritait réflexion.

« Bonsoir Dame Sadlyn. »

D’un geste de la main presque négligé, il lui désigna la place à ses côtés, si jamais elle désirait s’asseoir sur ce banc et partager un peu de chaleur humaine. Il songerait à lui proposer son manteau, à l’occasion. Sa peau était déjà si pâle, chose qui se remarquait encore plus lorsqu’on le comparait à un teint forgé par des heures de travail acharné.

« Que dirait-on en vous voyant seule dans la nuit en compagnie d’un homme Saoirse ? »

L’Hylien sourit, afin d’éviter toute méprise, ce n’était pas son intention de remettre en question sa vertu. D’autant plus qu’elle n’avait rien à craindre de sa part. Il ne cherchait pas non plus à connaître la raison précise de sa présence ici. Le tonnerre suffisait à en effrayer plus d’un. Zachary espérait simplement la faire un peu rire à défaut de rougir, ainsi, elle serait mieux disposée à écouter sa complainte, ou plus timide pour poser ses questions, puisqu’il ne pouvait pas noyer le poisson plus longtemps. Difficile à faire lorsque l’arme du crime repose encore fumante entre nos mains.

« Artiste… Je ne saurais le dire. » Le silence s’étira quelques secondes, songeur, traçant les contours de son instrument du bout des doigts comme on le fait pour un bien précieux. « Ce n’est pas ce que l’on attend de moi. Avant tout, je suis le gardien de notre princesse. »

Petit haussement d’épaules. Parfois, il est possible de se sentir seul même en étant bien entouré. Il était perdu, déchiré entre deux fronts, cherchant à se convaincre lui-même autant que sa compagne d’infortune. Lorsqu’on est promis à de grandes choses, cela demande beaucoup de courage pour tout rejeter derrière soi ou pour se montrer un tant soit peu égoïste. La mélancolie ne lui sied point, cependant. Et puis, on ne peut pas dire qu’il soit malheureux par cette mission qu’on lui a confié, bien au contraire, son rôle lui tient à cœur. Peut-être trop, d’ailleurs ? Son visage creusé de fatigue en serait bien la preuve. Il n’aurait pas dû prendre la peine d’allumer la lanterne dans un claquement de doigts !

« Quant à votre question… Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer le pire, en effet, c’est mon boulot après tout, mais tout le monde semble si enthousiaste, surtout Zelda et son père... Ne vous en faites pas, jusqu’à présent, je crois que j’ai réussi à ne pas trop jouer les trouble-fête. Et puis, imaginez si quelqu’un venait à m’accuser de trahison pour si peu ! Vous-même, très chère, vous comptez sans doute nous faire cadeau d’une nouvelle prestation grandiose pour l’occasion, n’est-ce pas ? »

Ce n’est pas comme s’il n’avait confié ses craintes à personne non plus, alors pourquoi ne pas tenter de tourner la page, une fois de plus. Le ton léger, il mêlait ses appréhensions véritables à une touche d’autodérision désarmante. Difficile de discerner le vrai du faux. D’autant plus que son regard brillait à présent d’une curiosité nouvelle et il se pencha légèrement vers l’avant, les mains croisées sous son menton. Au fond de lui, il espérait que cette Goron à la voix mélodieuse ose lui en dire plus. Si pour cela, le prince ailé devait gratter quelques notes à nouveau… Ce ne serait pas cher payé. Après tout, il ne voudrait pas abuser de ses privilèges en lui demandant une petite démonstration à son tour. Il restait un Nohansen dans sa cité, noble parmi les nobles, et certains le voient encore ainsi.

Pouvaient-ils partager un secret ?

Hum ... Ce n'était pas la première fois qu'on lui faisait ce type de remarque, à vrai dire. Depuis qu'il était entré au service de la princesse, Zachary n'avait pas pris très souvent le temps de s'arrêter et de reprendre son souffle à moins que ce soit à la demande de Sa Majesté. S'acquitter de nouvelles responsabilités demande toujours un certain temps d'adaptation et il se sentait plus utile et serein au château que s'il déambulait sans but précis, quoique quelqu'un avait toujours besoin de gros bras pour de menus travaux. Encore fallait-il oser l’approcher, imposant non seulement de sa lignée mais de sa carrure droite et fière... D'un autre côté, s’occuper de la sorte valait toujours mieux que ressasser le passé. Ses loisirs se résumaient pour l'heure à quelques ouvrages volumineux qui reposaient sur sa table de chevet et les préparatifs de cette grande fête justement. Le prince se gratta l’arrière de la nuque, un brin embarrassé et désarmé, ainsi pris sur le fait, une fois de plus, bien que la main fine sur son bras l’apaisa et l’empêcha de détourner le regard en plus. Le poids des reproches n'est qu'à la mesure de celui que l'on s'inflige soi-même. Lâcher prise ... était plus facile à dire qu'à faire.

« Peut-être pourrais-je me pencher sur le sujet lorsque toute cette agitation sera derrière nous, dans ce cas. » Et se concentrer sur lui-même par la même occasion. « Je crains qu'il soit trop tard pour faire l'étalage de mes hum ... talents lors du Millénaire de l’Unification. Je devrai en profiter autrement. »

Voilà qui devrait faire plaisir à la Conseillère et illuminer son visage d’un nouveau sourire à la mesure du croissant de lune : Zachary lui promettait d’essayer de voir les choses sous un auspice moins lugubre, pour cette fois, car en effet, cet événement le concernait, bien qu’il préférait souvent s’effacer lors de ces cérémonies fastueuses. Cela ne l’empêcherait pas de rester aux côtés de la princesse pour veiller sur elle afin de parer toute tentative d’empoisonnement ou autre moyen de nuire tel qu’on le lui avait demandé, cependant, il s'efforcerait de garder l'esprit ouvert. En attendant, l’Hylien pouvait déjà apprécier ce moment au calme. Et si jamais ses craintes se réalisaient, si cela ne devait être qu’un répit avant la tempête, cela lui laisserait au moins quelques souvenirs agréables.

« Voudriez-vous essayer Dame Saoirse ? » Main sur le cœur, il jurait de ne pas se moquer même si ce n’était pas parfait. Qui était-il pour juger après tout, sa prestation ne l’était pas non plus et ce n'était pas le but de l'exercice. « C’est plus facile que cela peut en avoir l’air et j’ai l’impression que votre cœur a peut-être besoin d’être un peu soulagé, lui aussi, à moins que je ne vois que mon propre reflet dans la glace. »

Les doigts râpeux s'agitèrent à nouveau contre les cordes, le céruléen tranquille sous sa paupière tout concentré quelques instants sur ce qu’il faisait, pour le lui prouver et pour lui donner quelques pistes, enorgueilli par les encouragements reçus, à moins que ce ne soit que pour se réchauffer un peu par la même occasion que leurs âmes gracieuses. La pluie donnait déjà à ce tableau des allures presque féériques avant que les notes s’élèvent dans l’air. Tout s'apprend, après tout, ce n'est qu'une question de temps avant que deux pieds gauches deviennent plus adroits, par exemple. Même en supposant que l’instrument soit abîmé à nouveau par l’humidité ou les mains maladroites de la poupée au visage poudré, il n'y avait rien à craindre, cette insouciance collait plutôt bien à la peau du gardien émérite et il serait rapidement pardonné par un maigre haussement d'épaules accompagné d'un sourire charmant, sans attendre quoique ce soit en retour. Dans le cas contraire, il était là pour prêter une oreille attentive à son tour, même si ce n'était que des chants lyriques ou un cri poussé sous les étoiles.

Difficile de ne pas deviner le tourment qui hantait l’esprit de la Goron devant un sourire si pâle et si triste. Cependant, Zachary préférait ne pas l’affliger davantage en le lui avouant, mentir serait bien plus ardu à présent que la question avait été soulevée. Si elle préférait croire que le guerrier était particulièrement perceptif, que ce soit pour déjouer les pires menteurs et truands du royaume, ou simplement parce que certains membres de son entourage étaient aussi secrets, c'était peut-être mieux ainsi.

Son quotidien ? En voilà un constat plus triste encore que celui d'un artiste qui s'ignore, préférant écarter ses ambitions personnelles pour le bonheur d'autrui. Bien entendu, dans le cadre de ses fonctions, le jeune prince avait entendu parler de cette présence qui hantait les couloirs. Il se demandait bien comment elle faisait pour tenir encore debout, car même ses écailles luisantes sous le soleil ne sauraient la protéger d'un manque d'énergie. Dans sa situation d'insomnies temporaires, quelqu'un de moins poli que Zachary lui aurait sans doute demandé des conseils, même si ce n'était que pour la taquiner un peu. Il préféra hocher la tête, se montrant compréhensif, une fois de plus, et il n'insista pas. Pour le moment, du moins. Ce genre de sujet sensible n'était pas toujours aisé à aborder avec quelqu'un que l'on connait peu. N'était-il pas bien placé pour le savoir ? Tout de même, il aurait aimé pouvoir la remercier pour ses efforts, afin de le remettre dans le droit chemin. C'est pourquoi il lui avait confié le luth. Le sourire obtenu en retour en valait bien la peine.

« Je salue votre clairvoyance. Nous ne voyons jamais si bien la lumière que parmi les ténèbres, et c'est souvent pour mieux les chasser. Nous pouvons nous retrouver pour répéter un peu tous les soirs si vous le désirez Ma Dame. Je ne promets pas d’atteindre votre niveau à temps pour les festivités, vous connaissez sans doute des bardes bien plus adroits, mais j’ai tendance à apprendre vite. Si cela peut au moins vous inspirer un tant soit peu, j'en serais honoré. »

Surtout pour des choses qui le passionnaient. Et puis Eleanor serait sans doute ravie de lui apprendre quelques accords plus complexes si cela lui permettait de voir son fils plus souvent. L’année n’avait pas toujours été facile ni pour l’un, ni pour l’autre. Ils avaient un mois pour faire des progrès. Oh non, il n'avait pas fait cette proposition à la légère ! Au fond de son cœur, l'Hylien espérait que ces séances de pratique sauraient apporter un baume apaisant pour lui comme pour cette muse et que, peut-être, cela serait suffisant pour que les rêves soient plus cléments pour une jeune femme qui n'avait rien fait pour mériter pareils tourments dans la fleur de l'âge. Dans son rôle, Zachary n'avait pas le pouvoir de venir en aide à tous, c'était au-delà de ses forces, mais il pouvait au moins faire de son mieux pour soulager la souffrance des habitants du château. Après tout, il faisait partie de la famille royale, même si ses pas avaient pris une route légèrement différente, cela ne signifiait pas que cela avait moins d’importance.

« Je ne crois pas aux coïncidences. J'ai demandé à Hylia de m'éclairer un peu ce soir, et elle vous a envoyé vers moi. Vous avez su braver la pluie, c’est déjà un bon début. Si nous lui adressons tous nos prières et que nous faisons de notre mieux … Alors je suis sûr que quelqu’un saura tendre l’oreille, et que nous trouverons une solution tous ensemble. » Il lui adressa un sourire malicieux et un clin d'œil complice en toute connaissance de cause. Parfois, les ombres ne sont impressionnantes que parce que nous leur accordions du poids. Dans le cas contraire, il fallait simplement reconnaître ses limites et demander de l’aide. Les Hyliens étaient un peuple que rien ne suffisait à arrêter, la preuve étant qu’ils s’étaient tous réunis sous une même bannière, bien qu’il demeure quelques dissidents çà et là parmi les rangs, ce qui ne s’améliorerait pas si le problème de ces monstres n’était pas réglé … Mais Zachary voulait garder confiance en l’avenir, sans quoi les combats et les sacrifices n’auraient plus aucun sens. La sagesse de leurs alliés avait permis de faire prospérer leurs terres jusqu’à présent alors pourquoi cela devrait-il changer ?

Zachary faisait de son mieux pour réconforter la Goron en peine, mais force est de constater que ce n’était pas tout à fait suffisant. Elle n’y croit plus, tout simplement, elle refuse même d’en parler. Sans doute ses soucis à lui devaient-ils sembler bien futiles, à l’exception peut-être de la situation derrière les remparts qu’ils essaient de balayer du revers de la main en se disant que le Millénaire serait une nouvelle page à tourner. De toute façon, seul le temps le leur dira, pour donner raison à l’optimisme du prince ou au pragmatisme plus réaliste de la Conseillère. Enfin, cela a-t-il vraiment de l’importance si tout cela lui permet de faire son travail diligemment en n’étant plus autant rongé par les doutes ? Bien qu’il resterait à l’affût une fois les grandes portes de la Citadelle ouvertes. On n’est jamais trop prudent, lorsqu’il s’agit de Zelda, leur lumière la plus précieuse d’entre toutes.

Au moins, Saoirse semblait tout de suite plus enthousiaste lorsqu’il était question de la musique. Son camarade espérait ne pas la décevoir avec son niveau, ils ne partaient clairement pas avec un pied d’égalité, mais il ferait tout son possible pour réussir à l’accompagner dans une ballade chassant les tourments. Après tout, les répétitions serviraient aussi à cela ! Entre les mains dune professionnelle, ils pourraient s’adapter plus facilement tous les deux afin d’obtenir un résultat harmonieux qu’ils pourraient présenter à tous, une fois le grand discours de la cérémonie derrière eux. Il ne faudrait pas voler la vedette au reste de la famille royale, c’était surtout les héritiers de la couronne que les dignitaires et citoyens des quatre coins du monde venaient rencontrer et célébrer, après tout. Mais en effet … imaginer le sourire radieux de Zelda devant l’initiative de son cousin, alors qu’elle semblait si soucieuse avant que cette fête ne lui occupe autant l’esprit … cela le rendait légèrement nerveux, bien entendu, mais également heureux et fier. Cela valait bien la peine de risquer les remontrances de l’autre garde blanc ou quiconque oserait placer un mot contre Zachary en estimant qu’il ne prenait pas son devoir au sérieux, cependant il faudrait bien mal le connaître pour porter une telle accusation. Dame Sadlyn devrait également accepter sa part de responsabilité dans cette histoire, c’était elle qui avait fini par le convaincre !

« Cela me convient parfaitement. Ces jardins sont toujours aussi magnifiques. »

Son regard se teinta de nostalgie un court instant, fixé sur l’horizon plutôt qu’un point en particulier. La main portée à sa bouche suffisait à dissimuler son faciès pour sembler plus pensif qu’accablé par la mélancolie à son tour, entre ce lieu choisi pour se réfugier et la grisaille du ciel. Il ne prenait pas le temps de profiter de cet endroit à sa juste valeur. Mine de rien, Zachary avait passé une bonne partie de sa vie dans l’ombre de ce château. Il savait que Myranda y avait mis de nombreux efforts et se souvenait que quelqu’un l’avait déjà grondé parce qu’il avait mis à mal les petites pousses en terre, encore trop jeune pour bien comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un terrain de jeu avant de recevoir les enseignements nécessaires et de demander ce qui sortirait du sol, et quand surtout, avec grande hâte mêlée à une innocence touchante en se tenant à l’affût des petites bêtes pour défendre le jardin, presque tous les jours au grand rire de ces dames qu’il n’aurait pourtant pas dû déranger pour si peu. Il ne se souvenait seulement pas s’il s’agissait de la reine ou de sa dame de compagnie. Quoi qu’il en soit, ce n’était pas surprenant que son oncle investisse les ressources nécessaires pour entretenir ce petit coin de paradis où tout le monde pouvait apprécier un moment de calme et de sérénité, même si ce n’était que pour faire plaisir à leur princesse. Elle aimait tant les fleurs qui poussaient sur la plaine. Voilà un autre cadeau qui lui ferait certainement plaisir, il devrait réfléchir à un moyen de mettre cela en place dans le plus grand secret.

Une voix trancha le silence de la nuit en appelant le prénom de Zachary. Il avait presque oublié que sa mère l’attendait ! La mine un peu penaude, il haussa les épaules. Le devoir l’appelait. Galant, malgré tout, il retira sa cape épaisse et la déposa sur les épaules de la demoiselle. Son espèce résistait bien au climat étouffant d’Ordinn alors il était évident qu’il valait mieux prendre des précautions face à la fraîcheur de la nuit. Il aurait pu essayer de la convaincre de le suivre, si seulement il n’était pas trop poli et vertueux pour dépasser sa station. Il avait bien vu le résultat plus tôt, cela ne servirait à rien, sinon effacer ce doux sourire.

« J’insiste. Vous me la rendrez la prochaine fois. Quand bien même ce n’était pas le cas, mon armoire est pleine à craquer et elle n’est pas brodée d’or, personne ne le remarquera. »

Un sourire amusé et plus léger souligna sa phrase. Le garde lui laissait ainsi, l’espérait-il, un peu de chaleur humaine. Sur ce, il la salua en lui souhaitant une bonne nuit, du moins meilleure, afin de ne point lui laisser la possibilité de protester ou de changer d’avis et repartit en direction du château. Il laissa cependant la fenêtre ouverte afin que quelques notes de la lyre lui parviennent encore maintenant que l’orage se calmait, avant de se mettre au lit. Du moins, il essaierait de fermer l’œil, sinon pour lui, au moins pour ceux qui se souciaient de sa santé.