Memento's Lullaby | PV Talia

The heart
remembers
What the mind
forgets

Il avait encore du mal à le croire. Non seulement Midona avait réussi à retrouver sa mère ... mais cette dernière se trouvait ici-même à Itzal ! Il pourrait la voir. Il pourrait peut-être même lui parler. Robyn était tellement abasourdi qu'il n'avait pas protesté lorsqu'il avait découvert que cette mission avait finalement été confiée à une de ses conseillères, une cousine nommée Talia. Il ne se laissa pas pour autant examiner par les mages guérisseurs de la Cour. Il demeurait méfiant et les circonstances ne faisaient que mieux lui rappeler pourquoi.

Évidemment, il avait espéré que le voyage à Metzli lui permette d'atteindre son but. Il avait beaucoup réfléchi à ces retrouvailles depuis son départ de Melka, lorsque Fallon devait se reposer à son tour et qu'elle ne pouvait donc plus le distraire avec sa présence réconfortante ou encore quelques blagues échangées entre ces deux esprits malicieux. Maintenant que son souhait le plus cher se trouvait à portée de main, bien plus tangible que dans ses rêves les plus fous, et plus rapidement que prévu, le Piaf recommençait à se sentir incertain face à son choix.

Il fut entendu que ce sujet serait laissé de côté jusqu'au lendemain. Robyn devait se remettre du choc et il avait surtout besoin d'un peu de temps pour rassembler son courage. Heureusement, il n'était pas tout seul. Bien qu'il insista pour se rendre seul au petit salon à l'heure convenue. Les vêtements qu'il portait ne l'aidaient guère à se sentir moins nerveux, alors il choisit de s'asseoir en attendant, n'osant pas vraiment demander de l'eau ou même du thé. Il n'aurait rien pu avaler de plus pour le moment. Ses mains ne parvenaient pas à rester parfaitement immobiles, pliant et repliant le tissu entre ses doigts, à mesure que le temps passait. Il releva la tête immédiatement lorsque la porte s'ouvrit : mais ce n'était pas le visage de Lyssandra qui se trouvait devant lui. Il aurait dû s'y attendre. Cela ne l'empêchait pas de se sentir légèrement déçu. Il adressa tout de même un charmant sourire à cette demoiselle tout aussi charmante. Il ne pouvait pas nier qu'il y avait un petit air de famille avec Midona.

« Bonjour. Je suis Robyn Patel. Soyez honnête ma dame ... Est-ce que c'est sans espoir ? »

Il tentait de demeurer fort et de garder la tête haute en se montrant aussi direct. Robyn avait accepté cette possibilité au moment même où le sortilège avait été lancé. Pourtant, une part de lui espérait encore que les dons de Lyssandra lui permettraient peut-être de garder une impression très floue de ce fils qu'elle avait tant aimé, qu'elle devait retrouver, sans forcément discerner son visage ni savoir qui il était, mais il savait bien que c'était plus compliqué que ça. Une autre part de lui se sentait bien égoïste d'espérer qu'elle souffre un tant soit peu de ce manque ; de son absence. Une petite voix malfaisante lui soufflait encore qu'elle n'aimerait peut-être pas l'homme qu'il était devenu.

The heart
remembers
What the mind
forgets

Robyn se fichait royalement de l'avoir choquée ou non avec son franc parler habituel. Elle pourrait toujours justifier son comportement par le simple fait qu'il n'était qu'un paysan, il avait l'habitude de ces préjugés, de toute façon ! Il voulait savoir s'il y avait une infime chance que Lyssandra puisse reconnaître sa voix ou quoi que ce soit qui les reliait, même si ce n'était que le bois de son arc, oui ou non, est-ce que c'était vraiment trop demander, enfin ? Il savait qu'il n'était personne ici, juste un ami de Sa Majesté, mais il commençait à s'impatienter. D'habitude, ce n'est jamais pour annoncer une bonne nouvelle qu'on fait des détours, des pirouettes et des ronds de jambe sans affronter le regard du principal concerné.

Les mots qu'il redoutait tant se firent entendre. Cela eut sur lui le même effet dévastateur que s'il venait de sombrer dans de profondes eaux sombres et glaciales pour s'y noyer. Il avait fait tout ce chemin pour rien. La voix de la Twili semblait presque distante. Robyn s'efforça de respirer, posant la main contre le dossier de la chaise avant de s'asseoir. Son visage expressif et décomposé était le parfait reflet de ce sentiment monstrueux qui venait de l'engloutir. Il ressentit des larmes mouiller son visage, alors qu'il croyait pourtant ne plus en avoir à verser après tout ce qui lui était arrivé, et il les essuya presque frénétiquement avec une de ses mains tremblotantes. La gorge le brûlait. Il ne pensait pas que ses attentes étaient pourtant si élevées que ça. Rien n'avait réellement changé. Pourquoi était-ce si douloureux dans ce cas ? Il n'avait jamais réellement voulu lâcher prise. Il s'en rendait compte à présent.

« Je ne comprends pas. Midona m'avait dit ... »

Il ne termina pas sa phrase, sa voix craquelée se faisant plus faible, petit à petit, jusqu'à s'éteindre. Tout le monde lui avait assûré que sa mère ressentait forcément que quelque chose clochait au plus profond d'elle-même. On lui avait promis de trouver une solution. Il n'aurait pas dû y croire. Il n'aurait pas dû venir ici. Il avait été tellement stupide ! Le poids de ces derniers jours semblait s'abattre sur ses épaules. Le teint presque cendré et fatigué, les marques de brûlures encore apparentes, tout ceci n'était rien, comparé à l'impression de perdre Lyssandra pour une nouvelle fois. Elle était pourtant à portée de main. La vie pouvait parfois être si cruelle.

« Je savais bien que c'était une mauvaise idée ... Je suis désolé de vous avoir fait perdre votre temps ... »

Robyn esquissa un nouveau sourire, car il fallait être cordial auprès des dames. Une teinte de douleur était dissimulée dans le recoin de ses joues et dans la lueur fébrile de ses yeux. Il n'en voulait pas à Talia. Il était sûr qu'elle avait fait tout son possible pour tenter de dissiper le brouillard. Il était le seul coupable dans cette histoire. Le prix d'une vie était le plus élevé d'entre tous. Il n'avait pas réussi à trouver la piste d'un fragment d'ombre, alors il n'était que justice qu'il n'obtienne pas ce qu'il désirait, lui non plus. Il ne pouvait même pas rentrer à la maison. Il se sentait si vide, comme si une plaie s'était ouverte sous son torse, là où le soleil avait toujours su trouver sa place. Il ne savait pas s'il avait particulièrement envie d'apprendre à quoi se résumait la vie de sa mère ou encore ce qui la rendait heureuse, sans lui.

The heart
remembers
What the mind
forgets

Quoi ? Elle aurait pu le dire plus tôt que tout espoir n'était pas encore perdu ! Robyn n'était pas un homme qui se laissait abattre facilement mais il touchait le fond depuis l'attaque sur son village qu'il aimait tant. Si Midona avait parlé du voleur à sa cousine, sans doute celle-ci ne reconnaissait pas tout à fait le portrait décrit. En vérité, la seule raison pour laquelle il n'était pas dans une taverne en train de s'empoisonner les veines en enlignant les verres jusqu'à empester et n'être plus qu'une loque humaine, c'était parce qu'il avait décidé de tout miser sur ce pari risqué. Il ne fallait pas s'étonner que cela l'avait ébranlé d'apprendre que les souvenirs étaient perdus à jamais. Il l'aimait. Il ne pensait pas que tout se ferait en claquant des doigts, il n'était pas si naïf que ça, mais il avait au moins espéré que sa mère se souvienne des derniers instants que le jeune homme avait partagé avec elle à son réveil pour lui mâcher un tant soit peu le travail. Au lieu de cela, il repartait de zéro. Il craignait de se heurter à une parfaite étrangère.

Robyn ouvrit la bouche pour protester à propos des scientifiques, mais il la referma avec un sourire crispé avant de parler trop vite, une fois de plus. La situation n'était plus entre ses mains à présent. Il ne pouvait pas assommer tout le monde de questions à chaque étape du processus et imposer ses conditions comme le fils protecteur qu'il avait toujours été. Il se ferait probablement reprocher de l'avoir abandonnée dans ce cas. D'ailleurs, le sujet venait d'être mis sur la table : pourquoi oublier ? La question était légitime. Il était nécessaire de comprendre la cause du problème afin d'en soigner les maux.

« Elle était prête à tout pour perdre sa magie. » avoua-t-il dans un soupir. « Ses visions n'étaient pas toujours appréciées. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre ... »

Il était conscient que pour le peuple de Metzli, cela devait être le plus haut parjure possible. Lyssandra aurait probablement préféré le couver toute sa vie afin que personne ne sache jamais que son fils possédait des talents aussi extraordinaires. Il observa en silence la réaction de Talia, en se demandant si elle avait déjà entendu parler de telles histoires et savait donc que c'était peine perdue, ou s'il devait lui expliquer quelle était la seule issue possible. Le Piaf s'y était opposé avec beaucoup de force et d'arguments. Il avait besoin d'elle. Aujourd'hui, c'était plus vrai que jamais. Tant pis si cela donnait l'impression qu'il ne faisait qu'agir au gré de ses émotions. Il était le seul à détenir toutes les réponses désormais.

« J'ai réussi à la convaincre d'accepter ce compromis. Rien ne me garantissait que ça allait marcher. On dirait bien que ça a trop bien marché au bout du compte. J'avais l'impression que ma présence lui faisait plus de mal que de bien ... Alors je suis parti ... »

Il avait hésité à l'admettre. Maintenant, Talia ne l'aiderait peut-être pas au niveau des présentations, et il n'y arriverait jamais tout seul. Tout cela était éprouvant pour lui et lui demandait du courage. Aussi bien aller jusqu'au bout et être honnête. Il imaginait assez bien que la disparition d'une prisonnière aussi précieuse ne serait pas plaisante, tout comme il imaginait que la situation n'avait pas été présentée sous cet angle mais plutôt afin de garantir la sécurité de Lyssandra comme convenu dans leur accord, aussi, il ne fallait pas espérer avoir obtenu des réponses ou toute autre forme d'aide de ce côté-là.