En aparté

lune 10 jour 5

Le temps était long.

D’une certaine façon, cette situation lui rappelait son exile dans les lointaines vallées venteuses de Labrynna. Certes, les tempêtes étaient muettes ici, mais la solitude et l’incertitude du temps qui filait entre ses doigts, comme des grains de sables, inexorablement libres de son emprise, étaient similaires à ce qu’il avait ressenti à l’époque.

Il ne pouvait qu’attendre, et cela le rendait fou.
Midona était partit depuis quelques jours déjà en lui ayant promis – d’une certaine façon – de réfléchir à sa proposition pour le Fragment d’Ombre. Rien ne garantissait que cela fonctionnerait. La reine n’était pas sotte… ou ne l’était pas autant qu’il ne l’eut cru de prime abord. Il s’était fourvoyé et devait imaginer d’autres méthodes pour se jouer de Midona, mais à l’heure actuelle, il était évident qu’elle avait un pas d’avance sur lui. Prisonnier de cette cellule qui anéantissait sa capacité à utiliser sa magie, Xanto ne pouvait qu’observer les pierres sur le mur et rêver, bêtement et follement, de les voir se volatiliser.

C’est durant sa longue et interminable attente qu’un son particulier se déconnecta du reste. Ce n’étaient pas les pas traînards des gardes, ni le cliquetis des clefs de l’homme qui lui emmenait son repas. C’était différent. Ce n’était pas Midona non plus… Les pas étaient plus fluets, délicats, presque hésitants. Midona n’hésitait plus lorsqu’elle venait lui rendre visite. Elle était ô combien fière d’avoir enfin mis le corbeau sous barreaux.
Dans ce cas, qui était-ce ?

Assis sur son lit, une jambe allongée, l’autre repliée de sorte à pouvoir poser son bras tendu sur son genou, il considéra la silhouette élégante qui apparut des ombres devant sa cellule. Elle avait de la chance ; les gardes étaient absents pour le moment, bien que certains rôdaient encore un peu plus loin, aussi ne serait-elle pas surprise dans sa très courageuse visite.
Elle prononça son nom, demandant si c’était bien lui. Xanto plissa les yeux en fronçant les sourcils. Qui était-elle ? Il avait le sentiment de la connaître. Il l’avait déjà vu. Elle n’était pas bien vieille… Fragile, mais déterminée. Il le voyait sur son faciès. Déterminée à lui parler.

« Qui d’autre, princesse ? » Répondit-il d’un ton habituellement arrogant, avant de se lever de son lit. Si simplement vêtu par rapport à ses tenues noires, il n’était plus qu’un pantalon en tissu sombre et une chemise blanche. Pieds nus sur la pierre froide, il approcha lentement des barreaux. C’est à cet instant que son regard, qui ne quittait pas le visage de la visiteuse, s’illumina, accompagné d’un sourire satisfait. « Par l’Arbre Obscur, voilà bien la dernière personne que j’imaginerais venir me voir dans ce taudis. »

Fallon Hesediel. Que voulait-elle ? Il n’y avait qu’une poignée de raisons pour sa présence ici. Il pouvait en compter quelques unes sur les doigts de sa main. Dans un souci de discrétion, afin de ne pas attirer l’attention des gardes en se tenant trop près, il garda une distance honnête avec les barreaux— et Fallon par la même occasion. « La charmante fiancée de Cardan. Prends garde, papa ne serait pas content que tu sois là. » Il baissa la tête sans la quitter des yeux, la taquinant ouvertement. Ce n’était pas vraiment un secret qu’Aleksander chérissait ses filles et les protégeait de tout.

Plus sérieusement cela dit… Pourquoi avait-elle couru tant de risques pour venir le voir ? Il devait savoir. Aussi, un peu plus poli et intrigué, il redressa la tête, regardant Fallon de sa hauteur avec un éclat de curiosité dans le regard.
« Que puis-je pour toi, Fallon ? » Il ne s’enquiquinait pas de vouvoiement. Il était derrière des barreaux, à quoi bon faire usage de politesse. « Tu cours de grave danger en m’adressant la parole, j’espère que tu le sais. Je ne suis pas exactement apprécié, ces temps-ci. » Sourit-il, pincé, une pointe d’humour sarcastique sur le visage.

BY PHANTASMAGORIA