Il y avait fort à faire pour les gardes de la Citadelle toute entière afin de s’assurer que la sécurité de leurs murs soit sans faille et qu’une tragédie ne les touche pas à leur tour. La Garde Blanche n’était pas en reste, chacun de leurs pas résonnant au rythme des ordres donnés par leur roi. Ce soir-là, Zachary serait chargé de faire le guet sur le rempart. Il aurait préféré être plus utile ailleurs, mais les visites de courtoisie passaient malheureusement au second rang. Au moins, il serait à l’endroit idéal pour observer si une bougie à la fenêtre s’éteignait. Ce serait même un soulagement.

Après avoir passé quelques heures à se concentrer sur les rares mouvements par-delà les remparts et surtout à adresser quelques remontrances à ses confrères et consœurs qui s’adonnaient à la compétition de tir à l’arc habituelle, malgré quelques plaisanteries auxquelles il participa de bon cœur, il était temps de quitter la fraicheur de la nuit. Le regard levé vers le ciel quelques instants, il admira le spectacle de cette lune rouge. L’astre n’avait plus rien d’apaisant. En son fort intérieur, le jeune homme espérait que ce serait un événement isolé qu'ils ne reverraient pas avant de nombreuses années, une fois que la nature aurait repris ses droits, même s'il fallait exterminer ces monstres jusqu'au dernier pour cela.

Le pas rapide de Zachary le mena jusqu’à l’aile réservée aux Nohansen. Il devait économiser ses forces dans l’éventualité d’une bataille à laquelle il devrait participer. Il eut cependant un moment d’arrêt devant les appartements de sa précieuse cousine. Le petit prince était soucieux à son sujet depuis qu’elle avait avoué que des rêves étranges la troublaient. Devrait-il toquer à la porte ? Accepterait-elle seulement de se confier ? Le grand blond s’en serait voulu de troubler son sommeil si cette nuit était différente des autres nuits. Du moins, c’était ce qu’il pensait avant qu’un cri ne perce le silence. Il n’en fallait pas plus, son choix était fait dans la seconde.

Les gardes en service ne semblaient pas partager cet avis. Ils n’avaient pas bougé de leur poste et lui demandèrent même de s’arrêter alors que leur frère d’arme approchait. Ils osaient donc lui barrer la route, bien que cela les mettait mal à l’aise de toute évidence ? Les raisons pouvaient être nombreuses, en commençant par la volonté de la propriétaire de ces appartements, cela n’avait aucune importance dans ce moment fatidique. Le sang noble qui coulait dans ses veines ne fit qu’un tour, il était abasourdi et furieux. Bande d’incompétents ! Il leur en mettrait du votre Grâce…

« Laissez-moi passer ! »

Malgré les légères protestations de ses congénères et à l’aide d’une feinte agile et rusée, Zachary entra en trombe dans la chambre sans se donner la peine de frapper. Il se souciait peu de pouvoir causer d’autres cris, d’indignation cette fois, il devait s’assurer que sa cousine n’avait rien. C’en était presque étonnant que la porte ne soit pas sortie de ses gonds. Il se plaça entre la princesse et la fenêtre, épée dégainée, prêt à en découdre avec un ennemi qui ne se trouvait pourtant pas devant le voile scellé. Circonspect, son regard aiguisé fit rapidement le tour de la pièce. La paume tournée vers le haut, une lumière chaude s’en dégagea pour s’assurer que les derniers recoins d’ombre loin de la bougie ne cachaient pas une menace invisible. Une fois satisfait, il dissipa le sort, puis retourna fermer le verrou en exprimant d’un ton presque sec qu’il maîtrisait parfaitement la situation afin de s’assurer de ne pas être importunés. Le fait que ce ne soit qu’un cauchemar ne signifiait pas pour autant que ces peurs ne méritaient pas d’être adressées.

« Cousine. » Il revint s’asseoir à ses côtés sur le matelas pour envahir son champ de vision et la rassurer quant au fait qu’il ne la laisserait pas seule, dusse-t-il rester toute la nuit. Devant ce visage ravagé par l’effroi et la fatigue, Zachary entoura le corps frêle de la princesse de ses bras musclés dans une étreinte fraternelle, laissant de côté les convenances afin qu’elle se sente en sécurité dans ce cocon de chaleur et de bienveillance. Il caressa son dos et ses cheveux comme le faisait parfois sa mère bien qu’il ne connaisse pas de berceuse. Tant qu’il serait vivant, il ne lui arriverait rien, il en avait fait le serment devant l’autel sacré. Il reprit plus doucement cette fois. « Zelda. Tout va bien, je suis là. Dites-moi ce qui vous effraie autant, je vous en prie. »

Une légère inquiétude était lisible sur son visage si ses mots n’étaient pas transparents. Son aîné l’écouterait sans juger. Il ne connaît que trop bien les responsabilités qui incombent au futur déjà tout tracé devant les pas de la jeune femme. Cela n’empêchait pas de rester humain. Chère enfant, elle pouvait compter sur sa discrétion, les secrets dévoilés dans cette pièce seront emportés dans sa tombe. Hélas, il était impossible de l’aider à sécher ses pleurs avant d’en savoir plus, alors il ne pouvait pas lui épargner l’épreuve de revivre ce moment. À la lumière, ce serait peut-être moins effrayant, maintenant qu’il était là.

Le cœur qui battait sous le torse puissant qui semble offrir un peu de réconfort à la princesse souffrante se serre de détresse devant ces larmes tandis que les mains serrent plutôt les manches de sa chemise. Il ne suffira pas de les balayer du revers de la main ou de lui tendre un mouchoir en soie pour les chasser, Zachary le sent, car c’est la même inquiétude qui le suit comme une ombre. Mais si lui-même s’avouait que l’avenir semblait plus sombre suite aux conséquences de l’apparition des monstres à l’approche de la lune rousse, il briserait les derniers espoirs aussi fragiles que du cristal de sa cousine sans avoir à utiliser un seul mot. Il suffirait d’un regard…ou de prêter attention au rythme des battements sous son oreille. Alors, sa prise ne se relâcha pas, bien au contraire, il lui permettait d’enfouir autant qu’elle le désirait son visage contre la forteresse de ce corps de soldat, bien qu’il ne porte pas son armure.

Inspiration. Expiration. Il calmait ses propres angoisses en même temps que son souffle dans l’espoir que Zelda prenne exemple sur lui. Cela semblait fonctionner, un tant soit peu. La belle à la peau de porcelaine releva légèrement le visage pour lui avouer à demi-mots ce dont il se doutait déjà. Les maux de l’esprit sont souvent bien plus retors que ceux de la chair. Les cauchemars étaient donc de plus en plus redoutables… Il ne pouvait pas prétendre être un expert en la matière, hélas. Alors, tout ce qu’il pouvait faire, c’était déposer un baiser frais et apaisant sur son front, après avoir écarté une mèche collée de travers par quelques gouttes de sueurs froides. Ce n’était pas une protection divine qui chasserait les ténèbres, il ne pouvait pas non plus lui assurer que ces rêves ne se réaliseraient jamais tel qu’il le souhaitait de toute son âme, de toute sa ferveur, mais l’intention était là.

« Je conçois qu’il s’agit d’un phénomène inquiétant tant que nous en ignorons encore l’origine. Mais vous n’êtes pas seule, Zelda. »

Bien entendu, les meilleurs scientifiques du royaume étaient sur l’affaire, sans compter les autres experts en étoiles ou en magie. Rhoam ne lésinait pas les efforts sur les dossiers chauds. Nul doute que la situation le préoccupait, lui aussi. Personne ne savait à quoi s’attendre pour le moment. Cependant, ce n’est pas là où l’enfant de la lumière voulait en venir. Il y avait déjà un filet de sécurité bien en place autour de la douce enfant. Elle devait simplement apprendre à l’utiliser. Se faire confiance, et faire confiance à ceux qui étaient présents pour l’épauler. Zachary faisait lui-même partie de ce cercle restreint, à moins de fausse présomption ? Toutefois, elle ne l’avait pas chassé, pas même maintenant, alors qu’il s’était permis de faire irruption dans son intimité. Il y aurait du temps plus tard pour les remontrances, si cela pouvait la faire sourire.

« Je vous aiderai à veiller sur le royaume. » Il noua leurs doigts, de la même façon que lorsqu’il avait été présenté à son service pour la première fois, ému de pouvoir être enfin utile à la jolie princesse et en guise de simple démonstration de sa détermination. Sa voix ne trembla pas et n’était pas qu’un murmure quand il renouvella ses vœux. « C’est une promesse. »

Un Nohansen n’a qu’une parole. Il suffira de l’envoyer là où les Altesses en auront le plus besoin, au-delà des murailles, maintenant qu’ils avaient conscience de menaces potentielles. Zachary sera le tonnerre au milieu de la tempête, il l’a décidé, il sera à la fois l’épée et le bouclier de sa famille comme tant d’autres hommes avant lui. Inébranlable. Mais la question se pose, qui le protégera, lui ? Pour l’heure, cela n’a aucune importance, le cousin se demande plutôt de quoi elle a besoin dans l’immédiat. Cela ne va pas du tout, ces yeux rougis et gonflés, ni ce teint pâle. Il faut chasser cette ombre à sa beauté et son bonheur. Si encore une fois, elle ne sait poser les mots, cela lui laissera le temps de penser à un moyen de chasser les nuages sous les paupières entrouvertes de l’Hylienne, en espérant que cela ne soit pas maladroit et déplacé. La lueur de la bougie lui donne cependant une idée.  

La main qui se resserre contre la sienne le réconforta un peu, mais le cauchemar semblait bien décidé à poursuivre la jeune fille dans leur monde de la lumière, tandis qu’elle révélait ses peurs au grand jour. Être à la hauteur ... Zachary aurait voulu pouvoir la rassurer en lui disant que ce serait le cas, peu importe les décisions à venir. Si elle se comparait à lui, qui avait en quelque sorte fui ses obligations, elle ne pouvait que se rassurer ! Et puis, il restait encore certainement de nombreuses années avant que la population ne se repose sur ses épaules délicates. Mais ce serait ignorer complètement la détresse de sa cousine, et cela, il n’en avait jamais été capable. Il ne se trouverait pas ici, à ses côtés et à son service, dans le cas contraire. À cela, il ne trouvait pas de réponse.

En ce qui concerne le ciel nocturne, par contre, notre héros intrépide pouvait lui venir en aide. Zachary quitta à regrets le lit et la surveillance de l'état de sa cousine, ce qu'il n'aimait pas faire lorsque son rôle était de la protéger. Et il devait la protéger de ses propres pensées, en ce moment, c'était une évidence. Ils avaient eu tous les deux de la chance qu'il se trouve dans les parages lorsque l'incident s'était produit, mais après tout, sa chambre à lui n'était pas très loin. D'ailleurs, il n'aurait pas été surpris de voir la petite tête blonde surgir devant sa porte, le nez enfoui dans sa couette. Cela lui serrait un peu le torse de constater qu'elle perdait confiance de la sorte, en elle-même, et en eux. Cependant, il préférait ne pas s'attarder là-dessus, et plutôt repousser le rideau. Il prouverait à la princesse qu'il était digne de confiance ! De toute façon, maintenant qu'il lui avait tourné le dos en la laissant seule, elle ne remarquerait rien et ne s’en voudrait donc pas de susciter de telles émotions dans son cœur.

« Oh ! » Afin de ne pas l’inquiéter, il tourna le visage dans sa direction et reprit rapidement avec enthousiasme. « J’ai vu une étoile filante ! Il faut faire un vœu non ? »

Candidement, il pointait vers le ciel dans l'espoir que Zelda se rapproche. La vue était claire, sans aucun nuage à l’horizon. Les constellations l'avaient toujours fascinée. Quant à ce souhait, il n'était nul besoin d'être devin pour se douter de quoi il s'agirait. Le grand blond désire la même chose, après tout : qu'Hyrule puisse retrouver un semblant de paix. En cet instant précis, ils n'étaient pas l'espoir du royaume tout entier pour l'avenir incertain qui se dessinait, mais simplement deux enfants qui pouvaient s'émerveiller devant la nature, si elle se laissait tenter par l'invitation. Et dans ce but, le regard brillant de malice, une lueur plus brillante semblait s'étirer de la bougie pour déposer quelques cailloux lumineux au sol bien que cela ne partait que de sa main tendue, de nouvelles étoiles à suivre dont Zachary ignorait complètement le nom puisqu'elles n'étaient pas tout à fait réelles, mais il pouvait les inventer au besoin. Il suffisait alors de quelques mouvements de la main pour que l'ombre sur le mur, parfois si terrifiante, se transforme en une créature bien plus paisible. Un oisillon effrayé a parfois besoin de suivre les traces de sa mère, et malheureusement pour eux tous, Myranda n'était plus là, mais d'autres pouvaient prendre le relais. Voilà de quoi le faire sourire doucement lui-même, car c'était le rôle qu'il aurait aimé avoir pour sa cousine, s'ils avaient passé plus de temps ensemble pendant leur jeunesse. Main dans la main, il aurait pu guider ses pas.

Les adultes l’auraient réprimandé de faire ainsi usage des dons offerts par la Déesse. Il serait peut-être fatigué le moment venu de regagner ses propres appartements si la démonstration s’éternisait. Le sourire de Zelda valait tout cela, et plus encore. Il devait juste s'assurer de ne pas trop en faire, sinon ses efforts auraient tout l'inverse de l'effet escompté, mais dès qu'elle l'aurait rejoint à la fenêtre, cela ne devrait plus être un problème. Voilà un domaine dans lequel elle le battait assurément à plate couture ! D'accord, ce serait mentir de prétendre qu'il ne se posait pas quelques questions depuis qu'il avait vu l'éclat de la rapière près de la nuit de chevet, mais ses inquiétudes personnelles pouvaient attendre.

Quel vœu pur et innocent. Leur princesse ne souhaitait qu’une chose de toutes ses forces et c’était que son royaume bien-aimé ne connaisse que la paix pour les siècles à venir. Une fois de plus, elle prouvait la droiture de sa naissance. En effet son cousin n’aurait pas pu se vanter d’avoir un vœu aussi pieux pour sa part si la Déesse se présentait aujourd’hui même devant eux sous cette forme dans le ciel étoilé. Oh, il ne fallait pas remettre en doute l’importance du royaume et de son peuple pour le prince ailé qui était prêt à tout sacrifier au nom du devoir et de sa famille. Simplement, s’il n’avait qu’une seule chance de choisir la chose la plus précieuse à protéger en ce monde, il choisirait toujours et avant tout Zelda.

Ce qui l’inquiétait le plus au monde, c’était qu’elle soit un jour prochain affligée de la même maladie qui avait emporté la Reine-Mère sans prévenir. Zachary ne pourrait alors rien faire pour lui venir en aide, lui qui s’était entraîné corps et âme afin de devenir assez fort pour être choisi comme protecteur de la Couronne. D’ailleurs, la seule raison qu’il avait trouvé à cette tragédie, au plus profond de sa foi, était que cela les rendrait tous plus forts. Dans le cas contraire, il y aurait de quoi se demander si Hylia n’avait pas abandonné ceux qui avaient pourtant sa bénédiction depuis toujours, suivant cette tradition de nommer les suzeraines à venir en l’honneur de Zelda première du nom.

« J’admets ne m’être jamais posé la question. Elles en auraient des histoires à nous raconter … »

Et ils n’auraient alors plus à se demander ce qu’ils avaient fait pour mériter que le ciel soit baigné de sang, eux pauvres mortels. Finalement, peut-être que le grand blond avait autant besoin de cette douce distraction que l’inverse, car il demeurait pensif et inquiet devant tous ces nouveaux événements qu’il préférait méditer dans sa tête pour le moment. La main sur son bras le tira hors de ses questions silencieuses et l’encouragea donc à poursuivre son œuvre bien qu'il ne soit pas particulièrement confiant en ses capacités, ce qui était fort rare chez le jeune prince.

« Je n’ai pas souvent eu l’occasion de pratiquer alors il faudra te montrer indulgente, princesse. »

Zachary lui adressa un petit clin d'œil complice au titre honorifique, signe qu’il n’était pas vraiment sérieux ni inquiet. Elle pouvait se sentir privilégiée d’être témoin de ses talents ! L’aîné de leur génération se concentra sur la bougie qui lui offrait déjà une source de lumière au lieu de la créer de toute pièce dans les moindres particules de l'air tel qu'un peu plus tôt. De ses longs doigts forts pouvaient alors naître des formes d’abord maladroites, mais qui finirent tant bien que mal par ressembler aux animaux préférés de la jolie blonde, un pli de concentration venant se loger sur le front anguleux de son gardien sans qu’il ne s’en rende compte. Il s’inclina bien bas en riant lorsqu’il termina son spectacle improvisé dans une nuée de papillons qui, il l’espérait bien, emportaient avec eux toutes les dernières traces de cauchemar, acceptant même toute taquinerie qui pourrait lui être adressée.

« Tu veux essayer ? »

La suggestion le surprit presque autant qu'elle, mais après tout, si cela pouvait continuer à la faire sourire ... C’était une denrée nécessaire pour traverser la nuit qui semblait si noire et pleine de dangers. Zelda pouvait tout à fait continuer sur sa lancée sans faire appel à ses propres dons, après tout, son rayon lumineux avait plutôt tendance à être offensif et il valait mieux ne pas refaire la décoration de ses appartements sinon on allait vraiment croire qu’il y avait eu une attaque cette nuit. Au demeurant, c’était une raison de plus pour se montrer admiratif de celle qui était devenue sa précieuse petite sœur à ses yeux.

« Si tu crois vraiment que tu n’es pas à la hauteur de cet avenir qui t’attend … Tu peux au moins te rassurer quant au fait que tu ne peux pas faire pire que moi, Zelda. » souffla-t-il dans un soupir mi moqueur avant de récupérer un coussin où s’installer près du lit, après tout, il faudrait bien le regagner à un moment ou l'autre pour la jeune fille. Il n’était pas très doué avec la magie, il n’était pas toujours présent aux célébrations sauf obligation, il ne tenait pas en place, tout simplement. Et surtout, comme on se plaisait à le lui rappeler trop souvent à son goût, il n’avait pas encore pris d’épouse. Était-il trop dur envers lui-même ? En voilà un cordonnier mal chaussé.

« Nous ne pouvons que faire de notre mieux, dans la vie, et je sais que tes intentions sont pures, alors je ne suis pas inquiet. » C’était de sages paroles que lui répétaient souvent Eleanor, il jugeait alors bon de les partager à sa cousine qui se sentait un peu perdue. Pouvait-il faire autre chose pour lui venir en aide, lui apporter un verre d’eau peut-être ou juste rester à ses côtés ? Elle pouvait tout lui demander. Il décrocherait la lune et les étoiles pour ce petit diamant au cœur grand comme le monde, car au-delà de son devoir, il avait appris à l’aimer et la chérir profondément, son doux sourire illuminant chaque pièce où elle se trouvait. Cela ne rendait que son travail plus difficile et crève-cœur tandis que Zachary devait alors imaginer le moindre mal qui pouvait lui être infligé afin d’être prêt à agir, quoi qu’il advienne, quel qu’en soit le prix à payer.

Ainsi donc, Zelda croyait qu’il n’était question que des formes créées parmi les ombres ? Son cousin n’eut pas le cœur de la contredire, baissant doucement la tête avec un petit sourire contrit avant que leurs mains se rejoignent à nouveau pour le réconforter à son tour avec un peu de chaleur humaine. De toute façon, dans le cas contraire, son discours aurait sans doute abondé dans le même sens. La fille de Rhoam et Myranda était la bonté incarnée, autant envers sa famille que tout ce grand monde là dehors qui lui était bien étranger. En effet, il lui restait sans doute quelques leçons de maturité à recevoir avant d’être prête à saisir les rênes du royaume mais ce n’est sûrement pas Zachary qui pourrait lui en tenir rigueur.

« Moi de même. » approuva-t-il, répondant enfin à son doux sourire par l’un des siens, tout aussi lumineux. Il espérait que Hylia saurait guider ses pas, tout comme les enseignements de la haute société de la Cour, bien qu’il possède un esprit fougueux et indomptable.

Pour ce qui était de s’attarder ici, l’aîné secoua sa tête blonde. Il ne désirait pas entendre ces excuses plus longtemps. Cela lui faisait plaisir. Vraiment ! Quelqu’un devait bien prendre soin d’elle non ? Néanmoins, Zachary ne pouvait pas nier que la fatigue commençait tout doucement à le rattraper. Ses paupières se faisaient plus lourdes au fil de la discussion et cela devait être la même chose pour la petite princesse. Il n’y avait rien de mieux pour accomplir son but et changer les idées à Zelda que lui raconter une histoire afin qu’elle retourne poser paisiblement la tête sur son oreiller, puisqu’il n’avait pas de chant à lui offrir. Cela lui aurait demandé plus d’énergie.

« Est-ce que je t’ai déjà montré les esquisses que j’ai tâché de faire dans mes carnets de voyage ? » Elle était bien la seule qui ait le privilège de connaître sa passion secrète et surtout d’avoir pu voir ses croquis. La flore était plutôt réussie, sans vouloir se vanter. « Les étoiles semblent plus brillantes lorsqu’on les observe au pied des montagnes vertigineuses. »

Cela valait autant pour Hébra que pour les Landes ou Ordinn d’ailleurs. Et les gens ! Tant de coutumes étranges et fascinantes pour l’Hylien. Il avait fait de bonnes rencontres qui avaient accepté de partager leurs mythes et légendes, des personnes qu’il espérait pouvoir croiser de nouveau un jour … et d’autres un peu moins, après tout, ce n’était qu’un grand concours de circonstances, et il était bien né, ce qui pouvait créer de la méfiance ou de la jalousie. Mieux valait ne pas s’attarder sur ces expériences ! Zachary aurait pu lui raconter toutes sortes de péripéties, mais il ne souhaitait pas l’attrister à l’idée qu’elle n’aurait peut-être jamais la chance de voir tout ce qui se trouvait au-delà des murailles de la Citadelle. Alors, il pouvait au moins lui prouver qu’il n’était pas nécessaire d’aller très loin pour vivre une aventure. Il continua de s’efforcer à la faire rire ou simplement à répondre à ses questions, amusé par sa curiosité tant qu’elle ne recommence pas à la réfréner subitement en sa compagnie, jusqu’à ce qu’il ne parvienne plus à réprimer un bâillement, les yeux à demi-clos, déposant sa tête contre le matelas, ses bras croisés lui servant d’appui. Il avait déjà décidé qu’il ne bougerait pas d’ici. Il était assez grand pour supporter quelques raideurs au cou et au dos si c’était nécessaire. C’était déjà plus agréable que dormir à la belle étoile, et il ne se serait pas permis de s’allonger aux côtés de sa cousine à moins qu’elle n’insiste pour lui faire une place. Cela n’aurait pas été convenable. Peut-être n’était-il pas nécessaire d’insister énormément pourtant. Il faudrait juste faire vite cependant avant que son souffle ne devienne plus régulier et profond, ses cheveux de blé soulevés au même rythme que ses épaules. Zelda n’était pas la seule à avoir du mal à s’endormir ces derniers temps, Zachary devait donner de la tête partout et en venait parfois à négliger sa santé, soucieux, lui aussi, et pourtant honoré qu’on ait confiance en lui pour endosser plus de responsabilités. Si au moins son comportement pouvait amuser un peu la jeune fille au lieu de lui rajouter de l’inquiétude supplémentaire ... Peut-être était-ce là ce qui motiverait son congé forcé à la fin de cette lune ? D’autres détails et récits devraient attendre le petit matin, à condition bien sûr que les deux Nohansen ne se fassent pas légèrement réprimander par les dames de compagnie, ou même leurs parents, car ils n’étaient plus des enfants … Mais demain serait un autre jour. Pour le moment, aucune inquiétude ne viendrait troubler davantage cette nuit.

Il ne restait plus qu’à souffler sur la bougie.