Melka : Le courroux de l'Avatar - Partie 2

Les jours qui avaient précédé leur arrivée à Melka avaient été épuisants. Pourtant, pas une fois le Zora ne s'était plaint de la douleur dans ses jambes ou de sa fatigue. A vrai dire, maintenant qu'il avait adopté un esprit davantage Yiga qu'à son arrivée, les plaintes franchissant ses lèvres avaient été rares, la simple présence d'Eluna le dissuadant d'essayer de nage à contre courant.

« Nous y sommes. » souffle t-il en observant les maisons au loin derrière les champs, prêtes à prendre feu sous leur signal. Sous le foulard qui entourne son cou et venant cacher ses lèvres et son nez pour plus de discrétion, Talirian sourit. Il pose son regard sur sa binôme, dont la présence lui est presque devenue supportable. Il n'aurait pas imaginé être avec une autre personne en ces lieux, et surtout pas être à Bourg-Clocher ou Elimith où les autres Yigas se battraient bien moins discrètement qu'eux. Vêtu d'une tenue sombre, il est loin d'avoir la même allure que le jour où elle l'a trouvé dans ce cabanon.

Il s'empare de sa lyre au fond de sa sacoche et observe les épis de blé qui s'étendent à la ronde. « Nous allons devoir nous approcher. La tempête s'abattra sur une centaine de mètres aux alentours. Les blés secs prendront feu, alors, plus je serais proche des maisons, moins ils auront le temps de fuir. Le vent emportera le feu et ne fera qu'une bouchée de ces champs. » explique t-il en fronçant les sourcils, sérieux. Son esprit divague quelques secondes le temps de lui rappeler qu'il connait quelques personnes à Melka, mais les oublie aussitôt pour se concentrer sur sa tâche. « Pour ta sécurité, tu ne pourras pas rester à mes côtés. Mais je ne quitterais pas Melka avant de t'avoir retrouvé. » Il serait mal barré, si Eluna se prenait la foudre par sa faute. Quand il aura commencé à jouer, sa musique résonnera et des habitants curieux sortiront. Il lui faudra rapidement rejoindre Eluna ou fuir, mais il ne doute pas de leur capacité à réussir. En revanche, ce qui l'inquiète, ce sont les conséquences de sa magie. Il n'a jamais poussé le vice jusqu'aux cent mètres à la ronde, son corps va subir un sacré choc. « Profite en pour faire ce que tu sais faire de mieux. » Ce n'est pas un ordre, juste un conseil. S'il lui ment sur ses propres capacités, elle le paiera de sa vie, et il ne le supportera pas. « Quelque chose à ajouter ? » demande t-il, trop concentré pour faire preuve d'humour. Le temps court, et les rattrape. Ils rentreront victorieux pour Ganondorf, ou ne rentreront pas. D'un geste sec, il rabat la capuche sur sa tête, prêt comme jamais à mettre le feu au Royaume.

Talirian hocha la tête, déterminé. S'il substituait l'ombre d'un doute dans son esprit, elle venait bel et bien d'être effacée d'un regard. Seule brûlait dans son regard une flamme nouvelle, une étincelle embrasée par les Yigas. La voilà, la mission qui le rapprochera de sa défunte promise. Elle exécutait sûrement ce genre de mission à moins grande ampleur, sans en pleurer, sans faire porter son fardeau à ses proches. Et étrangement, depuis qu'il avait intégré ces rangs, le cœur du Zora s'était enfin allégé, comme s'il avait trouvé une raison d'être après les malheurs qu'il a pu traverser.

Prêt à se mettre en route, il attend néanmoins qu'Eluna ait pris le chemin en premier. Quand leurs regards se croisèrent, le brun esquissa un léger sourire, comme si l'amertume qu'ils se portaient avait presque entièrement disparu. Bien qu'il en resterait toujours un peu au fond d'eux, Talirian était soulagé de savoir que leur relation prenait un chemin plus tranquille que les débuts. Il avait été atroce les premiers jours, mais avait fait d'énormes efforts par la suite en comprenant qu'elle lui avait fait une grande faveur. Hors de question de la laisser perdre la vie parce qu'il est incapable de se tenir droit. « J'ai autant envie de mourir que toi. C'est-à-dire, aucunement. » Il hoche la tête et la regarde partir de son côté tandis qu'il se fraye un chemin du sien. Il trébuche quelquefois et s'étale au sol à cause d'un gros caillou mais finit par se redresser et s'élancer dans les champs, au plus proche des premiers maisons. Il jette un coup d'oeil au pauvre chien endormi et file s'asseoir à quelques mètres de là. Après avoir touché la terre et s'être assuré que c'était encore assez sec pour brûler, il sortit sa lyre et après une grande respiration, ses doigts entamèrent une mélodie. Peu discret, mais c'est ainsi que sa magie est faite. Il servira de distraction et la rousse pourra frapper de son côté.

Grand sourire aux lèvres, il poursuit sa mélodie précautionneusement, et peu à peu, les nuages se forment au dessus de lui. D'abord blanc, leur danse devient gris profond, accompagné de son humidité et d'un bruit de tonnerre. La zone s'étend alors que les notes gagnent en vitesse, et Tali pointe le nez en l'air pour observer sa magie à l'œuvre. Après quelques secondes de patience, un premier éclair frappe le sol à quelques mètres de lui. Le pauvre chien qui était là se retrouve touché et s'écroule, comme raide mort. Une grimace traverse le visage du brun, et finalement, le chien est frappé d'un deuxième coup. Il se met à aboyer et se rue sur Tali, qui lâche sa lyre quelques secondes pour brandir la dague à sa ceinture. Après avoir roulé sur quelques mètres en se débattant avec la bête, il lui étripe le ventre d'un coup sec, répandant son sang sur sa tenue sombre. Il le pousse à côté en grognon alors que son pouvoir a perdu de l'ampleur. Il ui faut se concentrer pour que la tempête reprenne, et ce, malgré le mal de crâne qui commence à lui troubler la vue. De nouveaux éclairs tombent autour de lui sur une zone de cinquante mètres à la ronde, et un éclair parvient à déclencher les premières flammes. Grand sourire aux lèvres, le Yiga, car c'est comme tel qu'il se sent en cet instant, baigné du sang de sa première victime, contemple les flammes qui continuent à se créer dans le champ à chaque nouveau coup de tonnerre. Eluna va être fière de lui.

L'odeur de brûlé et la fumée qui l'accompagnent commencent à s'étendre tout autour de lui. En quelques secondes, les blés disparaissent et la chaleur augmente. Il sent sur son front perler une goutte de sueur alors qu'il continue à jouer, terminant la mélodie avec soin. Comme des dominos, les blés s'enflammeront les uns après les autres, pour ensuite s'étirer vers les maisons. Son but serait de ramener un peu de ce feu vers les logements, et pour ça, il allait devoir s'en approcher. Rangeant son instrument dans son petit sac, Talirian se recouvre la bouche avec le foulard autour de son cou et rabat sa capuche sur sa tête pour plus de discrétion. La sécheresse des lieux lui pique la gorge, mais il n'a plus le temps de réfléchir. Ils sont deux, et ils ont un village à détruire.

Rapidement, il se met à courir au dessus de lui, le temps est clair, pas un nuage à l'horizon. Pas de vent, ce qui veut dire que les flammes pourraient avoir du mal à s'étendre vite, mais au moins, il ne pleut pas pour l'éteindre soudainement. Alors que ses jambes avancent, mais bien vite, il se rend compte qu'il est encerclé par le feu qu'il a lui-même lancé. Un râle de désespoir traverse sa gorge et il se met à analyser les situations autour de lui. Soit il meurt ici, se laissant dévorer par les flammes et jamais il ne pourra avouer que... Soit il tente malgré tout de s'en sortir. Ses écailles ne sont certainement pas à l'épreuve des flammes, mais ses poumons le sont encore moins au gaz qui s'échappe et risque de l'asphyxier. « Ok, j'ai plus le temps de réfléchir. Je t'en supplie, cher Avatar, sauve-moi. » souffle le Zora en respirant un grand coup. Il est un Yiga, et il est fier de l'être devenu. Chaque pas de course supplémentaire fait monter l'adrénaline dans son sang et au bout de quelques secondes, toutes les pensées rationnelles ont laissé place à son envie dévorante de vivre au delà de ce mur de feu. Ainsi élancé, le brun parvient enfin dans cette barrière qui lui brûle chaque pore de la peau. Loin de s'arrêter, il continue de courir et quand enfin il est de l'autre côté, il s'élance en avant et fait une roulade dans les blés pour éteindre les flammes qui pourraient encore être accrochées à lui. Le son de sa respiration n'est plus qu'un lourd halètement alors que la chaleur ne quitte pas son corps en surchauffe. Et d'un coup, il sourit, levant les bras en l'air en criant à voix basse : « Je suis vivant ! Par l'Avatar, je suis vivant ! » Mais ses yeux se posent sur ses paumes et d'un coup, il réalise le rouge inhabituel de sa peau, des cloques et de la douleur irradiant. La situation aurait pu être pire, mais il se sentait quand même touché au plus profond de lui. Pour chasser cette horreur, il attrapa ses dagues et s'entailla profondément les paumes de chaque main avant de les enrouler avec un bout de sa cape. Une plaie lui permettra de taire la douleur de la brûlure, le temps d'avoir des onguents dans les mains.

« Oh mon dieu ! Non, non, non, non, non ! » entend-il hurler à quelques pas de lui. Il se redresse à la vitesse de l'éclair, tel que ses entraînements le lui ont appris, et plonge son regard dans les yeux de la femme qui l'a vu traverser les flammes. Elle tremble et semble complètement paniquée. Il sourit, parce qu'il est en vie, mais comprend qu'il ne fait que de la terroriser davantage. Il n'a pas le temps. Il doit faire avancer les Yigas, il doit créer la panique pour rejoindre plus tard Eluna. Rien ne gâchera cette chance. S'il est là, c'est parce qu'inconsciemment, il veut rester à ses côtés. Son esprit transformé par les entraînements dans le désert, il n'hésite qu'une fraction de seconde quand elle trébuche en reculant. Il envoie la dague encore en main dans la gorge de cette pauvre femme, qui s'écroule sous le choc. S'approchant, il récupère sa lame, venant fermer ses yeux en soupirant. Sa première mort, et pourtant, il sait qu'il n'a pas le temps de s'apitoyer sur son sort. Pire, c'est comme s'il ne réalisait pas ce qu'il avait fait. « Je te laisserais me tuer dans une autre vie. » murmure-t-il en reprenant sa route dans le village, sans un regard en arrière. Mais déjà, alors qu'il s'éloigne, ses doigts se mettent à trembler. Il a tué quelqu'un. Son père ne le pardonnera jamais.

Lancés de dé
➤ 1 Dé Aventure : temps clair
➤ 1 Dé oui ou non : Talirian doit traverser le feu, il n'y a pas de zone sans flammes.
➤ 1 Dé 100 : Talirian traverse le feu mais se brûle les mains.
➤ 1 Dé Aventure : témoin de la scène
➤ 1 Dé 100 : Il tuera la femme d'un couteau lancé dans la gorge

Alors qu'il poursuivait tranquillement sa route dans une rue déserte, Talirian se met légèrement à trembler. Son crâne semble cogner plus fort que ce qu'il aurait voulu, son coeur tambourine tellement qu'il craint qu'on ne le repère. Il faut qu'il retrouve Eluna. Il ignore ce qu'il peut faire de plus, rattrapé par la soudaine réalité de ses actes. Ralentissant, il prend une profonde inspiration, se faisant violence pour ne pas se retourner et observer le corps qu'il venait d'assassiner. Et quand enfin il trouve le courage de faire un nouveau pas, une silhouette passe à côté de lui, lui mettant une fiole entre les doigts. Clignant des yeux plusieurs fois, le Zora ouvre la bouche pour parler puis la referme, observant la silhouette disparaître comme si de rien était.

Ses yeux se posent sur l'objet de sa convoitise et il comprend aussitôt que la boire l'aidera. Sourire en coin, il la décapsule et l'avale sans attendre, restant immobile quelques secondes le temps que l'effet se fasse sentir. Enfin, un picotement traverse son corps et plus particulièrement ses mains. Il retire le tissu qui les recouvre pour constater que les brûlures ont disparu, et le tambourinement dans son crâne s'est calmé. Malgré tout, l'épuisement est palpable. Utiliser ses pouvoirs à grande échelle dès le début n'avait pas été judicieux, bien que nécessaire.

Sans attendre, le bouclé se remet en route d'un pas plus rapide à travers Melka. Il peut entendre l'agitation tout autour de lui, les gens qui hurlent, ceux qui fuient, ceux qui pleurent. Il a atteint la place principale du village, et déglutit en voyant qu'il est en plein milieu de l'attention. Il se cache davantage sous sa capuche et son foulard, grimpant sur une charrette renversée pour qu'on le regarde. Les quelques personnes ici tournent la tête vers lui. Quitte à être vu, autant en profiter. « Que les âmes qui brûlent aujourd'hui soient livrées à l'Avatar du Néant ! » Bras levé vers le ciel, dague tendue pour exhiber le sang qui embellit sa couleur argentée, il veut que sa voix porte, que sa colère se déverse sur ceux qui voudront bien l'écouter. « Votre faiblesse vous tuera. Vous pensiez être en sécurité ? Vous pensiez être capable de vivre sans prendre part à aucun combat ? Vous êtes lâches ! Gloire aux Yigas, gloire à l'Avatar ! » Le nom de l'avatar résonne, il sent ses poumons manquer d'air tant prononcer ces mots. La seconde suivante, un objet lourd lui heurte le dos et il bascule dans la terre, sa capuche quittant sa chevelure qu'il peinait à cacher. Un homme se rue alors sur lui, mais Talirian est tellement empli de rage qu'il en oublie la douleur des coups. Son instinct de survie réveillé, il se lance dans ce combat au corps à corps, laissant sa mémoire musculaire faire son travail. En tant que soldat, il a appris à se battre. Il lui décoche un coup à la mâchoire, un autre à la tempe, en réceptionne un dans le ventre avec beaucoup de peine, et l'enchaînement se poursuit jusqu'à ce que le paysan ne s'épuise. Sans une once d'hésitation, il l'assomme et prend ses jambes à son cou, repoussant brutalement et assommant ceux qui se mettent en travers de son chemin. Après avoir réussi cet exploit, il trouve une maison abandonné et vient se caler à l'arrière, contre le mur, pour reprendre son souffle et ses esprits.

Lancés de dé
➤ 1 Dé aventure : désavantage